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#1 08/04/2018 12h02
- ZeBonder
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Grâce à une publicité vue sur un site d’actualités financières, j’ai eu connaissance d’un salon professionnel de fournisseurs de services dédiés au Forex et autres joyeusetés.
Ledit salon se déroulé à … Limassol à Chypre et parmi les guest stars, on trouve des responsables de la CySEC ( l’AMF chypriote qui autorisait les yeux fermés les brokers FX et options binaires Israéliens ), un avocat d’une plateforme d’options binaires …
L’accent semble être mis cette année sur la fourniture de plateformes et d’outils dédiés aux crypto-monnaies parce qu’apparemment les options binaires et le forex ne sont plus à la mode.
Attention, c’est un vrai salon avec de vrais exposants professionnels comme IG ou d’autres vrais brokers mais je vous laisse quand même jeter un coup d’œil sur les autres exposants et sponsors.
May 22-24, 2018 Limassol, Cyprus - iFX EXPO International 2018
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#2 08/04/2018 12h39
- Scipion8
- Membre (2017)
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Bonjour,
J’ai travaillé à Chypre en 2013-2014 comme inspecteur de la "Troïka" (FMI, Commission européenne, BCE), dans l’équipe chargée du secteur financier. A l’époque les priorités de la Troïka étaient clairement :
1) nettoyer / restructurer le système bancaire (ce qui a été fait, douloureusement, avec notamment un bail-in des dépôts au-dessus de 100k€ dans les 2 plus grandes banques)
2) renforcer la supervision bancaire, qui avait été clairement déficiente (par exemple sur les prêts bancaires à des parties liées, le traitement des créances en souffrance, la gestion des banques par les banques…)
3) renforcer les mécanismes de lutte anti-blanchiment / anti-financement du terrorisme (AML/CFT = Anti Money-Laundering / Counter Financing of Terrorism), également jusqu’alors très déficients
Donc les activités financières "exotiques" du type brokers FX / options binaires sont un peu tombées dans "l’angle mort" de la Troïka. Perso j’interprète le développement de ces activités à Chypre comme le résultat des restrictions nouvelles (sous l’oeil de la Troïka) dans le secteur bancaire chypriote : les activités risquées se sont déplacées en dehors du secteur bancaire.
Du point du vue "orthodoxe" d’institutions comme la BCE, l’essentiel est (à tort ou à raison) de protéger le système bancaire, en le protégeant des activités ultra-risquées (voire douteuses) par des barrières hermétiques. Si ça amuse les gens de perdre leur argent sur ces activités sans que ça affecte le système bancaire, la BCE ne s’inquiète pas. Je suis plutôt rassuré de voir que les banques chypriotes ne figurent pas parmi les sponsors ou exposants de ce salon…
Il faut comprendre que les autorités chypriotes voient les services financiers (avec le tourisme) comme l’un des piliers essentiels de leur économie. De fait, Chypre ne manque pas d’experts financiers parfaitement anglophones, avec une bonne culture financière (l’héritage britannique) - rien à voir avec la Grèce, par exemple (sans vouloir mépriser personne). Les Chypriotes se considèrent aussi très bien positionnés, comme un business centre, un point de contact, entre 3 univers : l’UE, la Russie et le Proche-Orient (Israël et pays arabes). L’instabilité politique dans les pays arabes et la répression fiscale en Russie (la crainte de confiscations) ont permis à Chypre de regagner de la crédibilité comme centre financier beaucoup plus rapidement que je ne l’aurais cru moi-même. Donc même après l’épisode traumatique du bail-in en 2013, développer les services financiers demeure une priorité pour les autorités chypriotes.
J’espère juste que Mme Kalogerou, à la tête de la CySEC, ne répètera pas (trop) le laxisme des superviseurs bancaires chypriotes avant 2013. Elle doit connaître ces risques, pour avoir participé au processus douloureux de restructuration des banques en 2013.
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#3 08/04/2018 14h00
- ZeBonder
- Membre (2012)
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Vos éclaircissements sont intéressants mais la Cysec a malheureusement eu une réputation de laxisme envers les brokers véreux Israéliens
Et l’agrément Cysec avait permis à ces brokers exotiques de pouvoir travailler "sereinement" dans toute l’union Européenne.
Est ce qu’on a des statistiques sur le haircut Chypriote ? ( combien de clients rincés, montant des avoirs "effacés" … )
Le remède fut violent mais semble avoir porté ses fruits, dommage que ça n’ait pas été fait en Grèce mais ceci est une autre histoire.
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2 #4 08/04/2018 17h30
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
Le bail-in des dépôts à Chypre (concernant les 2 plus grandes banques du pays, Bank of Cyprus et Laiki, qui ont été alors fusionnées) représente 7,9 milliards €, soit 11% des dépôts totaux dans le système bancaire chypriote avant la crise.
Pour les déposants chypriotes, cela représente une perte de 3,2 milliards €, soit 7,5% de leurs dépôts totaux avant crise. (Le reste venant des déposants non-chypriotes, notamment russes.)
Le bail-in représentait 47,5% des dépôts non assurés (>100k€) chez Bank of Cyprus, et 100% chez Laiki (dont les "bons" actifs ont été récupérés par Bank of Cyprus).
Par exemple, un déposant ayant 200k€ en dépôts chez Bank of Cyprus et 200k€ en dépôts chez Laiki (soit au total 400k€) se retrouvait avec : 100k€ + 100k€ + 52,5k€ = 252,5k€ en dépôts chez la "nouvelle" Bank of Cyprus, plus des actions de Bank of Cyprus sans grande valeur.
En outre, 37,5% des dépôts non assurés chez Bank of Cyprus ont été temporairement bloqués, par conversion en dépôts à terme (sans retrait possible) de maturité 6, 9 et 12 mois (finalement ces dépôts ont été débloqués, sans perte pour les déposants).
Outre le bail-in des dépôts non assurés, il y a eu un bail-in de la dette subordonnée (essentiellement détenue par des épargnants chypriotes) pour un montant de 1 milliard €.
Une étude montre que sur les ménages chypriotes avec >5k€ de dépôts bancaires, 54% ont subi des pertes : 17% via le bail-in des dépôts, 14% via le bail-in des obligations, et 37% via des pertes sur actions.
C’est vrai que ça a été violent, surtout pour les entreprises chypriotes qui avaient placé leur liquidité dans ces banques, et qui ont subi en outre pendant des mois les effets des restrictions sur transactions. Je pleure moins sur les gros épargnants étrangers (notamment russes) qui avaient placé là leur argent pour des raisons d’évasion fiscale (ou pire). Malheureusement, pour des raisons légales il était impossible de séparer le bon grain de l’ivraie (les seules exemptions au bail-in ont été accordées à des organisations caritatives ou para-gouvernementales, et encore c’était compliqué).
Ce qui est étonnant, c’est que les épargnants étrangers (russes etc.) sont rapidement revenus vers le système bancaire chypriote. Il faut voir que le bail-in chypriote, même violent, était perçu comme moins dangereux que la menace permanente d’expropriation que subissent les gros épargnants en Russie…
Sur la CySEC, c’est clair qu’ils beaucoup plus "tolérants" avec les produits exotiques (pour être poli) que les régulateurs des autres pays de l’UE. Cela dit, ils semblent vouloir un peu resserrer les boulons sur les options binaires. Perso, je pense qu’on ne peut pas s’attendre à ce qu’ils deviennent très rigoureux par eux-mêmes : si l’UE veut encadrer l’usage de ces produits, c’est au niveau européen que ça devrait se faire, la CySEC devant alors suivre.
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#5 08/04/2018 17h58
- sissi
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M.erci pour ces infos tres intéressantes.
Avez vous une idée des sommes perdues par les retraites anglais installes a Chypre ou autres europeens retraites? Certains Brits ayant transfère toutes leurs économies a Chypre apres être devenu résident.. je me souviens de la panique sur les forums expats!
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#6 08/04/2018 23h25
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
@Sissi : Dans mon travail je n’avais pas de données par nationalités de déposants (sauf une répartition résidents / non-résidents, que je suivais au jour le jour), mais j’avais des données de dépôts par devises. Si je me souviens bien, les dépôts en GBP ne représentaient que 1-2% des dépôts ciblés par le bail-in, beaucoup moins que les dépôts en RUB (et a fortiori, EUR, évidemment). [Quand on a vu que les dépôts non-résidents, et notamment en RUB, commençaient à "se tailler", ça a sans doute accéléré la prise de décision…]
Je pense que les citoyens britanniques, effectivement nombreux à Chypre, ont été assez peu touchés par le bail-in, pour 2 raisons essentielles :
- ils étaient plutôt sous-pondérés dans les dépôts ciblés par le bail-in (Bank of Cyprus et Laiki) en raison de la présence à Chypre de Barclays (apparemment Barclays a quitté l’île en 2016) - contrairement aux déposants russes que ces 2 banques ciblaient particulièrement (en leur offrant des "services" borderline éthiquement, devrais-je dire). Contrairement aux Russes, les Britanniques, pour la plupart, n’avaient pas placé leur argent à Chypre pour des raisons d’évasion fiscale, mais bien parce qu’ils y séjournaient effectivement, par exemple pour la retraite (c’est un petit paradis, effectivement).
- je pense que les épargnants britanniques, en 2013, étaient plutôt bien "éduqués" en termes de risque bancaire, "grâce" aux précédents de Northern Rock et RBS en 2008, et aussi aux pertes subies sur les banques islandaises en 2007-2008 (les produits d’épargne Icesave, qui ont créé tout un contentieux entre Royaume-Uni et Islande). Pour la plupart, ils ne se sont pas laissés piéger dans le cas chypriote, peut-être en rapatriant leurs économies à temps, ou bien en les répartissant sous le seuil de 100k€ entre banques chypriotes (dont Barclays).
Il faut aussi se souvenir que la première mouture du bail-in (finalement abandonnée, et bien heureusement à mon avis) aurait touché l’ensemble des banques chypriotes (une sorte de "taxe" exceptionnelle), et non uniquement les 2 banques qui nécessitaient une restructuration / recapitalisation d’urgence. Dans ce scénario-là (heureusement évité), les Britanniques résidant à Chypre auraient été bien plus touchés (par exemple ceux avec des dépôts à Barclays…). Cette option avait été envisagée un moment par les autorités chypriotes (peut-être influencées par les intérêts privés très puissants, y compris étrangers, représentés à Bank of Cyprus et Laiki) - mais elle aurait été bien pire en termes de stabilité financière et a été finalement rejetée au profit d’un bail-in plus ciblé.
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#7 12/04/2018 20h51
- stokes
- Exclu définitivement
- Réputation : 284
Scipion8, même si ma mémoire est peut-être un peu défaillante, il me semble que cette 1ère mouture du "bail in" aurait touché toutes les banques et tous les déposants, même les plus modestes d’entre eux, ce plan initial étant soutenu par l’Eurogroupe dont faisait à l’époque partie le "socialiste" Moscovici…..
Je me souviens aussi, cette fois avec certitude, que le gouverneur de la banque centrale chypriote répondait du prénom de "Panikos"….cela ne s’invente pas !
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#8 12/04/2018 23h08
- ZeBonder
- Membre (2012)
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Autre point, il y a eu à l’époque une rumeur comme quoi la BCE a envoyé des containers entiers de cash vers Chypre pour faire face à un éventuel bank run, est ce que vous confirmez ou vous ne pouvez pas trop en parler ?
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2 #9 13/04/2018 00h25
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
@Stokes : Je confirme, la première mouture du bail-in chypriote était conçue comme une sorte de "taxe" s’appliquant à tous les dépôts bancaires du pays, avec un "taux d’imposition" (en fait un taux de bail-in) inférieur pour les dépôts <100k€ (normalement assurés) par rapport aux dépôts >100k€ (non assurés).
Fort heureusement, cette idée a été abandonnée. Elle aurait été très mauvaise pour la stabilité financière (à Chypre et ailleurs dans la zone euro) à 2 titres :
- Faire payer les clients des banques "vertueuses" pour les erreurs des banques "irresponsables" aurait été injuste et aurait facilité la contagion.
- Faire un bail-in de dépôts assurés (outre les aspects de justice sociale que vous évoquez) aurait compromis la crédibilité des garanties nationales des dépôts dans la zone euro, avec des effets déstabilisateurs immédiats.
Je ne sais pas trop pourquoi cette solution pour moi évidemment mauvaise avait été un moment envisagée :
- Une explication éventuellement légitime serait le souhait d’épargner de nombreuses entreprises chypriotes, dont les dépôts bancaires à Bank of Cyprus et Laiki dépassaient 100k€, et qui ont été particulièrement affectées par le bail-in : avec le bail-in première mouture, l’impact négatif pour elles (donc a priori l’impact macroéconomique du bail-in) aurait été un peu dilué.
- Une explication moins légitime (mais peut-être plus crédible) était peut-être le souhait de préserver les puissants intérêts représentés à Bank of Cyprus et Laiki - une triple alliance assez malsaine entre promoteurs immobiliers, intérêts russes et l’Eglise orthodoxe, avec des relais politiques puissants.
Finalement, le principe du bail-in final (faire un bail-in uniquement des dépôts non assurés uniquement des banques ayant un besoin de recapitalisation d’urgence) a été généralisé quelques années plus tard par la Directive BRRD (Bank Recovery and Resolution Directive) au niveau de l’UE.
Moscovici était effectivement dans l’Eurogroupe à ce moment-là, mais de ce que j’ai compris de mes chefs participant à ces réunions, la véritable force motrice derrière le bail-in était le ministre allemand des finances Schäuble (très hostile à tout engagement de fonds européens).
Panicos Demetriades était effectivement le Gouverneur de la Banque de Chypre. C’est un très bon économiste (ce qui n’est pas le cas, je dois dire, de tous les Gouverneurs dans la zone euro), à la réputation académique établie. Mais, de sensibilité plutôt "de gauche" (positions hétérodoxes sur la politique monétaire, sensibilité keynésienne) et considéré à Chypre comme un intrus (car ayant fait l’essentiel de sa carrière au Royaume-Uni), il a rapidement été isolé et désigné comme bouc émissaire par le Gouvernement chypriote (qui ne voulait pas porter le chapeau pour le bail-in), jusqu’à sa démission forcée en 2014. Je crois qu’il a très mal vécu cet épisode injuste. C’est un homme sympathique et inventif, je me souviens qu’il nous bombardait d’idées de dernière minute dans son bureau la veille du bail-in (pour essayer de l’éviter), m’obligeant toutes les 5 minutes à appeler mes grands chefs à Francfort…
@ZeBonder : Lorsqu’on m’a envoyé à Nicosie (la semaine décisive avant le bail-in), nous devions travailler sur 2 scénarios :
1) Bail-in + bank run
2) Bail-in + contrôles de capitaux
Mon rôle était d’estimer les besoins de liquidité d’urgence (ELA = Emergency Liquidity Assistance, une de mes spécialités) des banques chypriotes dans les 2 scénarios - surtout dans le premier scénario en fait, car dans le 2e les sorties de capitaux étant contraintes ou empêchées par les contrôles, les besoins de liquidité d’urgence sont limités. Même juste avant l’annonce officielle des contrôles de capitaux par le Gouvernement chypriote, j’étais persuadé que le scénario 1 serait choisi, j’avais fait les estimations pour cela et on était prêts à fournir la liquidité d’urgence nécessaire (un montant énorme à l’échelle chypriote, mais somme toute modeste à l’échelle de la zone euro). Mais finalement le Gouvernement chypriote a choisi de mettre en place des contrôles de capitaux, et on a dû injecter à peu près deux fois moins de liquidité d’urgence que l’enveloppe que j’avais estimée.
Effectivement, je confirme que notre équipe comprenait (ce qui est exceptionnel pour un programme FMI/UE) des spécialistes des billets (moi j’étais le spécialiste de la liquidité bancaire : dans un scénario de bank run, il faut effectivement se préparer pour les 2 aspects). Je me souviens qu’ils essayaient d’estimer précisément les stocks de billets, par dénominations (10€, 20€, 50€ etc.) à la disposition des banques et dans les coffre-forts de la banque centrale, pour voir si le système bancaire pourrait faire face à un bank run. Je ne sais pas si des containers de cash ont été envoyés à Chypre, mais effectivement le rôle essentiel de ces collègues était d’assurer l’approvisionnement en cash des banques. Finalement, comme moi pour la liquidité d’urgence, ils ont été "déçus" puisque le scénario de bank run a été empêché par la mise en place de contrôle de capitaux, par exemple la limitation des retraits bancaires à 300€ / jour par déposant, pour une longue période. Ces mesures ont évidemment réduit les besoins d’approvisionnement en cash des banques.
Dans notre équipe, nous avions aussi un expert aidant les Chypriotes sur la définition des contrôles de capitaux.
PS : La gestion des billets est une spécialité bien particulière des banques centrales, généralement déconnectée des sujets de politique monétaire et gestion de la liquidité (sauf sur ce genre de dossiers exceptionnels). Il y a des aspects fun comme cette histoire de container. Un autre exemple est la gestion des billets dans un cas de sortie d’un pays de la zone euro (il a fallu étudier ce scénario lorsque les craintes d’un Grexit étaient au plus haut) : dans ce cas-là, il ne s’agit pas d’envoyer des containers de billets, mais au contraire d’envoyer une opération "commando" de ces mêmes experts avec pour seule tâche de détruire (par le feu !) les stocks de billets € existant dans le pays ! Comme quoi, banquier central ce n’est pas toujours un métier pépère ! ;-)
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#10 13/04/2018 01h12
- ZeBonder
- Membre (2012)
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J’ai été très étonné que le pays regagne aussi rapidement une certaine respectabilité mais c’est sans doute lié au nombre limité de Chypriote réellement impactés par le haircut, une grande partie des "victimes" étaient des Russes à l’argent à l’origine plus ou moins déclarée.
Quid de la Grèce ? Pourquoi pas de bail-in ? ( too big to bail ? )
Pour les containers de cash :
Long Lines as Banks Reopen in Cyprus After Freeze - The New York Times
Earlier, as banks were preparing to open at noon, local radio stations and Twitter messages pleaded for patience, urging people to show patriotic discipline and not to stampede cashier windows. To make sure that there was enough cash on hand, the European Central Bank flew in a container on Wednesday with about 1.5 billion euros, or $1.9 billion, to the Larnaca airport near Nicosia. The container was then taken under police escort to the Cypriot central bank.
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2 #11 13/04/2018 09h07
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
@ZeBonder : Sur les containers de cash : La photo est un peu trompeuse, mais l’article pourrait être exact : si l’histoire est vraie, il ne s’agit que d’un seul container. En fait, avec les plus grosses dénominations (100€, 200€, 500€), on peut faire tenir 1 milliard € dans un coffre de voiture. Mais évidemment, les banques / l’économie ont surtout besoin de petites dénominations (5€, 10€, 20€…), ce qui fait gonfler beaucoup le volume. J’ai été dans une pièce pas très grande où il y avait 4 milliards € en dénominations variées : à mon avis dans un container standard on peut mettre jusqu’à 10 milliards € en dénominations variées si on le remplit bien. Donc largement suffisant pour le 1,5 milliard € mentionné par l’article, la file de camions sur la photo est un peu trompeuse ;-)
Dans tous les cas, il n’y a pas de production de billets € à Chypre (comme dans d’autres pays de la zone euro), donc les billets sont évidemment importés. Les détails du transport sont évidemment classés "secret", donc seuls les experts directement impliqués dans ces questions en sont informés : circulation de l’information "on a need-to-know basis". (Dans les banques centrales l’information est classée en catégories de confidentialité et "compartimentalisée" ; à la BCE les informations les plus sensibles ne peuvent être communiquées de façon électronique, ce qui m’a conduit parfois à me balader dans les couloirs à la recherche des grands chefs avec un dossier papier sous le bras… pas forcément très discret.)
Sur la rapidité du retour de la confiance à Chypre : Franchement, moi aussi ça m’a surpris. Notre hypothèse de travail c’était que les fonds étrangers allaient définitivement quitter Chypre après le bail-in ; au contraire, ils sont revenus assez rapidement. Beaucoup de Chypriotes ont quand même été touchés (voir les statistiques dans un des mes précédents messages sur cette file), même si c’est vrai que les gros déposants russes ont "amorti le choc" pour les Chypriotes. Explications possibles pour le retour rapide de la confiance :
- Dans le contexte régional récent (révolutions arabes / guerre en Syrie, durcissement du régime en Russie / conflit en Ukraine, coup d’état avorté en Turquie…), Chypre apparaît comme un havre de paix (il y a bien la question de la séparation de l’île, mais c’est un conflit plutôt "éteint", avec au contraire des espoirs de réconciliation). Donc pour les riches déposants arabes et russes voulant protéger leur épargne, Chypre demeure attractif, malgré le bail-in (après tout, il suffit de répartir son épargne sur plusieurs banques, jusqu’au plafond assuré de 100k€ par déposant). Il faut aussi voir que la perception du risque dans ces pays (expropriations et faillites bancaires régulières) n’est pas la même que chez nous (où le moindre petit bail-in conduirait à une révolution ?).
- Les Chypriotes ont saisi l’opportunité du programme FMI/UE pour restaurer adroitement leur image de marque. Par exemple, Bank of Cyprus a nommé, sous la pression de la Troïka, un banquier anglais expérimenté comme PDG, qui a contribué à restaurer la crédibilité de la banque (parce qu’avoir un ancien du KGB comme numéro 2 du conseil d’administration après le bail-in nous rassurait moyennement). Les efforts faits pour nettoyer le système bancaire des pires cas de blanchiment d’argent (voire financement du terrorisme), sous la pression des autorités US et européennes, ont sans doute amélioré la crédibilité du système bancaire chypriote.
- Surtout, les Chypriotes continuent de faire de la finance une priorité stratégique de leur économie, et d’attirer en masse les riches étrangers (possibilité d’obtenir un passeport chypriote pour les étrangers qui investissent 1M€ ou plus à Chypre…). Dans le contexte tendu entre Occidentaux et Russie, un passeport d’un pays de l’UE est un trésor pour de nombreux Russes.
Sur l’absence de bail-in en Grèce : Il faut voir que le bail-in chypriote est surtout le résultat de l’exaspération allemande après l’accumulation de bail-out successifs (Grèce, Portugal, Irlande) avec des fonds européens (ce qui est perçu en Allemagne comme en gros des fonds allemands). La presse allemande à l’époque était pleine d’articles sur l’absence de "reconnaissance" des Grecs (mais bon, l’austérité qui accompagnait les bail-out n’était pas exactement agréable…), le risque que l’Allemagne soit à perpétuité forcée d’accorder des bail-out (notamment à la Grèce), et les problèmes de blanchiment d’argent par les banques chypriotes (avec les méchants Russes etc.).
Donc alors qu’un bail-in n’avait pas été envisagé pour les banques grecques en 2011, deux ans plus tard pour Chypre il était devenu incontournable.
Autres facteurs :
- Le bail-in chypriote n’a pas été une décision facile pour les autorités européennes. On craignait une contagion massive aux autres pays (notamment ceux en pleine récession), qui aurait coûté à l’Europe bien plus que les 8-10 milliards € nécessaires à la recapitalisation des banques chypriotes. Mais politiquement, le bail-in était considéré comme moins dangereux (surtout en Allemagne) qu’un autre bail-out.
- Le contexte est important : jusqu’à l’annonce des OMT (Outright Monetary Transactions) en juillet / septembre 2012 par la BCE, une crise majeure de la dette publique de la zone euro menaçait. Perso, je ne pense pas qu’un bail-in, avec ses effets déstabilisateurs potentiels, aurait pu être réalisé dans ce contexte là : d’un point de vue avantages vs. risques, ce n’aurait pas été raisonnable. Mais après septembre 2012, les OMT calmant les tensions sur la dette souveraine, le bail-in est devenu une option réaliste.
- Les Chypriotes ont aussi "payé" pour avoir "traîné les pieds" : pendant des mois ils ont refusé le programme FMI/UE, qui était pourtant indispensable : les banques étaient insolvables et sous perfusion massive (liquidité d’urgence), l’Etat ne pouvait plus se financer sur les marchés… Ils ont traîné les pieds principalement, à mon avis, pour préserver les intérêts malsains dominant alors les 2 plus grandes banques (et, certains diraient, le pays tout entier). Finalement, c’est la BCE qui a forcé la décision : alors que la liquidité d’urgence est une responsabilité nationale des banques centrales nationales de l’Eurosystème (en l’occurrence la Banque Centrale de Chypre), la BCE a émis une objection à l’apport de liquidité d’urgence par la Banque Centrale de Chypre pour cause d’"interférence avec les objectifs de la politique monétaire de la BCE" [c’est moi qui ai rédigé la note :-) ]. A partir de là, les Chypriotes n’ont eu d’autre choix que de demander un programme FMI/UE, et l’UE (l’Eurogroupe) y a mis comme condition un bail-in.
- Enfin, il faut voir que les causes de la sous-capitalisation des banques grecques ne sont pas les même que pour les banques chypriotes : je n’irais pas jusqu’à dire que les banques grecques étaient bien gérées, mais leurs problèmes ont surtout été causés par des pertes sur la dette souveraine grecque (donc une contagion Etat -> banques). Alors qu’à Chypre, les problèmes des banques étaient surtout dus à des pratiques irresponsables : prêts à des parties liées, pas de recouvrement des créances en souffrance, blanchiment d’argent… (et la contagion était banques -> Etat). Donc il était normal que la solution soit différente en Grèce et à Chypre. Il faut aussi voir que le nettoyage du système bancaire grec a été quand même assez violent : les fonds du programme pour recapitaliser les banques ont été réservés aux 4 banques jugées systémiques, mais les autres ont dû se débrouiller seules, et ont été fermées en cas de sous-capitalisation persistante.
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#12 13/04/2018 09h27
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Scipion8 a écrit :
Un autre exemple est la gestion des billets dans un cas de sortie d’un pays de la zone euro (il a fallu étudier ce scénario lorsque les craintes d’un Grexit étaient au plus haut) : dans ce cas-là, il ne s’agit pas d’envoyer des containers de billets, mais au contraire d’envoyer une opération "commando" de ces mêmes experts avec pour seule tâche de détruire (par le feu !) les stocks de billets € existant dans le pays ! Comme quoi, banquier central ce n’est pas toujours un métier pépère ! ;-)
Vous allez nous rejouer Fahrenheit 451 ! Ce film tiré du roman de Ray Bradbury m’avait laissé sans voix lorsqu’on me l’a imposé à l’école…
Je vous recommande la lecture du "Schtroumpf financier" Scipion8, sans plaisanter, c’est une BD que devrait lire au préalable tout banquier central il est excellent.
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