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#51 17/09/2019 14h48
- johntur
- Membre (2016)
- Réputation : 107
Chlorate,
Si l’euro baisse, il n’y aura gain entre les différents pays européens qui restent avec leurs coûts de productions sans influence sur le delta de change. A l’inverse pourquoi l’Allemagne serait plus intéressée que la France ? Personnellement dans mon entreprise, plus l’euro baisse plus je gagne des marchés à l’étranger et plus j’exporte. Je suis intéressé par une baisse de l’euro. Tant qu’à mes compétiteurs Allemands je dois toujours gagner sur le front des heures de la techno et de l’innovation. Sur ce point il n’y a rien de changer. (Leurs taux horaires restent supérieurs aux miens ce qui reste un atout pour moi)
Bien à vous,
Embrassez tous ceux que vous aimez
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#52 17/09/2019 15h00
- Mewtow
- Membre (2016)
- Réputation : 22
Chlorate, c’est vrai que les politiques de la BCE et de la FED ont un effet indirect sur le taux de change, mais il ne se résume pas à une augmentation des exportations. En réalité, il passe par divers mécanismes (inflation par hausse des prix importés, modification des prix relatifs entre produits domestiques/importés qui entraine un effet-substitution et un effet-revenu). Et il est difficile de faire des commentaires sur le résultat final, tant ces divers mécanismes peuvent avoir des résultats opposés. À ce propos, dire qu’une baisse du taux de change est bon pour l’Allemagne, neutre pour la France et mauvais pour les pays du sud est quelque peu cavalier.
Sinon, on ne peut pas dire que la BCE et la FED manipulent leur monnaie pour les raisons suivantes. La banque centrale chinoise intervient directement sur le marché des change et fixe un taux de change administré par l’état. Elle ne fait dans le but d’influencer son commerce extérieur, ses exportations, sa place dans le commerce international, etc. La BCE et la FED ne le font pas et laissent le taux de change être décidé par le marché. Elles ciblent un taux d’inflation d’environ 2% et modifient leurs taux d’intérêt en fonction. Les modifications des taux de change ne sont qu’une conséquence indirecte de cette politique et la banque centrale n’y prête pas vraiment attention. On peut faire une comparaison avec l’impact de la politique monétaire sur le prix des actions ou sur les prix de l’immobilier, qui est un petit peu dans le même genre. La banque centrale cible une inflation de 2%, mais son influence sur les taux déborde sur les marchés action et immobilier sans qu’elle n’y fasse attention.
Pour résumer, la politique monétaire a une action indirecte sur les taux de change dont elle ne se préoccupe pas. Pas de quoi parler de manipulation de la monnaie, ou alors toute politique économique est de la manipulation de la monnaie, tant les taux de change sont influencés par l’ensemble des variables macroéconomique. Par exemple, une politique de baisse des impôts des classes populaires aura un effet sur le taux de change, par relance des importations, mais ce n’est pas pour autant que c’est une manipulation de la monnaie. La politique monétaire de contrôle des taux d’intérêt est dans le même cas de figure.
Tout cela permet de mieux comprendre pourquoi les banques centrales ne communiquent pas trop sur leur effet sur les taux de change. Déjà, leur effet dessus étant indirect, elles ont du mal à le prévoir. Communiquer dessus pourrait réduire leur crédibilité si leurs prédictions ne se réalisent pas. De plus, cela pourrait laisser croire que les banques centrales manipulent activement le taux de change, ce qu’elles ne font pas. Cela perturberait la compréhension par le marché de leur politique monétaire, et donc son efficacité. Enfin, ce qui importe la banque centrale est l’effet final de sa politique sur le PIB, pas de ce qui se passe dans chacun des maillons de transmission. C’est pour cela que les analyses de la politique monétaire ne parlent pas trop des taux de change, au même titre qu’elles ne parlent pas des prix des actions et des prix de l’immobilier qui ont pourtant un effet indirect sur l’activité économique, et donc sur l’inflation.
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2 #53 17/09/2019 15h21
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
@Chlorate : Les banques centrales et le taux de change… En parler, jamais, y penser, toujours !
Vous avez raison : toutes choses égales par ailleurs, le QE doit se traduire par une dépréciation de la devise sur le marché des changes. C’est le simple jeu de l’offre et de la demande : à demande (à peu près) constante (déterminée par les fondamentaux économiques), une augmentation significative de l’offre de monnaie ("forcée" par le QE) rend cette monnaie moins chère :
(i) en termes réels (par rapport à un panier de consommation classique, par exemple) : effet positif sur l’inflation (l’objectif clef du QE)
(ii) par rapport aux autres devises, sur le marché des changes
La dépréciation de la monnaie sur le marché des changes a des effets de "second tour" favorables :
(i) elle favorise les exportateurs locaux, comme vous le notez
(ii) elle rend les produits importés plus chers, incitant à une substitution par des produits locaux et/ou augmentant l’inflation (s’agissant des produits étrangers peu ou pas substituables)
Ces effets sont favorables pour tous les exportateurs de la zone euro, bien au-delà de l’Allemagne. C’est vrai que l’Allemagne, forte nation exportatrice, en profite peut-être particulièrement, mais c’est à relativiser peut-être par l’élasticité-prix de leurs exportations, peut-être moins forte que celle des exportations françaises (les Allemands se démarquent plus par la qualité de leurs produits et/ou leur technicité, sur des marchés de niches, que sur les prix).
Donc, oui, déprécier l’euro est bien un effet désiré, sinon un objectif, du QE de la BCE. Cet effet sur les taux de change est bien pris en compte par les économistes de la BCE quand ils calibrent le QE et en mesurent les effets.
Mais la BCE peut difficilement proclamer publiquement qu’elle souhaite affaiblir l’euro par le QE, pour différentes raisons, politiques, économiques et stratégiques :
1) La politique de change de la zone euro est une responsabilité partagée entre la BCE et l’Eurogroupe (les ministres des finances de la zone euro). Ils se coordonnent par exemple avant toute intervention sur le marché des changes. Donc si la BCE présentait officiellement le QE comme une mesure visant à déprécier l’euro, certains diraient qu’il faut consulter l’Eurogroupe. Cela compliquerait beaucoup la prise de décision sur le QE (déjà compliquée au Conseil des Gouverneurs de la BCE), voire mettrait en danger l’indépendance de la BCE sur la conduite de sa politique monétaire. Il est beaucoup plus simple de prétendre dire que le QE est une pure mesure de politique monétaire (ce qu’elle est… principalement).
2) La politique de change de la zone euro met aussi en jeu nos relations avec nos partenaires internationaux, en premier lieu les USA et le Japon. Dévaluer l’euro, c’est, toutes choses égales par ailleurs, causer une appréciation du dollar et du yen : très problématique pour nos partenaires quand ils souhaitent eux aussi faire repartir l’inflation et l’activité chez eux. Ainsi, le QE peut se transformer en course éperdue à la dépréciation des devises, un jeu à sommes nulles au niveau international : chaque banque centrale voudra avoir le plus gros QE, pour neutraliser les effets néfastes sur le marché des changes des QE des autres banques centrales… C’est un sujet très, très délicat pour les banquiers centraux, qui préfèrent généralement s’harmoniser et se coordonner, que de partir dans une course à l’échalotte entre eux (sachant que les munitions sont en théorie illimitées…).
En tout cas, c’est vu comme contre-productif de dire publiquement que le QE vise à déprécier la monnaie (même si c’est un peu vrai…) : ce serait une provocation vis-à-vis de nos partenaires, les incitant à répondre en rajoutant une couche de QE chez eux. Donc il y a une sorte de gentlemen’s agreement entre grandes banques centrales pour communiquer de façon très restrictive sur les objectifs ou les effets de leurs QE sur les taux de change.
Mais clairement, c’est une question clef pour les banques centrales : en 2014, dans le cadre de la préparation du QE de la BCE, on m’a envoyé en stage à la Bank of Japan (qui avait alors beaucoup plus d’expérience que nous sur le sujet). La BoJ nous a beaucoup aidés, mais certains responsables exprimaient clairement une inquiétude que les QE de la Fed et de la BCE puissent amoindrir l’efficacité du QE japonais…
3) Au-delà de nos bonnes relations avec nos grands partenaires internationaux, il y a un objectif politico-économique de promotion de l’euro comme grande devise de réserve. Evidemment, des mesures comme le QE ou les taux négatifs tendent à rendre l’euro moins attractif (en tout cas, du seul point de vue de la rentabilité), pour les grands gestionnaires des réserves de change mondiales (banques centrales asiatiques, fonds souverains de pays pétroliers etc.). En "rajouter une couche" avec une communication explicite sur la dépréciation voulue de l’euro serait contre-productif.
Pour toutes ces raisons, la BCE est d’une très grande prudence (voire d’un total mutisme) sur les effets du QE sur le taux de change. Même en interne, ce sujet est abordé avec prudence (à ma connaissance, il n’y a pas de cible explicite de dépréciation du taux de change, par exemple). Mais les effets du QE sur les taux de change sont bien mesurés, et ils servent d’inputs aux évaluations des effets du QE sur l’inflation et le PIB, qui eux, sont bien publiés (voir ici, par exemple).
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#54 17/09/2019 16h52
- HakunaMatata
- Membre (2018)
- Réputation : 9
@Scipion8
L’UE avec son objectif principal que l’inflation atteigne 2% ne risque-t-elle pas de faire baisser massivement la valeur de la monnaie (ce qui est important pour des investisseurs) ?
Par exemple, suite à la mise en place du QE par la BCE, début 2015, la BNS a complètement changée sa façon d’empêcher sa monnaie de trop s’apprécier :
- en stoppant le "taux de change bloqué" à 1€ pour maximum 1,20 CHF (le CHF ne pouvant alors pas s’apprécier davantage vis-à-vis de l’euro),
- pour maintenant acheter massivement des actions en cherchant à répliquer le marché (ce qui devrait en principe faire baisser le CHF).
Malgré une balance commerciale européenne extrêmement excédentaire (exportations > importations), l’euro semble toujours se dévaluer par rapport au CHF…
La valeur d’une monnaie n’est pas uniquement liée à la balance commerciale mais c’est hallucinant de voir que 1CHF valait 1 Franc Français vers 1960 ! Et qu’en 2011, nous étions à 1CHF valant 1€ !
Cela représente quand même une dévaluation de 655% en 50 ans !
Si on regarde l’inflation en zone euro depuis 2009 malgré les rendements des fonds euros en assurance-vie, on voit qu’on perd énormément en pouvoir d’achat face à des CHF sur un compte courant non rémunéré…
Je suis vraiment novice en économie et je m’excuse à l’avance pour mes questions qui peuvent sembler simplistes pour des fins connaisseurs comme vous.
Il en faut peu pour être heureux… et se satisfaire du nécessaire !
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1 #55 18/09/2019 17h05
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
Bonjour HakunaMatata,
1) Un peu d’inflation c’est bien, et c’est même nécessaire :
a) une légère inflation est une incitation constante à consommer aujourd’hui, puisqu’on sait que les prix d’un bien ou service donné seront probablement plus élevés demain ;
b) une hausse modérée et régulière des prix traduit aussi une amélioration constante des conditions de vie des travailleurs qui fournissent ces biens et services (même si eux aussi sont évidemment des consommateurs) ;
c) la désinflation (une baisse générale des prix) peut s’ancrer rapidement dans la psychologie collective et se transformer en déflation (une baisse générale et auto-entretenue des prix et de l’activité économique) : puisque tout le monde attend des prix plus bas demain, plus personne ne consomme, donc l’activité chute, donc les entreprises baissent leurs prix, en désespoir, pour essayer de vendre, donc les consommateurs reportent leurs achats etc. La déflation est beaucoup plus compliquée à combattre pour une banque centrale (en l’état de la science économique) que l’inflation. Or, les indices mesurant l’inflation des prix à la consommation ne sont pas des mesures absolument exactes, donc une inflation très faiblement positive peut parfois cacher une entrée en déflation. Pour cette raison, les banques centrales ne ciblent jamais une inflation de 0%, mais elles prennent une "marge de sécurité" au-dessus de 0%, en fixant la cible autour de 1,5-2%, pour beaucoup de pays développés : cela réduit le risque d’une erreur de politique monétaire entraînant une déflation ;
d) l’inflation est un mécanisme redistributif dans la société, une "taxe" cachée sur le capital et une aide pour les ménages endettés (le poids réel d’une dette de X k€ diminue avec l’inflation) : l’inflation atténue ainsi naturellement, et sans faire de mal à quiconque, les déséquilibres inhérents au capitalisme, qui tend à favoriser l’accumulation du capital par quelques-uns (et je suis plutôt libéral, hein) ;
e) une inflation modérée (autour de 2%) est généralement stable et ne trouble pas les calculs des investisseurs : on observe empiriquement une forte corrélation entre la volatilité de l’inflation et son niveau, c’est-à-dire qu’une inflation à 10% / an ne reste généralement pas sagement à ce niveau, elle va avoir tendance à décoller de façon non-linéaire par suite des anticipations des agents économiques. En revanche, une inflation modérée peut être beaucoup plus stable, donc prévisible pour les agents économiques. On le voit sur ce forum dans les calculs de rente : soit les gens ignorent l’inflation, soit ils considèrent qu’elle va rester indéfiniment à 2% = la cible de la BCE. Pour la BCE, c’est parfait, cela signifie qu’il n’y a pas de crainte des investisseurs sur une éventuelle instabilité de l’inflation, même sur un horizon long. Comme les investisseurs ignorent (ou ne craignent pas) l’inflation, ils vont investir sans souci, ce qui aidera l’activité économique.
2) Les cibles d’inflation de la BCE et de la Banque Nationale de Suisse (BNS) sont toutes deux à 2%, comme de nombreux autres pays développés. Il y a de petites nuances dans les définitions :
- Pour la BCE, la stabilité des prix est définie comme un indice harmonisé des prix à la consommation (HICP) croissant à un rythme annuel inférieur à, mais proche de, 2% sur le moyen terme.
- Pour la BNS, la cible d’inflation est à 2%, et la BNS ajoute que la déflation serait contraire à la stabilité des prix.
Dans la zone euro, il y a des propositions de certains pays plus sensibles à la préservation du capital (Allemagne, Autriche etc.) d’abaisser la cible à 1,5% / an. Evidemment les pays à fort endettement préfèrent 2%. D’autres suggèrent de définir la cible comme un "segment" [1,0%-2,0%] ou [1,5%-2,0%]… Différents modèles existent dans le monde, certains vantant des cibles d’inflation plus rigides, d’autres plus flexibles, certains des cibles symétriques, d’autres asymétriques etc. Il y a beaucoup (trop ?) de débats dans la communauté des banques centrales sur ce sujet des cibles (j’ai même des collègues spécialisés sur la question…).
3) Le niveau de la cible d’inflation reflète un subtil équilibre économique, mais aussi politique. Il y a tout un champ de la recherche académique qui essaie de définir le niveau "optimal" de la cible d’inflation, du point de vue de la croissance économique, de l’emploi etc. A tort ou à raison, il y a actuellement une sorte de consensus sur une cible de 2% pour les pays développés.
En fait, le niveau optimal dépend des spécificités de chaque pays, de sa psychologie collective, de son histoire etc. Nos amis allemands ont été traumatisés par l’hyper-inflation du début des années 1930 (avec ses conséquences politiques désastreuses), donc ils sont très sensibles au risque inflationniste. L’Allemand type va stresser avec un HICP à 2%, alors que le Français lambda haussera les épaules.
La préférence pour l’inflation dépend aussi de l’âge et des conditions économiques de chacun : une personne âgée, avec un beau patrimoine et sans dettes, aura plus peur de l’inflation que de la déflation ; un ménage jeune lourdement endetté a tout intérêt à un peu d’inflation.
Donc, pour fixer une cible d’inflation commune à toute une population, et même à des pays différents (19, dans la zone euro), il faut réfléchir de façon intergénérationnelle et solidaire. Perso, je pense qu’une cible d’inflation à 2% est parfaite pour la France, éventuellement moins pour l’Allemagne… ou pour moi, au fur et à mesure que je vieillis et m’embourgeoise.
4) En termes "réels" (= en termes de pouvoir d’achat de "choses" = res, en latin), les taux ultra-bas, voire négatifs, imposés par la BCE ne se traduiront pas par un appauvrissement des épargnants :
a) Ces mesures de la BCE ne seront maintenues que tant que l’inflation est trop éloignée de sa cible de 2%, donc elles ne font que compenser partiellement une "taxe d’inflation" actuellement très (et trop !) légère pour l’épargnant européen.
b) Le capital est très mobile : si je veux échapper aux rendements pour moi trop bas dans la zone euro, il me suffit d’augmenter mon exposition à des actifs hors zone euro (actuellement USA et émergents, pour moi). Pour cela je devrais convertir mes € en $, contribuant à une dépréciation de l’euro… et à un retour de l’inflation en zone euro (cf. mon précédent message). La BCE veut que les épargnants investissent davantage dans l’économie réelle et prennent plus de risques ! (Evidemment, il faut le faire en maîtrisant les risques.)
c) L’intensité concurrentielle du secteur bancaire tend à augmenter, ce qui limite la capacité des banques à répercuter les taux négatifs sur leurs clients (même si certains gros déposants peuvent être affectés… mais c’est l’intérêt de tous que ces gros déposants investissent davantage au lieu de laisser leur épargne bêtement à la banque).
5) La Suisse fait aussi face au risque de déflation. L’inflation suisse est vraiment faiblarde, à 0,3% y/y en août. Je ne suis pas particulièrement l’actualité de la BNS en ce moment (apparemment il y a un point demain sur la situation économique), mais je ne serais pas surpris de les voir agir par des mesures anti-déflation…
Pour la BNS, le challenge technique est encore plus compliqué que pour la BCE, car compte tenu de l’ouverture et de la petite taille de l’économie helvétique, un franc suisse trop fort peut rapidement exacerber le risque déflationniste. Je n’ai pas du tout suivi le dossier ces derniers temps, mais si les mesures de la BCE se traduisent par une nouvelle dépréciation de l’euro au fil du temps, je ne serais pas surpris de voir de nouvelles interventions de la BNS sur le marché des changes pour limiter l’appréciation du CHF.
L’implication de ces interventions, c’est une accumulation de réserves de change massives par la BNS. A mon sens, elles sont intelligemment gérées : la diversification dans les actions internationales est très pertinente à mon sens sur la durée, compte tenu du contexte déflationniste global et du risque de QE à répétition. Globalement je suis admiratif de la gestion de cette situation compliquée par la BNS ces 10 dernières années… même si la menace déflationniste persiste. [J’envisage même de devenir actionnaire de la BNS, même si ces actions n’ouvrent pas un droit direct sur le magnifique portefeuille boursier de la BNS.]
L’adaptation de l’économie suisse à un CHF très fort est aussi remarquable : mon impression, c’est que le CHF fort a conduit beaucoup d’entreprises helvétiques à chercher leur avantage concurrentiel ailleurs que sur les prix (compte-tenu de leurs coûts de main-d’oeuvre, de toute façon…), donc plutôt sur la qualité et la technicité de leurs produits. Je suis impressionné par le nombre d’entreprises moyennes suisses de qualité (je suis actionnaire de Lonza, Temenos, Straumann, et j’ai Givaudan, Interroll et Inficon en buylist).
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#56 18/09/2019 20h42
- Gnr1976
- Membre (2019)
- Réputation : 6
Tant pis pour le hors sujet, je me lance quand même ici : à la liste des firmes suisses dressées par Scipion8, Geberit est depuis longtemps sur ma wish list.
Je ne suis jamais passé à l’achat au motif de sa valorisation « élevée ».
Cela confirme bien ce que l’on sait sur la « cherté » d’une boîte de grande qualité en l’espace de quelques exercices seulement …
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1 #57 19/09/2019 12h07
- kihv
- Membre (2017)
- Réputation : 19
@Scipion8 Votre intervention très intéressante m’a fait réfléchir et je doute de certains de mes raisonnements. Je ne vois pas bien les erreurs ou les différences d’appréciation.
Si vous me permettez je ne cherche pas à troller mais bien à approfondir la discussion et à mieux comprendre les contradictions apparentes. Parcourant ce fil (et le forum) depuis quelques temps, si ces remarques sont déjà apparues, je vous présente mes excuses et vous prie de bien vouloir me pointer la discussion correspondante.
Préambule : tout modèle physique a des limites (exemple : mécanique newtonienne étendue par la relativité). Je postule que c’est la même chose en économie.
En écrivant, je me rends compte que je ne vois pas l’argent comme une réalité en soi mais plus comme ce qu’il permet d’acheter ’en vrai’.
Résumé : le fonctionnement de l’inflation que vous les décrivez me donne l’impression que les banques centrales incitent à des dépenses ’inutiles’, à l’inverse de la sobriété heureuse prônée par les rentiers qui ne sont pas riches à millions.
1.b Je voudrais développer votre "même si eux aussi sont évidemment des consommateurs". La hausse des prix se répercute sur les salaires des travailleurs qui les produisent, mais puisque les prix augmentent aussi les conditions de vie s’améliorent-elles vraiment pour autant ? J’ai l’impression qu’en moyenne l’augmentation des prix doit se retrouver dans la même proportion sur l’augmentation des salaires, et donc que ceux-ci ne traduisent pas une augmentation du niveau de vie. Intuitivement je dirais que seul un gain de productivité à prix constant permet d’augmenter les salaires plus que la moyenne et donc d’améliorer les conditions de vie de ceux qui produisent. Qu’en pensez-vous ? Mon erreur vient-elle de ce que certains produits et services ne voient pas leur prix augmenter et que donc les augmentations des revenus améliorent le niveau de vie vis-à-vis de ces produits ? Mais en ce cas les salaires des producteurs de ces produits n’ont pas de raison d’avoir augmenté…
1.c "Plus personne ne consomme" : il restera toujours les dépenses jugées comme strictement nécessaires par les individus, car contraintes (nourriture, transport pour aller au travail - tant qu’on en a un…) ou perçues comme telles. Ainsi même la déflation a une limite. Implicitement le mot ’consommation’ ne vient-il pas dire ’consommation dont on pourrait se passer’ ? J’ai l’impression que la déflation ne fait que ’décaler’ la perception de l’utilité des dépenses, de ’un peu utile’ vers ’strictement nécessaire’.
Des secteurs de l’économie sont clairement déflationnistes (p. ex. toute la ’high-tech’, toute l’industrie s’est calée sur la loi de Moore durant des années). L’effet est très net : attendre 6 mois avant de changer de PC, d’appareil photo ou de téléphone permet d’en avoir un qui va plus vite/prend de meilleures photos pour le même prix, ou d’avoir le même modèle qu’avant pour bien moins cher (20 à 50% !) car il entre en concurrence avec de nouveaux produits bien meilleurs. Pourtant le secteur n’a pas eu la spirale déflationniste que vous décrivez : les consommateurs ont continué à acheter. En effet, un ordinateur est un outil tellement utile, de même qu’un téléphone portable, dans une moindre mesure un appareil photo est tout de même indispensable pour conserver le souvenir de certains événements rares. Comment tenir compte de l’utilité des produits dans la spirale que vous décrivez ? J’ai l’impression que cela revient à faire se rencontrer les théories macroéconomiques et microéconomiques et n’y connais pas grand-chose.
Finalement la spirale déflationniste n’élimine-t-elle pas tout simplement les produits les moins utiles ?
1.d L’inflation réduit le poids des dettes et rend plus difficile l’accumulation de capital. Certes la redistribution que vous mentionnez est utile et elle peut aussi se faire aussi par des mécanismes fiscaux (les Pays-Bas taxent les revenus de tout le patrimoine comme s’il avait rapporté 4%, indépendamment du rendement réel). Mais pour la partie des dettes qui finance la consommation (et non pas l’investissement), l’inflation favorise la consommation immédiate de ce qu’on n’aurait pu consommer que plus tard (si on n’avait pas pu emprunter). Mais une fois dépassées les dépenses contraintes ou perçues comme telles, on n’est pas obligé de consommer maintenant ce qu’on pourra consommer plus tard à moins qu’on y voit une utilité particulière, dont le facteur d’évolution des prix. L’inflation biaise donc (comme 1.c mais dans l’autre sens) la perception de l’utilité des produits et services.
Au fond je redis peut-être avec d’autres mots ce que vous dites bien souvent dans cette file, à savoir que l’action d’une banque centrale est surtout d’ordre psychologique tant pour les consommateurs que pour les investisseurs, et que vous résumez dans 1.e.
1.e Il est tout à fait vrai que la stabilité de l’inflation est utile aux investisseurs et aux consommateurs (comme d’ailleurs le serait la stabilité fiscale :-).
Pendant longtemps on a eu en France des placements garantis au-dessus de l’inflation (livret A entre autres). Bien que plafonnés, pour l’extrême majorité des consommateurs ils représentaient ainsi une incitation à attendre avant de consommer, annulant l’effet psychologique de l’inflation. Il reste quelques rares placements de ce type (bon fonds euros d’assurance-vie par exemple). Pourtant aucun effet de spirale déflationniste n’est constatée (un peu moins vrai ces temps-ci cela dit). Peut-on l’expliquer seulement par la "bêtise" des consommateurs qui ne se sont pas rendus compte de l’opportunité (certes faible, on parlait de 0.25% de mémoire !) ? Ou doit-on comprendre la désindexation des taux du livret A comme une incitation à la consommation de la part de nos dirigeants ? (outre l’élimination des effets pervers liés à la fixation de taux décorrélés du marché). Ou y a-t-il un risque perçu intuitivement par les consommateurs (livret A ou assurance-vie) qui contrebalance l’utilité d’épargner ?
Merci pour vos explications et l’intérêt que vous porterez à mes questions.
Dernière modification par kihv (19/09/2019 14h18)
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1 #58 19/09/2019 17h07
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
Bonjour Kihv,
Plutôt que de répondre à vos questions une à une, voici quelques réflexions ou éléments supplémentaires qui doivent y répondre au moins partiellement (j’ajouterai éventuellement des réponses plus précises dans un autre message, s’il apparaît que j’ai oublié certaines questions). Certains de ces éléments sont factuels, d’autres sont plus "politiques" et reflètent ma vision personnelle.
1) La politique monétaire, bien que service public "technique" (= c’est la gestion d’un bien commun, la monnaie, par un émetteur monopolistique public, la banque centrale) n’est pas "idéologiquement" neutre. Elle repose à la fois sur des modèles économiques (qui sont imparfaits, critiquables et ont leurs limites, comme vous le dites justement) et sur une vision "politique". En gros, on peut dire que la politique monétaire telle qu’elle est menée par la Fed ou la BCE repose sur une vision libérale, qui vise à atteindre l’optimum général, c’est-à-dire la maximisation de "l’utilité" (= le "bonheur") de la population, approximée par sa capacité à consommer.
Cette vision (que je partage largement, perso) est évidemment très éloignée de celle des disciples de la "décroissance". Pour moi, le cas du Japon (une déflation prolongée, une zombification de l’économie qui ralentit l’innovation et affecte la compétitivité, un état général dépressif qui contribue à la baisse de la population) est une catastrophe (et c’est le principal scénario de risque pour la zone euro), alors que pour un fan de Greta Thunberg, c’est peut-être un exemple à suivre (consommons moins, faisons moins d’enfants pour sauver la planète etc.). Un écolo rigoriste / "décroissant" pourrait légitimement considérer une cible d’inflation non nulle comme fondamentalement "mauvaise pour l’environnement", puisque dans sa vision du monde il faut moins consommer.
Disons que l’approche actuelle de la politique monétaire aux USA et en Europe (= une politique monétaire guidée essentiellement par une cible d’inflation de 2%) reflète à mon sens :
a) le moins mauvais des modèles économiques connus, sur la base empirique des expériences internationales jusqu’à présent (notamment les expériences d’hyper-inflation et de déflation),
b) l’avis de la majorité de la population, qui veut de la croissance (et pas de la décroissance) et pas trop d’inflation (c’est la préférence des épargnants, qui votent beaucoup plus que les non-épargnants, et de façon plus "efficace", i.e. ils votent moins de façon "inutile", pour des partis qui n’arriveront jamais au pouvoir).
Cela dit, le niveau de compréhension économique évolue, et les préférences majoritaires de la population aussi (par exemple sur la question environnementale), donc je ne pense pas du tout que ce modèle de politique monétaire soit figé à perpétuité.
D’ailleurs, ce n’est pas la banque centrale qui fixe son mandat ! C’est la population, par ses représentants, qui détermine le mandat de la banque centrale (inscrit dans ses statuts, dans la loi voire la Constitution). La banque centrale se contente d’appliquer strictement son mandat, sans faire de politique. Le mandat de la banque centrale est donc une question éminemment politique et démocratique.
2) Si l’on adopte cette vision "libérale" qui assimile l’optimum économique à la capacité maximale de consommer pour la population, alors il n’y a pas de dépense "inutile". Toute dépense de consommation va ajouter à l’utilité générale : la babiole absolument superflue que vous venez d’acheter va permettre à celui qui l’a fabriquée, et à celui qui vous l’a vendue, de mettre les couverts sur la table ce soir.
Cela dit :
a) Il faut évidemment que la dépense de consommation soit solvable : si les consommateurs s’endettent excessivement pour acheter des bêtises, les conduisant plus tard à trancher dans des dépenses essentielles, ce n’est évidemment pas optimal.
b) Il y a évidemment des niveaux variables d’utilité dans la dépense de consommation : pour prendre 2 extrêmes, une dépense d’éducation pourra être très profitable, pour le consommateur et pour la société dans son ensemble, alors qu’un achat de drogues (tabac, par exemple) le sera beaucoup moins (voire aura à terme des effets destructeurs à la fois pour le consommateur et pour la société dans son ensemble).
Sur ce point, la banque centrale est "aveugle" : elle ne sait ni ne peut faire le tri dans les dépenses, elle n’a d’influence qu’au niveau le plus macro. C’est le rôle de l’Etat, notamment par des dispositifs fiscaux, d’encourager les dépenses vertueuses (= à externalités positives) et de décourager les dépenses vicieuses (= à externalités négatives).
3) Une psychologie récessive ou déflationniste ne va pas forcément conduire à une amélioration de la "qualité" des dépenses de consommation. Par exemple, si un fumeur lourdement dépendant anticipe une déflation (= une baisse générale des prix, mais aussi et surtout de l’activité et de ses revenus), il va sans doute trancher d’abord sur les dépenses "plaisir" apparemment "superflues", comme les sorties et les petits restos avec la copine, plutôt que sur les clopes (les dépenses sur les drogues diverses ont même tendance à augmenter lors des récessions). Laquelle de ces 2 dépenses est vraiment "utile", laquelle est vraiment "inutile" ? Quels seront les effets de long-terme de ces choix de consommation sur la psychologie et la santé de ces 2 personnes ?
4) Une déflation est un phénomène général, massif et auto-entretenu (des anticipations auto-réalisatrices d’une baisse générale des prix et de l’activité), à distinguer des baisses de prix sectorielles (dans la techno, par exemple). On parle de déflation quand les agents économiques, collectivement, anticipent une baisse continue des prix, mais aussi et surtout de leurs revenus.
Cela dit, les baisses de prix sectorielles, la "désinflation" dans les secteurs technologiques, par exemple, peuvent contribuer à l’enracinement d’une mentalité déflationniste (mais pas causer à eux seuls une déflation).
5) Les mesures d’inflation intègrent généralement des ajustements pour prendre en compte l’évolution de la qualité des produits (hedonic quality adjustment). Si le nouveau modèle de téléphone portable, bien meilleur techniquement que l’ancien, affiche le même prix de vente, alors son impact sur la mesure générale d’inflation est négatif. Si la qualité s’améliore et si les prix baissent (pour des raisons d’intensité concurrentielle), alors il y a un double effet négatif sur l’inflation !
Cela explique sans doute la différence entre les perceptions d’inflation par les consommateurs et les mesures statistiques d’inflation : comme consommateurs, nous nous sommes habitués à une amélioration constante de la qualité de nos produits (technos, notamment), sans toujours réaliser que s’il n’y pas de hausse de prix reflétant "proportionnellement" cette amélioration du service rendu, alors il y a une augmentation insensible mais "réelle" (= en termes de "choses", en termes de service rendu) de notre pouvoir d’achat.
Les catégories de produits concernées par cet "ajustement de qualité hédonique" sont très nombreuses et ne se limitent pas à la technologie : il s’agit notamment aussi de vêtements et de logement.
6) Les bénéfices d’une augmentation de x% des prix de vente d’une entreprise se distribuent entre travailleurs (salaires), apporteurs de capitaux (profits), et fournisseurs, selon (i) les contributions de chacun à la production et (ii) les rapports de force (sociaux et commerciaux) entre eux. En particulier l’augmentation des salaires peut être supérieure ou inférieure à x% : il ne s’agit pas simplement de productivité du travail, mais aussi de rapports de force entre travailleurs et employeurs, flexibilité de l’emploi, niveau du chômage etc. Il y a tout un pan de l’analyse économique qui examine la transmission (passthrough) de l’inflation aux salaires, en regardant le rôle de ces différents facteurs.
7) De façon générale, les banques centrales n’aiment pas les mécanismes d’indexation « automatique » (des prix, salaires, pensions, placements etc.) sur l’inflation, car ces mécanismes facilitent la formation de spirales inflationnistes ou déflationnistes. Par exemple, si les prix augmentent de x%, il est économiquement plus sain que les entreprises évaluent l’opportunité d’augmenter les salaires de y>x% ou z<x%, selon par exemple la situation économique (taux de chômage etc.), leurs contraintes propres (niveau de qualification et substituabilité des employés, concurrence, solvabilité etc.), plutôt qu’elles ne répliquent aveuglément l’inflation de x%. De même, la rémunération d’un placement doit rémunérer le risque pour l’investisseur – sa responsabilité étant de bien comprendre et évaluer ce risque.
8) Une redistribution "naturelle", par un peu d’inflation, est largement préférable à une redistribution organisée, coûteuse et politiquement contestable. L’Etat peut faire de la redistribution et c’est l’un de ses rôles, mais en général cela a un coût - en termes de dépenses publiques (frais de gestion de l’Etat-Providence) et en termes d’allocation des ressources humaines.
9) Dans beaucoup de pays du monde, il n’y a pas de politique monétaire efficace. Les décisions de la banque centrale sur les taux directeurs ou le volume de liquidité bancaire ne se transmettent pas (ou très mal) à l’économie réelle. Le cycle économique joue alors pleinement, sans réponse contracyclique de la banque centrale. Cela signifie des récessions beaucoup plus sévères et une économie beaucoup plus vulnérable aux chocs exogènes (prix du pétrole, par exemple). Tous ces pays sans politique monétaire effective sont pauvres (pas d’exception, à ma connaissance). C’est dans ces pays que je travaille depuis 3 ans, ma mission consistant à essayer de mettre en place et de faciliter la transmission de la politique monétaire (ce qui requiert beaucoup de mesures techniques relatives à la gestion de la liquidité bancaire et au développement du marché monétaire).
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4 #59 27/09/2019 12h15
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
Ces derniers jours, j’ai vu une quantité incroyable d’articles et "analyses" absolument insensés sur les récentes opérations de pension livrée (repo) de la Fed sur le marché monétaire US. Pour compenser un peu ce déluge invraisemblable d’idioties, je vais essayer d’expliquer les choses "en partant de zéro" et de la façon la moins technique possible :
1) Hormis les insiders (banquiers centraux et trésoriers de banques), il y a très peu de journalistes et commentateurs capables de comprendre et analyser correctement les développements du marché monétaire. Par conséquent, 99% de ce qu’on peut lire sur le sujet est simplement faux, incorrect, voire complètement idiot. Ce n’est pas un sujet sur lequel on peut "improviser" : le marché monétaire est un marché très spécifique, avec sa dynamique propre, et un acteur majeur, la banque centrale, dont il faut comprendre le rôle et les instruments : ce n’est pas forcément facile… surtout si on ne fait aucun effort de recherche.
A mon sens, il y a au maximum une dizaine de journalistes dans le monde capables de faire un travail correct d’analyse du marché monétaire. Ce sont des journalistes spécialisés, qui ont leurs sources chez les banques et les banques centrales. Ils sont tous anglo-saxons, très bien payés et travaillent pour le Financial Times, Bloomberg, Reuters et le Wall Street Journal - nulle part ailleurs, à mon avis (mais il faut que je lise ce que The Economist a écrit sur le sujet). La presse économique française n’est pas compétente sur le sujet : le mieux qu’ils puissent faire, s’ils sont raisonnables, c’est de retranscrire les analyses de ces journalistes anglo-saxons spécialisés.
Je ne parle pas des Youtubeurs et auteurs de SeekingAlpha qui font du sensationnalisme à 2 balles sur le sujet, avec un tropisme souvent conspirationniste, toujours catastrophiste. Le marché monétaire étant mystérieux et incompréhensible pour la plupart des internautes, c’est un sujet bien pratique pour diffuser des discours anxiogènes (avec pour conclusion habituelle : ayez peur, achetez de l’or, du Bitcoin, du diamant magique etc.)
2) Les taux d’intérêt sur le marché monétaire répondent à une fonction prix / quantité. Le marché monétaire est le marché sur lequel des acteurs spécialisés - en premier lieu les banques - s’échangent de la liquidité, pour des montants massifs, sur des maturités courtes (jusqu’à 12 mois). Les taux d’intérêt sur le marché monétaire reflètent le prix de cette liquidité. Si cette liquidité est surabondante (par rapport aux besoins agrégés du système bancaire), les taux vont avoir tendance à baisser. Si la liquidité vient à manquer, pour des raisons systémiques (besoins plus importants du système) ou idiosyncratiques (une banque a soudainement des besoins plus importants), les taux augmentent.
3) Cette fonction prix / quantité du marché monétaire est différente selon les pays et peut évoluer au cours du temps, notamment selon les besoins de liquidité de précaution des banques. La liquidité de précaution correspond à la liquidité supplémentaire qu’une banque peut souhaiter avoir (sur son compte à la banque centrale), pour faire face à de possibles chocs de liquidité, sans pour autant en avoir le besoin immédiat.
Dans les pays développés avec un marché monétaire fonctionnant bien, ce besoin de liquidité de précaution peut être très faible voire nul, car la liquidité circulant bien sur le marché monétaire, la banque va tendance à préférer y chercher la liquidité si besoin. La plupart des échanges de liquidité entre banques se font de façon sécurisée (= l’emprunteur fournit des actifs en garantie au prêteur, par exemple via une pension livrée = repurchase agreement = repo), donc la liquidité continue généralement de circuler même en cas de poussée de stress. Les banques préfèrent donc combler leurs besoins de liquidité sur le marché monétaire plutôt que de garder des réserves excédentaires à la banque centrale, ce qui aurait un gros coût d’opportunité (a fortiori avec des taux négatifs imposés par la banque centrale). C’est pourquoi le marché monétaire est une source clef de liquidité pour les banques, donc pour l’économie dans son ensemble.
4) La banque centrale gère la liquidité sur le marché monétaire afin de transmettre sa politique monétaire au système bancaire, donc à l’économie réelle. La banque centrale estime chaque jour quel est le besoin ou l’excédent agrégé de liquidité du système bancaire. Elle le fait par l’analyse et la prévision des "facteurs autonomes" sur son bilan : circulation fiduciaire, comptes de l’Etat à la banque centrale, réserves de change etc. [C’est un sujet technique que je ne développe pas ici - éventuellement dans un autre message - mais pas besoin pour comprendre la suite.]
Si, en termes agrégés :
a) le système bancaire a un excédent de liquidité, la banque centrale absorbe cet excédent (par des dépôts ou l’émission de titres de banque centrale).
b) le système bancaire a un besoin de liquidité, la banque centrale injecte la liquidité nécessaire (par des prêts collatéralisés = repos).
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise situation (comme le dit le scribe…). L’excédent ou le besoin de liquidité ne traduit EN RIEN la santé du système bancaire ; il ne traduit que la structure particulière de l’économie. Par exemple, si vous retirez massivement de l’argent de vos comptes bancaires, vous allez augmenter la circulation fiduciaire (un facteur autonome au passif du bilan de la banque centrale), donc augmenter le besoin de liquidité du système bancaire.
La banque centrale a tous les outils pour gérer les 2 situations (des instruments pour injecter ou pour absorber de la liquidité) : cela n’a rien d’exceptionnel, c’est le quotidien d’un banquier central.
Surtout, c’est par ces opérations de gestion de la liquidité (injection ou absorption) que la banque centrale transmet son taux directeur au système bancaire, car le taux directeur sert de référence à ces opérations de gestion de la liquidité ! Le taux directeur va ainsi influencer le prix de la liquidité pour les banques (= les taux sur le marché monétaire), donc leurs conditions de prêt à l’économie réelle (entreprises et ménages).
5) La fonction prix / quantité du marché monétaire US a manifestement changé. Ce graphique montre l’évolution de cette fonction sur longue durée (ces 10 dernières années). L’axe des abscisses correspond à la quantité de liquidité (les réserves des banques US à la Fed). L’axe des ordonnées correspond au prix de la liquidité (les taux sur le marché monétaire - plus précisément l’écart entre ces taux et l’un des taux directeurs de la Fed).
On voit que pour une quantité de liquidité donnée, par exemples des réserves totales de 1,5 trillion $, le prix de la liquidité est nettement plus élevé aujourd’hui qu’en 2009-2014. Cela signifie que la fonction de réaction du prix à la quantité a changé sur le marché monétaire US.
6) Quelles sont les causes probables du changement de la fonction prix / quantité sur le marché monétaire US ? Cette question demanderait une analyse poussée (que la Fed effectue sans doute), mais à mon sens 2 hypothèses vraisemblables sont :
a) une gestion beaucoup plus conservatrice de la liquidité par les banques US aujourd’hui qu’avant la Grande Crise : il est probable que, par son ampleur, cette crise ait des effets persistants sur les banques US. Traumatisées par les dysfonctionnements massifs du marché monétaire US en 2008-2009, elles ont probablement augmenté leur besoin de liquidité de précaution (alors que ce besoin était faible, voire nul, avant la crise). Cette attitude plus conservatrice des banques US semble confirmée par l’analyse de l’évolution de leurs bilans (voir ci-dessous).
b) des besoins de liquidités accrus résultant des nouvelles contraintes prudentielles : il est probable que la mise en place des ratios de liquidité par les régulateurs (LCR = Liquidity Coverage Ratio et NSFR = Net Stable Funding Ratio) ait structurellement amplifié les besoins de liquidité des banques.
7) La Fed pouvait-elle prévoir le changement de la fonction prix / quantité sur le marché monétaire US ? Dans les pays émergents où je travaille, j’aide la banque centrale à déterminer le besoin de liquidité de précaution du système bancaire, à la fois par des enquêtes auprès des trésoriers de banques et par des analyses quantitatives sur les réserves individuelles des banques. Mais, au mieux, nous obtenons ainsi des estimations très grossières du besoin de liquidité de précaution : le vrai test, c’est de voir comment les taux sur le marché monétaire réagissent à une baisse de la liquidité. On peut ainsi construire "point par point" la fonction de réaction du prix à la quantité de liquidité, et ajuster la stratégie de gestion de la liquidité de la banque centrale en conséquence (notamment la calibration des opérations d’injection / absorption de liquidité).
Ainsi, même si la Fed se doutait très probablement du changement de la fonction prix / quantité du marché monétaire US, elle pouvait difficilement estimer précisément ex ante le seuil de quantité liquidité déclenchant une augmentation rapide des taux. On ne peut en être certain que par l’observation quotidienne du marché monétaire.
La baisse soudaine de la liquidité liée à des facteurs temporaires (grosses émissions de titres souverains US et échéances fiscales) a ainsi servi de révélateur au besoin sous-jacent de liquidité de précaution du système bancaire US, de même que la marée basse révèle parfois des récifs insoupçonnés.
8) Comment la Fed peut-elle gérer cette nouvelle situation sur le marché monétaire US ? Des commentateurs catastrophistes parlent de "pénurie de liquidité" : c’est une absurdité monumentale. Comme expliqué plus haut, un besoin ou un excédent de liquidité ne dit RIEN de la santé du système bancaire. Par ailleurs, la banque centrale peut injecter de la liquidité de façon quasi-illimitée - les seules limites techniques étant la disponibilité de collatéral bancaire pour les repos, et la disponibilité d’actifs achetables pour le QE (la limite économique étant l’inflation). A nouveau : gérer ces situations sur le marché monétaire est le bread & butter d’un banquier central. Je pourrais presque gérer la liquidité mondiale tout seul depuis mon ordinateur… (bon, il y a quand même un gros travail technique pour gérer le collatéral)
Je pense que la Fed va utiliser 2 outils pour gérer la situation nouvelle sur le marché monétaire US :
a) des injections de liquidité à plus ou moins court terme, par des repos : c’est ce que la Fed fait pour le moment, mais elle pourrait envisager d’ajouter une facilité permanente de prêt collatéralisé (comparable à celle de la BCE) ;
b) l’ajustement du rythme de son Quantitative Tightening (QT) : il s’agirait de réduire le rythme d’attrition du portefeuille de QE de la Fed, afin de maintenir un niveau de liquidité suffisant dans le système bancaire. Il faut bien comprendre que le QE injecte de la liquidité au moment des achats (= la banque centrale remplace des actifs par du cash sur le bilan des banques), mais en retire quand les obligations achetées viennent à maturité (= dans le cas d’un Treasury, par exemple, l’Etat US puise sur son compte à la Fed pour rembourser la Fed).
Bref, rien de dramatique ni de très compliqué, pour un banquier central un minimum compétent. Je n’ai aucune inquiétude sur la capacité de la Fed de gérer au mieux cette situation.
9) Le système bancaire US va bien ! Les balivernes des commentateurs catastrophistes, qui ont fait leur miel de cette histoire des repos de la Fed, se heurtent à la réalité des chiffres. Ils montrent que les banques US vont plutôt bien, avec une profitabilité en hausse, des créances douteuses en baisse, une solvabilité renforcée et une situation de liquidité confortable. C’est peut-être pour cette raison que Warren Buffett y investit toujours plus massivement… Perso, je suis convaincu que les principaux risques pour la stabilité financière aux USA se situent maintenant hors du système bancaire (contrairement à 2007).
Note : les graphiques sont du FMI, les commentaires descriptifs sont de moi. NA = North America, EUR = Europe, JP = Japon, CN = Chine. Il s’agit uniquement des banques considérées comme systémiques au niveau mondial.
Désolé pour le pavé, mais compte-tenu des incompréhensions énormes et de l’avalanche de discours anxiogènes et trompeurs, je pense qu’il était important d’expliquer en détail ce sujet technique et souvent abscons. Cette grille d’analyse du marché monétaire peut s’appliquer à d’autres situations et d’autres pays que les USA.
Dernière modification par Scipion8 (27/09/2019 13h18)
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#60 27/09/2019 13h37
- toufou
- Membre (2017)
- Réputation : 115
Bonjour Scipion, je lis toujours avec intérêt vos interventions car elles reflètent le point de vue d’un insider. Néanmoins, je trouve que l’argument d’autorité dont vous faites preuve au début de votre "pavé" n’est pas très pertinent car, comme vous le mentionnez dans votre point n°6, personne n’explique pourquoi les banques ont eu un besoin de liquidités au point qu’ il a fallu que la FED injecte 75 milliards de dollars par jour pendant plusieurs jours.
Même si je ne gagne que quelques milliers d’euros par mois, cela ne me disqualifie pas pour comprendre que des centaines de milliards de dollars, c’est beaucoup.
On ne peut évidemment pas s’empêcher de constater la concomitance de cette crise avec le bombardement des exploitations pétrolières en Arabie Saoudite et penser que les banques avaient une exposition sur des produits dérivés liés au pétrole qu’il a fallu corriger en catastrophe.
Ce qui frappe surtout c’est l’ampleur des montants qui donne à réfléchir alors que la presse unanime glorifie l’effort consistant à trouver les quelques petits milliards sensés lancer la start-up nation.
Si la crise vient de là, on peut penser qu’une crise liée à un collatéral limité par nature comme une matière première par exemple peut tout emporter à cause des montants mis en jeu.
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#61 27/09/2019 15h05
- Valdec
- Membre (2019)
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Bonjour Scipion,
Tout comme toufou et nombre d’autres forumeurs j’apprécie vos interventions qui permettent souvent de mieux appréhender certains points dans le fonctionnement d’une banque centrale et la complexité de sa tâche. Cependant je pense qu’il est un peu péremptoire de dire qu’en dehors des insiders pas plus d’une dizaine d’extérieurs dans le monde peuvent comprendre et analyser correctement les développements du marché monétaire.
Passé ce point de détail, vos points 2) et 3) posent clairement les bases de fonctionnement du marché monétaire pour les personnes peu ou pas familières du sujet. L’évolution de ce marché ressemble finalement grandement à nombre de marchés d’échanges: le prix (ici le taux des repo) est influencé par la balance entre l’offre et la demande entre les différents acteurs de ce marchés (les banques).
Arrivé au point 4) je suis à la fois d’accord et pas d’accord avec vous. Je m’explique:
La banque centrale gère la liquidité sur le marché monétaire afin de transmettre sa politique monétaire au système bancaire, donc à l’économie réelle.
En effet, gérer la liquidité sur le marché monétaire est un des moyens à dispositions des banques centrales pour essayer de tendre vers leurs objectifs dans l’économie réelle. En revanche,
L’excédent ou le besoin de liquidité ne traduit EN RIEN la santé du système bancaire ; il ne traduit que la structure particulière de l’économie.
me semble plus discutable. Certes il me paraît exagéré (voir faux) de dire que le besoin de liquidité traduit la santé du système bancaire, mais il me semble également exagéré de dire que les deux ne sont absolument pas liés. Dans certains cas les deux peuvent être liés, par exemple lors d’un stress sur une banque majeure, d’autres banques peuvent avoir des doutes sur la solvabilité de leurs pairs et exiger des taux plus importants sur le marché monétaire, faisant grimper les taux repo.
Est ce que la baisse soudaine de liquidités sur le marché monétaire est uniquement due à des facteurs temporaires (émission de dette US, taxes à payer par les entreprises, etc.)? Cela a certainement du amplifier le mouvement observé sur les taux repo mais aujourd’hui personne ne peut être certain que c’étaient les seules raisons.
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1 #62 27/09/2019 15h09
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
Bonjour Toufou,
1) J’évite habituellement les arguments d’autorité, mais je pense utile d’expliquer que sur ces sujets complexes l’information mainstream (ce qu’on peut lire dans la presse française, par exemple) est souvent très approximative, voire fausse. Le marché monétaire n’est pas simple à analyser (parfois, même pour des pros), donc si on simplifie ou si on résume, le plus souvent on fait fausse route.
Bon, j’ai sans doute fait aussi une overdose de vidéos Youtube et d’articles SeekingAlpha tous plus délirants les uns que les autres. Ce qui me tue, c’est (1) la tonalité extrêmement affirmative de gens qui clairement n’ont absolument aucune idée de quoi ils parlent, et (2) les commentaires encore plus délirants à ces vidéos et articles, qui se renforcent mutuellement… une vraie spirale d’idiotie.
Cela dit, je suis bien d’accord pour dire qu’il est bien naturel de s’intéresser, ou de s’inquiéter, sur des développements apparemment "étranges" sur le marché monétaire, et qu’on ne doit pas se limiter à des débats d’experts. J’essaie d’être pédagogue sur ces sujets complexes, même si mes tentatives de vulgarisation ne fonctionnent pas toujours (ou, le plus souvent, sont trop longues).
2) Un besoin soudain et inattendu de liquidité sur le marché monétaire peut avoir de multiples causes, et ce n’est pas toujours facile de les identifier. S’agissant de l’épisode actuel aux USA, l’explication la plus plausible me semble celle que je donne dans mon précédent message : les effets persistants de la Grande Crise et les réformes prudentielles ont conduit à un besoin structurellement accru de liquidité de précaution des banques US. Ce besoin a toujours existé ces dernières années, il n’a été que révélé par la baisse tendancielle de la liquidité, associée au Quantitative Tightening.
Un besoin soudain de liquidité peut aussi résulter d’un choc affectant une ou plusieurs banques, compliquant ou empêchant la bonne circulation de la liquidité sur le marché monétaire. Un cas extrême de choc de ce type est celui qui a conduit au gel soudain du marché interbancaire de la zone euro le 8 août 2007 (au tout début de la crise).
Donc c’est naturel, quand on voit un besoin soudain et inattendu de liquidité sur le marché monétaire (avec des taux qui montent en flèche), de s’interroger sur la santé des banques (ou d’une banque systémique). Mais le fait qu’aucun nom ne filtre, 2 semaines après le choc initial, ne plaide pas pour cette hypothèse.
3) Il faut distinguer perte et besoin de liquidité :
a) une perte concerne l’actif d’une banque : un actif dont on pensait qu’il valait 100 ne vaut soudainement plus que 100-X
b) un besoin de liquidité concerne le passif d’une banque : une banque qui avait des financements de 100 peut soudainement perdre l’accès à certaines sources de financement (par exemple le marché monétaire) et ne plus avoir que 100-Y de financements. A défaut de trouver ces Y chez d’autres sources de financement, elle doit aller les chercher auprès de la banque centrale (prêteur en dernier ressort)
Il n’y a pas de lien automatique entre les 2 : une banque faisant des pertes peut maintenir un bon accès aux financements (par exemple sur le marché monétaire), et a contrario, une simple suspicion sur une banque (même sans perte avérée) peut lui faire perdre accès aux marchés de capitaux.
Cela dit, il y empiriquement souvent un lien entre les 2 : par exemple, en 2007-2008 le marché monétaire a cessé de fonctionner du fait de la réalisation soudaine que les bilans des banques comprenaient beaucoup d’actifs pourris (subprime, CDOs etc.).
Donc l’hypothèse que vous citez (l’Arabie Saoudite) n’a rien d’évident. A la limite, on pourrait supputer qu’un éventuel retrait de financements saoudiens pourrait avoir des conséquences sur le marché monétaire US… Moins vraisemblable à mon sens que mon hypothèse.
4) Une perte de 75 milliards $ serait significative ; un besoin de liquidité de 75 milliards $ ne l’est pas, à l’échelle du système bancaire US. A nouveau il faut distinguer problèmes de solvabilité et problèmes de liquidité :
a) une perte importante pose potentiellement un problème de solvabilité : pour le savoir, il faut comparer la perte aux fonds propres (capital buffers) des banques
b) un dysfonctionnement du marché monétaire pose potentiellement un problème de liquidité : il faut comparer le besoin nouveau de liquidité avec l’ensemble des financements des banques (le passif)
75 milliards $ est substantiel en comparaison des fonds propres des banques US. Mais pas du tout en comparaison de la taille de leurs bilans (2600 milliards $, par exemple, pour la seule JPMorgan). Et dans le cas présent nous parlons bien d’un souci de liquidité (pas de solvabilité).
J’irais même jusqu’à dire qu’un problème de liquidité de 75 milliards $, c’est peanuts à l’échelle du système bancaire US. Et aussi à l’échelle de la puissance de feu des banques centrales.
Pour vous donner un ordre de grandeur, la puissance de feu potentielle de la BCE pour ses opérations d’injection de liquidité, c’est 14 000 milliards € (c’est l’ensemble des actifs éligibles en garantie pour ces opérations).
Malheureusement, toutes ces "nuances" cruciales disparaissent absolument dans le confusionnisme qui domine le discours médiatique sur ces sujets complexes, et a fortiori dans les vidéos Youtube plus ou moins conspirationnistes. On mélange allègrement liquidité et solvabilité, pour aboutir à un discours anxiogène et faux, et donner l’impression que personne ne comprend ou maîtrise la situation. Je vous garantis que mes collègues de la Fed comprennent ce qui se passe, et traitent la situation avec des outils adaptés (ils ont évidemment infiniment plus d’informations que moi).
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Bonjour Valdec,
Effectivement, sur le lien entre besoin de liquidité et santé du système bancaire j’aurais dû être plus précis (mais bon, en rallongeant encore le pavé…).
On peut décomposer le besoin de liquidité du système bancaire en 2 composantes :
1) le besoin de liquidité agrégé pour que le système bancaire soit à l’équilibre : en langage de banquier central, c’est ce qu’on appelle "l’allocation de liquidité neutre" = le montant de liquidité que la banque centrale doit injecter ou absorber pour que le système bancaire soit exactement à l’équilibre ;
2) le besoin de liquidité de précaution : ce sont les liquidités supplémentaires que les banques souhaitent avoir sur leurs comptes à la banque centrale en prévision d’éventuels chocs de liquidité.
(1) n’a aucun lien avec la santé du système bancaire (c’est ce que je disais dans mon message), alors que (2) peut avoir un lien avec la santé du système bancaire (pas toujours, mais souvent).
En effet (1) dépend uniquement des "facteurs autonomes" au bilan de la banque centrale : c’est un point technique et pas toujours facile à comprendre, mais il faut se représenter la banque centrale comme la contrepartie unique du système bancaire dans la création de "monnaie banque centrale". Toute la "monnaie banque centrale" qui existe (et qui détermine la position de liquidité du système bancaire) est le résultat d’opérations de la banque centrale.
Donc pour déterminer la position agrégée de liquidité du système bancaire, on regarde le bilan de la banque centrale, et spécifiquement des "facteurs autonomes", c’est-à-dire tous les éléments du bilan de la banque centrale qui ne sont pas liés à la politique monétaire (ils sont donc "autonomes" de la banque centrale comme agent de politique monétaire).
Il s’agit en particulier :
a) à l’actif du bilan de la banque centrale :
- des "avoirs extérieurs nets", c’est-à-dire principalement des réserves de change -> déterminés par le régime de change et la politique de change, par les rentrées de devises etc.
- des portefeuilles d’investissements domestiques : par exemple la Banque de France détient (au-delà de son portefeuille de QE) d’importants portefeuilles obligataires € qui assurent son indépendance financière, le financement de ses pensions etc.
- des créances au Gouvernement : reliquats du passé, dans la zone euro (depuis la prohibition des financement monétaire par le Traité européen)
b) au passif du bilan de la banque centrale :
- de la circulation fiduciaire : les pièces et billets en circulation dans l’économie -> déterminés par les comportements des agents économiques, leur préférence pour le cash vs. d’autres modes de paiement etc.
- des dépôts du Trésor : la banque centrale agit comme banquier de l’Etat -> les fluctuations sur ces comptes sont liées aux rentrées fiscales et aux dépenses publiques
- des fonds propres de la banque centrale : en gros, l’accumulation de profits non distribués par la banque centrale
La somme nette de tous ces facteurs autonomes (+ à l’actif, - au passif) détermine si le système bancaire est en excédent ou en déficit de liquidité. Dans la zone euro, du fait de l’importance de la circulation fiduciaire et de la modestie des réserves de change, la somme nette des facteurs autonomes est négative (= ils absorbent structurellement de la liquidité), donc la BCE doit injecter de la liquidité.
Vous voyez que ce besoin structurel de liquidité dans la zone euro (déterminé par la somme nette des facteurs autonomes) n’est EN RIEN lié à la santé du système bancaire.
Donc, quand on observe une augmentation du besoin de liquidité du système bancaire, il faut se garder de crier au loup : le plus souvent, il s’agit simplement d’une variation des facteurs autonomes, sans lien avec la santé des banques.
En revanche - et sur ce point je vous rejoins - la composante (2) du besoin de liquidité du système bancaire, le besoin de liquidité de précaution, peut effectivement augmenter du fait d’un stress (réel ou perçu) dans le système bancaire. Mais pas toujours : elle peut aussi augmenter du fait d’une gestion plus conservatrice des banques (c’est mon hypothèse).
C’est comme si vous, pour vos finances personnelles, décidiez d’avoir 50k€ en liquidités immédiatement accessibles (livrets etc.) plutôt que juste 5k€ sur votre compte courant. Cette approche plus conservatrice ne signifie pas forcément que vous ayez un souci financier.
Dernière modification par Scipion8 (27/09/2019 15h50)
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#63 13/10/2019 13h19
- PavelK
- Membre (2017)
- Réputation : 28
Bonjour Scipion8,
Merci pour ces détails mais même si j’avais une idée sur le fonctionnement de ce marché je ne précipiterais pas de traiter les alarmistes comme des incompétents. Pour des raisons suivantes:
1. Incontestablement: la situation en mi-Septembre a été gravissime pour le marché qui sert la fondation du système financier bâloise.
2. Incontestablement: La FED, régulateur le plus réputé au monde, n’a pas su gérer et a crée une panique sur le marché le plus safe haven qu’on puisse imaginer. Donc l’incompétence ne se limite pas par les médias et les bloggeurs.
3. Incontestablement: L’injection de liquidité a été faite en mode « panique » de point de vue des montants ainsi que de la rapidité.
4. Incontestablement: le programme de rachat des Bills à court terme de 60 milliards par mois n’a jamais été lancée aussi rapidement.
Ces commentaires à mon avis justifient certaines inquiétudes plutôt que le silence totale dans les médias mainstream (comme en Août 2007).
Puis, je suis d’accord que vu la particularité du marché cela ne remet pas forcément en cause la solvabilité du système bancaire ni les caractéristiques défensives des collatéraux (bons du trésors américain).
Powell a été peu clair et peu logique (comme cela lui arrive) et dans son commentaire du lancement de ce programme il a parlé de la re-constitution des réserves bancaires.
Comme vous avez correctement mentionné peu sont ceux qui ont compris de quoi s’agit il.
Pour moi, j’espère que je ne passerai pas parmi les crétins, il s’agit des réserves imposées par Bâle. Alors, logiquement il y a eu une ou plusieurs banques qui fournissaient de la liquidité aux autres, moins bien capitalisées, spontanément renoncé de le faire.
Peu probable que la confiance a été perdu aussi rapidement et pour une journée seulement. En plus Libor s’envolerait aussi dans ce cas là.
Alors, cette banque(s) à priori « solide » n’a pas eu assez de liquidité à donner car il est peu probable qu’elle a préféré de la place à la Banque Centrale.
Pour quelle raison? C’est la question qui doit être posée.
La semaine prochaine les banques publient leurs trimestriels. Voyons…..
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2 #64 13/10/2019 16h52
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
Bonjour Pavel,
Je pense qu’il faut faire une distinction claire entre :
- tous ceux qui s’intéressent et s’interrogent légitimement sur des développements en apparence "surprenants" ou "exceptionnels" sur le marché monétaire - un sujet particulièrement technique et complexe, même pour des professionnels
- ceux qui, à la lumière d’événements que manifestement ils ne comprennent pas du tout, et sur lesquels ils n’ont manifestement fait aucun effort de recherche, proclament imminente la fin du monde, face caméra sur Youtube - tout comme ils nous ont annoncé depuis longtemps, et sans le moindre doute, la sortie de l’Italie de la zone euro, la faillite de Deutsche Bank, la supériorité de l’or sur la bourse, la chute du capitalisme, etc. Quand on se plante systématiquement dans ses jugements et ses prévisions, sans jamais perdre ses certitudes ni son arrogance, on mérite légitimement le qualificatif de crétin. C’est aux Youtubeurs conspirationnistes à buzz que je pense - à personne d’autre : ces gens-là diffusent leur bêtise et enlaidissent le monde.
Maintenant, sur le fond, en complément à mon message sur des concepts de base du marché monétaire : ce qui vous semble "incontestable" me semble au contraire très contestable, voire faux :
1) Pourquoi appeler "gravissime" la situation du marché monétaire US ? Une banque systémique a-t-elle fait défaut ? La stabilité financière est-elle en danger ? Aucun élément réel ne permet d’étayer cette thèse : rien. En revanche, la plupart des éléments factuels à notre disposition (par exemple les rapports trimestriels des grandes banques US) attestent plutôt d’une relative bonne santé (du point de vue de la solvabilité, de la liquidité et de la profitabilité) des banques américaines : j’aimerais beaucoup que les banques françaises soient aussi profitables ! Buffett, qui a un peu d’expérience, partage manifestement cette vision positive sur les banques US.
Ce n’est pas exact de qualifier de "gravissime" une déviation temporaire (même importante) du taux du marché interbancaire par rapport au taux directeur de la banque centrale : la Fed, comme toute les banques centrales, a tous les instruments pour faire face à ses situations. Pour info, ce genre d’événement est relativement fréquent en zone euro, mais la BCE a un corridor de facilités permanentes (facilité de dépôt actuellement à -0,50% et facilité de prêt marginal à +0,25%) qui stabilise "automatiquement" le taux interbancaire. Donc les déviations temporaires surviennent aussi en zone euro, mais elles ne vous inquiètent pas parce que ce corridor les traite automatiquement. La Fed pourrait envisager de mettre en place un corridor similaire.
2) Ce n’est pas parce que vous vous inquiétez ou vous interrogez, que la banque centrale "panique", hein. Perso je n’ai vu aucune "panique" du côté de la Fed ; en revanche, j’ai vu beaucoup de vendeurs d’or ou de prophètes d’apocalypse essayer de générer de la panique chez leur auditoire, et beaucoup d’amateurs de panique (tout comme il y a des amateurs de films d’horreur ou de films catastrophes) s’en délecter. Mais il y a une grande différence entre la réalité et ce qui se passe dans les têtes de ces gens-là.
3) En termes techniques, les repos effectués par la Fed s’appellent des opérations de réglage fin (fine-tuning operations). Rien que le nom devrait vous rassurer sur le fait que pour une banque centrale ce ne sont pas des opérations "exceptionnelles" conduites "en mode panique". Les opérations de réglage fin visent à répondre à des déséquilibres temporaires de liquidité : toutes les banques centrales (même en Afrique où je travaille actuellement) ont cet outil dans leur arsenal. C’est le B-A-BA du banquier central.
En quoi 60, 75 ou 100 milliards $ sont-ils des montants importants ? C’est peanuts à l’échelle du système bancaire américain, du portefeuille de QE de la Fed (3600 milliards $) ou de la puissance de feu potentielle de la Fed ou de la BCE (14000 milliards € pour la BCE, celle de la Fed doit être du même ordre).
4) Quand on doit répéter des opérations de réglage fin (à courte maturité) sur une période prolongée, on peut difficilement continuer à les appeler ainsi, puisqu’une opération de réglage fin vise normalement à compenser des déséquilibres temporaires de liquidité. Donc c’est normal que la Fed change son mode opératoire sur la façon d’injecter de la liquidité, sur des maturités un peu plus longues.
Des précisions complémentaires :
5) Les injections de liquidité via les achats de bills à court-terme se distinguent du QE parce que le QE vise à baisser les rendements de long-terme sur le marché obligataire, afin de rendre la politique monétaire plus accommodante. Ici, la Fed ne veut pas changer l’orientation de sa politique monétaire (cela, elle le fait par son taux directeur). En revanche, elle tient compte des signaux du marché monétaire en rendant les conditions de liquidité un peu plus amples. Certes, du point de vue du bilan de la Fed, il y a une expansion du bilan (comme pour un QE), mais cette distinction entre orientation de la politique monétaire et gestion de la liquidité est importante.
6) Pour analyser un marché (quel qu’il soit), il faut regarder à la fois l’offre et la demande. A mon sens, ce qu’on voit sur le marché monétaire US n’est pas dû à la demande de liquidité : si une banque était en difficulté et avait de gros besoins de liquidité, son identité aurait filtré depuis longtemps. Je pense donc que ce qu’on voit est dû à l’offre de liquidité : le fait que les banques qui détiennent des réserves de liquidité à la Fed ne veulent / peuvent pas les prêter autant qu’avant à leurs consoeurs, sans doute pour des raisons prudentielles (LCR / Liquidity Coverage Ratio) et/ou de gestion plus conservatrice de leur liquidité (une conséquence de long-terme du traumatisme de la Grande Crise).
7) Je suis d’accord pour dire que la Fed n’a pas très bien communiqué, permettant aux théories catastrophistes de prospérer. Perso je suis adepte d’une communication beaucoup plus proactive et agressive de la banque centrale, précisément pour mettre fin à des peurs potentiellement auto-réalisatrices.
Dans une banque centrale, vous avez des économistes et des opérationnels, en gros des stratèges et des plombiers. Moi, je suis un plombier. Ce sont les stratèges qui dirigent généralement la banque centrale et sa communication. La New York Fed a récemment perdu son "chef-plombier", Simon Potter, qui était un excellent communicateur. Je pense que cela a joué dans la communication sous-optimale de la Fed. Les meilleurs banquiers centraux sont des stratèges qui comprennent bien la plomberie. C’était notamment le cas de Ben Bernanke.
A nouveau, je ne traite certainement personne ici d’incompétent. Toutes les interrogations sont légitimes. C’est évident que j’ai un gros biais d’expert sur le sujet puisque c’est mon job, et que mon degré de compréhension de ces sujets complexes serait très différent si ce ne l’était pas.
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#65 13/10/2019 21h10
- bet
- Membre (2012)
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Pour rebondir ici, je ne parcours ni youtube ni seekingalpha. L’hypothèse que j’ai formulée avec les conditionnels qui s’imposent a une source sérieuse, mais que je ne retrouve pas (Les Echos, The Economist…?), mais il faut rester prudent et conserver le conditionnel.
Sur le retrait d’une banque habituellement préteuse, cela peut se produire; en l’occurrence, il semble que JP Morgan ait retiré 158 Md$ du marché selon Reuter. Too big to lend
Sur la possibilité matérielle d’utiliser plusieurs fois le même collatéral: considérons une banque A qui prête des liquidités contre un treasury, puis le prête à un tiers qui lui redonne en garantie d’un prêt? Le même collatéral sert à deux prêts. est-ce possible? Je ne suis jamais intervenu sur ce marché.
par ailleurs on peut lire ici une interrogation sur la cause de la réticence des banques à se prêter.
Les échos
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#66 13/10/2019 21h15
- PavelK
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Bonsoir Scipion8,
Je vous remercie encore pour ces détails (je ne peux pas malheureusement mettre un deuxième +) .
Je suis d’accord avec vous que le problème est lié à l’offre de liquidité et pas à la demande. Mais pourquoi vous n’envisagez pas le scénario que j’ai évoqué ou une des grosses banques américaines, qui fournissait d’habitude de la liquidité, tout à coup n’a pas voulu le faire et la raison n’a pas été dévoilée. Seul argument qu’il aurait une fuite d’information dans ce cas me paraît recevable, mais insuffisant.
Puis si c’est du "aux normes prudentielles et/ou de gestion plus conservatrice de leur liquidité" (le dernier me paraît hyper peu probable dans le contexte de l’argent facile), alors pourquoi la FED a tellement mal communiqué, voir menti? Leur "explication" était coïncidence entre la période fiscale, opérations effectuées par le Trésor américain patati patata…..
Je suis d’accord sur la rentabilité des banques américaines. Même je relativise la comparaison avec les banques françaises car souvent les profils du risque sont incomparables. Mais c’est une autre discussion.
D’accord sur les crétins et les annonceur de la fin du Monde. C’était leur journée
Puis, je ne suis pas d’accord sur la remise en cause de la gravité de l’événement. Je continue à croire que le passage d’un taux sur le marché le plus important de 2% à 10% intraday est grave. L’intervention immédiate de la FED de NY, vue de l’extérieur peut être, a été chaotique, très mal communiquée par une institution QUI SAIT TRES BIEN communiquer - me laisse penser que la situation était tellement chaude et inattendue qu’ils n’ont pas tout simplement eu de temps pour inventer une histoire qui tiendrait la route. Ils pourraient au moins dire ce que vous avez dit sur les normes prudentielles car personne n’aurait compris de toute façon de quels normes il s’agit exactement. Et finalement l’ampleur d’intervention et la mise en place de QE Short Term (je sais pas comment l’appeler) me laisse perplexe.
Je vois toujours peu d’arguments permettant de minimiser l’importance de l’événement. Je ne sais pas depuis combien de temps êtes vous dans le métier, mais souvenez vous peut-être une situation comparable? Ca serait intéressant de faire un back test.
QE à ma connaissance était une opération très large qui comprenait une intervention sur l’intégralité de la courbe des taux mais aussi sur des MBS et d’autres titres de créance. Je suis d’accord que les interventions sur les maturités courtes sont normales et ne peuvent pas être qualifiées comme une nouvelle QE, mais ici il y a une intervention anormale par son ampleur et l’urgence surtout.
D’ailleurs voici la définition de la QE d’ailleurs:
Quantitative Easing Explained
Donc Powell est un peu malin
Dernière modification par PavelK (13/10/2019 21h34)
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2 #67 13/10/2019 23h33
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
@Pavel : Ayant défini les concepts de base dans mes messages précédents (notamment ici), je peux faire une représentation schématique de ce qui s’est passé, à mon avis.
Je représente le système bancaire US comme constitué de 4 banques et globalement en situation de liquidité excédentaire (conséquence du QE).
Etape 1 : La distribution des réserves excédentaires est très hétérogène : c’est bien le cas dans la réalité. La banque A a des réserves excédentaires massives (l’équivalent, dans la réalité, est peut-être JPMorgan). Les banques B et D sont aussi en excédent de liquidité alors que la banque C a structurellement besoin de liquidité.
Etape 2 : La Fed n’a pas besoin d’intervenir si le marché interbancaire fonctionne correctement (c’est bien le cas, dans la réalité) : la banque C va trouver auprès de ses consoeurs (A et D) la liquidité dont elle a besoin pour respecter ses réserves obligatoires à la Fed.
Etape 3 : L’impact des injections "forcées" de liquidité par le QE se dissipe graduellement au fur et à mesure que les obligations souveraines et MBS achetés par la Fed viennent à maturité : leurs émetteurs remboursent la Fed à chaque échéance, en empruntant sur les marchés ou directement auprès des banques. Ce Quantitative Tightening (QT) a donc un effet restrictif sur la liquidité bancaire. Notez bien que cet effet restrictif est hétérogène parmi les banques, et a priori pas ou mal connu ex ante par la Fed.
Etape 4 : Par suite du QT, un besoin de liquidité se crée chez la banque B, et celui de la banque C s’accroît : mais le système reste en excédent de liquidité, et B et C trouvent la liquidité dont elles ont besoin auprès de A.
Etape 5 : Une échéance fiscale importante pour les clients des banques (grandes entreprises etc.) a un effet restrictif (temporaire) sur la liquidité bancaire : par ses échanges d’informations avec le Trésor US, la Fed a une idée précise de l’impact global de cette échéance fiscale. En revanche, elle ne peut pas connaître précisément la distribution de ses effets sur les différentes banques.
Etape 6 : Bien que le système bancaire reste globalement en situation d’excédent, la banque A ne veut ou ne peut pas prêter la liquidité dont elles ont besoin à ses consoeurs. En effet, par suite des nouvelles contraintes prudentielles, par exemple le LCR (Liquidity Coverage Ratio), la banque A doit ou veut conserver un volant de liquidité excédentaire à la Fed (ces réserves excédentaires étant considérées comme HQLA = High Quality Liquid Assets dans le calcul du LCR). Evidemment, cette nouvelle contrainte du LCR ne s’applique pas qu’à la banque A, mais à toutes les banques, dans la réalité (ce que je n’ai pas représenté sur mon schéma). Les banques B, C et D, ne trouvant pas la liquidité nécessaire sur le marché interbancaire, proposent des taux toujours plus élevés (jusqu’à 10% contre 2% habituellement) - sans succès car toutes les banques prêteuses potentielles sont dans la même situation que A (LCR etc.). Notez bien que la Fed peut difficilement connaître ex ante le niveau requis de réserves de précaution de chaque banque (dans les pays émergents où je travaille, on conduit des sondages auprès des trésoriers de banques, mais au mieux on obtentient des estimations grossières).
Etape 7 : Afin de calmer les tensions sur le marché interbancaire et de ramener le taux interbancaire prêt de sa cible (autour de 2%), la Fed intervient par des repos de maturité très courte, permettant à B, C et D d’y trouver la liquidité nécessaire au respect de leurs réserves obligatoires. La Fed intervient tant que l’impact restrictif de l’échéance fiscale se prolonge. Mais il faut bien voir que dans le même temps le Quantitative Tightening (QT) continue, absorbant toujours davantage de liquidité. Cela conduit la Fed à maintenir plus longtemps ses repos.
Etape 8 : La Fed, consciente que le déséquilibre de liquidité est plus durable (en raison à la fois du QT et des besoins accrus de réserves de précaution des banques, mis à jour par cet épisode), intervient plus durablement par des achats de T-bills (qui dans mon exemple compensent l’impact du QT) - sans pour autant redémarrer un QE.
Sur la base de cette représentation schématique (mais à mon sens assez vraisemblable sur les événements), vous voyez que :
1) La tension sur la liquidité est apparue sans le moindre changement sur les fondamentaux des banques : il s’agit d’une pure histoire de liquidité - les explications farfelues (banque en difficulté, impact de l’affaire saoudienne etc.) ne jouant aucun rôle.
2) Le QT et l’échéance fiscale (comme l’a dit la Fed) ont mis à jour un besoin accru de liquidité de précaution des banques, que la Fed pouvait difficilement mesurer ex ante. La Fed n’a pas menti.
3) Nous avons raisonné sur 4 banques : dans la réalité, il y a 5000 banques aux USA. (i) La position initiale de liquidité, (ii) l’impact du QT, (iii) l’impact de l’échéance fiscale, (iv) le LCR et (v) le besoin de liquidité de précaution sont des données spécifiques à chacune de ces 5000 banques. La distribution de liquidité dans le système bancaire US est très hétérogène. La Fed connaît (i) et (iv) pour chaque banque, mais connaître (ii), (iii) et (v) pour chaque banque relève d’une mission impossible. Ce n’est pas un souci : si un déséquilibre de liquidité apparaît, la Fed a tous les instruments pour y faire face. C’est bien ce qu’elle a fait.
On est donc bien dans le cadre d’une histoire assez classique de déséquilibre temporaire du marché monétaire - pas du tout dans celui d’une crise bancaire. En revanche, c’est vrai que le QE/QT complique singulièrement la gestion de la liquidité par la banque centrale : c’est sans doute une leçon intéressante pour la BCE.
Pour vous montrer la différence, je peux vous donner un exemple très célèbre d’un choc majeur sur le système bancaire : le gel complet du marché monétaire de la zone euro le 8 août 2007, qui a marqué le début de la Grande Crise :
a) J’étais face à mes écrans ce matin-là à la salle de marché de la BCE : avec mes collègues nous avons constaté tout d’un coup que toutes les cotations des banques sur le marché monétaire disparaissaient, en quelques minutes. Il y avait même des effets (brusque élargissement des bid-ask spreads) sur nos écrans EBS (marché des changes).
b) Les minutes suivantes, nous avons appelé les banques centrales nationales et les trésoriers des banques pour savoir ce qui se passait : plus aucune banque ne voulait prêter - quel que soit le taux, quel que soit le collatéral. Elles refusaient même de coter.
c) L’événement déclencheur selon nos contacts de marché était la nouvelle d’un gel des retraits sur un fonds monétaire BNP Paribas exposé aux ABS subprimes US. C’était un choc majeur pour toutes les banques, qui réalisaient que des fonds monétaires considérés comme très sûrs cachaient des risques difficiles à évaluer.
d) La plupart des banques européennes assurant la liquidité de fonds monétaires équivalents à celui de BNP, elles refusaient de prêter quelque liquidité que ce soit, par prévision de retraits massifs sur ces fonds.
e) Il faut donc bien comprendre que le gel du marché a commencé parce que les banques ne connaissaient pas leurs propres besoins de liquidité dans ce nouveau contexte dangereux - et non parce qu’elles se méfiaient des autres banques (même si cet effet est rapidement venu les jours suivants). [Je pense que c’est un phénomène comparable, mais bien moindre, qu’on a vu aux USA : c’est du côté de l’offre de liquidité qu’il faut chercher le déclencheur, pas de celui de la demande.]
f) Environ 30 minutes après le gel du marché monétaire, notre Directeur Général convoquait une réunion du Liquidity Committee de la BCE (ce LiCo se réunit tous les matins). Après une discussion rapide (j’étais autour de la table : mon baptême du feu), il appelait Trichet pour lui proposer de lancer un fine-tuning (opération de réglage fin) d’injection de liquidité à taux fixe et à allocation pleine (fixed rate / full allotment = "all you can eat"), de maturité un jour (overnight). En effet, comme nous ne pouvions pas connaître le besoin de liquidité du marché, le plus simple était d’injecter autant de liquidité que voulu par les banques. Cela nous permettrait aussi d’évaluer les besoins de chaque banque.
g) Trichet accepta immédiatement la proposition. Nous avons lancé le fine-tuning dans les minutes suivantes (environ 1 heure après le début du gel du marché). Cela a eu pour effet de calmer la panique parmi les banques, mais pas de dégeler le marché, car le problème était profond.
h) Les jours, semaines, mois suivants, nous avons continué les injections de liquidité, non seulement en €, mais aussi en $, grâce à un swap de change avec la Fed. En effet, le marché monétaire transatlantique avait aussi gelé.
i) Nous avons continué à injecter sans relâche jusqu’en septembre 2008. A ce moment-là j’ai vraiment cru qu’on allait y passer. Les trésoriers de grandes banques m’appelaient en pleurant : notamment parce que nos injections de liquidité en $ étaient trop contraintes et la situation avait encore empiré après la chute de Lehman.
j) Le système bancaire européen a été sauvé par Bernanke, qui a pris la décision courageuse de lever la limite de volume sur le swap entre la Fed et la BCE, permettant ainsi à la BCE de noyer le système bancaire européen non seulement d’€ mais aussi de $. A partir de ce moment-là, nous savions qu’on allait s’en sortir, car notre puissance de feu devenait quasi illimitée dans les 2 devises (et aussi en CHF, grâce à un swap avec la BNS). Nous avons injecté jusqu’à 800 milliards €, 300 milliards $, 50 milliards CHF (si je me souviens bien - mais ce sont les ordres de grandeur). Plus tard, Bernanke a été beaucoup critiqué par des membres du Congrès US pour avoir outrepassé son mandat. Perso je suis très admiratif.
Vous voyez que la situation actuelle aux USA est très différente : la Fed a su estimer dès le départ le besoin de liquidité (elle n’a pas fait de repo "all you can eat"), et ce besoin n’a pas vraiment augmenté les jours et semaines suivants. Les montants en jeu sont modestes. Donc perso cette histoire ne m’a jamais inquiété, même si je comprends les interrogations des observateurs sur le sujet.
Dernière modification par Scipion8 (14/10/2019 13h49)
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#68 27/10/2019 18h00
- PavelK
- Membre (2017)
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NY FED presque double son soutiens au marché du REPO.
Fed repo: Overnight operations level to increase to $120 billion
@Scipion8: merci encore pour vos explications. Pensez-vous qu’il y ait un risque que la FED aspire toutes les prompt maturités de la courbe (les Bills). Ou cela n’affecte pas vraiment le marché.
Pourquoi je demande, il y a possiblement une opportunité de jouer la normalisation de la courbe (inversée actuellement). Les taux courts peuvent baisser grâce à la FED et les taux Long monter grâce à l’éphorie sur les marchés US. En tout cas le spread peut diminuer.
Les banques US ont publiées des bon résultats ce que donne des points à votre raisonnement. Pour le moment rien ne laisse présager un problème majeur dans le système bancaire américain (tant pis pour Olivier Delamarche ).
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2 #69 31/10/2019 15h19
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
Bonjour PavelK,
Si on récapitule, la Fed conduit en parallèle 3 actions pour maintenir la liquidité (les réserves excédentaires) des banques à un niveau suffisant pour une bonne transmission de sa politique monétaire :
1) La Fed réinvestit les tombées d’échéances (principal) de son portefeuille de QE (SOMA = System Open Market Account) en Treasuries, agency debt et agency MBS : cela diminue le rythme "naturel" de réduction de ce portefeuille de QE.
2) La Fed achète des T-bills au moins jusqu’au 2e trimestre de 2020 : comme ils ont des maturités courtes, l’injection de liquidité correspondante est temporaire (ce n’est pas un "QE4" !).
3) La Fed conduit des opérations de repo (= elle injecte du cash contre du collatéral éligible, de très bonne qualité), de maturités overnight (jour le jour) ou un peu plus longues.
Cette stratégie est cohérente : elle vise à maintenir un niveau suffisant de réserves excédentaires pour que les taux à très court-terme sur le marché monétaire US restent proches des taux directeurs de la Fed : c’est essentiel pour une bonne transmission de la politique monétaire aux banques, puis à l’économie réelle, puisque c’est la première étape de la transmission.
L’implementation note annexée à chaque communiqué du FOMC (Federal Open Market Committee) l’explique bien (si vous êtes intéressé par ces sujets techniques, c’est la source à regarder en premier) :
Federal Reserve, Implementation Note, 30 octobre 2019 a écrit :
Effective October 31, 2019, the Federal Open Market Committee directs the Desk to undertake open market operations as necessary to maintain the federal funds rate in a target range of 1-1/2 to 1-3/4 percent.
C’est donc un mandat clair du FOMC au "Desk" de la New York Fed pour intervenir autant que de besoin pour maintenir les taux à très court terme du marché monétaire dans la fourchette voulue. S’ils doivent augmenter encore leurs interventions, ils le feront.
Il faut bien différencier (i) la mise en oeuvre (ou l’implémentation) de la politique monétaire de (ii) l’orientation de la politique monétaire :
- c’est par l’orientation de la politique monétaire, telle que reflétée par ses taux directeurs ou, dans des circonstances particulières, par des mesures comme le QE, que la banque centrale influence la courbe de taux, donc les conditions de financement de l’économie réelle, donc l’activité économique et l’inflation ;
- en revanche, la mise en oeuvre de la politique monétaire (ma spécialité) ne vise pas un impact important sur la courbe des taux ou sur l’économie réelle : elle n’est qu’au service de l’orientation de la politique monétaire. Notre travail consiste à assurer que cette orientation de la politique monétaire, telle qu’elle a été décidée d’un point de vue macroéconomique, se transmet bien aux banques, en premier lieu via le marché monétaire.
Toutes les interventions pré-citées de la Fed sur le marché monétaire sont de pures mesures de mise en oeuvre de la politique monétaire, de gestion de la liquidité pour assurer une bonne transmission des taux directeurs de la Fed. Ces mesures ne visent donc pas à modifier la courbe des taux US, mais simplement à assurer la bonne transmission des taux directeurs de la Fed.
C’est pourquoi les commentateurs qui confondent ces mesures avec un supposé "QE4" font un contre-sens complet sur la signification et les objectifs de ces mesures… Si la Fed veut rendre sa politique monétaire plus accommodante, ce n’est pas par des repos qu’elle le fera, mais en abaissant ses taux directeurs et/ou, en cas de crise, un véritable QE4 visant à abaisser la courbe des taux !
Si des mesures de mise en oeuvre de la politique monétaire sont bien calibrées et exécutées (et je fais confiance à la New York Fed pour cela), leur impact sur la courbe des taux doit être nul, ou en tout cas réduit / temporaire. La seule partie de la courbe qui doit être impactée est celle qui correspond aux maturités les plus courtes, qui vont revenir dans la fourchette définie par la Fed.
La courbe des taux ne pourrait se déformer que si le marché considérait que la Fed ne va pas être capable de ramener les taux de très court terme dans la fourchette voulue : dans ce cas-là on verrait un "désancrage" (disanchoring) de la courbe, en commençant par les maturités courtes. Ce n’est pas ce qu’on voit, ce qui confirme à mon sens que personne ne parie contre la Fed (et ils ont bien raison…). Si on panique sur Youtube, ce n’est donc pas du tout le cas sur les marchés ;-)
Donc si on exclut ce scénario très improbable d’"échec" de la Fed dans la gestion de la liquidité (ce n’est pas facile d’échouer quand on a des munitions illimitées…), la courbe des taux US reste essentiellement guidée par des facteurs macros, et notamment les anticipations de la politique monétaire de la Fed (son orientation, et non pas son implémentation !) :
a) Quand la courbe des taux est inversée sur des maturités longues, cela suggère que le marché anticipe une politique monétaire plus accommodante sur une période assez longue, c’est-à-dire des anticipations d’une récession assez prolongée.
b) Une récession moins forte ou plus courte peut conduire à une inversion sur la partie courte de la courbe, alors que la partie longue continue d’être croissante.
Perso, s’agissant des USA, je parierais plutôt sur le scénario (b), mais ça fait un bail que je n’ai pas regardé sérieusement la courbe obligataire US et je préfère exprimer ma conviction optimiste pour l’économie US en continuant à investir en actions US, en pariant sur un ralentissement temporaire ou une récession modérée à moyen terme.
S’agissant des T-bills, il faut réfléchir en termes d’offre et de demande : la Fed est une source de demande accrue de T-bills, mais typiquement l’offre (les émissions par le Trésor US) va s’ajuster si les banques ou les autres investisseurs ont une forte demande en T-bills. Et la Fed va éviter d’évincer les banques des T-bills, cruciaux pour leur gestion de leur liquidité. C’est tout l’inverse d’un QE, par lequel la banque centrale évince délibérément les banques et autres investisseurs des segments de marché "sans risque" pour les orienter vers des actifs plus risqués.
Et oui, les banques US sont plutôt en forme (en tout cas davantage que leurs consoeurs européennes). Delamarche, Gave et consorts sont étonnamment discrets sur les bons résultats trimestriels de JPMorgan (dont je suis un actionnaire satisfait) : c’est vrai qu’ils ne collent pas du tout avec leurs histoires de faillite imminente ;-)
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1 #70 31/10/2019 17h48
- Calie
- Membre (2019)
- Réputation : 3
Scipion8 a écrit :
1) Politique monétaire : Je rejoins votre avis sur le fait que les économies développées font désormais face à un risque déflationniste plus important que le risque inflationniste - pour des raisons touchant à la structure de l’économie mondiale (mondialisation), à la démographie (vieillissement) et à la technologie (digitalisation). On doit reconnaître que les banques centrales savent bcp mieux combattre l’inflation qu’une menace déflationniste, les moyens utilisés actuellement pour combattre le risque déflationniste étant assez "bourrins" et pas dépourvus d’effets pervers : le QE et les taux d’intérêt négatifs, essentiellement. La BCE, la Fed et la BoJ collaborent étroitement sur ces sujets. En 2014 on m’avait ainsi envoyé à un stage de 3 semaines à la BoJ pour préparer le QE de la BCE. Les QE de la Fed et de la BCE auraient sans doute été moins efficaces si nos collègues japonais n’avaient pas "essuyé les plâtres". Il y a chaque année des réunions trilatérales pour échanger sur ces sujets techniques.
!
Bonsoir à tous
Mon niveau en finance/économie : 0.5 sur 20, le demi-point ayant été auto-distribué suite à la lecture de ce fil. Merci pour le côté très formateur.
A mon niveau, on pensait/espérait même une baisse des prix ("ils ont de la chance au Japon, leurs prix baissent, ils peuvent se payer des tas de trucs"). Voilà, je suis fière de faire partie de ceux qui ont un peu compris pourquoi la baisse générale et pérenne des prix ne seraient pas si chouette que ça, voire catastrophique
*******
Depuis que je suis inscrite sur le forum (quelques jours), je comprends 1 mot sur 10, mais je tente de m’accrocher (désespéramment m’accrocher), car je suis citoyenne qui vote, et que comprendre (en partie) tout ça fait partie de nos responsabilités je trouve
Mais là, j’ai séché sur ce que j’ai cité
Si quelqu’un pouvait m’aider sur les points suivants :
* démographie vieillissante = + d’épargne pour préparer la retraite = - de consommation, donc pression déflationniste. Ai-je compris?
* mondialisation : là je cale. Est-ce à cause de la concurrence exacerbée (notamment le fait que le lambda ait accès au marché chinois via internet par exemple), donc tension à la baisse sur les prix?. A mon niveau, on pense : hausse de la population mondiale, donc hausse des clients potentiels souhaitant s’acheter les dernières technos par exemple
* digitalisation / technologie : je cale aussi. A mon niveau, on peut penser que toute cette techno embarquée (exemple voiture) fait monter les prix
Et autre chose m’est venu en tête. J’ai forcement tort, sans comprendre pourquoi : demain, si les prix baissent, moi je vais acheter tout ce que je freine : une nouvelle tablette, des vacances…je serai incapable d’anticiper une déflation pérenne, j’y verrai une super opportunité pour me faire plaisir. Vu qu’on doit être assez nombreux à être ignares, je me dis que beaucoup feraient pareil. D’où un rééquilibrage des prix bas par les volumes de vente. Où mon raisonnement pêche t-il?
Un grand merci pour votre aide si vous le pouvez. Moi je vais continuer à abattre toutes mes idées reçues
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1 #71 01/11/2019 09h06
- Caratheodory
- Membre (2019)
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Bonjour
A mon avis vous êtes moins nulle en économie que vous ne le pensez. Ne serait ce que parce que vous vous posez des questions.
L’effet déflationniste des technologies de l’information se fait sentir dans les services dont certains deviennent beaucoup moins chers. La baisse de prix à la production de ses services se repercutant dans le prix de vente. Pensez au commerce et à comment Amazon fonctionne. Ca compresse les marges des concurrents qui sont sur des modèles plus traditionnels.
Pensez aux banques de détail: neobanques, banques en ligne et banques à réseau d’agences.
Autre effet: le consommateur ayant plus de latitude à comparer les prix via internet fera ses choix en conséquence, faisant baisser les prix.
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#72 04/11/2019 18h38
- PavelK
- Membre (2017)
- Réputation : 28
J’ai une question par rapport aux taux au US et Europe. J’ai entendu plusieurs fois un avis que les taux ne peuvent pas être négatifs aux Etats-Unis.
Pourtant je ne comprends pas pourquoi.
Evidemment je compare les mêmes cycles économiques: si aux US la croissance diminue et s’approche à zéro, l’inflation s’approche à zéro également. Y a-t-il des raisons économiques pourquoi les taux ne descendraient pas dans le territoire négatif?
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#73 04/11/2019 19h21
- M07
- Membre (2015)
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Bonsoir !
Encore une chose que les Banques Centrales (la BCE) vous cache !
Voici la première monnaie, officielle (qui circule), au Monde à être fabriquée en matériau composite :
Cette monnaie émane d’une région autonome européenne. C’est considéré comme un État non reconnu, qui a son propre parlement, ses propres lois, et …sa propre monnaie.
De plus, c’est une région clef pour les trafics de toutes sortes, notamment monétaires. Ce qui arrange bien, mais aussi dérange pas mal, la BCE. Mais surtout, elle n’en parle que très peu, et pratiquement jamais en public. C’est est assez louche, non ?
Quand je vous dis qu’on nous cache des choses !
Bref, cette région autonome européenne, c’est …la Transnistrie.
… et dans ma tête, je rigole en pensant à tous les lecteurs en train de consulter Google ou Wikipedia pour en savoir plus sur la Transnistrie ;o)))
Attention ! Ce message est quand même à teneur humoristique. Ne croyez surtout pas que je donne dans le complotisme pré-ou-anti BCE.
Nonobstant cela, l’existence d’une monnaie en matériau composite reste quand même une curiosité intéressante dans l’historiographie de la monnaie, qui plaira à tous ceux qui ont la fibre numismate.
M07
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#74 04/11/2019 19h32
- GoodbyLenine
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Je ne vois pas bien ce que vient faire (au niveau de votre message) la BCE (banque centrale de la zone €uro) dans ces pièces en roubles de la Transnistrie. C’est de la Banque Centrale (j’ignore laquelle) en charge de ces roubles qu’il faudrait parler.
J'écris comme "membre" du forum, sauf mention contraire. (parrain Fortuneo: 12356125)
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#75 04/11/2019 19h37
- Surin
- Membre (2015)
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Que cache encore cette grossière faute ?
Ce sont bien les banques qui cachent, la chose elle est cachée, à moins que vous ne vouliez parler de cash
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