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Résultat du sondage :

Comme investisseur,quel est votre intérêt principal pour les banques ?


Je me préoccupe surtout de la sécurité de mes dépôts

25% - 52
Je m'intéresse aux actions bancaires pour investir

54% - 110
Je m'intéresse aux obligations bancaires pour investir

4% - 10
Prêt à déléguer la gestion de mon épargne à une banque

0% - 2
Je ne veux pas être exposé aux banques (pas confiance)

13% - 28

14    #1 08/05/2018 00h36

Membre (2017)
Réputation :   2535  

Delta a écrit :

Bonjour Scipion8,

    Scipion8 a écrit :
    Par ailleurs, jusqu’à fin 2015, j’étais strictement contraint sur mes opérations en bourse, en application des règles de mon ex-employeur (je détenais des informations privilégiées sur toutes les banques de la zone euro).


Pourriez-vous nous donner, en quelques lignes, votre avis / appréciation sur les banques de la zone euro, en particulier les établissements français, dont nous sommes sur ce forum principalement clients ? Bien évidemment, je comprendrais parfaitement que vous ne puissiez ou ne souhaitiez pas répondre à ma question.

M_erci.

Je crée une file de discussion dédiée pour répondre cette question de Delta dans ma file de présentation. Il y a quelques files de discussion sur des sujets proches, notamment ici et , mais sauf avis contraire des modérateurs, il vaut peut-être mieux une file dédiée pour une discussion plus générale. (Je souhaite aborder les différents produits pour l’investisseur : actions, obligations, dépôts…)

Je précise que je présente ma vision des banques, qui m’est personnelle et donc évidemment contestable. Je ne suis pas banquier, mais banquier central, et je ne suis pas un superviseur bancaire (qui a, ou devrait avoir, une compréhension globale d’une banque), mais un spécialiste des opérations de politique monétaire et de la liquidité bancaire (donc j’ai tendance à voir les banques sous cet angle de la liquidité, qu’on peut voir comme le "petit bout de la lorgnette", ou au contraire comme le "nerf de la guerre").

Je pars de zéro, (I) en énonçant des principes généraux, avant d’en venir précisément à la question de Delta, (II) en présentant ma perception générale des banques françaises et européennes, et je conclurai (III) en présentant quelques stratégies possibles pour l’investisseur particulier, selon son niveau de sophistication et de compréhension du système bancaire. Je commence aujourd’hui par les principes généraux.

I - Principes généraux

1) Une action bancaire est un produit financier risqué : En règle générale, je considère une action bancaire comme plus risquée qu’une action d’une entreprise industrielle, pour 5 raisons essentielles :

a) Les banques sont fortement exposées au cycle économique. Dans la banque de détail comme dans la banque d’investissement et d’affaires, l’activité et la rentabilité fluctue fortement avec le cycle économique. Outre le ralentissement de l’activité, les récessions sévères entraînent généralement des pertes pour les banques, en raison de l’augmentation des défauts sur leurs prêts aux entreprises et particuliers. Evidemment, ce caractère cyclique n’est pas unique aux banques (constructeurs automobiles etc.).

b) Les banques ont par essence des bilans complexes et peu transparents. C’est particulièrement le cas des banques qui, comme les banques "universelles" françaises, ont à la fois des activités de détail, d’investissement / finance de marché etc. Même les superviseurs, qui ont accès à une information bien plus riche que l’investisseur particulier, ne peuvent affirmer qu’ils comprennent exactement tous les risques pris par une banque. En période de crise, on découvre toujours des "cadavres dans le placard" : quand les superviseurs exigent d’une banque qu’elle réévalue à leur valeur de marché des actifs risqués, ils s’aperçoivent souvent que le traitement comptable de tel ou tel actif risqué n’en fait pas ressortir une image fidèle. Ainsi, les pertes sur réévaluation d’actifs peuvent augmenter massivement en période de crise, affectant la solvabilité de la banque.

c) Les banques ont par essence un levier très important. Les capitaux propres d’une banque ne représentent qu’une fraction de son bilan, de telle sorte qu’un pourcentage de perte même minime sur ses actifs peut entièrement effacer son capital. Dans le cadre de Bâle III, les ratios de solvabilité bancaires (capitaux propres sur actifs ajustés des risques) ont été rehaussés afin de rendre les banques plus résilientes (a fortiori quand elles sont systémiques), mais il est illusoire de penser que ces "coussins de sécurité", même plus prudents qu’avant la dernière crise, peuvent entièrement protéger le système bancaire de chocs majeurs.

d) Les banques font face à des risques constants sur leur liquidité. Une banque fait de la "transformation de maturités" : elle prend des ressources majoritairement à court terme, comme des dépôts, et les affecte sur des opérations majoritairement à long terme, comme des prêts immobiliers etc. Il s’ensuit une forte vulnérabilité à des retraits massifs des ressources à court terme, si la banque ne peut liquider aussi rapidement ses actifs, souvent illiquides (a fortiori en période de crise). Les régulateurs ont mis en place de nouveaux ratios de liquidité (LCR = Liquidity Coverage Ratio et NSFR = Net Stable Funding Ratio), qui obligent les banques à garder un minimum d’actifs liquides et de ressources tables, mais le risque de liquidité inhérent à l’activité bancaire demeure. La banque centrale joue un rôle majeur pour permettre aux banques de rester liquides en temps de crise, mais ses opérations sont contraignantes pour les banques : en particulier, les banques centrales ne prêtent aux banques que contre des actifs de bonne qualité présentés en garantie (collatéral).

e) En cas de résolution de la banque, l’actionnaire fait généralement face à une perte totale. Dans un scénario de liquidation de la banque, l’actionnaire peut espérer un paiement sur la liquidation des actifs uniquement après paiement de l’ensemble des créanciers de la banque : déposants, banque centrale, créditeurs sur le marché monétaire (notamment autres banques), détenteurs d’obligations senior et subordonnées… En raison (i) du levier très important, spécifique au secteur bancaire, et (ii) de l’utilisation massive de financement collatéralisé, l’actionnaire d’une banque en liquidation peut en toute probabilité espérer un taux de recouvrement de 0%. Par exemple, quand une banque centrale intervient pour soutenir une banque en difficulté, en lui fournissant de la liquidité d’urgence (agissant comme prêteur en dernier ressort), elle exige que la banque lui fournisse en garantie ses bons actifs disponibles (c’est une de mes spécialités) - qui dès lors ne seront plus disponibles pour les autres créditeurs, et a fortiori les actionnaires. Or, les banques sont généralement opaques dans leur communication sur leur asset encumbrance = la non-disponibilité d’actifs présentés en garantie à divers créditeurs collatéralisés (dont la banque centrale).

Pour toutes ces raisons, être actionnaire d’une banque comme BNP Paribas (au demeurant une bonne banque, dont je suis actionnaire) est généralement plus risqué qu’être actionnaire d’une bonne small cap dont on peut estimer assez simplement la valeur de liquidation, ou même d’un conglomérat industriel complexe du type LVMH. Je considère même les conglomérats industriels les plus complexes comme plus simples à analyser qu’une banque (a fortiori une banque universelle).

2) Analyser une banque, c’est l’évaluer sous 3 dimensions différentes : la profitabilité, la solvabilité et la liquidité.

Quand on s’intéresse à une action d’une entreprise industrielle, l’analyse fondamentale "rapide" consiste à regarder sa profitabilité passée et future, puis appliquer des ratios sectoriels à divers postes de résultats (PER, VE/EBITDA, P/CAF etc.). Un investisseur deep value, lui, va regarder plus en détail le bilan de l’entreprise, et par exemple estimer la valeur de liquidation de ses actifs.

Ces approches ne fonctionnent pas pour une banque. On peut bien sûr calculer des ratios et comparer les banques, mais cette approche est insuffisante, voire trompeuse. Quant à essayer de calculer une valeur de liquidation, c’est mission impossible (notamment en raison du manque de transparence sur la disponibilité des actifs, dans un contexte de prolifération des financements collatéralisés).

Pour analyser une banque, il faut à mon sens examiner une à une 3 dimensions bien distinctes :

a) La profitabilité est la capacité de la banque de générer un résultat positif de façon régulière. Les banquiers centraux comme moi (quand je dois proposer de sauver ou non une banque par l’apport de liquidité d’urgence) utilisent la notion de "viabilité" : le business model de la banque lui permet-il de générer des profits réguliers, ou bien la banque est-elle condamnée à des pertes et des recapitalisations répétées à cause d’un business model obsolète ? Cette question, l’investisseur particulier doit aussi se la poser : quelle est la position compétitive de la banque ? A-t-elle un avantage compétitif sur un segment donné ? Son activité est-elle diversifiée ou est-elle un acteur de niche ? etc. Des réponses à ces questions résultent une appréciation de la viabilité du business model de la banque, et de sa profitabilité "structurelle".

b) La solvabilité mesure la capacité de la banque à résister à des pertes sur ses actifs. Les capitaux propres sont le coussin de sécurité d’une banque face à une dépréciation de ses actifs. Idéalement, l’investisseur doit avoir une idée des risques principaux sur les actifs de la banque : quelle est la part des prêts par rapport aux titres ? Quelle est la qualité des prêts aux entreprises et particuliers ? En particulier quel est le niveau des créances en souffrance (NPL = non-performing loans) ? La banque les a-t-elle suffisamment provisionnées ? A quels titres obligataires la banque est-elle principalement exposée ? (risque souverain etc.) Il s’agit donc d’avoir une idée relative des risques pris par les banques sur leurs actifs, puis d’évaluer si les capitaux mis en face de ces risques sont suffisants ou non: on va éviter de s’exposer à une banque dont les ratios de solvabilité dépassent à peine les minima prudentiels, si son bilan semble particulièrement risqué.

c) La liquidité mesure la capacité de la banque à satisfaire ses obligations de paiement en toutes circonstances. Une banque doit en permanence faire face à des retraits de ressources : des obligations qu’elle a émise viennent à maturité, et parfois leur renouvellement (rollover) est difficile ; de même, des prêts interbancaires peuvent ne pas être renouvelés à maturité ; des retraits de dépôts ont lieu tous les jours, de façon parfois irrégulière et difficilement prévisible. Le rôle du trésorier de la banque (mes interlocuteurs au quotidien dans mon travail), c’est de maintenir la banque liquide à tout moment. L’erreur est interdite : une défaut de paiement, même mineur aurait des conséquences catastrophiques pour une banque (rupture de confiance, retrait des créditeurs et déposants etc.). Le trésorier doit donc garder en permanence une position de cash suffisante (sans toutefois l’exagérer bien au-delà du nécessaire, ce qui aurait un coût pour la banque) ainsi qu’un stock suffisant d’actifs liquides pouvant être vendus rapidement en cas de besoin.

Il faut bien comprendre que ces 3 dimensions peuvent ne pas être alignées pour une banque donnée :

a) Une banque solvable peut être illiquide. Une banque qui aurait un seul actif de très grande qualité, mais très illiquide, disons le Château de Chambord, et se financerait à 50/50 par des capitaux propres et des dépôts serait solvable (ratio de solvabilité très élevé, actif excellent) mais absolument illiquide, et condamnée à un défaut rapide, car elle ne pourrait pas faire face au moindre retrait de dépôt.

b) Une banque profitable peut être illiquide. Au début de la dernière crise financière en août 2007, le marché monétaire de la zone euro s’est gelé instantanément, sous nos yeux dans la banque centrale où je travaillais. Aucune banque, même très solide et très profitable, n’avait plus accès à la liquidité interbancaire indispensable à son fonctionnement, nécessitant une action immédiate de la BCE.

c) Une banque liquide peut perdre de l’argent et devenir insolvable. Imaginons une banque dont la priorité absolue est la liquidité : elle ferait en sorte de n’avoir que des actifs très liquides (disons des bons du Trésor français et allemands), elle cesserait tout prêt aux entreprises et particuliers. Il va sans dire qu’elle ne gagnerait pas d’argent au niveau actuel des taux sur ces titres d’Etat ! A terme, cela affecterait sa solvabilité.

Donc l’investisseur intéressé par le secteur bancaire ne peut se contenter de regarder la profitabilité de la banque. Il lui faut aussi évaluer sa résilience à des chocs sur ses actifs (= sa solvabilité) et à des retraits soudains de ressources (= sa liquidité). Occulter une de ces dimensions, c’est risquer une très mauvaise surprise.

Je voulais introduire ces idées générales et cette grille de lecture avant d’en venir dans un autre message au secteur bancaire français et européen, et aux stratégies possibles pour l’investisseur particulier.

Mots-clés : banques, liquidité, solvabilité

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3    #2 08/05/2018 10h29

Membre (2017)
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Quelques idées générales de plus, avant de passer spécifiquement aux banques françaises et européennes :

3) Les banques ont des liens étroits avec les Etats, d’où des risques de contagion réciproque risque bancaire / risque souverain. Les canaux de transmission entre risque souverain et risque bancaire sont multiples. En particulier :

a) Les banques jouent un rôle crucial dans le financement des Etats : par exemple les banques SVT (Spécialistes des Valeurs du Trésor) en France permettent de redistribuer la dette émise par l’Etat à l’ensemble des investisseurs. Les banques elles-mêmes sont des investisseurs majeurs dans les titres d’Etat, car elles ont besoin en permanence d’actifs liquides et sûrs (besoin accru par les nouvelles normes prudentielles sur la liquidité, notamment le LCR = Liquidity Coverage Ratio). On peut même dire que le cadre prudentiel encourage les banques à détenir beaucoup (parfois trop) de dette souveraine, notamment par le traitement favorable de ces actifs dans le calcul des actifs pondérés par le risque, le dénominateur des ratios de solvabilité.

b) Les Etats jouent un rôle crucial dans la minimisation du risque de liquidité bancaire. Les mécanismes nationaux de garantie des dépôts bancaires (dans la zone euro, protection des dépôts jusqu’à 100k€ par dépôt) sont souvent insuffisamment dotés (par les contributions annuelles des banques) pour faire face à une crise bancaire majeure qui nécessiterait l’activation de cette garantie. En fait, c’est l’Etat qui joue le rôle (le plus souvent implicite) de garant du système d’assurance des dépôts bancaires - car nous vivons dans des "démocraties d’épargnants", et des pertes importantes sur les petits dépôts bancaires entraîneraient sans doute une déstabilisation politique.

c) Les agences de notation et les marchés tiennent compte de la forte corrélation entre risque bancaire et risque souverain. C’est même explicite dans la méthodologie d’une agence de notation comme Standard & Poor’s : quand ils notent une banque, ils prennent d’abord en compte la qualité de la garantie implicite de l’Etat, puis ils affinent la note par la prise en compte des spécificités de la banque (qualité des actifs, risques divers…). Donc un downgrade de l’Etat entraîne généralement une cascade de downgrades des banques. De même, sur le marché des Credit Default Swaps (CDS, produits d’assurance contre un défaut d’un émetteur obligataire), on observe une forte corrélation entre les CDS souverains et les CDS bancaires (qui traitent à CDS souverain + prime de risque dépendant des spécificités de la banque).

Compte-tenu de ces forts liens entre banques et souverains, l’investisseur intéressé par une action ou obligation bancaire doit inévitablement prendre en compte la situation de l’Etat concerné (par exemple soutenabilité de la dette publique).

4) Certaines banques ont un caractère systémique, qui doit être pris en compte par l’investisseur. On parle de "système bancaire" car il s’agit d’un ensemble d’entités étroitement liées et interdépendantes. Par exemple :

a) Le marché interbancaire est essentiel à la gestion par les banques de leur liquidité. Si une banque fait défaut, le marché interbancaire va généralement se geler immédiatement (les prêteurs cessent de prêter), entraînant la nécessité d’une action immédiate par la banque centrale.

b) L’effondrement d’une banque pose des risques majeurs pour les autres banques, en raison des effets de contagion psychologique des créditeurs et déposants. Une banque en parfaite santé peut se retrouver soudainement avec de gros problèmes de liquidité si une banque "voisine" plus fragile se retrouve dans l’impossibilité d’honorer les demandes de retrait de ses déposants (files d’attente devant les agences bancaires).

Les banques centrales et les superviseurs essaient de mesurer le caractère plus ou moins systémique des banques, c’est-à-dire à quel point un événement négatif sur une banque donnée peut affecter l’ensemble du système, et donc la continuité de la fourniture de services financiers à l’économie (= la stabilité financière). Pour cela, on utilise différents critères objectifs (taille de la banque, importance des dépôts, interconnexions avec les autres banques…), mais on doit reconnaître que les risques pour la stabilité financière dépendent aussi du contexte (ils ne sont pas les mêmes dans une période de forte croissance ou de récession).

Les banques jugées systémiques ont (depuis Bâle III) des obligations de solvabilité renforcées, et (a priori) peuvent davantage espérer être sauvées par la banque centrale (soutien de liquidité d’urgence) et/ou par l’Etat (recapitalisation) en cas de besoin, car elles sont too big to fail. Donc le caractère systémique ou non d’une banque est évidemment important pour l’investisseur.

5) L’activité bancaire nécessite une gestion intelligente des risques, une certaine sophistication, et une éthique irréprochable. Lors de l’attribution des licences bancaires, le superviseur évalue la capacité (technique, morale, financière) des actionnaires et du management, et peut refuser d’attribuer une licence si les critères minimaux sur ce plan-là ne sont pas atteints.

Lorsque le superviseur ne fait pas correctement son travail (par exemple à Chypre avant 2013), les conséquences sont immédiates : gestion des risques non professionnelle, pratiques éthiques contestables voire frauduleuses (prêts à des parties liées, absence de recouvrement des créances en souffrance sur des "amis", blanchiment d’argent…).

Donc l’investisseur intéressé par les banques doit prendre en compte :
- le sérieux et la compétence du superviseur
- la qualité des actionnaires majoritaires
- le respect strict ou non des normes éthiques et légales (risques judiciaires…)
- la capacité technique du management et des équipes de la banque
 : très souvent, des banques de détail traditionnelles veulent s’aventurer dans des activités de marché pour lesquelles elles ne sont pas équipées intellectuellement (gestion des risques notamment), avec des conséquences désastreuses pour l’actionnaire.

Voilà, j’ai fait le tour je pense des grandes idées générales que je voulais présenter en intro.

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17    #3 10/05/2018 20h48

Membre (2017)
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Maintenant une analyse superficielle des banques européennes (un échantillon d’une quarantaine de banques, cotées en bourse). Plus que d’une véritable analyse, il s’agit d’un exercice de screening.

Comme expliqué dans mes précédents messages sur cette file, des approches similaires à celles utilisées pour du stock-picking de valeurs industrielles (évaluation de l’actif net réévalué, multiples du type VE/EBITDA…) sont difficiles et/ou inadaptées pour sélectionner des banques.

Une action bancaire étant un produit financier particulièrement risqué, il faut porter beaucoup d’attention au profil de risque de chaque banque. Mais une approche purement comptable se heurte à la complexité et au manque de transparence de la plupart des bilans bancaires. Par ailleurs, les banques sont des adeptes expertes du window dressing (opérations de fin de mois ou de trimestre visant à afficher un bilan plus solide), à la fois pour des raisons de respect des règles prudentielles et pour donner une bonne image au marché.

Par ailleurs, une approche statique, sur la base des derniers comptes publiés par la banque, risque d’ignorer des développements en cours et des facteurs de risques importants.

Enfin, la résilience d’une banque dépend largement de perceptions et de facteurs psychologiques : lorsqu’elles sont généralisées, des anticipations négatives sur une banque peuvent devenir auto-réalisatrices et destructrices, car aucune banque au monde ne peut résister à une perte de confiance totale de ses créditeurs et déposants.

Pour toutes ces raisons, j’utilise des indicateurs de risques dynamiques (forward-looking), provenant de multiples sources, que je croise entre elles :

1) Les ratings attribués par les agences de notation reflètent les risques pour un émetteur obligataire, et ont une dimension prospective. En outre, ils ont l’avantage de refléter une méthodologie uniforme (pour chaque agence de notation), et permettent donc une comparaison directe entre banques. Les agences de notation prennent en compte la qualité du soutien implicite du souverain aux banques (c’est-à-dire la capacité et la volonté de l’Etat de soutenir les banques en cas de besoin). Sans surprise, les banques les mieux notées de l’échantillon sont des banques scandinaves, grâce à la solidité des finances publiques dans ces pays, alors que ce facteur handicape les banques des pays méditerranéens.


2) Les recommandations des analystes sont aussi un facteur pertinent, car elles reflètent la confiance de ces observateurs dans chaque banque, et peuvent influencer le marché. (Un investissement contrarian, dans une banque mal-aimée, n’est pas impossible, mais il est particulièrement périlleux, en particulier si la conjoncture économique se dégrade.) Par ailleurs, les banques sont en général largement couvertes par les analystes (à la différence des small caps industrielles). Je calcule un indicateur synthétique sur la base des recommandations des analystes :

Indicateur synthétique (en %) = [nb Acheter * 100% + nb Accumuler * 50% + nb Conserver * 0% + nb Alléger * (-50%) + nb Vendre * (-100%)] / nb Total Recommandations

On peut rapprocher cet indicateur synthétique du sentiment de marché, de ratios de valorisation, par exemple le Price-to-Book ratio, pour essayer d’identifier des actions bancaires populaires mais a priori pas trop chères :


3) Les stress tests effectués par la BCE et l’Autorité bancaire européenne (EBA) reflètent l’évaluation dynamique par le superviseur de la résilience des banques, leur capacité à résister aux chocs. La BCE et l’EBA calculent les ratios de solvabilité des banques dans différents scénarios, pour vérifier si le "coussin de sécurité" que représentent les capitaux propres sont suffisants dans ces scénarios. Il vaut mieux je pense regarder le scénario adverse (Banco Popular, qui a dû être sauvée par Santander l’an dernier pour éviter la faillite, au prix de pertes totales pour ses actionnaires, avait un ratio de solvabilité > 6% dans ce scénario adverse…). J’ai utilisé les derniers stress tests disponibles (2016), mais tout investisseur intéressé dans les banques européennes devrait regarder de près les résultats des nouveaux stress tests 2018 lorsqu’ils seront publiés.

On peut rapprocher par exemple cette mesure de la résilience des banques d’une mesure de leur profitabilité, par exemple le ROE, pour identifier des banques à la profitabilité "solide" (forte profitabilité + forte résilience). Les banques scandinaves se distinguent particulièrement.


4) Les Credit Default Swaps (CDS) sont un produit d’assurance contre le risque de défaut d’un émetteur obligataire, sur un horizon donné (ici 5 ans). La prime de CDS est proportionnelle à la probabilité de défaut de l’émetteur. Le marché des CDS est fortement réactif et dominé par des professionnels du risque : ça ne veut pas dire qu’il ne se trompe jamais, mais il est moins influencé que les marchés actions et obligations, par exemple, par des biais d’investisseurs (aversion au risque, effets grégaires…). Selon mon expérience, l’information fournie par les CDS sur les risques relatifs des banques (donc la comparaison des risques entre banques, plus que le niveau absolu) est de qualité comparable, voire supérieure, à l’évaluation des superviseurs (ce qui ne devrait pas être le cas en théorie, au vu de l’information confidentielle disponible pour les superviseurs). Donc le CDS est pour moi le meilleur reflet de l’appréciation du marché sur le risque d’une banque.

On peut rapprocher le CDS du dividende (par exemple), afin d’identifier les banques qui versent un dividende intéressant tout en ayant un niveau de risque (tel que perçu par le marché) assez faible.


Je croise donc 4 sources d’information différentes me donnant une appréciation à la fois synthétique sur les risques de chaque banque : le superviseur (BCE / stress tests), les agences de notation, et le marché (analystes + CDS).

Ensuite, un aspect important de l’analyse sur des banques, qui diffère du stock-picking de valeurs industrielles, est le rôle important des dividendes :

- Pour une valeur industrielle, je n’exige pas a priori de dividendes, surtout si je pense qu’il vaut mieux que l’entreprise augmente ses investissements et tire parti d’un potentiel de croissance. (Evidemment, s’il s’agit d’une entreprise mature sans gros potentiel de croissance, je vais vouloir un dividende.)

- En revanche, pour une banque, il est tout à fait normal (voire nécessaire) que l’actionnaire soit compensé du risque important qu’il prend par un dividende satisfaisant. En outre, l’activité bancaire en Europe est une activité mature, sans gros potentiel de croissance, donc le dividende doit être suffisant pour l’actionnaire.

Dès lors, je vais chercher à obtenir des actions bancaires à dividendes satisfaisants et soutenables, tout en essayant de minimiser le risque et de ne pas surpayer ces actions.

Par exemple, on peut mettre en rapport le dividende avec le PER (ou d’autres ratios de valorisation, comme le P/B).


Mes conclusions avec cette approche :

1) Les actions des banques françaises semblent assez intéressantes : bons dividendes et faibles CDS (fort soutien implicite de l’Etat). En revanche, en termes de profitabilité et de résilience aux chocs (stress tests), elles se situent dans la moyenne. Ma préférée est BNP Paribas (je suis actionnaire), Crédit Agricole semble aussi intéressante. Natixis me semble un peu chère (P/B), alors que SocGen est moins populaire sur le marché. Un risque évident à long terme est le risque d’un soutien moins fort de l’Etat (risque politique).

2) Les banques scandinaves semblent très profitables et affichent des PER raisonnables, mais souffrent d’une appréciation négative du marché et leurs P/B semblent élevés. La faiblesse de la couronne suédoise peut néanmoins offrir un point d’entrée intéressant pour un investisseur €. Je vais creuser ce sujet avant d’envisager un éventuel investissement (je ne comprends pas pourquoi leurs ratios P/B sont si élevés alors que leur ratios de solvabilité aux stress tests sont les plus solides).

3) Il pourrait y avoir des opportunités intéressantes en Italie et en Espagne, si l’amélioration de la profitabilité et des dividendes se poursuit.

4) Les banques allemandes Deutsche Bank et Commerzbank sont des investissements risqués, avec une appréciation de marché actuellement défavorable. Mais leur faible P/B peut être intéressant d’un point de vue spéculatif…

Il s’agit d’un simple screening, et une analyse plus détaillée est nécessaire avant de sélectionner des actions bancaires.

Pour la suite de l’analyse, je regarde en particulier les points suivants :

1) Compétence, sophistication et réputation de la banque : Cela n’apparaît pas forcément dans les chiffres, mais cette dimension est évidemment cruciale. Après mon expérience professionnelle en 2007-2008, je suis très sceptique sur les banques de détail qui se lancent dans la banque d’investissement : sans capacité technique et intellectuelle pour apprécier et gérer les risques, elles finissent généralement comme les "dindons de la farce", en absorbant (au prix fort !) les actifs les plus risqués du système. Des banques comme Dexia, Fortis, Natixis, des Landesbanken allemandes, etc. étaient gorgées de subprimes US, de CDOs, d’expositions à l’Islande etc., en 2007 (Goldman Sachs et consorts les ayant identifié à raison comme de "bons clients"). C’est pour cela que je n’achèterai jamais une action Natixis (même s’ils ont pu s’améliorer depuis lors), et que je suis très sélectif sur les banques qui ont des activités importantes de finance de marché. A terme, je pense qu’il n’y a de la place en France que pour une seule banque vraiment active sur ce business risqué.

2) Diversification internationale : Par principe, je n’investis que sur des valeurs qui ont un potentiel de croissance. Des entreprises qui opèrent sur un marché mature sans aucun potentiel ne m’intéressent pas, même si elles versent de bons dividendes. Donc je recherche des banques européennes actives hors d’Europe : Afrique (BNP Paribas, SocGen, HSBC, Standard Chartered), Amérique Latine (BBVA), Asie (HSBC, Standard Chartered)…

3) Qualité du superviseur : Avec le Mécanisme de Supervision Unique, la BCE est maintenant le superviseur pour toutes les banques de la zone euro. Néanmoins, l’échelon national demeure important, et même s’il y a une harmonisation progressive, je pense que certains superviseurs nationaux sont plus compétents que d’autres (ce que semble confirmer le cas récent de la liquidation de la 3e banque lettone). En France, nous avons d’assez bons superviseurs - à mon sens meilleurs qu’en Espagne ou en Italie, par exemple. Je suis très positif sur la compétence de la Riksbank en Suède en particulier (même si les banques suédoises ont eu des déconvenues pendant la crise en raison de leurs expositions aux pays baltes), et je pense que les superviseurs irlandais se sont beaucoup améliorés, en tirant les leçons de la crise.

Conclusion : Je suis actionnaire de BNP Paribas (qui performe assez bien dans cet exercice de screening) et de HSBC (plus chère, mais qui offre le meilleur profil de diversification internationale). Je suis également actionnaire de Deutsche Bank, dans une optique purement spéculative (donc particulièrement risquée).

Par ailleurs, je m’intéresse au Crédit Agricole, aux banques suédoises, à Santander / BBVA, et à d’éventuelles opportunités en Italie.

Je passerai aux stratégies d’investissement (selon le profil de risque et de sophistication de l’investisseur) dans un prochain message.

Je mets un screenshot de la base de données pour le screener pour ceux que ça intéresse.

Dernière modification par Scipion8 (10/05/2018 21h24)

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1    #4 10/05/2018 21h51

Membre (2013)
Réputation :   148  

Bonjour scipion8,
Votre méthodologie est d’une incroyable précision!

J’aurais une remarque :
- dans votre analyse, vous ne semblez pas tenir compte du changement de normes (IAS39 en IFRS9) qui va impacter le bilan des entreprises cette année (surtout le bilan des établissements financiers).

En effet, les groupes bancaires avec une forte activité de banque de détail, et qui souscrivent donc beaucoup de prêts, subiront un impact important sur leurs capitaux propres cette année (à hauteur d’un milliard d’euros pour certains). Les années suivantes, les dépréciations supplémentaires (notamment celles dues aux dépréciations des prêts considérés comme "sains") impacteront quant à elles le résultat.

Il pourrait être intéressant de se focaliser plutôt sur des banques d’affaires ou avec un plus faible volume de prêts au passif.

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1    #5 12/05/2018 12h27

Membre (2017)
Réputation :   2535  

@Kapital, IH :

1) La thèse d’une évolution des banques européennes en "quasi-utility" est intéressante, mais je pense trop optimiste / complaisante sur les risques dans le système bancaire. La régulation bancaire a été renforcée après la crise (ratios de solvabilité renforcés, ratios de liquidité, renforcement des règles Know-Your-Customer…), mais la prise épisodique de risques excessifs est inhérente à l’activité bancaire, à l’économie et, plus généralement, à la psychologie humaine. Les régulations peuvent réduire un peu les risques mais pas les éliminer, et même si la prise de risques excessifs a lieu hors du système bancaire (comme c’est le cas actuellement, à mon avis), les banques finissent par se retrouver indirectement exposées à ces risques (le système bancaire est comme le foie dans le corps humain).

2) Cela dit, historiquement les cycles de renforcement de la régulation et de dérégulation de l’activité bancaire durent plus longtemps que les cycles économiques. On peut donc considérer (et espérer) que le cycle de renforcement de la régulation qui a commencé au début des années 2010 ne va pas s’affaiblir trop vite, ce qui pourrait justifier une évaluation plus optimiste du risque bancaire. Cela dit, on voit bien avec Trump que la dérégulation et une attitude "enough with regulation" pointe déjà son museau. Il faut bien comprendre que la psychologie de complaisance et de prise de risques excessifs affecte aussi les régulateurs et banquiers centraux ! (je l’ai vécu dans mon environnement professionnel quand, "intoxiqués" par les opinions des banques, nous avons initialement minimisé l’importance du problème des subprimes US, début 2007)

3) Perso je pense que tout portefeuille un peu significatif doit comprendre une exposition aux banques, qui sont un moyen simple de parier sur l’économie et de profiter du cycle économique. A mon sens, on doit idéalement faire évoluer la pondération du secteur bancaire dans le portefeuille selon le cycle économique (par exemple 5% en haut du cycle, 15% en bas du cycle pour un portefeuille en phase de capitalisation - je suis autour de 5% actuellement ; je reviendrai sur les stratégies dans un autre message).

4) Pour un portefeuille générant des rentes (phase de consommation), la pondération des banques doit sans doute être un peu renforcée, mais toujours avec (i) cette idée de faire varier la pondération selon le cycle et (ii) une diversification par devises / pays / régions suffisante (car le risque est plus important que sur des aristocrates du dividende dans l’industrie).

5) Cela dit, pour un portefeuille de rente, les obligations bancaires peuvent être un produit plus adapté (et moins risqué !) que les actions bancaires. (Je reviendrai sur ce point dans mon message sur les stratégies) Comme pour les actions, il faut utiliser le cycle pour optimiser le point d’entrée pour les obligations bancaires.

6) Perso je suis un peu sceptique sur les stress tests menés dans l’UE (BCE et EBA), que je trouve insuffisamment exigeants. A ma connaissance, il n’y pas de critère de continuité du dividende. Je me concentre sur le scénario adverse, mais même celui-là semble parfois insuffisamment exigeant (l’exemple de Banco Popular, qui survivait sans problème à ce scénario, mais a coulé un an plus tard alors que les conditions économiques étaient bonnes en Espagne, est assez perturbant). Je pense que les stress tests sont un peu pollués dans l’UE par la compétition entre pays (aucun pays ne veut se retrouver avec un système bancaire apparaissant plus faible que celui des voisins). Il faut être un peu indulgent et patient car il s’agit d’un exercice nouveau, mais j’espère que la BCE va assurer la crédibilité des prochains stress tests et qu’ils ne seront pas complaisants. En tout cas, il faut croiser les sources sur le risque bancaire (CDS, stress tests, agences de notation, analystes).

------------------------------------------------------------------------------------------------

@Biapi :

La question de la compétition par des nouveaux entrants dans le secteur bancaire est intéressante. A mon sens, il y a trois conditions nécessaires pour l’arrivée de nouveaux entrants dans ce secteur :

1) une rupture technologique : est-ce que des nouveaux entrants tels que Google ou Amazon peuvent "disrupter" le modèle des banques traditionnelles ? Celles-ci se sont adaptées au nouveau modèle de la banque en ligne, elles investissent massivement dans les nouvelles technologies, donc ce n’est pas certain que de nouveaux acteurs, partant de zéro, puissent les dépasser (mais évidemment le potentiel d’innovation d’une firme comme Google est impressionnant et difficilement prévisible).

2) la barrière de la régulation : depuis la crise, la régulation bancaire est devenue plus complexe et exigeante. Les banques ont dû beaucoup travailler et investir pour s’adapter à ce nouvel environnement réglementaire. A mon sens, ça rend plus difficile l’entrée de nouveaux acteurs sur ce secteur.

3) la profitabilité : une autre conséquence du renforcement de la régulation bancaire, c’est l’évolution du rapport risk / reward dans le secteur bancaire : moins de risques, mais moins de profits (même si parler de "quasi-utility" va un peu trop loin à mon sens). Aujourd’hui un ROE de 10% est satisfaisant pour une banque, alors qu’avant la crise 15% était un must. Aujourd’hui, Google et Amazon ont des ROE beaucoup plus élevés (20% et 28% respectivement) : quel intérêt auraient ces entreprises à "envahir" un secteur à ROE structurellement beaucoup plus faible ? Je pense que cela n’arrivera pas, à moins d’une grande rupture technologique. (En revanche, on voit qu’un acteur comme Orange, qui a un ROE de 9%, s’intéresse à l’activité bancaire.)

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@Kapitall :

Oui, les banques canadiennes ont une excellente rentabilité, un profil de risque solide (ratings comparables aux meilleures banques européennes), et bénéficient d’un bon sentiment de marché. Mais je les trouve chères à ces niveaux (P/B élevés), ce qui rend leur rendement assez moyen. Je préfère les banques françaises et scandinaves actuellement.


La capitalisation boursière des 5 plus grandes banques canadiennes totalise 322 milliards € actuellement, contre "à peine" 171 milliards € pour les 4 plus grandes banques françaises, un pays dont la population est le double du Canada et dont les banques peuvent en outre bénéficier d’une meilleure exposition à des pays en développement, notamment en Afrique et en Europe de l’Est. (Même si cette comparaison est biaisée par le fait qu’une part importante du secteur bancaire français n’est pas cotée, et même s’il faut bien sûr reconnaître au marché canadien un plus grand dynamisme que le marché européen, ne serait-ce que pour des raisons démographiques.)

Cela dit, sur une correction de marché de 20% ou plus (les actions des banques canadiennes, comme celles des banques US, devraient subir un effet amplifié du retournement économique qui arrivera tôt ou tard en Amérique du Nord), ce sont clairement pour moi des actions très intéressantes pour du fond de portefeuille (en vérifiant que le taux de change EUR/CAD ne les rend pas trop chères pour l’investisseur € : une autre raison pour laquelle je préfère les banques suédoises actuellement).

Expliquer la meilleure profitabilité des banques canadiennes par rapport à la plupart des banques européennes n’est pas évident, je pense que les facteurs suivants jouent :

1) Un très bon business mix entre banque de détail et marchés de capitaux. RBC, par exemple, tire 50% de ses revenus de la banque de détail, 22% des activités de marchés, 16% de la gestion d’actifs (une activité souvent externalisée, peut-être à tort, par beaucoup de banques européennes), 6% de l’assurance et 6% des services de gestion des titres : un beau modèle de banque universelle, où les activités de marchés sont complémentaires de la banque de détail, sans devenir le principal moteur du profit (et des risques !) - ce qu’on peut (ou a pu) reprocher à BNP Paribas ou SocGen. Même prédominance de la banque de détail pour Toronto-Dominion  et Nova Scotia. Il faudrait faire une analyse beaucoup plus fine, mais mon impression est que les activités de finance de marché des banques canadiennes sont sans doute moins variées et moins risquées que celles de ces 2 banques françaises (ou a fortiori, de Deutsche Bank) : sans doute une meilleure sélectivité dans ces activités. Les activités de finance de marché, avec tous leurs risques opérationnels et de réputation (incidents du type Kerviel, scandale du LIBOR etc.), portent un stigma dans la perception des marchés boursiers, ce qui pénalise sans doute les banques qui y sont fortement exposées, par exemple en termes de coût de financement.

2) De façon plus conjoncturelle, la remontée du taux directeur de la Banque du Canada (actuellement 1,25%) améliore sans doute la profitabilité de la banque de détail au Canada, alors que les banques de la zone euro souffrent dans un environnement de taux très bas voire négatifs.

3) La perception d’autorités publiques compétentes et proactives joue aussi sans doute dans la perception de risques faibles pour les banques canadiennes, se traduisant par des coûts de financement faibles. Le Canada apparaît plus solide sur le plan budgétaire que beaucoup de pays européens, et l’Etat Canadien est sans doute perçu (à tort ou à raison) comme davantage disposé à sauver ses banques en cas de besoin que l’Etat US (dont le cas Lehman Brothers a montré la logique plus "darwinienne"). La Banque du Canada est une des toutes meilleures banques centrales au niveau technique, et même probablement plus innovante que la BCE (par exemple, ils sont en train de tester un CADcoin, cryptomonnaie de banque centrale). Au début de la crise en 2007-2008, la Banque du Canada a dû intervenir de façon très énergique pour empêcher un problème majeur de liquidité pour le système bancaire canadien, qui utilisait jusqu’alors massivement les ABCP (Asset-Backed Commercial Paper) pour financer ses actifs à long-terme. Après quelques frayeurs, tout s’est bien terminé, et les banques canadiennes ont traversé la crise sans encombre (et Mark Carney a même été "volé" par les Britanniques pour devenir Gouverneur de la Banque d’Angleterre) : les banques canadiennes continuent sans doute de profiter de cette période bien surmontée, les perceptions positives du marché se traduisant par des coûts de financement faibles.

Dernière modification par Scipion8 (12/05/2018 13h12)

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3    #6 13/05/2018 11h58

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Bonjour Doubletrouble,

Quelques réflexions sur le système bancaire norvégien (je m’appuie essentiellement sur des rapports récents de la Norges Bank, auxquels j’ajoute mon interprétation) :

1) Les risques politiques semblent très faibles. Pas d’extrême-droite (ce qui est remarquable dans le contexte européen), une extrême-gauche reléguée à moins de 5% par un parti travailliste qui résiste bien (résultats de l’élection législative de septembre 2017).

2) Le contexte économique est très bon, mais l’augmentation continue de la dette des ménages représente un risque majeur. La hausse continue des prix de l’immobilier jusqu’en 2017 (il y a eu une correction l’an dernier) a entraîné une forte accumulation de dette par les ménages norvégiens. Un contexte comparable avait conduit à une crise bancaire majeure en 1988-1993 (traitée avec succès par la Norges Bank), qui avait d’abord affecté les caisses d’épargne, puis les grandes banques systémiques. En cas de retournement économique, beaucoup de ménages norvégiens pourraient avoir du mal à honorer leurs dettes, entraînant une hausse des créances en souffrance et des pertes pour les banques.

Norges Bank (Monetary Policy Report, mars 2018) a écrit :

Household debt has risen faster than household income for many years, and debt ratios increased further through 2017. Owing to high and rising household debt, and despite the low level of interest rates, the household debt service ratio, ie the ratio of interest and normal principal payments to income, has reached the levels prevailing at the time of the banking crisis at the end of the 1980s.

Norvège : Encours de crédit en proportion du PIB


Norvège : Dette des ménages


Dans son "mapping" des risques, la Norges Bank identifie clairement la dette des ménages comme un risque majeur.


3) En comparaison internationale, les actifs bancaires en proportion du PIB semblent à un niveau raisonnable, mais le ratio des prêts sur dépôts atteint une cote d’alerte. Le système bancaire norvégien ne semble pas obèse par rapport à ses voisins, mais il faut se méfier de ces comparaisons internationales : le système bancaire norvégien est sans doute avantagé, par rapport à ses voisins, par la faiblesse des activités de finance de marché et de ses activités internationales. En revanche, le rapport entre prêts et dépôts atteint un niveau inquiétant : pour moi, un niveau de 120% est un premier niveau d’alerte ; à 150% il faut commencer à envisager des actions pour modérer le crédit ; à 200% on appelle le FMI (je simplifie, hein).

Comparaison internationale des actifs bancaires totaux en fonction du PIB


Norvège : Structure de bilan des banques


4) L’immobilier commercial, qui représente près de la moitié des prêts aux entreprises, est un facteur de risque potentiel pour les banques norvégiennes.

Norvège : Prêts bancaires aux entreprises


5) Ces dernières années, les banques norvégiennes ont maintenu ont bon niveau de profitabilité. Cette performance est remarquable dans un environnement de taux bas peu favorable à la profitabilité de la banque de détail.

Norvège : ROE des banques


6) Les banques norvégiennes ont des niveaux de solvabilité solides, qui devraient les protéger en cas de choc. Outre le niveau assez élevé des ratios de solvabilité, il faut noter une certaine homogénéité entre banques, signe probable que la Norges Bank est attentive à éviter la présence de "maillons faibles" dans le système bancaire.

Norvège : Ratios de solvabilité des banques


7) Les banques norvégiennes n’ont actuellement aucun problème de financement mais :

a) Le fait qu’elles se financent sur le marché interbancaire de façon non sécurisée (sans collatéral), plutôt que de façon sécurisée (comme c’est largement devenu la règle en zone euro), est une vulnérabilité potentielle en cas de crise (risque accru de "gel" soudain du marché interbancaire). Le recours important aux swaps de change est une autre source de risque potentielle (ce marché a été épisodiquement très dysfonctionnel lors de la crise, particulièrement en 2007-2008).


b) Les banques norvégiennes se financent de façon très importante sur la maturité la plus courte (au jour le jour), d’où un risque de liquidité en cas de choc soudain.


c) Les banques norvégiennes ont un recours très importants aux covered bonds (OMF en Norvège, comparable aux Pfandbrief en Allemagne, obligations foncières en France) : un véhicule de financement très solide mais qui entraîne une hausse de la non disponibilité des actifs (asset encumbrance) pour les créditeurs et actionnaires en cas de liquidation.


8) La baisse globale du nombre d’intervenants sur le marché bancaire norvégien, notamment par les regroupements de caisse d’épargne, est un facteur positif pour l’investisseur. Une prolifération des banques et une pression compétitive trop forte poussant à une prise de risques excessive sont des facteurs de risque pour l’investisseur. A noter que la croissance du nombre de mortgage companies est due à des filialisations effectuées par des banques.





9) Les caisses d’épargne norvégiennes ont des spécificités qui doivent être prise en compte par l’investisseur :

- Les caisses d’épargne ont un rôle social particulier. Ce rôle particulier peut-il éventuellement empêcher une maximisation des intérêts des actionnaires, ou doit-il être au contraire considéré comme faisant partie de "l’image de marque" des caisses d’épargne, contribuant à leur succès sur la durée (et, plus cyniquement, à un plus grand soutien des pouvoirs publics en cas de besoin) ?

Norges Bank a écrit :

Savings banks are expected to support communities, even if no legal obligation exists, both by offering reliable banking services and by using portions of local earnings to support local activities.

- Les syndicats jouent un rôle particulier dans la gouvernance des caisses d’épargne. En particulier, la Confédération norvégienne des syndicats LO est actionnaire à hauteur de 9,6% de SpareBank 1 Gruppen (les autres actionnaires étant 5 SpareBanken régionales : SR-Bank, Nord-Norge, SMN, Ostlandet, et Samarbeidende). (Donc même question sur la maximisation des intérêts des actionnaires des SpareBanken régionales.)

- Depuis les années 1990, certaines caisses d’épargne s’organisent en "alliances", comme SpareBank 1 Gruppen et Eika Alliance. Ces structures ont été formées surtout pour mettre en commun les ressources des SpareBanken régionales pour développer des activités non-bancaires, alors que chaque SpareBank garde une entière autonomie sur ses activités bancaires. [Je ne suis pas convaincu que le parallèle avec le Crédit Agricole et ses caisses régionales soit totalement pertinent : mon impression est que ces "alliances" norvégiennes sont beaucoup plus lâches, avec beaucoup plus d’autonomie que les caisses régionales du Crédit Agricole, outre les différences capitalistiques comme l’absence en Norvège, de participations croisées qui existent au Crédit Agricole.]

- Il semble y avoir occasionnellement des bisbilles entre SpareBanken. En tout cas, c’est l’impression que me donnent le fait que certaines SpareBanken soient restées totalement indépendantes, voire aient quitté l’Alliance (comme Vest). Il faudrait creuser pour identifier les raisons du problème, et voir si on doit en tirer des conséquences pour l’investisseur particulier intéressé par les SpareBanken.


10) La Norvège semble avoir un régulateur / superviseur bancaire compétent, mais peut-être un peu inexpérimenté dans le traitement des crises. Je connais mal la Norges Bank (alors que j’ai eu beaucoup de contacts avec la Riksbank en Suède). Leurs publications me semblent excellentes. Ils ont récemment fait (légèrement) évoluer leur cadre de politique monétaire, avec une cible d’inflation explicite à 2% et une transparence sur leurs prévisions (j’interprète ça comme une sorte de fusion des modèles BCE et Riksbank).

En revanche, je me pose des questions sur leur capacité à faire face à une crise systémique : ayant largement échappé à la crise de 2007-2013, il leur manque sans doute une expérience de "combat". J’ai remarqué ça notamment dans une publication où ils expliquent les S-loans qui ont parfois été attribués par la Norges Bank à des banques en difficulté (fonction de prêteur en dernier ressort) : certains de ces prêts ont été attribués sans collatéral, et parfois pour des périodes très longues - en rupture avec les bonnes pratiques internationales appliquées notamment par la BCE (et que je diffuse maintenant un peu partout). J’espère que la Norges Bank se met à la page aussi sur ces sujets, car c’est crucial en cas de crise systémique (qu’on ne peut exclure au vu notamment des risques sur la dette des ménages).

Conclusions :

- Les actions des banques norvégiennes me semblent un produit intéressant comme fond de portefeuille, en raison de la force de l’économie norvégienne, de la compétence des autorités publiques, des risques politiques faibles, et de la bonne profitabilité et solvabilité des banques.

- Néanmoins, je pense qu’il faut être prudent sur la taille de cette exposition aux banques norvégiennes, en raison de signaux d’alerte actuellement à l’orange (notamment dette des ménages et ratio prêts sur dépôts). Une réédition d’une crise façon 1988-1993 n’est pas à exclure, même si on peut espérer un scénario moins défavorable de dégonflement progressif de la dette des ménages, de ralentissement des prix de l’immobilier (qui a commencé en 2017) et de décélération des prêts bancaires.

- Au sein du système bancaire norvégien, je préfère DNB aux SpareBanken en raison (i) d’un risque a priori plus limité (voir notations Moody’s), (ii) d’une exposition aux pays baltes en croissance (via la joint-venture Luminor avec Nordea dans ces pays), (iii) des risques spécifiques aux SpareBanken (que j’ai un peu de mal à analyser car je n’ai pas de liens personnels avec la Norvège, contrairement à la Suède - dans l’ignorance j’ai tendance à m’abstenir), et (iv) de la taille trop petite des SpareBanken pour que je m’y intéresse (autant j’aime les micro caps dans l’industrie, autant pour des actions bancaires en fond de portefeuille, je préfère des leaders). Cela dit, une petite ligne sur une SpareBank au sein d’un portefeuille diversifié et une optique de long-terme (donc au-delà du cycle économique et d’une potentielle crise bancaire) ne me choque pas.

Dernière modification par Scipion8 (13/05/2018 20h15)

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1    #7 14/05/2018 08h18

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Je me permet d’ajouter quelques remarques d’ordre général à vos propos sur les banques canadiennes :

- Les hauts ROE affichés découlent pour partie du fait qu’elles oeuvrent dans un marché national qui les protège relativement de la concurrence : The current acadaemic consensus is that the banking sector in Canada is “monopolistically competitive” or “imperfectly competitive” . Leurs services sont par ailleurs relativement chers : $220 par an pour les services de base en 2017 (tenue de compte etc)… Pour avoir vécu quelques temps au Canada, j’ai été étonné du peu d’intérêt des canadiens pour les banques en ligne gratuites (comme Tangerine, ex-ING, rachetée par BNS). L’inertie des consommateurs protège les parts de marché des banques historiques.

- Concernant la capitalisation boursière : n’oubliez pas que les big 5 sont assez actives à l’étranger : 37% des revenus de BNS au 1er trimestre 2018, par exemple, viennent de l’étranger (Amérique centrale et latine, en particulier), contre 43% du marché retail au Canada.   

- Les canadiens sont structurellement très endettés : $22.837 d’endettement par personne, hors crédit immobilier. Ou au sens plus large : 170% du revenu annuel net après taxes. Stephen Poloz explique que c’est, pour partie, une conséquence de la hausse continue des prix de l’immobilier résidentiel (un trait partagé avec d’autres pays comme la Norvège etc). En tout cas, selon la BIS : certains ratios sont au rouge vif :

BIS a écrit :

« The latest report by the Bank of International Settlements (BIS) said Canada’s credit-to-GDP gap and debt-service ratios have surpassed critical thresholds and are signaling red, pointing to vulnerabilities.
BIS, however, cautions that these indicators should not be treated as a formal stress test, but as a first step in a broader analysis.
The country’s credit-to-GDP gap is 9.6, above the group’s critical red zone threshold of nine. This indicator measures the gap between the country’s credit-to-GDP ratio and the overall long-term trend over time — a widening of which can indicate a possible financial imbalance. Canada is one of four countries in the red zone on this metric along with Hong Kong, China and Switzerland, at 30.7 per cent, 16.7 per cent and 16.3 per cent, respectively. The United States, for comparison, is -6.9.
As well, Canada’s debt-service ratio, which measures interest payments and amortizations relative to income, is at 2.9 per cent. That surpasses BIS’ critical threshold on this measure of 1.8 per cent. »

- A titre personnel, je suis sorti des banques canadiennes il y a quelques mois. Je n’arrive pas à être à l’aise avec la conjonction de plusieurs facteurs : prix de l’immobilier extravagant dans les grandes villes, hausse continue de l’endettement des ménages, haut de cycle économique probable, cours des banques à des multiples qui ne sont pas bon marché (P/B, write-offs très bas etc). J’ai préféré, à la place, prendre des postions sur des banques européennes.

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1    #8 12/10/2018 10h38

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@tikou : Quelques remarques :

1) Il faut voir tout l’évantail des risques : le risque de faillite / liquidation n’est que le plus extrême. Pour des banques suffisamment grandes, d’importance potentiellement systémique, et dans des Etats "solides" (disons rating > AA) comme la France, la probabilité que ce risque se matérialise est très faible. En effet les autorités feront tout pour éviter un tel scénario. Sur l’échantillon d’une cinquantaine de banques de la zone euro en grande difficulté pendant la dernière crise (2007-2014), une seule a été liquidée - et il s’agissait d’une liquidation "organisée", avec un impact parfaitement limité par les autorités irlandaises.

Dans tous les autres cas on a trouvé une solution pour maintenir l’activité de ces banques : recapitalisation (par fonds privés ou par l’Etat), reprise pour 1€ symbolique par une autre banque (P&A, purchase & assumption), séparation good bank/bad bank… Il s’agit de différentes formes de "résolution", qui permettent généralement de protéger les déposants et créanciers seniors des banques… mais pas les actionnaires ! Les actionnaires des banques ont la position la plus risquée, et dans ce genre de scénarios, il subissent souvent une perte quasi totale, par dilution : la dilution par recapitalisations successives est le principal risque pour l’actionnaire, pas la faillite / liquidation !

Si je schématise (en simplifiant beaucoup) les différents scénarios à risques pour les banques, et leurs effets pour les différents apporteurs de capitaux (actionnaires, détenteurs d’obligations, déposants) :


En termes de probabilités, le principal risque (et de loin) pour l’actionnaire est représenté par les scénarios 1 et 2 : des pertes sur le portefeuille de prêts de la banque (typiquement pendant une récession), entraînant une coupe du dividende et un besoin de recapitalisation, donc un risque de dilution importante pour l’actionnaire. En effet les banques opèrent dans un environnement régulé : en cas de baisse de leur solvabilité en-dessous des minima prudentiels, elles doivent se plier aux demandes du superviseur et se recapitaliser de gré ou de force - par les actionnaires existants, par de nouveaux investisseurs, ou, en dernier ressort, par l’Etat. Si l’Etat doit intervenir, la dilution est souvent très importante. Par ailleurs, face à une telle situation le superviseur tend à demander un apport de capitaux important, en anticipation de potentielles futures pertes.

2) Les banques sont un véhicule d’investissement très pertinent en phase de rente, mais il faut réfléchir aux poids respectifs des actions et des obligations. Du fait du caractère mature et cyclique de leur activité, les banques (profitables) se doivent de verser des dividendes importants à leurs actionnaires. Elles sont donc intéressantes pour le rentier - davantage que pour un épargnant en phase de capitalisation.

Mais le 100% actions n’est pas forcément approprié ! Vous voyez sur mon schéma que le détenteur d’obligations seniors (et même subordonnées) a un risque de perte en capital beaucoup plus réduit que l’actionnaire d’une banque. En phase de rente (et pour ceux qui ont un patrimoine financier suffisamment important), il peut donc être avantageux de s’intéresser aux obligations bancaires, en complément des actions bancaires. C’est ce que font certains sur ce forum, et ils ont bien raison. Pour un rentier, il peut être avantageux de "sacrifier" un peu de rendement en faveur de flux plus prévisibles et d’un risque de perte en capital plus réduit - ce que permettent les obligations bancaires.

3) Dans le choix des banques, il faut prendre en compte notamment (i) le business model (les banques de détail pures sont moins risquées que les banques universelles ou les banques d’investissement), (ii) la qualité du soutien implicite de l’Etat (en termes de capacité, Allemagne > France > Italie / Espagne > Grèce ; en termes de volonté, ça dépend de la situation politique du pays), et (iii) la taille et l’importance systémique de la banque (too big to fail). Les autorités auront tendance à vouloir sauver coûte que coûte une banque jugée systémique, alors qu’une petite banque dans la même situation pourrait être condamnée. Pour l’actionnaire, il y a de toute façon un risque de forte dilution, mais pour le détenteur d’obligations, cela peut changer beaucoup de choses (choix de différents scénarios dans ma table ci-dessus).

4) Mes principes et rules of thumb perso (mais ce ne sont pas des principes universels, et puis il faudrait les backtester) :

a) N’investir que sur des grandes banques d’importance potentiellement systémiques.

b) Ajuster le rendement minimum exigé selon le risque souverain perçu : je m’intéresse aux grandes banques françaises (BNP, SocGen, Crédit Agricole - pas les autres) si dividende > 5%, aux grandes banques italiennes (Intesa Sanpaolo, Unicredit - pas les autres) et espagnoles (BBVA, Santander - pas les autres) si dividende > 6% etc.

c) Sous-pondérer les banques en haut de cycle, surpondérer en bas de cycle (sur la base des signaux macroéconomiques et des résultats des banques).

d) Pour les actions bancaires, ne pas dépasser 5% du portefeuille en phase de capitalisation / 10% en phase de rente. A multiplier par 2 si compétence professionnelle d’appréciation du risque bancaire (10%/20% - mais il s’agit de plafonds, hein).

e) Pour un portefeuille >1-2M€ et en phase de rente, diversifier en obligations bancaires, en ciblant 50% actions / 50% obligations pour le segment bancaire. (En haut de cycle : sous-pondérer les actions et les obligations subordonnées, sur-pondérer les obligations seniors. Et vice versa en base de cycle.)

f) Eviter les paris contrarians sauf compétence avérée par rapport au marché.

g) Regarder les primes de CDS (Credit Default Swaps) : éviter les banques dont le différentiel de CDS par rapport à leur souverain > 50-100 points de base.

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3    #9 12/10/2018 17h36

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@Durun : Les banques cotées fournissent publiquement beaucoup d’informations - mais il faut savoir un peu les décrypter et lire entre les lignes pour en tirer toute l’essence. Les explications fournies par les banques sont aussi importantes que les chiffres ; il faut les challenger et parfois chercher les vraies explications, parfois implicites. Il y a différents niveaux d’analyse, tous utiles, mais pour une position importante il est évidemment recommandé de faire une analyse détaillée. J’explique ces niveaux, en les appliquant à BNP Paribas (analyse très rapide, hein, sur la base d’une lecture de la présentation du 2e trimestre de 2018).

1er niveau : Croissance et rentabilité de l’activité : la banque étend-elle ses activités, gagne-t-elle des parts de marché, ou au contraire est-elle en phase de retrait ? La croissance du volume des prêts est-elle rentable ? Si non, pourquoi ? (intensité concurrentielle, environnement de taux bas, prise de risques excessive…)

BNP Paribas affiche une croissance globale de son PNB de +1% au T2 2018, mais l’évolution est très différente selon les activités :

- Le pôle "Marchés domestiques" stagne, en partie à cause de l’environnement de taux bas selon BNP. Cette explication me semble partielle (les taux étaient déjà bas au T2 2017). Quand on regarde plus en détail les résultats de BNP sur la banque de détail en France, on voit une belle croissance des crédits (+6%) mais une baisse du PNB (-1%), expliquée par moins d’indemnités de renégociation et de remboursement anticipé (ça me semble crédible) et moins de commissions. Pas d’explication sur la baisse des commissions : signe possible d’une intensité concurrentielle plus forte ? Le coût du risque a baissé donc a priori pas de signal d’alerte à ce niveau (mais il faut toujours se méfier avec cet indicateur : certaines banques ont une gestion procyclique du risque, sous-estimant les risques en haut de cycle). Les frais de gestion ont baissé via l’optimisation du réseau (-1%) : très bien.

- Belle croissance du pôle "International Financial Services" (+9%), un segment un peu fourre-tout. Dans le détail : forte croissance de l’activité "Personal Finance" (mais garder un oeil sur la forte hausse des frais de gestion), belle croissance du segment Europe Méditerranée et maîtrise des frais de gestion (mais en partie due aux effets de change)… BNP a une banque digitale avec 560 000 clients en Turquie : j’aime beaucoup (promesse de croissance), mais ça peut devenir un facteur de risque. Les actifs sous gestion croissent gentiment (+3%) mais sur longue période la croissance me semble modérée, il faudrait comparer avec la concurrence.

- Forte baisse du PNB du pôle "Corporate and Institutional Banking" (CIB) (-7%). Dans le détail : bonne croissance des securities services (+4%) et de l’activité marché actions (+12%), mais je trouve les explications de BNP assez légères s’agissant de la forte baisse des activités fixed income, currencies and commodities (FICC, -17%) et du corporate banking (-14%). Le "contexte de marché" ne me semble pas une explication suffisante (en 2017, les taux étaient déjà bas). Il faudrait comparer avec les résultats de concurrents pour voir si la vraie raison n’est pas une perte de parts de marché.

Globalement, mon sentiment c’est que BNP Paribas maîtrise bien ses frais de gestion et sa prise de risques, mais manque un peu de relais de croissance : les marchés matures comme la France, l’Italie ou la Belgique ne vont pas lui donner un gros potentiel de croissance, et le recul de ses activités de marché serait problématique s’il se prolongeait. A moyen terme, les principaux relais de croissance de l’activité et des profits me semblent être la banque digitale dans les marchés émergents (Turquie, Pologne… - bien sûr risqués) et une (hypothétique) hausse des taux dans la zone euro.

Tout cela justifie à mon sens des multiples de valorisation modeste (PER<10?) et un dividende minimum de 5-5,5%. A un PER de 8,2 et un rendement de 6,2%, je suis actionnaire et acheteur de BNP Paribas comme fond de portefeuille, mais le potentiel de hausse du cours est modeste et il est possible que le cycle économique offre un meilleur point d’entrée. [Cela dit dans les résultats de BNP Paribas, il est difficile de voir une indication d’un prochain retournement économique en France (baisse du coût du risque.)]


2e niveau : Risques : Pour l’appréciation des risques, je combine 3 sources :

- L’appréciation du marché est donnée par le marché des CDS - pertinents en termes absolus et relatifs par rapport au souverain.

Un CDS à 5 ans de 51 bps, 22 bps au-dessus du souverain, traduit une certaine confiance du marché : malgré des activités de marché (perçues comme risquées) nettement plus développées, BNP a un CDS à peu près équivalent à celui du Crédit Agricole. Peu ou pas de contagion du risque italien = signe que le marché considère BNP comme résiliente.

- Les stress tests de la BCE/EBA traduisent l’appréciation "officielle" des risques.

Les stress tests de 2016 montraient un ratio Core Equity Tier 1 "fully-loaded" (Bâle III) de 8,5% pour BNP Paribas, contre 7,5% pour SocGen (ce qui justifie la décote de l’action SocGen par rapport à BNP, à mon sens) et 10,5% pour le Crédit Agricole. Au niveau européen, BNP ressort en milieu de peloton. Il y a bien d’autres banques qui apparaissent moins risquées à cette aune, par exemple en Suède (je suis actionnaire de Nordea et de Skandinaviska Enskilda Banken). Je vais suivre de près les résultats des stress tests 2018 pour voir si la position relative de BNP dans l’échelle des risques s’est améliorée ou dégradée.

- La communication publique par la banque offre des informations cruciales pour l’appréciation des risques, mais il vaut mieux apprécier ces informations de façon relative : (i) au cours du temps et (ii) en comparaison avec les banques comparables concurrentes :

a) Les ratios de solvabilité donnent une idée de la résilience de la banque à des pertes sur ses actifs. Si les pertes entraînent une baisse de ces ratios de solvabilité en-dessous des minima prudentiels, la banque devra recapitaliser, diluant ses actionnaires.

BNP Paribas a un CET1 ratio de 11,5% à fin juin 2018, confortablement au-dessus des minima prudentiels. Mais en tant que banque systémique, elle doit respecter une obligation de solvabilité renforcée par rapport à une petite banque. La baisse du CET1 ratio au T2 2018, due à une augmentation des actifs pondérés, pourrait être problématique si elle se prolongeait (i.e. si la croissance des actifs continuait à se faire de façon non profitable). Pour les actionnaires, cela mettrait potentiellement en cause la pérennité du dividende à son niveau actuel. Ce risque justifie des ratios de valorisation modestes.

b) Le ratio de levier fournit une information complémentaire clef par rapport aux ratios de solvabilité, puisqu’il s’agit d’une mesure "brute" sans pondération des risques comme pour les ratios de solvabilité. (Les banques sont souvent accusées d’"optimiser" les pondérations des risques, pour "embellir" leurs ratios de solvabilité, particulièrement en fins de périodes de reporting : window-dressing.)

A 4,0% le ratio de levier de BNP Paribas présente une marge assez confortable par rapport au minimum prudentiels (3%), particulièrement pour une banque ayant des activités de marché développées.

c) Le Liquidity Coverage Ratio (LCR) donne une idée de la capacité d’une banque à résister aux chocs de liquidité (par exemple des retraits massifs de dépôts, un dysfonctionnement du marché interbancaire…).

A 111% le LCR de BNP est au-dessus du minimum prudentiel (100%), mais avec une marge assez réduite. Cela dit (i) le LCR n’est pas ma mesure préférée du risque de liquidité et (ii) un LCR trop élevé peut être le signe d’une gestion peu optimale.

d) La réserve de liquidité immédiatement disponible est à mon sens un bien meilleur indicateur du risque de liquidité. Selon la définition de BNP, il s’agit des "actifs liquides de marché ou éligibles en banques centrales tenant compte des règles prudentielles, notamment américaines, et diminués des besoins intra-journaliers des systèmes de paiement". Malheureusement, il n’y a pas de définition harmonisée, je préfèrerais que toutes les banques cotées soient obligées de publier le montant de leurs actifs éligibles aux opérations en banques centrales et immédiatement disponibles (donc non-encumbered : pas mobilisés auprès de la banque centrale ou d’autres prêteurs, en nantissement ou en pension livrée).

Cette réserve de liquidité immédiatement disponible s’élève à 308 milliards € pour BNP : un montant confortable (même s’il faut le mettre en rapport avec l’énorme taille du bilan de BNP). Je n’aime pas trop la définition de BNP, mais au moins BNP donne systématiquement cette information, qui permet une évaluation au fil du temps. Je considère le risque de liquidité faible pour BNP par rapport à la plupart des autres banques.

e) La part des créances douteuses sur les encours bruts est un excellent indicateur avancé : si le cycle économique se retourne, on doit voir rapidement augmenter la part des créances douteuses.

A 2,9%, cette part continue de diminuer pour BNP : au-delà de la bonne gestion de la banque, cela traduit un contexte macroéconomique globalement en amélioration. Pas encore de signe de retournement économique, même s’il faudrait élargir cette analyse à d’autres banques.

Au final, je considère la configuration des risques sur BNP Paribas plutôt favorable, même si on peut trouver des banques moins risquées en Europe. Et BNP Paribas, première banque systémique d’un Etat solide, bénéficie a priori d’une bonne protection " politique" face au risque systémique.

3e niveau : Communication non-verbale et actions révélatrices : C’est le niveau "pro" de l’analyse. Il s’agit d’aller au-delà de ce qui est publié (sans pour autant tricher en utilisant des informations privilégiées, hein).

L’analyse de l’évolution de la communication d’une banque peut trahir des problèmes dont elle ne souhaite pas discuter publiquement. Par exemple, pour le risque de liquidité (qui peut augmenter très rapidement en cas de choc systémique), je suivrai de près la communication de la banque sur sa réserve de liquidité immédiatement disponible : il ne s’agit pas d’une information prudentielle, et la banque n’a pas à la divulguer. Si elle cesse tout d’un coup d’en parler, c’est mauvais signe…

Détecter et analyser les actions révélatrices d’une banque permet aussi de détecter les risques avant que la banque ne communique explicitement. Par exemple :

- Les banques peuvent se servir du taux de couverture comme d’une variable d’ajustement en situation difficile. Si on voit le taux de couverture baisser en-dessous de la moyenne historique alors que les créances douteuses augmentent et que le taux de solvabilité baisse, il faut se poser des questions. Cela peut traduire une tentative de la banque d’éviter une recapitalisation.

- Les ventes d’actifs sont une des informations les plus révélatrices sur la situation réelle d’une banque. Quand une banque se met à vendre massivement des actifs, notamment des "bijoux de famille" (des actifs précédemment présentés comme stratégiques dans la communication de la banque), cela peut être un signe de graves difficultés de liquidité. Une banque sous ELA (liquidité d’urgence fournie par la banque centrale) est souvent forcée par la banque centrale de vendre des actifs : alors que l’ELA est strictement confidentiel, la nouvelle de ventes d’actifs ne l’est pas, et un investisseur avisé saura interpréter cette information.

Bon, à ce niveau, je ne vois rien d’inquiétant pour BNP Paribas. Le taux de couverture a légèrement baissé, à 79%, mais reste proche de sa moyenne historique (je garderai un oeil dessus). BNP Paribas a vendu un portefeuille italien de crédits douteux de 0,8 milliard € au T1 2018, mais continue d’augmenter sa taille de bilan.

Désolé pour le pavé, mais c’est comme ça que j’analyse une banque (et encore, très superficiellement).

Dernière modification par Scipion8 (12/10/2018 22h37)

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1    #10 12/10/2018 18h11

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Bonjour,

je suis en total désaccord sur l’importance des notations des agences et des ratios ou autres CDS.
Ces choses la étaient souvent au vert avant les faillites de banque ou des recapitalisations. Le processus est simple.

1-L’économie va bien, le ROE est haut, les agences notent AAA, les CDS indiquent une forte solvabilité, très bien!.

2-Et la, le marché immobilier ralentit, puis chute, l’activité de la construction s’arrête totalement, tous les employés de la construction, travaux publics et privés sont au chômage, des immigrants retournent au pays car beaucoup travaillent dans ces industries, la population ne croit plus autant ou baisse un peu. la banque commence a avoir un taux d’impayé très fort car les gens qui sont maintenant au chômage, ont du mal a repayer. En plus, plus personne ne prend de nouveaux prêts, même la dépense publique chute pour pouvoir faire faire à l’augmentation des dépenses sociales et garder un semblant de rigueur budgetaire pour les marchés.

3-Le ROE Baisse, les agences de notation commencent a mettre des CCC, les CDS s’affollent, une partie du capital part. Et la effectivement on peut avoir faillite, recapitalisation, etc. Pourtant c’est la meme banque avec tous les voyants au vert il y a un an!

Ce que la banque a sur son bilan pert en valeur, ses prêts, ses actifs immobiliers, ces obligations de votre état etc, sa monnaie peut valoir moins également. Donc votre super solvabilité, elle ne sert plus a rien! A moins d’être un as des stress test et de pouvoir confirmer que la banque survivra a -4% de croissance sur deux ans. Je ne le suis pas.

Ce qu’il faut faire c’est avoir une banque qui évitera de passer de 1- a 2-.

Donc il faut voir la macro economie. Plutôt que de prévoir quel pays va croître, ce qui est difficile, il est plus facile de voir quel pays a beaucoup eu de croissance d’investissements physiques nécessitant des emprunts. Le plus souvent, des emprunts immobiliers. On peut comparer le taux de personnes travaillant dans la construction, le nombre de nouvelles constructions, les prix immobiliers, si il y a une industrie cyclique qui boome dans une region (pétrole par exemple), le degré de diversification de l’économie, la speculation immobilière. Par example les pays nordiques, je ne connais pas, mais l’immobilier est très cher il me semble, ensuite il faut regarder quel est la solidité réelle de ces pays.

Si l’activité de la construction est en bas de cycle, bien. Si ca fait des années qu’elle bat des records, attention.

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3    #11 16/10/2018 10h54

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Bonjour FVHR,

Une remarque préliminaire générale avant de passer à Natixis : pour investir dans des banques, je vous conseille un horizon plus long que 1-2 ans. En effet, le timing de la prochaine crise / récession est à peu près imprévisible et toutes les banques sont par nature fortement exposées au cycle économique. Donc à un horizon de 1-2 ans vous pouvez parfaitement faire une moins-value sur des actions d’une banque pourtant excellente, si une récession a lieu dans le même temps. En revanche, sur un horizon de 8-10 ans qui correspond (plus ou moins) à la durée "normale" des cycles (même si on peut remettre cela en question au vu du très long cycle de croissance en cours aux USA), le risque de perte (sur une banque excellente) est beaucoup plus réduit.

Donc sur les actions bancaires, la stratégie (à mon sens) c’est soit d’investir sur un horizon long, soit de prendre position vers le point bas du cycle économique (plus difficile) : perso j’essaie de concilier les deux stratégies.

Une deuxième remarque générale : on ne peut pas vraiment analyser la "trésorerie" d’une banque (i.e. le cash disponible) comme pour une entreprise industrielle. Une banque a par nature chaque jour des flux financiers énormes, qui peuvent fortement changer sa position nette. Il vaut mieux raisonner en termes de liquidité, c’est-à-dire d’actifs liquides disponibles, dont certains mobilisables en garantie auprès de la banque centrale : ce sont les informations que donnent le LCR (Liquidity Coverage Ratio) et le volume d’actifs liquides éligibles à la banque centrale (même si ces données peuvent aussi être "maquillées" en fin de période de reporting par les banques : window-dressing).

Maintenant mon opinion perso sur Natixis :

1) Natixis est filiale à 71% du groupe BPCE, qui est une banque solide (Core Equity Tier 1 ratio "plein" de 9,5% dans le stress test de 2016, comparé à 10,5% pour le Crédit Agricole, 8,5% pour BNP Paribas et 7,5% pour la SocGen). Pour moi cela signifie que le risque principal pour un actionnaire de Natixis est le risque de dilution par recapitalisation par BPCE - et au vu du track-record de Natixis pendant la dernière crise (prise de risque excessive) c’est un risque important. Intuitivement, je préfèrerais être prêteur obligataire de BPCE/Natixis (parce que le risque de défaut est a priori faible) qu’actionnaire de Natixis, en raison de ce risque de dilution. De façon plus générale, je préfère investir au plus haut niveau d’un groupe que dans une filiale - ou en tout cas être actionnaire d’une filiale demande à mon sens une rémunération suffisante du risque de dilution.

2) Le business de Natixis est structuré autour de 5 pôles :

(i) Le pôle "Asset & Wealth Management" (32% du PNB total) est en croissance de 10% au T2 2018. Bonne profitabilité. Acquisition de MV Credit au Royaume-Uni.

(ii) Le pôle "Banque de Grande Clientèle" (37% du PNB) est en recul de 5% au T2 2018. Profitabilité bonne mais en recul. Acquisitions en M&A au Royaume-Uni, France et Chine.

(iii) Le pôle "Assurance" (7% du PNB) est en croissance de 8% au T2 2018 et très profitable.

(iv) Le pôle "Services Financiers Spécialisés" (14% du PNB) est en croissance de 7% au T2 2018 et sa profitabilité s’améliore. Acquisitions récentes de Dalenys et Payplug.

(v) Le "Hors pôles" (7% du PNB) comprend notamment la participation de 41% dans Coface. Faible profitabilité.

J’apprécie l’ambition de Natixis d’être présente dans autant d’activités différentes, mais je me méfie de cette volonté de croissance à tout crin (a jack of all trades is a master of none) et du risque de surpayer la croissance externe en haut de cycle. La croissance et la rentabilité des activités paraissent bonnes, mais nous sommes probablement en haut de cycle.

3) Natixis a un Core Equity Tier 1 ratio de 10,8% (OK, mais pas si confortable que ça = risque de recapitalisation par BPCE en cas de récession), un ratio de levier de 4,0% (OK), pas de dépendance aux banques centrales mais 26 milliards € de liquidité excédentaire (OK, même si Natixis se finance probablement auprès de BPCE). L’excédent en fonds propres est de 2,9 milliards €, à comparer avec des actifs totaux de 520 milliards € et des actifs pondérés du risque (RWA) de 110 milliards € : pas si confortable.

4) Le cours actuel de Natixis offre-t-il une rémunération suffisante à l’actionnaire ? PER 9,9 contre 8,6 pour BNP Paribas, 11,1 pour SocGen, 10,5 pour Crédit Agricole. Dividende 6,8% contre pour BNP Paribas, 6,2% pour SocGen, 5,2% pour Crédit Agricole. Un achat est envisageable à ces niveaux mais perso je considère que le risque, en termes relatifs par rapport aux autres banques françaises, n’est pas encore assez bien rémunéré, au vu (i) d’un business model plus risqué (activités encore plus fortement exposées au cycle qu’une banque universelle), (ii) d’un track-record médiocre en termes de gestion du risque, et (iii) du risque de dilution par BPCE. Cela dit, dans le cadre d’un portefeuille diversifié de banques françaises, Natixis pourrait éventuellement m’intéresser avec un dividende >7% (je comparerais ça avec une bonne banque italienne).

5) Bon c’est plus superficiel, mais perso je ne suis pas super à l’aise avec la communication et (probablement) la philosophie de Natixis :

- "New dimension : deepen, digitalize & differentiate" : deepen OK, digitalize OK, differentiate ça me semble ambitieux… Comme les empires, les banques s’effondrent lorsqu’elles ont voulu trop s’étendre…

- Surtout le motto "Natixis - Beyond Banking" m’inquiète un peu : moi quand j’investis dans une banque, je préfère une banque du type "Just Banking", "Banking. Nothing else", ou "Banking, what else?" ;-)

- Enfin, le fait que certains éléments de la communication financière ne soient qu’en anglais ne me rassure pas : la communication financière de BNP Paribas, par exemple, est systématiquement en français et en anglais. C’est le genre de signaux qui me font penser que comme la grenouille de La Fontaine, une banque se voit trop belle, trop grande… et ça c’est dangereux.

Donc au final, perso je reste à l’écart de Natixis. Je suis beaucoup plus à l’aise avec mes actions BNP Paribas (fond de portefeuille) et SocGen (petite ligne opportuniste). Crédit Agricole, pourquoi pas. Mais : (i) je pense que les obligations BPCE (pas sûr que Natixis en émette) doivent être intéressantes pour un rentier, (ii) dans le cadre d’un portefeuille actions diversifié de banques françaises, une répartition du type BNP 40%, SocGen 25%, Crédit Agricole 25%, Natixis 10%, me semblerait OK.

Perso, je m’intéresserai vraiment aux actions Natixis qu’une fois la démonstration faite que Natixis peut traverser une grosse crise sans problème (donc sans recapitalisation par BPCE).

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1    #12 31/10/2018 12h36

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@kho78 : méfiez-vous de Nordea pour l’instant, elle est impliquée dans l’affaire de blanchiment Danois et je ne suis pas sûr que les pénalités potentielles soient bien priced-in :

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✯ Mangia bene, caca forte, e non aver paura della morte.

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1    #13 31/10/2018 12h38

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kho78 a écrit :

Tout d’abord merci beaucoup Scipion8 pour tout ce temps passé à partager vos connaissances sur le sujet.
Je suis également investi en BNP Paribas, mais je dois avouer qu’étant débutant, c’est suite à beaucoup moins de réflexions et d’analyses que vous. Je suis plutôt rassuré après lecture de vos articles.
En analysant vos données, j’ai l’impression que la banque Nordea pourrait être intéressantes: bon rating, stress test OK, bon dividende. Peut-être le ratio de versement des dividendes qui est un peu élevé à 85%?
Cette action s’échangeant également à Stockolm, en ce moment la couronnne suédoise est historiquement basse par rapport à l’euro, ça pourrait être une opportunité d’achat?

En Scandinavie, il n’y a qu’une bluechip à acheter: Svenska Handelsbanken. La mieux gérée et celle qui a traversé sans encombres les crises.


Dirige un cabinet de CGP - triple compétence France / Suisse / UK

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7    #14 26/11/2018 20h16

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L’Autorité Bancaire Européenne a publié les résultats de ses stress tests sur les grandes banques européennes (48 banques, représentant 70% du total des actifs du système bancaire de l’UE). Le scénario "adverse" de stress consistait en une chute cumulative du PIB de l’UE de 2,7% sur 3 ans (2018-2020) et une baisse des prix de l’immobilier de 20% sur la même période.

En termes de ratio de solvabilité (CET1 = Common Equity Tier 1), les banques françaises les plus solides sont le Crédit Mutuel, le Groupe BPCE et le Crédit Agricole, alors que BNP Paribas, La Banque Postale et la Société Générale se placent pas loin de la queue du peloton européen (assez déçu de ces résultats perso), se faisant dépasser notamment par les grandes banques italiennes et espagnoles.

Ratio de solvabilité (CET1, fully-loaded) 2020 dans le scénario adverse :


Si on compare les résultats des stress tests 2018 aux précédents stress tests (2016), on voit que certaines banques européennes (Irlande, Belgique, Pays-Bas notamment) ont nettement réduit le risque sur leurs actifs, alors que pour la plupart des banques françaises il n’y a pas de grand changement dans la résilience des bilans aux chocs. Pour la Banque Postale, il y a même une évolution négative. Bien sûr, cette comparaison n’est pas parfaite car les scénarios des 2 stress tests sont différents, mais il s’agit quand même d’une tendance sans doute pertinente.

Evolution du ratio de solvabilité (CET1, fully-loaded) dans les scénarios adverses des stress tests 2018 vs. 2016 :



Si on met en rapport les ratios de solvabilité du stress test avec les niveaux des dividendes, les banques suédoises, néerlandaises, ainsi que BPCE (il s’agit de Natixis) et le Crédit Agricole semblent attractives, offrant un bon profil rendement / risque.


Si on met en rapport les ratios de solvabilité avec les niveaux de valorisation (PER), les banques danoises (affectées par le scandale Danske Bank), Allied Irish Banks, Nordea / Skandinaviska Enskilda Banken en Suède, et ABN AMRO paraissent attractives, offrant une certaine sécurité à bon prix.


Note : Le dividende et le PER affichés pour le Groupe BPCE sont ceux de sa filiale cotée Natixis.

AMF : Actionnaire de BNP Paribas, Société Générale, HSBC, Nordea, Skandinaviska Enskilda Banken (fond de portefeuille), Deutsche Bank (spéculatif).

Dernière modification par Scipion8 (27/11/2018 15h07)

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1    #15 27/11/2018 15h31

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@Surin : Le capital d’une banque représente sa solvabilité = sa capacité à absorber des pertes sur ses actifs.

Le capital d’une banque est constitué de différentes "couches", qui absorbent les pertes l’une après l’autre :
- Le Common Equity Tier 1 représente la première couche de protection : elle est constituée par les actions "standards" (common shares) et les réserves (profits non distribués).
- L’Additional Tier 1 est constitué de produits hybrides, à mi-chemin entre actions et obligations subordonnées : des obligations convertibles en actions sous condition, par exemple (CoCos = contingent convertible)
- Le Tier 2 est notamment constitué de produits hybrides dont la capacité d’absorption est plus incertaine / conditionnelle, par exemple des obligations subordonnées de longue maturité.

Ces couches de capital successives protègent les déposants et les détenteurs d’obligations senior : ils ne seront en risque que si ces 3 couches sont annihilées (= pertes totales) par les pertes.

Afin de mesurer la capacité des banques à absorber les pertes, les superviseurs ont défini différents ratios de solvabilité, notamment :

1) Certains ratios comparent différentes mesures du capital aux actifs pondérés par les risques : c’est le cas notamment du :

- CET1 Ratio = Common Equity Tier 1 / RWA (risk-weighted assets = actifs pondérés par les risques)

- Capital Adequacy Ratio = (Tier 1  capital + Tier 2 capital) / RWA

2) A l’occasion de la grande crise de 2008-2009, il est apparu que certaines pondérations des risques pour les actifs étaient inadaptées, et surtout que les banques étaient devenues expertes à jouer sur ces pondérations pour "optimiser" leur ratio de solvabilité. Les superviseurs ont donc décidé de complémenter les ratios de capital sur actifs pondérés par les risques par une mesure plus "brute", sans pondération par les risques :

- Leverage ratio = Tier 1 capital / total actifs (non pondérés par les risques)

Dans le cadre de la réforme Bâle III, les seuils minima ont été fixés à 4,5% pour le CET1 et à 3% pour le leverage ratio. Pour le Capital Adequacy Ratio, c’est plus complexe : les superviseurs peuvent définir des "buffers" supplémentaires, selon l’importance systémique ou non de la banque, le cycle économique etc. Selon les situations le niveau minimum imposé par les superviseurs est entre 8% et 10,5%.

Dans les stress tests européens, on évalue 2 ratios (le CET1 et le leverage ratio) dans un scénario macroéconomique défavorable. Mon message ne couvrait que le CET1, mais le leverage ratio est aussi pertinent.

En première analyse, il semble que toutes les banques testées passent le test du CET1 sans grande difficulté : les moins solides ont un CET1, dans le scénario adverse, autour de 6%, donc bien au-dessus du minimum prudentiel de 4,5%. La marge entre le CET1 dans le scénario adverse et 4,5% correspond à la "marge de sécurité" de chaque banque.

Mais dans la pratique, il faut être prudent avec ces stress tests, car les crises ont la caractéristique de frapper là où on ne l’attend pas (si on pouvait tout anticiper, il n’y aurait plus de crise). Donc perso, je me focalise davantage sur la comparaison relative des résultats des stress tests que sur les niveaux absolus. Du point de vue d’un investisseur assez prudent en actions bancaires, je conseillerais d’exclure la queue du peloton et de cibler de préférence des banques avec un CET1 sous scénario adverse > 8%. Bien sûr, tout dépend de l’aversion au risque de chacun.

Dernière modification par Scipion8 (27/11/2018 17h48)

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1    #16 17/04/2020 11h22

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L’emprise des régulateurs bancaires et de la BCE sur l’activité des banques européennes, a transformé celles-ci en "utilities". Leur rôle sociétal (financer l’économie réelle qui n’a pas accès aux marchés, financer les Etats avec l’argent de la BCE, protéger les déposants et les contribuables de tout sauvetage extérieur) est à rapprocher au privilège du robinet de la Banque Centrale.
Solvabilité considérablement renforcée au prix d’une rentabilité massacrée.
On note qu’avec le choc extérieur du Covid-19, les régulateurs relâchent l’étau réglementaire et offrent de la respiration aux banques; la contrepartie immédiate est le diktat sur la suppression des dividendes.
Gageons qu’une rentabilité retrouvée (on ne sait guère comment à l’horizon de quelques mois)  ne manquerait pas de voir réapparaître surtaxes de solidarité, coussins contra-cycliques et autres mesures qui brideraient la rentabilité au profit de la solvabilité. Les milliards d’actifs au bilan ne sont pas prés de décoller de leur Return On Assets d’environ 0,4%
Tant mieux pour la société les déposants et les contribuables qui ont besoin de banques solides.
Pour les actionnaires, vae victis.

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Favoris 2    2    #17 16/11/2020 20h00

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Le secteur bancaire français, qui possède quoi?

Je trouve la cartographie bien faite:

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1    #18 14/02/2022 14h32

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Je partage ici ce très bon article (en anglais) sur la sensibilité des banques aux hausses de taux, par un analyste spécialisé dans les banques. Pour ceux qui ont la flemme de tout lire, le résumé :

* Les banques sont plus sensibles à la courbe des taux qu’aux taux eux mêmes (car elles font leur beurre sur le spread taux court/long)

* Les dépôts sont "collants", la plupart des épargnants laissent leur dépôt là où ils sont. De fait les banques ne leur font pas profiter pleinement de la hausse des taux. Ce qui rend une hausse plus avantageuse dans l’absolu puisque cela augmente le spread.

* Il y a en ce moment un excès d’épargne, ce qui rend le besoin d’augmenter la rémunération des dépôt encore plus faible et est encore meilleur pour les marges

* Dans le détail chaque banque a un mix produit taux courts/long différent qui joue sur leur sensibilité a la hausse des taux et leur pentification (crédits immos fixe ou variable, etc.)

Tout ça pour dire qu’une ère prospère s’annonce pour le secteur.

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1    #19 02/03/2022 06h38

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Une excellente explication sur la baisse actuelle des banques Européennes par un spécialiste du secteur. Parmi les points intéressant soulevé :

* en terme d’exposition importante en France c’est surtout la SG (5% des profits), un peu le CA

* les banques font leur activité russe via des filiales locales, ce qui permet de laisser éventuellement couler l’affaire, les pertes étant circonscrites

* il y a le soucis de l’exposition à la périphérie russe, des pays qui seront indirectement impactés par les sanctions

* il y a la remise en question de la hausse des taux et l’aplatissement de la courbe, qui affecte tout le secteur, et une crainte de stagflation

Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.

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1    #20 12/03/2023 12h03

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La banque a acheté des obligations qui valaient 100 mais avec la hausse des taux ces mêmes obligations valent 80 sur le marché secondaire ( puisque moins rentables donc moins attractives ).

La banque se fera rembourser 100 à l’échéance et n’aura pas de pertes SAUF qu’avec la hausse des taux, les clients de cette banque ont massivement fait des retraits, la banque doit vendre cette obligation à 80 et subir une perte de 20.

Les clients voient que la banque perd de l’argent et se précipitent de retirer leurs fonds, ce qui va encore plus accentuer le mouvement : c’est le bank run.

C’est là que le FDIC ( fonds de garantie US ) intervient : il rembourse les clients jusqu’à 250k$ et empêche la banque de continuer à vendre ses bonds à perte, ça empêche les ventes massives qui déstabilisent le marché, ça calme les clients et ça empêche la contagion.

p.s : une banque doit normalement se couvrir contre ce genre de scénarios mais celle-ci semble avoir fait l’économie de se hedger correctement.


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1    #21 09/08/2023 09h28

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Personne ne se dit qu’elles accordent moins de prêts aussi et surtout parce qu’il y a moins de demande ?

Parce que avec ce niveau de taux et de prix de l’immobilier, la proportion de ménage encore solvable et pouvant acheter s’est réduite comme neige au soleil ?

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