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1 5 #1 21/12/2020 15h55
- Evariste
- Membre (2015)
- Réputation : 133
Je me propose de vous présenter Ferronordic, dont je ne crois pas avoir encore vu trace sur ce forum.
Les cours de référence suivants sont pris pour l’analyse : 1 SEK = 0,1 €, 1 action = 15,5€.
Business
Fondé en 2010, et listé à la bourse de Stockholm depuis 2017 (la Suède faisant partie des pays éligibles au PEA), Ferronordic est un distributeur de plusieurs marques d’engins et machines de chantier, ainsi que de camions. C’est donc un groupe qu’on pourrait classer dans la vente et le service aux industries.
Ils étaient positionné uniquement sur le marché russe, mais viennent d’entamer une diversification vers le Kazakhstan (2019) ainsi que l’Allemagne (2020, principalement pour le marché des camions, l’Allemagne étant le plus gros marché européen sur ce créneau). Ils ont à présent 95 points de vente (84 en Russie/Kazakhstan et 11 en Allemagne), pour 1400 employés, et un CA de 440M€. À présent "Russie" aggrège Russie + Kazakhstan dans la suite de l’analyse.
Ferronordic distribue du Volvo Construction Equipment, Dressta, Rottne, Mecalac, ainsi que Volvo Trucks et Renault Trucks. Les industries adressées sont le BTP (46%), l’exploitation minière et forestière (37%), les carrières (12%), et l’oil & gas (5%).
Le groupe est donc soumis aux demandes de ces secteurs, mais deux points sont à prendre en compte :
1) Il y a une tendance de fond sur le marché russe à renouveler et moderniser les infrastructures existantes, et en construire de nouvelles (la Russie est encore loin derrière les autres pays d’Europe sur ce plan, la densité de chemins de fer ou de routes est au moins 10x inférieure).
2) Même en cas de récession économique, il faut continuer la maintenance des engins existants, ce qui apporte des contrats de service.
Le CA Russe se compartimente en 62% pour les ventes d’engins, 24% pour l’aftermarket, et 12% pour les contrats de services, et en Allemagne 65% pour la vente de camions, et 28% l’aftermarket. Les contrats de service recouvrent de l’intérim, où des opérateurs sont envoyé chez le client par Ferronordic pour des travaux spécifiques. En terme de marques distribuées, 57% du CA vient de Volvo, 22% de Volvo Trucks et Renault trucks, et 12% pour les autres marques.
Le CA Russe semble en légère baisse en 2020 (crise covid, mais tout de même 20% de ventes en plus en 2020, donc surtout imputable à la baisse du rouble), mais le CA de l’Allemagne compense pour arriver à une croissance de 18% par rapport à 2019, et 22% de croissance moyenne sur les 5 dernières années. On s’oriente vers 80% du CA en Russie et 20% en Allemagne.
On peut essayer d’être un peu plus fin, et regarder au delà de 5 ans. Et là on constate que le CA en 2011-2013 était déjà de 240M€, et qu’il a brusquement chuté à 150M€ en 2015-2016. Tout simplement car l’économie russe a subi une récession en 2015, due à la chute du pétrole et aux sanctions internationales. Si on recalcule la croissance depuis 2011, on n’obtient plus que 6% de croissance annuelle du CA.
Analyse stratégique
Ferronordic mise sur le fait que la demande des clients en Russie va davantage se concentrer sur des engins de meilleure qualité, avec un focus moindre sur le prix initial, mais davantage sur le prix tout au long de la durée de vie du produit (incluant la maintenance, la réparation, la revente, etc.), comme c’est déjà le cas dans les pays plus développés. D’où l’importance aussi d’une présence sur l’aftermarket qui va croître à mesure que le client final va se concentrer davantage sur son coeur de métier, plutôt que de perdre du temps dans des réparations, par soucis d’efficacité.
En achetant Ferronordic, on mise donc sur un accroissement de la "maturité" du marché russe, aussi bien en termes d’investissements d’infrastructure, que de mix produits vendus, et du service apporté.
Par ailleurs, le groupe est en train d’entamer une diversification géographique et stratégique. Géographique en espérant reproduire le modèle russe en Allemagne, et développer des synergies. D’autres diversifications géographiques ne sont pas exclues. Stratégique en cherchant à croître vers des business proches (Volvo trucks et Renault trucks), à nouveau des extensions vers d’autres machineries de chantier n’étant pas exclues.
La corruption m’apparaît comme un risque majeur sur le marché russe. Il semble néanmoins que la société n’a pour l’instant pas eu officiellement de tels problèmes, la diversification géographique étant aussi rassurante de ce point de vue. Bien sûr le management affiche une tolérance zéro vis à vis de la corruption (mais a-t-on déjà vu l’inverse ?).
La faiblesse du rouble (-50% en 10 ans sur la couronne suédoise ou l’euro, -20% en 2020), et plus généralement de l’économie russe, peut apparaître comme une faiblesse du modèle, mais investir dans Ferronordic c’est justement vouloir s’exposer au marché russe. Il faut donc croire en l’avenir de cette économie, qui garde tout de même un gros potentiel industriel, puisqu’on est encore loin du niveau d’industrialisation de pays plus riches.
Le PIB russe est prévu en diminution de 4,5% en 2020, ce qui reste plutôt bon, avec un retour au niveau d’avant crise en 2022, ce qui est correct sans être un rebond incroyable. Plus inquiétant, l’inflation est en train de reprendre fort (au delà de 4% actuellement), mais pas autant que la perte du rouble vis à vis de l’euro. Ferronordic ne peut pas compenser à 100% les effets de change, et par ailleurs certains prêts sont en euros (une minorité tout de même) et non en roubles, ce qui crée un effet ciseau.
La crise 2020 du Covid a grandement impacté le business, on en saura plus avec le rapport annuel 2020. Il semble que jusqu’au Q3 2020 le business a tenu bon (CA en légère diminution en 2020 en Russie, l’Allemagne compense), mais l’incertiude reste très grande à court terme. À long terme le management reste positif (encore heureux).
Pour terminer sur cette partie, j’ai du mal à comprendre d’où vient leur moat, et pourtant les marges sont là … Marge opérationnelle 2019 de 9,5%, plus de 7% depuis 2016. Le groupe parle d’innovation sur la digitalisation des ventes …
Management et actionnariat
CEO : Lars Corneliusson, expériences précédentes chez Volvo, chez Ferrodornic depuis 2011, CEO depuis 2012, détenant 7,2% des parts, soit 16M€.
Président : Staffan Jufors, ancien managing director chez Volvo, détenant 0,4% des parts, soit presque 1M€.
La rémunération fixe + variable des membres de l’exécutif s’établit à 4M€ en 2019 (1,2M€ juste pour le CEO). La rémunération du board monte à 200 000€.
Actionnaires (aucun droit de vote supplémentaire) :
1) Skandinavkonsult i Stockholm, Håkan Eriksson, membre du conseil d’administration / 15,6%
2) Erik Eberhardson, co-fondateur de Ferronordic / 8,3% jusqu’à novembre 2020, 0,05% depuis
3) Lars Corneliusson, CEO / 7,2%
[…]
4) Flottant : 41,6%
Pas d’augmentation de capital depuis l’introduction en bourse. Il y a actuellement 14 532 434 actions ordinaires en circulation, pas d’action préférentielle, pas d’action autodétenue, pas de plan de rachat d’actions. La capitalisation actuelle est donc de 225M€.
A été approuvé fin 2020 un programme d’attribution de warrants pour le management … 392 768 warrants maximum (plus de 128 000 déjà distribués), date d’exercice 3 ans plus tard, parité 1, strike 135% du prix de l’action à la date de "valuation" (je ne suis pas certain de comprendre si c’est la date d’émission du warrant ou pas). Les warrants valent actuellement environ 1€, mais la boite les remboursent aux receveurs à hauteur de 80% … Ce plan est amené à être renouvelé chaque année en AG. Point positif, ces warrants ne sont intéressants pour le management que si le cours monte à long terme. Point négatif, la dilution est bel et bien là (le management parle de dilution négligeable ), puisqu’on a 2,7% de dilution par an (si tous les warrants sont distribués puis exercés).
Achats/ventes d’initités : Search
- Pas mal de petits achats d’initiés, pas de vente sauf …
- Vente intégrale d’Erik Eberhardson en novembre 2020 (et déjà avant quelques gros largages), pour 17M€, oui ça pose des questions, non je n’ai pas les réponses
Bilan
Dettes
La dette a augmenté en 2019 suite à l’expansion de l’activité en Russie, et à l’implantation en Allemagne. Le CAPEX est gros (on essayera d’évaluer le ROI de ce capex ensuite), le BFR augmente, il faut financer tout cela par de la dette vu la croissance de l’entreprise. Mais le cash rentre bel et bien comme on le verra, et l’entreprise a longtemps été positive en cash.
Voici l’évolution de la dette financière nette (DFN) : -8M€ en 2015, -17M€ en 2016, -31M€ en 2017, -30M€ en 2018, 59M€ en 2019, 8M€ au Q3 2020. Si on prend en compte les dettes fournisseurs, on obtient les dettes totales nettes suivantes : 45M€ en 2017, 71M€ en 2018, 157M€ en 2019, et 112M€ au Q3 2020.
Sur la base d’un EBITDA à 50M€, on a DFN/EBITDA = 1,2 en 2019 et 0,16 sur une extrapolation 2020.
Dettes / EBITDA, donc une dette très largement maîtrisée qui sert à servir la croissance. Le gearing ratio de 2019 s’établit à 0,66 et à 0,1 au Q3 2020.
Sur les 84M€ de dettes financières de 2019, environ un quart est en euros (pour l’activité allemande), le reste en roubles.
Actifs
Sur une boite comme celle-ci, je valorise les actifs à 0. Les actifs non courants ont bien augmenté suite au CAPEX de croissance. Les capitaux propres progressent bien, passant de 44M€ en 2016 à 85M€ au Q3 2020.
Résultat
Performance économique
Le résultat net progresse comme suit : 8M€ en 2016, 15M€ en 2017, 21M€ en 2018 25M€ en 2019, 18M€ au Q3 2020, ce qui donne en extrapolant à partir de la saisonnalité de 2019 un résultat net de 22M€ pour 2020. On obtient une croissance de 22% (et même 33% en excluant 2020).
L’EBITDA passe quant à lui de 15M€ en 2016, à 21M€, puis 32M€, et enfin 49M€ en 2019. Il faut néanmoins se méfier de l’EBITDA, l’entreprise appliquant la norme IFRS 16, les locations de matériels n’apparaissent plus comme charge mais comme amortissement.
Les frais généraux passent de 14% à 11% du CA de 2016 à 2020. Le ROCE, que je recalcule, car je ne retombe pas sur les mêmes chiffres qu’annoncées par la société, comme EBIT / capital employed (j’y inclus les dettes court termes non fournisseurs), apparaît vraiment excellent : 18%(2015), 25%(2016), 31%(2017), 41%(2018), 21%(2019). Avec l’effet de la dette, le ROE 2019 ressort à 28%.
Comment de tels résultats sont-ils possibles pour un distributeur ? Si vous avez des réponses, n’hésitez pas à commenter ! En attendant, Volvo a élu Ferronordic "Dealer of the Year" Ferronordic awarded Dealer of the Year by Volvo CE
Besoins de financement
La clef semble être le CAPEX (est-ce vraiment un CAPEX de coissance ?) et le BFR.
Le BFR 2019 vaut 77M€, et 14M€ en 2018. Donc explosion du BFR, qui nécessite des financements. Mais en période d’expansion géographique et croissance de l’activité, cela n’a rien d’excessivement anormal. Pour 2020, on s’oriente vers un BFR de 40M€.
Le CAPEX a augmenté en 2019 pour assurer l’expansion géographique en Allemagne et la diversification vers les contrats de service. Le CAPEX vaut 18M€ en 2019, et 3,5M€ en 2018, on peut extrapoler un CAPEX à 10M€ en 2020 au pire, la société ayant pas mal réduit la voilure en 2020 (crise oblige). Est-ce réellement un CAPEX d’investissement de croissance, et comment est-il financé ?
Le BFR + CAPEX explique l’endettement significatif en 2019, mais cela s’est bien résorbé en 2020, et de plus la dette reste largement maîtrisée eu égard aux flux de trésorerie.
Cash flows
Attaquons enfin le plus intéressant, le cash Le groupe a un objectif de distribution de 25% du résultat en dividendes. Actuellement le dividende s’élève à 0,425€/action, soit un rendement de 2,7% au cours actuel, et un payout ratio sur le RN de 25%. On est encore loin d’avoir à affaire à un dividend aristocrat.
En considérant le CAPEX comme du CAPEX d’investissement de croissance, on obtient un FCF (ou plutôt CFO puisque hors CAPEX) 2018 de 15M€ (comme en 2016 et en 2017), -33M€ en 2019, et 51M€ sur les trois premiers trimestres 2020. Comment une entreprise apparemment aussi performante peut-elle avoir un FCF négatif ? Simplement parce que le BFR a explosé en 2019, si on exclut les variations de BFR, on obtient 27M€ de FCF en 2018, 37M€ en 2019, et 31M€ au Q3 2020.
Enfin, les CAPEX s’établissent à 3,5M€ en 2018, 18M€ en 2019, 3M€ au Q3 2020. Le ROI du CAPEX 2019 est mauvais, car il a principalement servi au démarrage de l’activité en Allemagne, qui a une marge négative à -7% au Q3 2020 (due à la restructuration des acquisitions allemandes et la crise). Pour l’instant, la croissance de ces CAPEX est non rentables, mais il n’empêche que les flux de trésorerie sont déjà importants, et le CAPEX semble tout de même être un CAPEX de croissance, vu qu’il a pu être grandement coupé en 2020 tout en continuant à afficher un excellent FCF. Il faudra attendre encore avant de pouvoir évaluer ce CAPEX plus finement.
Valorisation
Comparables
Tentons de regarder quelques comparables (pas de garantie des chiffres, je ne me suis pas tapé tous les rapports des concurrents pour en vérifier l’exactitude).
Alta Equipment : EV/EBITDA = 6, P/FCF = 5.
Rocky Mountain Dealerships : EV/EBITDA = 12, P/FCF = 9.
Titan Machinery : EV/EBITDA = 15, P/FCF = 12.
Valorisation finale
Je considère une base de 16 000 000 d’actions pour prendre en compte une potentielle dilution due aux warrants des prochaines années.
Sur la base d’un EV/EBITDA moyen de 10, avec un EBITDA conservateur de 50M€ (on est déjà à 40M€ au Q3 2020) on obtiendrait un prix de l’action entre 25€ (si je considère 50M de DFN), et 30€ (si je consdère 10M de DFN).
Je pars sur un FCF normalisé de 40M€, qui prend en compte les variations de BFR, on obtient alors un P/FCF = 6.25 ; en valorisant à P/FCF = 10 on obtiendrait un cours de l’action à 25€. Si on prend le FCF 2016 ou 2017 ou 2018, on aurait un cours de 9,4€ pour obtenir un P/FCF de 10.
On a une croissance annuelle de plus de 20% du CA et du RN, pour le FCF c’est beaucoup plus difficile à dire, mais disons qu’une croissance de 10% pendant 5 ans en partant d’un FCF de 40M€ me paraît réaliste. Oui mais cette croissance a un prix, je considère que 20% du FCF (10M€ au départ, la moyenne des CAPEX sur 2019/2020) sera utilisé tous les ans comme CAPEX de croissance puis de maintenance après 5 ans. Un DCF au taux d’actualisation arbitraire de 8% (taux marché) + 2% (risque société, la société étant peu endettée et en croissance) = 10%, me donne un cours à 29€.
Enfin, le PER actuel est d’environ 10/11. Si on prend en compte la croissance de 20% du RN, qui pour le coup est assez stable depuis 2016, valoriser sur la base d’un PER de 25 me paraît tout à fait envisageable, ce qui nous donnerait un cours de 39€.
Bref, après toute cette cuisine (j’en suis très conscient et ça ne me pose aucun problème ), un objectif à 25€ me paraît réaliste, avec un risque certain sur l’économie russe et plus particulièrement le rouble, mais une société très saine et en croissance. On n’est pas à l’abri que les choses se passent bien, et en particulier que l’Allemagne devienne rentable, auquel cas 30€ l’action me paraît largement correct comme cible. Au final un potentiel entre -40% et +150%, avec une espérance de gain plutôt centrée aux alentours des 60% à 100%, peu de risque de faillite, mais un risque de récession russe. Les variations de BFR, et le ROI des CAPEX restent néanmoins à surveiller.
Je ne vois pas de catalyseur à court terme malheureusement, le dividende est déjà là, pas de gros achats d’initiés, c’est un dossier long terme selon moi.
Déontologie : je ne suis pas actionnaire pour le moment, mais après analyse cette valeur entre dans ma short list, je me laisse encore le temps de prendre un peu de recul suite à cette analyse pour me décider.
Dernière modification par Evariste (21/12/2020 21h54)
Mots-clés : russie, service aux industries, volvo
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