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REIT et SIIC : comprendre les foncières cotées

03/02/2009 - Guide pédagogique sur les sociétés immobilières cotées

THÉMATIQUE DE CET ARTICLE

Foncière cotée : qu’est-ce que c’est, typologie des foncières cotées et comment valoriser une foncière cotée ?

Partie 1

Les REIT (Real Estate Investment Trust), en français SIIC (Sociétés d’Investissements Immobiliers Cotées), après des années fastes, sont particulièrement malmenés en bourse depuis un an et des opportunités commencent à apparaître. Je pense notamment à Vornado Realty Trust (VNO) aux USA et Land Securities Group (LAND) au UK.

En France, Unibail-Rodamco (UL), une de mes valeurs favorites, est aussi à un cours attrayant.

L’investissement dans les REIT m’intéresse particulièrement, car il est en phase avec mon objectif de génération d’une rente pérenne.

Qu’est-ce qu’un REIT ?

Un REIT est une société cotée en bourse dont l’objectif est la distribution de dividendes à travers la gestion et la valorisation d’un patrimoine immobilier. Le statut de REIT (qui existe depuis 1960 aux USA, 2003 en France et 2007 au UK…) implique que la société n’est pas imposée sur ses bénéfices (cool !), mais en contrepartie doit distribuer à ses actionnaires une très large part de son résultat : entre 80-95% selon le pays d’imposition. Il existe aussi d’autres contraintes, sur l’endettement par exemple, selon les législations.

Les REIT sont donc idéaux pour les investisseurs qui recherchent un complément de revenu sous forme de dividendes plutôt qu’une hausse “virtuelle” de la valorisation de leur portefeuille boursier. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ne se valorisent pas en bourse sur le long terme, mais il est évident qu’une société qui distribue la quasi-totalité de son résultat ne peut prétendre à la même croissance que celles qui distribuent peu mais investissent beaucoup, comme de nombreuses valeurs technologiques par exemple.

Historiquement, les REIT sont peu corrélés aux valeurs boursières classiques (0,2 à 0,4 de corrélation avec le S&P 500) et sont utiles pour améliorer le rendement/risque d’un portefeuille boursier. Depuis 2005, c’est de moins en moins vrai et actuellement il y a des pointes de corrélations à 0,85 avec le S&P 500 !

Typologie des REIT

Un particulier qui investi dans l’immobilier physique aura tendance à le faire avec de l’immobilier résidentiel ou éventuellement des parkings.

Avec les REIT, vous accédez à tous les secteurs immobiliers :

Secteur Exemple
Hôtellerie Host Hotels & Resorts (HST)
Magasins Realty Income (O)
Centres commerciaux Simon Property Group (SPG)
Entrepôts industriels Prologys (PLD)
Immobilier résidentiel Equity Residential (EQR)
Bureaux Boston Properties (BXP)
Box de stockage Public Storage (PSA)
Centres médicaux Health Care REIT (HCN)
Prisons Corrections Corporation of America (CXW)
Théâtres Entertainment Properties Trust (EPR)
Forêts Plum Creek Timber (PCL)
Parkings pas un REIT : Urban Growth Property Trust
Golfs pas un REIT : National Golf Properties

La plupart des REIT sont spécialisés à la fois sectoriellement (Equity Residential) et géographiquement (Washington REIT), d’autres sont diversifiés (Duke Realty) et/ou étendus géographiquement avec des investissements à l’international (Wereldhave). D’une façon générale, les REIT les plus spécialisés sont les mieux gérés, simplement car il est plus aisé d‘être “bon” sur un petit marché dont on connait les spécificités que sur un gros avec des particularités locales difficiles à appréhender.

D’ailleurs, chaque secteur a ses particularités : l’hôtellerie est le plus sensible à la conjoncture économique, suivi des bureaux, des bâtiments ou entrepôts industriels, de l’immobilier résidentiel, des espaces de stockage, de l’immobilier commercial et enfin des centres médicaux. L’immobilier commercial est le secteur le moins rentable mais le plus stable, car les baux sont très encadrés, aussi bien en terme de durée que de revalorisation des loyers. Mais là encore, chaque pays a ses spécificités.

Parce que le statut de REIT est le plus ancien aux USA, c’est là-bas que l’on trouve le plus de REIT et de tous types. En France, les REIT sont encore peu nombreux et appartiennent souvent à des banques, assureurs ou autres (Klepierre appartient à BNP Paribas, Silic appartient à Groupama et Mercialys appartient à Casino).

Comme pour toutes les valeurs boursières US, les REIT US versent des dividendes chaque trimestre, très exceptionnellement chaque mois (Realty Income). En europe, les versements ont lieu sur une base annuelle, voir semestrielle (Société de la Tour Eiffel) et exceptionnellement trimestrielle (Unibail-Rodamco). Les mieux lotis sont les canadiens, car tous leurs REIT (par exemple Riocan) versent leurs dividendes sur une base mensuelle. Entendons-nous bien, cela ne modifie en rien la rentabilité annuelle, il est juste plus agréable de percevoir le dividende au fur et à mesure, qu’une seule fois dans l’année.

Valoriser un REIT

Déjà, précisons que le traditionnel PER (Price Earning Ratio) est inutilisable pour valoriser un REIT. En effet, les actifs corporels tels que les biens immobiliers vont être dépréciés comptablement (normes comptables françaises ou US GAAP) par le biais d’amortissements, alors que dans les faits, ces biens sont entretenus et valorisés et prennent (généralement) de la valeur au fil des années. Le résultat net est donc totalement faussé par ces amortissements. Avec les normes IFRS, ce n’est pas mieux, car cette fois-ci, le résultat est impacté par les dépréciations ou revalorisations d’actifs. D’autre part, il fluctue en fonction des arbitrages d’actifs (vente avec plus-value des biens arrivés à maturité), ce qui rend la comparaison d’une année à une autre difficile.

Une première approche est d‘évaluer un REIT en fonction de sa décote ou surcote par rapport à son ANR (Actif Net Réévalué) ou NAV (Net Asset Value). L’ANR, c’est ce que vaudrait l’entreprise si tous ses biens étaient vendus et ses emprunts remboursés. Il est dit réévalué, car la valeur des biens immobiliers varie en fonction de la conjoncture et des investissements réalisés par le REIT pour les valoriser. L’ANR, calculé par des experts indépendants, est largement diffusé dans les communiqués des SIIC. La décote ou surcote peut être justifiée en fonction de la qualité du management du REIT, de la taille du REIT, de la qualité de ses actifs, de son endettement… L’ANR au 30/06/2008 d’Unibail-Rodamco est de 172 € par action, au cours actuel de 101,195 €, la décote sur l’ANR du 30/06/2008 (depuis, ce n’est pas parce qu’il n’a pas été diffusé, qu’il n’a pas évolué…) est donc de 41% : les investisseurs anticipent une forte dépréciation des actifs.

La deuxième approche est d‘évaluer le REIT en fonction des flux de trésorerie disponibles appelés FCF (Free Cash Flow). Aux USA, on parle de FFO (Funds From Operations) et, selon les recommandations de la NAREIT (National Association of Real Estate Investment Trusts), le FFO par action est largement diffusé dans les communiqués des entreprises. Ainsi, le 25/10/2008, Realty Income (O) estimait son FFO 2008 entre $1,82 et $1,84 par action. O cote aujourd’hui $19,27, soit un ratio cours/FFO 2008 entre 10,5 et 10,6. Ce ratio est ensuite comparé aux autres REIT du même secteur ou à la moyenne historique pour ce REIT.

Enfin, le LTV (Loan To Value) indique la proportion de dettes par rapport aux actifs. Par exemple, si un REIT possède pour 1 Md€ de centres commerciaux adossé à une dette de 0,4 Md€, son LTV est de 40%. L’endettement ayant un effet de levier à la hausse comme à la baisse, connaître le LTV est critique, surtout quand le contexte économique est difficile. Ainsi, un REIT avec un LTV de 80%, où l’essentiel du patrimoine est financé par l’emprunt peut se retrouver en faillite au premier défaut de paiement de ses locataires ou s’il est incapable de vendre un actif au prix prévu pour faire face à une grosse échéance d’emprunt.

Partie 2

Croissance d’un REIT

Comment un REIT peut-il croître puisqu’il distribue la quasi-totalité de son résultat ?

Une première solution est de lancer une augmentation de capital pour financer toute ou partie d’un investissement. Elle est peu utilisée car dilutive pour les actionnaires existants. Klepierre (LI) l’a cependant utilisée en Novembre 2008 pour financer une partie de l’acquisition de Steen & Stroem. Est-ce que Klepierre aurait choisi cette solution si BNP Paribas (BNP) n‘était pas majoritaire au capital ? C’est à voir…

La deuxième solution est l’endettement. Un REIT est nécessairement endetté. Il va s’endetter auprès des banques ou via le marché obligataire à un taux X% (par exemple 5%), pour investir sur un bien avec un taux de placement attendu (éventuellement après travaux) de X% + quelques pourcents (par exemple 7%). L‘écart entre le taux de placement de l’actif et l’emprunt donne le rendement interne de l’opération. S’il n’est pas fait recours à l’endettement, le taux de placement est équivalent au rendement interne. Si plus tard, l’actif est vendu avec une plus-value, le rendement interne de l’opération augmente.

Ce qui nous amène à la troisième solution, l’arbitrage des actifs arrivés à maturité, c’est-à-dire dont les perspectives de croissance sont faibles dans l’absolu ou au regard de la conjoncture économique. Ce qu’a fait brillamment Unibail-Rodamco (UL) en 2007, en revendant après huit ans d’exploitation les bureaux Coeur Défense à Lehman Brothers (LEH) pour un montant record de 2,1 Md€, alors qu’en Novembre 2008 des rumeurs évoquaient une cession de Coeur Défense par LEH, en difficulté financière, à UL pour 1,2 Md€ ! La transaction n’a finalement pas eu lieu, mais on mesure le talent du management d’UL ! De même, Lexington Realty Trust (LXP), REIT US de bureaux a vendu 20% de ses actifs les moins intéressants en 2007 et distribué un dividende exceptionnel à ses actionnaires, au simple motif que le management considérait que c‘était le moment adéquat pour s’en “débarrasser” à bon prix et se recentrer sur des actifs de qualité ! Evidemment, pendant que les uns vendent, d’autres achètent… Autant dire qu’il faut bien choisir son cheval et son jockey !

Un aparté sur les SCPI (Société Civile de Placement Immobilier) qui, elles, se financent exclusivement par augmentation de capital : parce qu’elles ne sont pas endettées, elles peuvent se permettre d’acheter des biens décotés, avec un taux de placement en dessous du marché pendant la durée du bail et d’attendre patiemment une revalorisation des loyers à l’expiration de celui-ci. C’est la stratégie de la SCPI de murs de magasin Immorente. Cette stratégie est difficilement duplicable à un REIT qui aura recours à l’emprunt et aura donc un rendement interne négatif, sauf s’il réussi à revendre l’actif avec une forte plus-value.

Croissance interne et externe

On peut avoir l’impression que les actifs existants sont gérés passivement et que la seule façon de faire progresser les revenus, en dehors de la revalorisation annuelle des loyers liée à l’inflation (en fait à certains indices, voir au chiffre d’affaires du locataire), c’est d’investir dans de nouveaux actifs (croissance externe) aux meilleures (pour les REIT bien managés, cf. supra) conditions de marché.

Mais un bien n’est pas immuable dans le temps et peut être valorisé par des travaux, de la publicité et/ou par des discussions (du lobbying !) avec les pouvoirs publics afin d’améliorer les infrastructures alentour. Cette revalorisation est particulièrement vraie pour les centres commerciaux : de plus en plus, ils sont transformés en espaces conviviaux, lumineux, avec un subtil mélange de restaurants, salles de cinéma, magasins… L’objectif est d’attirer toujours plus de visiteurs qui seront autant de clients potentiels pour les boutiques du centre commercial. Cela augmente la valeur locative et permet d’attirer les meilleures (comprendre, les plus populaires et les plus solides financièrement) enseignes.

Les revenus locatifs peuvent donc être tirés par la croissance interne, celle-ci étant un gage de la qualité du management d’un REIT.

Risques d’un REIT

De la diversité et qualité des locataires

Un REIT bien géré diversifiera ses locataires et les choisira judicieusement pour éviter tout défaut de paiement. Les bureaux loués en France par Foncières des régions (FDR) sont par exemple dépendants de France Telecom (65% du CA des bureaux France en 2008) et d’EDF (13% du CA des bureaux France en 2008), qui sont cependant d’excellentes signatures.

Un exemple de diversification est Realty Income (O), REIT US de murs de magasin. O possède 2375 propriétés, louées à 116 locataires différents (les locataires sont essentiellement des chaines qui louent plusieurs biens), de 30 secteurs d’activités différents, dans 49 états américains. Au premier trimestre 2008, le premier locataire représente 6,7% des revenus annuels et l’ensemble des quinze premiers locataires représente 54% des revenus. Bien en a pris, car en 2007, le premier locataire (la chaine de restaurants Buffet/Ryan) s’est retrouvé sous le chapitre 11… Même si un arrangement a été trouvé, en tant qu’actionnaire, on sait que le risque porte sur moins de 7% des revenus, ce qui n’est pas de nature à mettre en péril O, qui par ailleurs, affirme son objectif de réduire sa dépendance à un locataire donné à moins de 5% de ses revenus. Voilà un REIT bien géré !

Effet de levier de l’endettement

Prenons l’exemple d’UL : au 30/06/2008, la valeur du patrimoine est de 26,081 Md€ pour 7,163 Md€ de dettes financières, soit un LTV (Loan To Value) de 27,5%.

Le tableau ci-dessous ramène tous les chiffres par action et montre l’impact d’une revalorisation à la hausse ou à la baisse des actifs :

Reval
Pat
Pat Dettes Pat net LTV Reval
Pat net
0% 318,1€ 87,4€ 230,8€ 27,5% 0%
5% 334€ 87,4€ 246,7€ 26,2% 6,9%
10% 349,9€ 87,4€ 262,6€ 25% 13,8%
15% 365,8€ 87,4€ 278,5€ 23,9% 20,7%
20% 381,7€ 87,4€ 294,4€ 22,9% 27,6%
-5% 302,2€ 87,4€ 214,8€ 28,9% -6,9%
-10% 286,3€ 87,4€ 198,9€ 30,5% -13,8%
-15% 270,4€ 87,4€ 183€ 32,3% -20,7%
-20% 254,5€ 87,4€ 167,1€ 34,3% -27,6%
Reval
Pat
Pat Dettes Pat net LTV Reval
Pat net

Bien qu’UL soit faiblement endetté (le “concurrent” LI a un LTV de 47% après le rachat de Steen & Stroem), on constate l’effet de levier de l’endettement : une baisse de 20% de la valeur des actifs, se traduit par une baisse de 27,6% du patrimoine net [de dettes financières].

Voici maintenant la même chose avec les chiffres au 31/12/2007, de La lucette (MILU). Valeur du patrimoine : 2,392 Md€, endettement : 1,256 Md€, soit un LTV de 53%.

Reval
Pat
Pat Dettes Pat net LTV Reval
Pat net
0% 92 48,3 43,7 52,5% 0%
5% 96,6 48,3 48,3 50% 10,5%
10% 101,2 48,3 52,9 47,7% 21,1%
15% 105,8 48,3 57,5 45,7% 31,6%
20% 110,4 48,3 62,1 43,8% 42,1%
-5% 87,4 48,3 39,1 55,3% -10,5%
-10% 82,8 48,3 34,5 58,3% -21,1%
-15% 78,2 48,3 29,9 61,8% -31,6%
-20% 73,6 48,3 25,3 65,6% -42,1%
Reval
Pat
Pat Dettes Pat net LTV Reval
Pat net

Cette fois-ci, une baisse de 20% de la valeur des actifs se traduit par une baisse de 42,1% du patrimoine net ! Sachant que MILU est investie dans le secteur sensible des bureaux, en cas de crise économique, cette valeur est doublement pénalisée de par son endettement. A l’inverse, en période de croissance, son patrimoine net augmentera plus rapidement.

Partie 3

Vous remarquerez que les chiffres évoqués (Loan To Value, Actif Net Réévalué, Funds From Operations…) dans les parties précédentes étaient relativement accessibles dans les différents communiqués des REIT, mais que les éléments que nous allons voir aujourd’hui ne se trouvent que dans les rapports annuels/semestriels ou présentations aux analystes. Ceux-ci sont systématiquement diffusés sur les sites Internet des principaux REIT, mais clairement, leur lecture demande plus de travail que d’analyser quelques ratios.

Dette et REIT

Maturité de la dette

Comme nous l’avons vu, un REIT se finance essentiellement par la dette. Celle-ci est généralement composée d’emprunts bancaires in fine et obligataires.

Voici l’endettement de la Société de la Tour Effeil (EIFF), SIIC de bureaux, au 31/12/2007 :


Il y a trois échéances principales, 2010, 2013 et 2011. Les autres années (2008, 2009 et 2012), EIFF encaisse des loyers mais n’a quasiment rien à rembourser : ces échéances principales sont donc critiques. Pour éviter de vendre un actif, rembourser de la dette, ressouscrire un emprunt et acheter un actif, à l’approche d’une grosse échéance, le REIT refinance souvent sa dette sur des échéances plus longues. C’est ce qui s’est passé, puisque le 29/07/2008, EIFF annonce que “l‘échéance de 357 M€, initialement fixée à Juillet 2010, a été prorogée à Juillet 2013, pour un montant augmenté à 368 M€, à des conditions inchangées”.

Regardons maintenant General Growth Properties (GGP), REIT US de centres commerciaux qui de 1993 à 2007, grâce à une politique de croissance externe agressive (culminant avec le rachat en 2004 de The House Company pour 7,2 $Md), a affiché un taux de croissance du FFO de 15% par an.

La contrepartie de cette croissance tout azimut, c’est 27,4 $Md de dettes en 2008, dont voici les six échéances prochaines :

Année Montant
2008 2,5 $Md
2009 4,52 $Md
2010 8,32 $Md
2011 4,59 $Md
2012 4,59 $Md
2013 2,98 $Md

Au 06/02/2009, GGP cote $0,81 :


Pouvez-vous deviner ce qui s’est passé ?

En pleine crise financière, GGP est incapable d’obtenir le refinancement de sa dette ou de vendre des actifs (qui d’ailleurs se déprécient du fait de la crise économique) pour faire face à ses engagements (colossaux par ailleurs, en comparaison de ses revenus locatifs) à court terme. La situation aurait peut-être été différente s’il n’y avait aucun gros remboursement avant, par exemple, 2012. On ne saura jamais !

Remarquez que Prologys (PLD), REIT US d’entrepôts industriels, a aussi un problème de solvabilité à court terme avec de lourdes échéances en 2009 et 2010, mais a réussi à en refinancer une partie.

PLD cote $9,99 au 06/02/2009, après un plus-bas à $2,20 :


Précédemment, nous avions vu que l’endettement agissait comme effet de levier à la hausse ou à la baisse, retenez maintenant que le calendrier des remboursements peut aussi affecter la solvabilité d’un REIT.

Dettes, management de REIT et flottant

GGP ou PLD sont de bons exemples de l’influence du management dans la gestion d’un REIT. Un REIT n’est pas une simple collection d’actifs et surtout ne vous sentez pas protégés parce que vous investissez dans une société qui possède des actifs tangibles. Une mauvaise gestion peut plomber un REIT.

GGP ou PLD ont été encensés et survalorisés par les marchés devant leur dynamisme et croissance pendant les années fastes. Aujourd’hui, GGP est KO debout et PLD n’est pas passé loin. Il suffit d’un gros achat en haut de cycle financé essentiellement par l’endettement (ce qui a été le cas pour GGP avec The House Company) pour mettre un REIT à genoux à moyen/long terme. Evidemment, le haut d’un cycle est toujours plus facile à identifier après que pendant !

Hors du domaine des REIT, regardez Lafarge (LG), qui a racheté le 10/12/2007 (donc quasi au plus-haut) pour 8,8 Md€ le cimentier égyptien Orascom, par une augmentation de capital et 6 Md€ d’endettement. Le cours s’envolait de 9% à l’annonce. Quel est le bilan aujourd’hui ? Un cours de bourse divisé par 2,5 depuis et un problème de dette qui alimente les observations des analystes. Méfiez-vous de ces augmentations de capital + endettement pour réaliser une opération de croissance externe, souvent d’ailleurs au plus mauvais moment (les dirigeants sont victimes du biais d’optimisme et des effets de mode comme vous et moi).

Les indices FTSE NAREIT US Real Estate permettent de vérifier très bien qu’un endettement important est perdant à moyen/long terme. L’indice Equity REIT regroupe les REIT que j‘évoque dans cette introduction, dont les revenus proviennent de la location du parc immobilier. L’indice Mortgage REIT regroupe les REIT dont les revenus proviennent de placements hypothécaires, donc fortement endettés et avec des actifs (les prêts hypothécaires) facilement dépréciables :

Année Indice
Equity
Indice
Mortgage
Variation %
Equity
Variation %
Mortgage
1971 100 100 n/a n/a
1972 108 112 8% 12%
1973 91 71 -16% -36%
1974 72 39 -21% -45%
1975 86 55 19% 41%
1976 126 83 48% 52%
1977 155 98 22% 18%
1978 171 89 10% -10%
1979 232 103 36% 17%
1980 288 121 24% 17%
1981 305 129 6% 7%
1982 371 192 22% 49%
1983 485 224 31% 17%
1984 587 241 21% 7%
1985 699 228 19% -5%
1986 833 272 19% 19%
1987 803 229 -4% -16%
1988 911 246 13% 7%
1989 991 207 9% -16%
1990 839 169 -15% -18%
1991 1 139 223 36% 32%
1992 1 305 227 15% 2%
1993 1 561 260 20% 15%
1994 1 611 197 3% -24%
1995 1 857 322 15% 63%
1996 2 511 485 35% 51%
1997 3 020 504 20% 4%
1998 2 492 357 -18% -29%
1999 2 376 238 -5% -33%
2000 3 003 276 26% 16%
2001 3 421 490 14% 77%
2002 3 552 642 4% 31%
2003 4 871 1 010 37% 57%
2004 6 409 1 197 32% 18%
2005 7 189 919 12% -23%
2006 9 709 1 097 35% 19%
2007 8 186 632 -16% -42%
2008 5 097 434 -38% -31%
Année Indice
Equity
Indice
Mortgage
Variation %
Equity
Variation %
Mortgage


Durant les périodes festives, les Mortgage REIT distribuent de copieux dividendes et ont des progressions boursières stratosphériques (+77% en 2001 et +57% en 2003). Cependant, systématiquement, ils finissent par être pris à contre-pied et s‘écroulent (-45% en 1974, -24% en 1994, -42% en 2007 et -31% en 2008). Or, rappelez-vous qu’une action qui vaut 100 et qui augmente de 50% vaut 150, mais si elle reperd 50% derrière, elle ne vaut plus que 75, soit 25% de moins que son cours de départ !

Au final, les deux indices FFTSE NAREIT US Real Estate démarrent en 1971 en base 100, mais 37 ans plus tard, l’indice Equity REIT a été multiplé par 51, contre seulement 4 pour l’indice Mortgage REIT.

Sur la durée, les meilleurs REIT sont gérés de façon conservatrice et avec un endettement mesuré, comme par exemple Public Storage (PSA), REIT US de box de stockage :


Méfiez-vous aussi des REIT dont l’actionnariat est concentré et/ou filiales de grands groupes. Les intérêts des actionnaires majoritaires et leur horizon d’investissement ne sont pas forcément les vôtres ! En France, à part Unibail-Rodamco (UL), les principaux REIT ont un actionnariat concentré. Le deuxième SIIC, Klepierre (LI), est “simple” filiale de BNP Paribas (BNP) et pour une raison que je ne comprends pas, a systématiquement les faveurs des analystes ou des hebdomadaires boursiers.

Chez les petits [SIIC], c’est encore pire, avec par exemple La Lucette (MILU) détenue à 93,70% par Morgan Stanley (MS). Vous êtes à la merci d’une OPR (Offre Publique de Retrait) ou d’une OPA (Offre publique de rachat) par la maison-mère en cas de chute des cours (ce qui s’est passé sur Vectrane et qui va se passer sur Gecimed) ou de ventes impromptues d’actifs pour générer des dividendes et renflouer la maison-mère (ce qui va se passer avec MILU).

D’ailleurs, de nombreux SIIC ne sont que de simples coquilles vides (par exemple Cegereal) où toute la gestion locative est externalisée, et qui sont utilisés par des sociétés financières pour placer des actifs immobiliers en France à des conditions fiscales avantageuses. L’application de la loi SIIC 4 fin 2008 devait résoudre ce problème, en limitant la concentration d’un acteur à 60% des droits de vote du REIT, mais sa mise en œuvre a été reportée au 01/01/2010.

Ma préférence va donc aux gros REIT, avec un flottant important et peu endettés, comme PSA ou UL. Pour se constituer un univers d’investissement, les indices FTSE EPRA/NAREIT sont utiles, puisque les valeurs les composant y sont pondérées en fonction de leur capitalisation et flottant. Pour trouver leur composition, l’astuce est de regarder la composition des trackers iSharescorrespondants.

Types de dettes

Les REIT peuvent emprunter à taux fixe, à taux variable ou variable cappé. Ils peuvent aussi “transformer” un variable en fixe ou le capper en utilisant des produits financiers (swaps de taux).

La dette peut être contractée auprès des banques ou sous forme d’emprunt obligataire. Aux USA, on trouve aussi un financement par actions préférentielles qui offrent un dividende prioritaire et fixe. Toutefois, elles n’ont pas les mêmes droits de vote que les actions standards et le versement du dividende n’est pas garanti.

Les REIT privilégient évidemment le taux fixe ou variable cappé pour une grande part de leur dettes, de façon à garantir autant que faire se peut le rendement de leurs investissements.

Par exemple, au 22/01/2009, 100% de la dette de Realty Income (O) est à taux fixe.

Covenants bancaires

Tout comme la maturité de la dette, les covenants bancaires peuvent devenir méchants : il s’agit d’une clause de remboursement anticipé d’un prêt en cas de non respect de certains objectifs, souvent un plafond sur le LTV.

Par exemple, au 30/06/2008, le LTV de Foncière des régions (FDR) est de 56% alors qu’un covenant bancaire le limite à 65%. En cas de dépréciations d’actifs, cette limite pourrait être vite atteinte, donc FDR a intérêt à vendre des actifs pendant qu’il est temps pour diminuer ce risque (entre autres raisons), ce qu’elle fait (cf. annonce d’accord de cession de 1,2 Md€ d’actifs à un OPCI de BNP Paribas REIM, le 28/10/2008).

Taux d’occupation et expiration des baux

C’est bien d’avoir des actifs, c’est encore mieux de les louer !

L’historique du taux d’occupation de O se passe de commentaires :


La plupart des REIT de bureaux et centres commerciaux vont avoir des taux d’occupation entre 90 et 95%. Ceux orientés murs de magasin ou centres médicaux peuvent espérer 95 à 100%. Les actifs aux meilleurs emplacements (La Défense ou le quartier central des affaires à Paris par exemple) offrent un rendement moindre car ils se payent cher, mais ont l’avantage d’un taux de vacance plus faible, particulièrement dans un contexte économique difficile.

En terme d’expiration des baux, on se retrouve avec une situation similaire à la dette par maturité : il y a danger potentiel si, une année donnée, un nombre important de baux arrivent à expiration. S’ils ne sont pas renouvelés par anticipation ou rapidement, cela conduit à une hausse du taux de vacance et une baisse des revenus. Encore une fois, il faut être particulièrement vigilant avec les REIT qui affichent de gros rendements, mais dont l’essentiel des actifs se trouvent en périphérie urbaine ou hors des centres économiques d’un pays (en France : Paris, Lyon et Marseille ; aux USA : Boston, New York, Washington et San Francisco).

Ici, l‘échéancier de renouvellement des baux pour les centres commerciaux d’UL :


Partie 4

Jusqu’ici, nous avons abordé des aspects nous permettant de valoriser un REIT ou comparer des REIT entre eux.

Cependant, l’historique des vingt dernières années des valorisations des REIT US nous montre qu’ils sont souvent “victimes” d’effet de mode, de défiance ou au contraire de surconfiance. Il est inutile alors d’acheter un REIT “meilleur” qu’un autre, si de toute façon vous le surpayez.

Une hypothèse de ce manque d’efficience est que les fonds commun de placement spécialisés, c’est-à-dire restreints à l’immobilier coté (et souvent aussi restreint géographiquement : zone US, zone euro…) n’ont pas beaucoup de REIT sur lesquels investir (la capitalisation totale de tous les Equity REIT US en 2008 est à peine supérieure à la capitalisation de Microsoft : 176 contre 172 $Md) et donc font rapidement et mécaniquement monter les cours dès qu’il y a un afflux de souscripteurs, et vice-versa. Ce fait est accentué par les ratios prudentiels des fonds commun de placement qui imposent de ne pas avoir plus de 10% d’une valeur en portefeuille. Il peut donc obliger à vendre un REIT qui a surperformé le marché, simplement pour respecter les ratios, alors même que le REIT en question est solide. Cette deuxième raison est évoquée par l’analyste Rémi Antonini pour justifier la baisse d’Unibail-Rodamco (UL) au début du mois de Janvier 2009, alors que le marché des REIT UK, Land Securities Group (LAND) en particulier, est très attaqué.

Mais alors, quels outils peuvent nous aider à savoir si le marché des REIT dans sa globalité est plutôt sur ou sous-évalué ?

Approche par les flux

Rendement historique des REIT

L’analyse des valeurs historiques de l’indice FTSE NAREIT US Real Estate Equity montre que le dividende % moyen entre Janvier 1972 et Janvier 2009 est de 7,37% avec des extrêmes à 13,7% en Avril 1974 et 3,40% en Janvier 2007.

Le dividende % moyen est en jaune, l’indice REIT nu (dividendes non réinvestis) est en bleu :


D’où :

  • Plus le dividende % s‘éloigne positivement d’une valeur pivot, plus il est probable que le marché des REIT soit sous-évalué,
  • Plus le dividende % s‘éloigne négativement d’une valeur pivot, plus il est probable que le marché des REIT soit sur-évalué.

Quelle valeur pivot utiliser ?

Période Moyenne Médiane Minimum Maximum
jan/1972-déc/1993 8,11% 7,87% 5,72% 13,07%
jan/1994-jan/2009 6,30% 6,64% 3,40% 9,39%
jan/1972-jan/2009 7,37% 7,48% 3,40% 13,07%

Je vous laisse juge, mais 7% paraît un bon compromis. En-dessous de 6%, le marché est probablement sur-évalué, au-dessus de 8%, probablement sous-évalué.

Peut-on appliquer cette règle à un REIT particulier ?

Cela pose deux problèmes : le premier est que les REIT ne distribuent pas tous la même proportion de leur résultat, même si l’obligation légale limite la disparité. Le deuxième, c’est qu‘à dividende % et taux de distribution égaux, un petit REIT endetté sera beaucoup plus cher qu’un gros REIT sans endettement. Travailler avec la moyenne des valeurs de l’indice lisse ces deux facteurs, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on considère un REIT individuellement.

Ainsi, au 12/02/2009, Mercialys (MI), SIIC de centres commerciaux, a un dividende % relativement pérenne compte tenu de ses revenus récurrents, mais de seulement 4,01%. MI n’a cependant aucune dette, ce qui par le temp qui court lui permet d’avoir la faveur des investisseurs.

Ecart dividende % / bon du trésor américain à dix ans

Précédemment, nous ne tenions pas compte du contexte financier. Une solution est d’analyser l‘écart historique entre le dividende % moyen et la rémunération d’un placement bloqué pendant dix ans et sans risque nominal (on ne tient pas compte de la perte due à l’inflation), à savoir le bon du trésor américain.

L‘écart de rendement est en jaune, l’indice REIT nu (dividendes non réinvestis) est en bleu :


D’où :

  • Plus l‘écart s‘éloigne positivement d’une valeur pivot, plus il est probable que le marché des REIT soit sous-évalué,
  • Plus l‘écart s‘éloigne négativement d’une valeur pivot, plus il est probable que le marché des REIT soit sur-évalué.

Mais cela ne fonctionne pas entre 1978 et 1986, période de forte inflation.

Quelle valeur pivot utiliser ?

Période Moyenne Médiane Minimum Maximum
jan/1972-déc/1993 -0,83 -0,26 -6,69 5,56
jan/1994-jan/2009 1,07 1,05 -1,36 6,53
jan/1972-jan/2009 -0,06 0,22 -6,69 6,53

Pas facile, car il y a de gros écarts selon la période considérée. A la lecture du graphique, on peut considérer qu’au-dessus de 3, le marché est probablement sous-évalué, et en-dessous de 1%, probablement sur-évalué. Entre ces deux bornes, il est difficile de tirer parti de cet indicateur.

Pour le marché européen, la même analyse manque de pertinence compte tenu de l’historique limité et du faible nombre de REIT. Plutôt que le rendement du bon du trésor américain à dix ans, on pourrait utiliser pour les SIIC, le TEC10 (Taux de l’Echéance Constante à dix ans).

Plutôt que travailler sur l‘écart, on peut utiliser le ratio (diviser au lieu de soustraire). Mais mes tests sont encore moins concluants, donc je ne les présente pas.

Approche patrimoniale

Ecart cours de bourse / ANR

Ce graphique, daté du 02/01/2008 provient de Green Street Advisor, une société indépendante réputée pour ces analyses du marché des REIT US et dont certains rapports sont disponibles gratuitement sur leur site, montre l‘écart moyen entre le cours de bourse et l’Actif Net Réévalué :


D’où :

  • Plus la décote moyenne entre les cours des REIT et leur ANR est importante, plus il est probable que le marché des REIT soit sous-évalué,
  • Plus la surcote moyenne entre les cours des REIT et leur ANR est importante, plus il est probable que le marché des REIT soit sur-évalué.

Comment qualifier le terme important ?

L‘écart moyen depuis 1993 est de 4%, mais il est assez volatile et s‘éloigne souvent de sa moyenne. A la lecture du graphique, on peut considérer qu’au-dessus de 20%, le marché est probablement sur-évalué, et en-dessous de 20%, probablement sous-évalué.

Mais je n’aime pas cette approche patrimoniale, car l’Actif Net Réévalué est soumis à la partialité des experts qui le calculent, qui eux-mêmes s’appuient sur les transactions récentes. En période d’euphorie, des transactions à des prix prohibitifs ont lieu, ce qui fait “mécaniquement” remonter l’ANR.

Le graphique plus-haut en est l’illustration : entre Août 2006 et mai 2007, le dividende % moyen est inférieur à 4%. Un taux ridiculement bas, en pleine bulle immobilière, et pourtant Green Street Advisor ne relève qu’une légère surcote sur ANR.

Corrélations et volatilités sectorielles

Comme je l’avais indiqué dans REIT et SIIC (1/4), on trouve des REIT US dans de nombreux secteurs. J’ai donc cherché à savoir dans quelle mesure les secteurs étaient volatiles et corrélés entre eux, afin de constituer un portefeuille de REIT avec le meilleur rendement/risque possible.

Mon étude a porté sur les données de 1994 à mi-2008 et les résultats se sont révélés assez décevants. Entre 1994 et 2002, tous les secteurs sont corrélés entre eux (corrélation supérieure à 90%), sauf l’hôtellerie, les centres médicaux et les REIT exotiques (forêts, prisons…). Mais, entre 2002 et mi-2008, absolument tous les secteurs sont corrélés entre eux à au moins 85%. Cela coïncide en même temps avec la [nouvelle] corrélation de plus en plus forte entre les REIT et le S&P 500.


En terme de volatilité, les résultats correspondent à ce que j’attendais : les plus sensibles à l’activité économique sont les plus volatiles (l’hôtellerie est plus sensible que les centres commerciaux…). Toutefois, les écarts entre les différentes volatilités se resserrent entre 2002 et mi-2008.

Ma justification sur ces résultats est la suivante : les contextes économiques et financiers sont les mêmes quels que soient les secteurs d’investissement (bureaux, centres commerciaux…) et la différenciation entre les REIT se fait plutôt dans la gestion de leur croissance et endettement, que sur leur secteur d’investissement.

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J’ai enfreint la règle de Noé : prédire la pluie ne compte pas. Ce qui est important, c’est de construire des arches.” – Warren Buffett