Les CDS sont essentiellement utilisés les investisseurs institutionnels pour couvrir leurs portefeuilles obligataires, et par les banques pour couvrir les risques sur leurs contreparties. Les montants notionnels sont significatifs, bien au-delà des moyens d’un investisseur particulier.
A ma connaissance, la seule façon pour un investisseur particulier de s’exposer au CDS est via des ETF. Quelques exemples (pas sûr qu’ils soient tous accessibles à un investisseur européen, pour des raisons réglementaires) : TYTE (CDS North American High Yield Credit ETF), WYDE (CDS Short North American High Yield Credit EFT), TABS LN (Tabula North American CDX High Yield Credit Short UCITS ETF)… Apparemment leurs actifs sous gestion sont assez confidentiels.
Pour comprendre le lien entre les CDS et les actions, il faut bien comprendre la structure "en cascade" du financement d’une entreprise. Schématiquement :
1) la forme la plus risquée de financement, c’est le capital (les fonds propres), dont on achète des parts via les actions
2) le quasi-capital correspond à des produits hybrides, qui ont à la fois des caractéristiques du capital et de la dette ; les obligations à conversion obligatoire
3) la dette subordonnée est une forme de dette plus risquée (donc à taux plus élevé) que la dette senior
4) la dette senior est une forme dette moins risquée
5) une partie de la dette senior peut être collatéralisée, c’est-à-dire sécurisée par des actifs fournis en garantie par l’entreprise à ses créditeurs
Dans cette "cascade", le risque augmente au fur et à mesure qu’on se rapproche du capital : dans l’échelle des risques : 5<4<3<2<1
La contrepartie de ces niveaux de risque différents est la rémunération de ces financements : dans l’échelle de la rémunération des financements : 5<4<3<2<1
Néanmoins, alors que la rémunération de la dette (5, 4, 3) est garantie tant que l’entreprise ne fait pas défaut, la rémunération du capital (1), sous forme de dividendes ou de rachats d’actions, dépend de la capacité bénéficiaire de l’entreprise : cette rémunération du capital peut donc être nulle, limitée, ou au contraire très importante (et en tout cas plus fluctuante et moins prévisible que la rémunération de la dette).
Les CDS sont un mécanisme assurantiel pour protéger la dette senior ou subordonnée (3, 4, voire 5 mais si la dette est sécurisée par des actifs, alors le besoin d’une protection supplémentaire est moins évident). Les CDS vont s’apprécier si la probabilité de défaut d’une entreprise sur l’horizon du CDS (1, 3, 5 ou 10 ans, typiquement) augmente et/ou si l’espérance de recouvrement pour les créditeurs non collatéralisés en cas de défaut diminue.
Les actions s’apprécient ou se déprécient selon l’évaluation par le marché de la capacité bénéficiaire de l’entreprise sur un horizon infini, c’est-à-dire la rémunération du capital (1), quelle qu’en soit la forme (dividendes, rachats d’actions…).
Évidemment, il y a une corrélation positive entre la capacité bénéficiaire perçue (la capacité de l’entreprise de rémunérer le capital (1)) et la capacité de l’entreprise à honorer ses dettes (3 et 4). Donc en général le CDS baisse quand le cours de l’action monte (= corrélation négative).
Mais ce n’est pas une corrélation parfaite. Par exemple, si une entreprise en difficulté est recapitalisée, ses actionnaires sont dilués (= baisse de la rémunération de (1) = baisse du cours de l’action) alors que la capacité de l’entreprise à honorer ses dettes est renforcée (= baisse du CDS).
L’analyse combinée des actions et des CDS permet donc d’évaluer les perceptions du marché sur la capacité bénéficiaire de l’entreprise et sur sa solidité financière.
Par exemple, ces 10 dernières années, les actions des banques européennes se sont comportées (pour la plupart) de façon médiocre, en raison d’une faible profitabilité, alors que leurs CDS ont baissé grâce à une meilleure solvabilité. Un facteur majeur pour ces évolutions contrastée a été le renforcement du cadre réglementaire pour les banques après la crise de 2008, qui a contribué à renforcer leur résilience face aux chocs, au prix d’une érosion de leur profitabilité.