6 #1 12/12/2014 11h37
- buckingham
- Membre (2013)
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Bonjour,
Je me permets de lancer cette file au titre provocateur car je suis de nouveau secoué par les chiffres du SPIVA (S&P Indices Versus Active Funds (SPIVA) Europe Scorecard). Pour ceux qui ne connaissent pas, Standard & Poors publie régulièrement un comparatif qui permet de voir si les gestionnaires de fonds font mieux que leur index (« beat the index »). Et chaque année c’est une catastrophe qui frise le ridicule et l’arnaque en bande organisée.
D’abord les chiffres :
Document original ici. Je précise que l’étude est «net of fees ».
Rendez-vous compte : jusque 96% des fonds font moins bien (funds outperformed by index) que l’indice, et pas une catégorie n’est sous 65%, sachant que certains indices (comme le CAC40) ne prennent pas en compte les dividendes ! C’est juste du sabotage, du racket, un vol.
Philippe Proudhon a déjà relevé ce point dans son livre et la philosophie de ce site et on ne compte plus les articles alarmistes qui nous expliquent que les singes font mieux qu’un gérant de fond actifs ou que les gérants de fonds « dérapent » …etc.
Mais ma question est : pourquoi cette croyance en la compétence du gérant de fond en tant qu’ "expert" continue-t-elle malgré une réalité chiffrée systématiquement très contradictoire ?
Corolaires : Pourquoi les particuliers n’achetent pas des ETF qui suivent les indices ? Pourquoi les gérants de fonds actifs continuent de récolter des fonds ? Pourquoi cette profession de « fat cats » ne fait pas son Mea Culpa et sa réforme de fond en comble (sans jeu de mot) ?
J’en discute régulièrement, parfois avec des experts de la profession, car il doit bien y avoir des raisons, et je mentionne ma cartographie du monde de l’absurde ci-dessous pour discussion :
1 – cela cesse, mais lentement. La part des ETF sur les fonds mutuels classique ne cesse de progresser. On est 7 à 10% d’ETF (monde) qui gagne chaque année sur les fonds mutuels. Mais à ce rythme il faudra encore 50 ans pour assainir le marché des gérants actifs.
2 – psychologie A : Dans Think fast think slow, Daniel Kahneman dédie un paragraphe à la Finance. Il explique la « perception du succès » de la gestion par un différentiel de la rémanence des bonnes et des mauvaises nouvelles. En gros si je fais +10% 2 fois et -10% 2 fois, j’ai finalement l’impression d’être bon car mon cerveau surpondère la perception des +10%. Les gérants sont en fait vraiment convaincu d’être bons, aussi car ils sont grassement payés, et le Marketing fait le reste pour qu’on ait toujours les chiffres « qui vont bien » dans la plaquette … et la caravane passe.
3 – psychologie B : «Having a financial adviser enables the investor to carry a psychological call option. If the investment decision turns out well, the investor takes the credit, and if it turns out badly, the regret can be lowered by blaming the adviser." (Hersh Shefrin). En gros les gens prennent un gestionnaire (fonds, fortune, patrimoine ….) pour éviter de se sentir responsable et/ou de se faire pointer du doigt par leur femme/enfants/amis quand les choses tournent mal. Il leur en coute les commissions et la sous-performance. C’est un calcul.
4 – Les études sont truquées. S&P fabrique des indices, et eux comme les 250 autres études qui démontrent que les gestionnaires de fonds sont des incapables manipulent les chiffres dans leur intérêt. Il serait intéressant de savoir comment exactement.
5 – Les gestionnaires sont incompétents juste sur le suivi d’un index, mais pas sur le « mix » entre différent classes d’actifs (asset classes) où leur génie se révélerait. Ils faudrait donc faire une étude plus globale … cependant l’immense majorité des OPCVM ont bien une thématique, si je ne m’abuse.
6 – le closet indexing (suivi d’index « dans les toilettes ») : le Financial Times a crié sur les toits plusieurs fois. De nombreux fonds investissent en fait dans l’ETF de leur catégorie puis partent à la pêche en empochant les 3-4+% des frais de « gestion active ». Cela explique qu’ils soient systématiquement sous l’indice. Ce phénomène est je pense bien plus répandu qu’on ne le croit et expliquerait ces chiffres SPIVA. Il remplace aussi l’incompétence par un cynisme des plus noirs chez les gérants de fonds.
7 – il n’y a pas de problème et comme pour les chasseurs ou les médecins, il y a les bons … et les mauvais. L’argument est ici que « c’est la vie », et que chacun doit trouver le « bon » gestionnaire de fonds. Vraiment ? Dans quelle profession 75% des praticiens font pire que « ne rien faire » (acheter un ETF qui suit l’indice) ? Imaginez un plombier qui vous agrandissent vos fuites d’eaux ? et reparte avec le sourire en vous laissant la facture … comme 75% de ses collègues …
8 - … d’autres idées ?
Encore une fois l’idée de cette discussion est de comprendre. Il y a peut-être sur devenir-rentier des gestionnaires de fonds, ou de sites de fonds (OPCVM360, Quantalys …) qui peuvent intervenir anonymement et proposer une vision alternative. La mienne étant délibérément et fortement orientée (mais argumentée) pour susciter des réactions … comme vous l’avez tous compris !
Bonne journée.
IH : changement du titre de la file
Message édité par l’équipe de modération (13/07/2016 16h08) :
- modification du titre ou de(s) mot(s)-clé(s)
Mots-clés : etf, gestion de fonds, opcvm
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