Il faut reprendre les bases du marketing :
- le prix est celui où l’offre rencontre la demande. Il n’a pas besoin d’être corrélé avec le prix de revient. Certains produits sont vendus avec un taux de marque de 1 %, d’autres 80 %. (oui j’ai bien écrit taux de marque).
- quand on est distribué en grande partie par des intermédiaires ceux-ci reçoivent bien évidemment une commission confortable (de l’ordre de quelques % pour des produits coûteux comme l’immobilier, bien plus si on est une grande surface qui vend des produits de consommation courante).
- quand le fabricant vend en direct au client, il évite de couper l’herbe sous le pied de ses intermédiaires. Donc il vend au même prix que les intermédiaires. C’est la notion de "prix public". Donc le client n’arrive pas (en général) à payer un prix plus juste, même en allant voir le promoteur en direct.
- concernant le fait qu’un avantage fiscal conduit à des prix de vente augmentés d’autant, donc que le crédit d’impôt aboutit in fine en grande partie dans les poches du marchand de ce produit, c’est une évidence prouvée depuis longtemps. Le phénomène a été évident sur le solaire avec le crédit d’impôt, par exemple.
- pour marger encore plus, il suffit de faire croire que c’est le même produit, tout en rognant sur les coûts.
Si je reprends un exemple que j’avais étudié à fond pour un forumeur : vendu comme "Toulouse, le quartier de Claude Nougaro, 20 minutes du centre ville".
Déjà, Claude Nougaro, ça fait vendre, mais il a grandi dans un quartier très populaire, qui est un peu moins populaire aujourd’hui, mais reste assez moyen. Donc "le quartier de Claude Nougaro" n’est pas une indication qu’on achète un appartement bien placé.
Ensuite, les 20 minutes du centre ville étaient plutôt 30 minutes en voiture, de nuit, jusqu’à 1 heure de jour. Pas situé sur une ligne de tram ou métro, seulement de bus.
Au total, c’était une localisation vendue comme premium alors qu’en fait bof bof bof.
Le promoteur a 2 coûts de revient, pour schématiser :
- le prix d’achat du terrain
- le coût de construction.
Toujours en schématisant, le coût de construction est le même partout en France. Donc il va économiser sur le coût de la construction (n’espérez pas des matériaux premium). Mais il va aussi et surtout économiser sur le coût du terrain, autrement dit sur la qualité de l’emplacement.
Donc, il va construire des banlieues bof bof, pour faire des économies de bout de chandelle, mais la plaquette le commercialise comme "premium", par tout un tas d’artifices. bof bof ne veut pas dire "les pires banlieues". Ca veut dire une périphérie terne, neutre, assez éloignée. "Moyen moins".
Et ça, ça passe mieux quand on vend à des gens qui ne connaissent pas la ville. D’où l’intérêt de vendre du Pinel à Toulouse à des Alsaciens, et du Pinel en Alsace aux Haut-Garonnais.
C’est la solution que je citais au début "- pour marger encore plus, il suffit de faire croire que c’est le même produit, tout en rognant sur les coûts."
La comparaison du coût au m² est biaisé. Les Alsaciens, même méfiants, potentiels acheteurs de Pinel à Toulouse vont comparer le coût au m² de leur programme au coût au m² de la ville. A Toulouse donc, par exemple (je cite en tirant les prix de mon chapeau, je ne me rappelle plus les détails), disons 4000 €/m² le programme neuf, 2500 € en moyenne sur la ville. Donc, déjà, on est loin des 30 % de surcoût du neuf, on est à 60 %. Je ne sais pas qui avait sorti 30 %, mais ce chiffre est faux. De toute façon, tout chiffre de "tel surcoût du neuf par rapport à l’ancien" est faux. Il n’y a que des cas particuliers, en fonction de la localisation, en fonction de la qualité de l’ancien, comme l’a bien expliqué GBL ci-dessus.
Mais même ces gens méfiants n’ont pas pris la précaution la plus évidente : comparer au coût de l’ancien dans ce quartier précis, dans ce pâté de maison. C’est facile désormais avec Patrim et DVF. On peut aussi comparer à des annonces LBC de biens dans le même pâté de maison.
Et dans cette banlieue bof bof de Toulouse, pour l’investisseur bailleur, il n’est pas très difficile de trouver un bien avec travaux vers les 1000 à 1500 €/m². Du coup, le Pinel commence à être non plus 60 % plus cher que l’ancien, mais 100 à 300 % plus cher.
Et en fait, si on reprend sa liberté de réflexion sur l’emplacement :
- du point de vue du neuf, est-ce une bonne d’idée d’aller dans une banlieue bof bof ? Ne vaudrait-il pas mieux investir dans un endroit vraiment premium, quitte à payer plus cher ? Car on connaît la maxime "trois choses importantes, l’emplacement, l’emplacement, et l’emplacement". Une fois qu’on a payé 4000 €/m² un appartement situé à 30 minutes du centre ville et desservi seulement par une ligne de bus, on a l’air fin. Car si le prix du neuf en quartier coté est à 5000 €, à comparer à 4000 € en périphérie bof bof, il ne fait pas de doute qu’il vaut mieux acheter acheter dans le quartier coté.
- même question du point de vue de l’ancien. Mais pas la même réponse. Dans l’ancien, le problème c’est qu’en quartier coté on ne trouve rien en-dessous de 2000 €/m², même avec travaux. En quartier bof bof, on trouve du 1000 à 1500 €/m², toujours avec travaux. Or, la différence entre les loyers n’est peut-être pas telle qu’elle justifie l’écart de prix. Je ne prétends pas avoir une réponse toute faite, mais on va retrouver le dilemme bien classique "est-ce que j’achète du rendement quitte à avoir une moindre valeur patrimoniale, ou bien est-ce que je veux une très bonne valeur patrimoniale quitte à avoir un moindre rendement ?". Ce dilemme est sain. Ca veut dire qu’on est dans les vrais prix du marché.
Mais alors, me direz-vous, dans la mesure où le prix du terrain dans une ville comme Toulouse n’est pas non plus énorme, pourquoi diable le promoteur ne met-il pas un peu plus cher sur le terrain, pour se rapprocher du centre-ville et permettre ainsi aux acheteurs de faire un meilleur achat patrimonial ?
Mais je vous retourne la question : pourquoi diable irait-il payer plus cher le terrain, s’il trouve des pigeons pour croire "20 minutes du centre ville" et "le quartier de Claude Nougaro" ?
C’est la loi de l’offre et de la demande : tant qu’il y aura des gens pour acheter à 30 minutes du centre-ville en croyant acheter du premium, ou même tant qu’il y aura des pigeons pour acheter à Portet-sur-Garonne en croyant que c’est "quasiment Toulouse mais moins cher", pourquoi irait-il payer très cher un terrain proche du centre ville ?
Autrement dit : tant qu’il y aura des pigeons, il y aura des chasseurs de pigeons.
C’est aux acheteurs potentiels de prendre en main leurs propres affaires, de faire leurs propres diligences, de faire leurs propres recherches, de ne pas acheter en croyant des belles paroles, et de se rendre compte que c’est vraiment leur argent, pas l’argent de la banque (l’achat à crédit joue beaucoup dans le fait que les gens ne prennent pas vraiment conscience de ce qu’ils font).
A la rigueur, le niveau de marge du promoteur, on s’en fout un peu. Les choses qui comptent du point de vue de l’investisseur sont :
- combien ça se revendrait dans quelques années ? Pour le Pinel, la comparaison pertinente est : regardons sur Patrim ou DFV les prix de vente d’appartements similaires, dans le même quartier, dans des résidences datant de 5 à 15 ans. C’est une comparaison hyper-pertinente (le prix de biens similaires d’il y a 10 ans est une très bonne indication de la valeur possible de mon bien dans 10 ans, à marché constant), et elle est facile à faire. Pourquoi est-ce que personne ne fait cette recherche simple ?
- combien ça peut se louer, et quelle rentabilité ça produit, en net net.
La meilleure rentabilité nette nette, c’est du meublé dans l’ancien, acheté décoté car avec travaux, avec un emplacement correct, avec la fiscalité du LMNP au réel. Il n’y vraiment pas photo, et toute personne qui a un peu "fait ses devoirs" le sait. Le Pinel reste un attrappe-pigeon, c’est pour les gens qui n’ont pas fait leurs devoirs.
Je ne dis évidemment pas que tout le monde ne devrait faire que du meublé. Mais du point de vue fiscal, quand on est à un TMI de 30 % ou plus, donc quand on est la cible des marchands de défiscalisation, je pense qu’il faut commencer par remplir la "niche" du LMNP au réel, en visant environ 20000 € de recettes annuelles. Ensuite, diversifier en fonction de ce que l’on a appris sur ces premières expériences. On pourra très bien continuer avec les "défiscalisations" en faisant du Denormandie ou du Cosse ancien. Tiens, "défiscalisations" ? Mais alors, les défiscalisations ne sont pas synonymes d’attrappe-gogo ? Ben non. Toutes ces niches fiscales ont en commun d’être bien plus intéressantes que le Pinel ; mais aussi bien plus compliquées, il faut une vraie implication du porteur de projet.
L’attrappe-gogo, c’est "l’immobilier facile", sur le papier. Quand on vous vend ça, on est en train de vous arnaquer. Le seul immobilier facile (et encore), ce sont les foncières.
Dernière modification par Bernard2K (07/12/2019 09h56)