A propos de Père Riche, Père Pauvre de Robert T. Kiyosaki (co-auteur Sharon L. Lechter)
Le livre contient trois vérités :
résumé du livre en 12 lignes
I) Si vous voulez vous enrichir, limitez vos dépenses et placez de l’argent dans des actifs rentables (produisant des revenus), tout en gardant votre emploi rémunérateur.
II) Si vous voulez vous enrichir, vous devez développer votre intelligence financière, qui comporte notamment 4 domaines d’expertise :
- la comptabilité et les finances d’entreprises
- l’investissement (comment faire de l’argent avec de l’argent?)
- le fonctionnement des marchés, de l’offre et de la demande, donc aussi le marketing
- le droit, notamment pour minimiser ses impôts tout en restant dans la légalité et pour diminuer son risque juridique (le risque de faire quelque chose d’illégal ou se faire attaquer au tribunal).
III) Pour une entreprise, les plus importantes compétences sont la vente et le marketing. Ventes = Revenus. Pas de ventes, l’entreprise périclite. C’est une évidence qui est trop souvent oubliée, notamment par les gens qui méprisent les vendeurs et par ceux qui préfèrent les grands idéaux aux contingences matérielles.
Le résumé du résumé du livre Père Riche, Père Pauvre, en 3 lignes :
I) Limitez vos dépenses et placez de l’argent dans des actifs rentables, tout en gardant votre emploi rémunérateur.
II) Développez votre intelligence financière, c’est à dire vos compétences financières et entrepreneuriales.
III) Pour une entreprise, les plus importantes compétences sont la vente et le marketing.
Les 3 lignes ci-dessus sont le véritable résumé de ce qu’il y a retenir dans ce livre. Je pense que ces idées de base sont bonnes. Comment se fait-ce qu’un livre de 300 pages se résume en 3 lignes ? Qu’est-ce qu’il contient d’autre ?
Ce livre contient :
- des fables, largement inventées de toute pièces, ou romancées sur une base réelle,
- des maximes, des formules qui sonnent bien mais qui sont souvent creuses, peu précises voire franchement fausses ; ce genre de discours vague mais séduisant, dans lequel chacun peut avoir l’impression de trouver des vérités, n’est pas sans rappeler le discours des prédicateurs, des politiciens et des horoscopes,
- Des approximations,
- Des erreurs grossières (j’y reviens plus loin),
- des conseils mauvais et même franchement dangereux,
- des répétitions et du délayage,
- une critique permanente de l’instruction scolaire et académique. Or, les statistiques prouvent que le niveau d’études est fortement corrélé avec le niveau de revenus, l’importance du patrimoine, la durée de vie et un moindre risque de chômage. Ses affirmations sur ce point sont donc contraires à la réalité. Par ailleurs, les deux co-auteurs, Robert Kiyosaki et Sharon Lechter ont fait des études supérieures et obtenu des diplômes. Une partie de leurs connaissances et de leur succès est due à leurs études. Nul ne sait quelles personnes ils auraient été sans ces études, mais probablement des personnes moins instruites et avec moins de succès dans leurs entreprises. Ne pas le reconnaître est fondamentalement malhonnête.
De façon plus insidieuse, le livre se base sur des présupposés qui ne sont pas discutés, alors qu’ils devraient l’être :
- "tout le monde veut être riche" (plutôt que : "tout le monde recherche le bonheur et une certaine qualité de vie", ce qui me semble plus proche de la vérité ; être riche au sens de Kiyosaki n’est pas la seule façon d’y arriver).
- la seule façon de devenir riche, c’est d’entreprendre, de placer son argent dans des entreprises plus ou moins risquées… en fait très risquées : il recommande d’investir dans l’immobilier et dans une ou plusieurs entreprises, de préférence avec de l’argent emprunté et sans savoir si on va pouvoir rembourser !
- Il faut frauder le fisc, comme de faire passer ses dépenses personnelles et de loisir sur le compte de l’entreprise,
- Il faut se payer en premier, quitte à risquer amendes, frais, pénalités de la part des gens à qui l’on doit de l’argent, voire de risquer la faillite.
- il faut dépasser sa peur (plutôt que se demander si la peur ne vous avertit pas fort justement d’un risque ; plutôt que se demander si la peur ne mesure pas notre ignorance et notre impréparation face à un danger ; dans ce cas, elle doit donc être combattue, non pas en osant davantage, mais en apprenant davantage et en calculant davantage).
- tout le monde doit s’inscrire dans une logique d’entrepreneuriat, tout le monde doit être un homme d’affaires aventureux (alors que tout le monde n’a pas les qualités pour, et que la principale alternative, c’est d’acheter des actions, c’est-à-dire faire confiance à de grosses entreprises dans leur capacité à gagner de l’argent, ce pour quoi elles ont les moyens, les savoir-faire, les compétences, et un track record pour le prouver ; donc, l’alternative, c’est en fait de déléguer son entrepreneuriat à des gens parfaitement formés et entraînés pour, tout en diversifiant le risque) ;
- il faut agir, au risque de gesticuler de façon inutile ou contre-productive, et tant pis si l’on perd (alors que l’inaction est parfois la solution la plus avisée, par exemple face à un feu rouge) ;
- les conseils donnés partent du postulat que l’on peut battre le marché en stock picking et en market timing… ce qui est pourtant bien rare. D’après lui, tout le monde est un génie financier, qui, avec un effort d’apprentissage, aura la capacité à reconnaître les meilleures affaires (et donc aussi à éviter les affaires pourries) et les retournements de marché (et donc à savoir distinguer un bottom d’une simple pause dans une baisse qui va continuer). C’est bien évidemment trompeur. Cf. livre A Random Walk Down Wall Street ; disponible en français : Une marche au hasard à travers la bourse, Burton-G Malkiel.
Il y a des erreurs vraiment grossières, et notamment :
- Kiyosaki donne sa propre définition d’un actif (asset en anglais) et d’un passif (liability en anglais). D’après lui, l’actif c’est bien, le passif, c’est mal. Il dit aussi que le problème c’est quand le passif est supérieur à l’actif. Cela va à l’encontre du B.A.BA de la comptabilité et de la définition normale d’un actif et d’un passif. Et c’est profondément illogique : en comptabilité, l’actif est toujours égal au passif. Le passif, ce sont les ressources, et l’actif, c’est la façon dont ces ressources sont employées. Ca n’est juste pas possible d’avoir le passif supérieur à l’actif, et ce n’est juste pas possible de diaboliser le passif. C’est comme vouloir avoir le côté face d’une pièce sans avoir le côté pile. Il y avait moyen de faire les mêmes conseils et les mêmes mises en garde sans proférer de telles énormités.
Au-delà d’une erreur, c’est peut-être volontaire. Donner un sens spécifique et inhabituel à un mot courant est un moyen d’endoctrinement et d’isolement utilisé notamment par les gourous : ainsi, on est obligé de penser "comme Kiyosaki" parce qu’on utilise les mots "comme Kiyosaki" ; et il devient difficile de confronter ses idées avec des gens qui ne pensent pas comme lui car le vocabulaire nous sépare. Il devient difficile d’apprendre la comptabilité, puisqu’on a une conception erronée d’un des concepts de base, donc on va être maintenu dans l’ignorance. Donner un sens inhabituel à un mot pour mieux isoler ses disciples est une pratique sectaire, AMHA.
- « La maison est un passif » : outre l’erreur sur la compréhension actif/passif, c’est un mauvais conseil de décourager ainsi l’achat de sa maison. Il est vrai qu’une maison trop chère par rapport à ses capacités peut être un boulet, mais le sujet méritait d’être traité de façon plus nuancée. En fait, une résidence principale est un actif qui produit la fonction "logement" pour ses propriétaires. Une résidence principale est un actif qui ne produit pas un revenu sonnant et trébuchant, mais un avantage en nature, correspondant au loyer évité. Accessoirement, une résidence principale peut aussi devenir productive de revenu sonnant et trébuchant lorsqu’on la met en location, mais aussi quand on la revend avec plus-value. Ce que voulait vraiment dire Kiyosaki, si on l’exprime en utilisant les mots à bon escient, s’énonce de la façon suivante : "votre maison est un actif très peu rentable et l’argent que vous y consacrez vous empêche d’investir dans des actifs plus rentables". Cf Résidence Principale : actif, investissement ou passif ? p.15
- « L’épargne rapportait dans les années 70 car les taux d’intérêt qu’elle servait étaient élevés, alors qu’elle ne rapporte plus rien aujourd’hui car les taux d’intérêts sont faibles ». L’erreur énorme est de ne pas comparer les rendements corrigés de l’effet de l’inflation et de ne pas même pas dire un mot sur l’inflation.
- Il prétend qu’il inclut dans ses offres la clause "soumis à l’accord de mon partenaire en affaires", ledit partenaire étant en fait son chat, c’est du grand n’importe quoi. C’est non seulement un mauvais conseil, mais c’est aussi complètement enfantin de faire de telles affirmations irréalistes. Gross childish bragging (vantardise enfantine et grossière). Ce n’est pas d’ailleurs pas le seul passage qui relève de cela…
Approfondissons un instant cet aspect, car c’est peut-être la clé de l’énigme :
De nombreuses parties du livre relèvent d’un raisonnement enfantin :
- le titre même, qui dit qu’il a un deuxième père. En général, on a un seul père. Les gens qui peuvent dire qu’ils ont deux personnes qu’ils considèrent comme leur vrai père, et qui en retour sont considérés par ces deux personnes comme leur vrai enfant, sont très rares. Vu les relations décrites dans le livre, le père de Mike est, au mieux, un oncle ou un parrain, c’est à dire une personne bienveillante qui s’occupe de vous, mais sans l’implication d’un vrai père. D’ailleurs, un vrai père transmet sa fortune à ses enfants, or il semblerait que seul Mike ait hérité de "l’empire" de Père Riche. Donc, prétendre avoir un second père est déjà une forte exagération. En fait, une fable. Il ajoute une troisième personne qui l’aurait beaucoup aimé, comme si sa mère et son père ne suffisaient pas. D’autres parlent de fées qui se sont penchées sur le berceau. Quand c’est un auteur tiers qui fait cela, c’est un conte de fées. Quand c’est l’enfant en question, on ne peut que constater il a besoin d’inventer une seconde personne qui l’aurait aimé comme un père ; il a besoin de se rajouter fictivement de l’amour. Comme les enfants qui disent « eh ben moi, mon papa,… » et ce qui suit est une grossière exagération tendant à prouver qu’ils ont un papa formidable qui les aime beaucoup. En général, c’est vers 5 à 9 ans qu’un enfant confond ainsi la réalité et la fiction et s’invente un papa mieux que nature. Après, ça passe.
- Le recours permanent à la notion qu’il va nous révéler des « secrets ». Il n’y a évidemment rien de secret dans ce qu’il raconte, plutôt des lieux communs. Prétendre avoir des secrets, et ne les révéler que si ceci ou cela, c’est aussi ce que font les enfants dans la cour de l’école.
- De nombreux aspects de la biographie de Kiyosaki changent avec le temps. Dans son livre de 1992 If You Want To Be Rich…, il écrivait que son meilleur professeur était son vrai père, et Père Riche n’était même pas mentionné dans les très nombreuses personnes remerciées. 5 ans plus tard, cette personne, inconnue 5 ans plus tôt, accède au statut de père ! Dans certaines interviews, il a dit qu’il n’a jamais possédé une action, mais dans le livre, il se vante de nombreux achats d’actions de sociétés avant qu’elles ne s’introduisent en bourse ou n’annoncent une bonne nouvelle majeure. De son emploi dans la marine marchande, il a démissionné au bout de 3 mois selon certains livres, 6 mois dans d’autres (alors qu’en fait, il n’a pas démissionné du tout, il a profité d’une passerelle vers l’armée, ce qui le libérait de son temps d’engagement envers la marine marchande qu’il devait car ses études avaient été payées par le contribuable). Dans un livre, à la fin de son engagement au Vietnam, il devient soudain objecteur de conscience et refuse donc d’embarquer sur le bateau qui le ramène au champ de bataille, mais il admettra plus tard avoir tout bêtement raté le bateau, comme des dizaines de personnes, car le bateau est parti un peu plus tôt que prévu. Etc. Comment est-ce qu’on appelle quelqu’un qui change sa biographie en fonction des idées qu’il veut faire passer ? Un mythomane, un menteur pathologique… ou un enfant, à qui l’on pardonne bien volontiers cela, car c’est de son âge.
- Kiyosaki lui-même, à force d’être harcelé pour savoir si le Père Riche du livre était réel, a demandé « Est-ce que Harry Potter est réel ? Pourquoi est-ce que vous ne laissez pas Père Riche être un mythe, comme Harry Potter ? ». La différence, c’est que Harry Potter n’est pas vendu au rayon « non-fiction ». La différence, c’est que J.K. Rowling ne prend pas aux gens 45000 $ pour assister à un séminaire pour devenir sorcier. La différence, c’est que les gens ne prennent pas des décisions radicales dans leur vie, telles qu’arrêter leurs études ou consacrer toutes leurs économies à une entreprise risquée, sur la base de ce qu’ils ont lu dans Harry Potter. La différence, c’est qu’il n’y a pas 3500 « clubs Harry Potter » de gens qui se réunissent pour sérieusement se demander quelles décisions drastiques d’investissements et d’orientation de leur vie ils vont prendre pour devenir sorcier (alors qu’il y a bien, ou du moins qu’il y eu à une époque, 3500 Rich Dad Clubs). Ne pas se rendre compte qu’on a pas le droit de vendre des fantaisies aux gens qui en dérivent ensuite des décisions importantes voire drastiques dans leur vraie vie, c’est avoir un sérieux problème de relation à la réalité et un manque total de responsabilité !
- Kiyosaki écrit des choses comme « un actif est ce qui amène de l’argent dans votre poche et un passif est ce qui prend de l’argent dans votre poche ». C’est peut-être ce qu’on peut dire à un enfant de 8 ans pour commencer à lui expliquer quelques trucs sur la vie. Mais continuer à raconter cela à l’âge adulte, et raconter cela à des adultes qui cherchent à s’instruire sur le fonctionnement des finances d’entreprise, c’est juste de l’inconscience absolue !
- Quand il compare les taux de rémunération de l’épargne des années 1970 et ceux d’aujourd’hui sans prendre en compte l’inflation : c’est du niveau d’un gamin de primaire !
- La clause "soumis à l’accord de mon partenaire en affaires", dans ses offres, ledit partenaire étant son chat. C’est du niveau primaire ! S’il fait vraiment cela, c’est un rigolo. S’il ne le fait pas (ce qui est probable), il ment comme un enfant du primaire, et il espère qu’on gobera cela !
- Kiyosaki écrit : « Il est plus important d’écouter que de parler. Si cela était inexact, Dieu de ne nous aurait pas donné deux oreilles et une seule bouche ». Même les catéchèses enseignant à des enfants de 7 ou 8 ans n’osaient pas sortir des raisonnements aussi simplistes. Comment peut-on sortir de tels arguments dans un livre prétendant enseigner des choses sérieuses à des adultes ?
- - Kiyosaki écrit : « L’action surpasse toujours l’inaction ». Non, ce genre d’affirmations heurte la logique la plus élémentaire. A un feu rouge, l’inaction est supérieure à l’action. Au bord d’une falaise, l’inaction est supérieure à l’action. C’est une exagération grossière et enfantine.
A beaucoup de points de vue, Kiyosaki écrit comme un enfant et raisonne comme un enfant. C’est un adulte bien sûr, avec un esprit d’adulte aiguisé et puissant dans bien des domaines. Mais pour ce qui est du rapport à la vérité, pour ce qui est de la responsabilité concernant les conséquences de ses actes, pour ce qui est du besoin d’être admiré, cela relève plutôt d’un enfant. Kiyosaki semble être un adulte avec la morale d’un enfant.
Comme, en chacun de nous, il y a un enfant qui aime bien qu’on lui raconte de belles histoires et qu’on lui serve des raisonnements simplistes mais séduisants, beaucoup de gens y ont cru. C’est quand les gens prennent ensuite de vraies décisions dans leur vraie vie sur la base de belles histoires fictionnelles et d’idées simplistes que les ennuis commencent pour eux. Kiyosaki, il s’en fout, il a vendu ses bouquins, il a vendu ses séminaires (en fait, il a vendu des franchises pour que des gens fassent les séminaires à sa place), et il est riche.
Compléments :
Notes complémentaires à propos de la distinction entre trois types de revenus qu’on trouve dans les "dernières réflexions" :
Ces trois types de revenus sont :
- earned (salaires ou, pour un artisan, un commerçant ou un travailleur libéral, les revenus de son activité)
- portfolio (actions, obligations et équivalent)
- passive (notamment immobilier locatif) ce qui est maladroitement traduit en français par "revenus hors exploitation".
John T Reed explique que cette distinction est essentiellement une distinction fiscale des USA. Les termes passive income et portfolio income sont des termes du Revenue Code, le code des impôts des USA. Kiyosaki dit que ces revenus sont taxés respectivement à 50 %, 20 % et 0 %, ce qui est faux. Ces revenus sont taxés de la même façon ; le vrai taux d’imposition final vient de si on peut déduire les pertes de même nature ou non.
Il y a certes un taux de 20 % sur le portfolio, mais seulement pour les gains long terme. En fait, ce taux sur les gains long terme peut s’appliquer pareillement aux catégories portfolio et passive.
Les seuls revenus taxés à 0 % (totalement défiscalisés) sont des choses spéciales telles que des obligations municipales et des gains de moins de 250000 $ par époux issus de la vente de la résidence principale.
Il est possible de réaliser des transactions sans devoir de taxe pour l’instant, par le paragraphe 1031 sur les échanges, mais c’est à la condition que vous mettiez l’argent issu de la vente d’une propriété locative dans l’achat d’une autre propriété locative, sans percevoir de revenu, donc ce n’est pas vraiment un revenu taxé à 0% puisque vous ne disposez pas de ce revenu. Lorsque vous voudrez finalement prendre votre bénéfice vous serez taxés sur la plus-value, donc cette histoire de taux à 0% est fausse. Cette notion de revenu non taxé (untaxed), car latent, c’est à dire non réalisé (unrealized), comme dans le cas du chapitre 1031, est effectivement une piste des riches pour payer moins d’impôt ; encore faut-il la traiter sérieusement et pas par de telles approximations.
De toute façon, ces considérations américaines, non seulement sont fausses aux USA comme l’explique Reed, mais ne ne sont pas transposables en France.
C’est un vrai défaut du livre en français : il exporte un livre américain à l’étranger, sans aucun effort d’adaptation au pays cible. Les conseils et considérations ne sont pas adaptés au pays dans lequel il est vendu. Il y a de grosses différences culturelles, et il y a de grosses différences fiscales, or la fiscalité détermine en grande partie la rentabilité et l’attractivité de tel ou tel placement.
L’identité de Père Riche
L’identité de Rich Dad est longtemps resté secrète. En 2009, le décès de Richard Wassman Kimi, homme d’affaires à Hawaï, principalement constructeur et gérant d’hôtels, a révélé qu’il s’agissait de lui, et que son fils, "Mike" dans le livre, avait pour vrai prénom Alan. Pour autant, l’information semble être restée discrète, à l’époque. Robert T. Kiyosaki l’aurait confirmé lui-même en 2016, en interviewant Alan Kimi en tant que le "Mike" du livre. Le Rich Dad du livre, bien que basé sur cette personne réelle, est probablement très largement romancé. Plus d’infos sur cette page : Robert Kiyosaki’s Real Life Rich Dad | Freedom Mentor
Réflexions complémentaires sur l’aspect sectaire
Le coup du père riche, c’est aussi une forte critique envers son père (son vrai père, celui qui l’a élevé). Il invite donc le lecteur à faire comme lui : destituer le vrai père de son piédestal, pour y mettre à sa place un homme symbole d’entrepreneuriat… comme par exemple Kiyosaki. La critique du père et la critique de l’instruction académique, ça remet en cause les deux principales sources de connaissances "sages" qu’ont la plupart des personnes. Couper les gens de leurs sources de connaissances sages et traditionnelles, c’est la base de tout système sectaire. Dire au lecteur "arrêtez de respecter les enseignements des gens sages tels que vos parents et vos professeurs, croyez plutôt… en moi, en mes secrets révélés", c’est encore une pratique sectaire.
- quand je disais plus haut que donner une définition spéciale à actif et passif est une pratique sectaire, je ne croyais pas si bien dire. Depuis que j’ai écrit cela, je me suis rendu compte que, aussi bien dans la vraie vie que sur le forum, je n’arrive pas à discuter avec les gens qui "croient en Kiyosaki". Dès qu’on explique que non, on ne peut pas dire que la maison est un passif, et on ne peut pas dire qu’un passif est une mauvaise chose en général, les gens répondent un truc du style "oui, mais il a raison quand même parce que ça aide à comprendre", et la discussion est close. On ne peut pas parler avec les adeptes de Kiyosaki, car le vocabulaire même les enferme dans un système de croyances. Par exemple, est-ce que les gens qui "croient en Kiyosaki" sont capables d’apprendre la comptabilité ? J’en doute. Il faudrait avoir en tête deux définitions du mot passif : celle de la compta et celle de Kiyosaki. C’est un peu comme croire en Dieu et être athée à la fois. On ne peut pas penser dans la même tête "Dieu est amour, Dieu voit tout, la résurrection à la fin et tout ça" et "Dieu est une croyance que les hommes se sont forgée". C’est difficile de faire cohabiter dans la même tête deux définitions totalement différentes pour le même mot.
Ca lui sert à quoi de se poser ainsi en gourou ? A flatter son ego, bien sûr. A vendre des livres et des formations, ensuite. A pouvoir isoler les gens dans un système de pensée, donc à en faire des clients captifs, pour leur vendre encore plus de livres et de séminaires. Et à les pousser vers des choses risquées, en décrédibilisant à leurs yeux les "sages" qui empêchent habituellement de faire des bêtises (les parents et les professeurs).
Le contenu des séminaires était d’une qualité douteuse ; des caméras de télé sont allé voir les méthodes utilisées, et ce n’était pas joli. Déjà, toutes les méthodes de marketing et de manipulation étaient utilisées pour vendre encore plus de séminaires. Un premier séminaire gratuit sert uniquement de promotion pour vendre le séminaire payant de 3 jours et 500 $ ; ce séminaire lui-même est surtout une pub et un embrigadement pour vendre les séminaires suivants, entre 12 000 et 45 000 $ pièce. Dans le séminaire de 3 jours à 500 $, le formateur encourageait les participants à investir dans des mobile-homes et des camps de mobile-homes dont il était le promoteur ; sauf que l’investigation menée sur place a montré que ce n’était rien d’autres que des friches au milieu de nulle part. Eh oui, tant qu’à avoir un public crédule et captif, autant en profiter pour leur vendre d’autres séminaires et des investissements foireux. Apparemment, Kiyosaki aurait travaillé avec des compagnies de MLM (marketing multi-niveau) et en aurait utilisé les méthodes. La société Wihtney Educational Group à qui il a franchisé les séminaires est connue pour ces méthodes détestables.
Ca se passe comment en vrai, un séminaire Rich Dad ?
’Rich Dad Poor Dad’ Robert Kiyosaki Exposed - Part 1 of 3 Investigative Report - YouTube
’Rich Dad Poor Dad’ Robert Kiyosaki Exposed - Part 2 of 3 Investigative Report - YouTube
’Rich Dad Poor Dad’ Robert Kiyosaki Exposed - Part 3 of 3 Investigative Report - YouTube
Pas toujours facile à suivre en VO, mais avec les sous-titres ça va mieux. Robert Kiyosaki lui-même, quand il est confronté avec les pratiques de ces formateurs, dit qu’il le regrette, qu’il essaie d’influencer sur le partenaire (Whitney) mais sans beaucoup de succès. Ca, ce sont les regrets qu’il annonce face aux caméras. Dans les faits, il n’a pas dénoncé le contrat il était bien content de prendre l’argent.
- je pense que le livre, avec ses idées simples, ses fables, etc s’adresse surtout aux classes pauvres et moyennes. Il leur a vendu du rêve, il leur a dit "vous aussi vous pouvez être un entrepreneur". Il leur dit "plutôt que de suivre une instruction classique sur l’entrepreneuriat et risquer de vous faire mal à la tête voire de vous retrouver en échec, venez plutôt suivre un cycle de formations qui coutent entre 12000 et 45000 $ par séminaire, vous verrez, c’est simple, grâce à encore plus d’idées simplistes et de belles fables, vous pourrez prendre votre revanche sur le système éducatif".
Or, gagner de l’argent avec l’"esprit entrepreneurial" n’est pas à la portée de tous. Ce n’est pas un livre ni même un cycle de formations qui peut transformer tout le monde en entrepreneur à succès. Il pousse les gens à des entreprises risquées qui, par définition, peuvent avoir un rendement élevé mais au prix d’un risque élevé.
Quand on n’a pas l’esprit entrepreneurial, quand on a des compétences limitées, et quand on est poussé par Kiyosaki à prendre des risques, quel est le résultat ? Au total, plus de 25 ans après la sortie du livre aux USA, et vu l’énorme engouement (comme je disais plus haut, il y a eu 3500 "Rich Dad clubs", rien qu’aux USA), vu la qualité douteuse des séminaires et sans doute aussi des clubs, combien de lecteurs sont vraiment devenus riches, et combien ont perdu beaucoup d’argent avec des placements risqués ou en créant une entreprise qui a échoué ? Sur 100 personnes : 1 qui a réussi, 19 qui se sont plantées, et 80 pour qui ça n’a rien changé ? On ne peut pas savoir mais ce genre de proportions me semble crédible. Il y aurait un devoir d’inventaire à faire.
Voici un exemple d’une personne ruinée grâce aux bons conseils de Kiyosaki : Ohio real estate investor?s warning statement on Robert Kiyosaki and B - John T. Reed
Résumé très rapide : JB, ingénieur, marié et père de famille, lit de livre de Kiyosaki, puis participe à un club de disciples de Kiyosaki et joue au jeu Casflow de Kiyosaki. Tout cela l’encourage fortement à investir dans l’immobilier. Il rejoint un groupe d’investissement dans l’immobilier et rencontre un autre gourou, Bill Gatten (toujours en exercice à ce jour, il a même son profil Linkedin !). Celui-ci lui vend un système dans lequel un Trust achète la propriété et la loue à un acheteur futur. Avantage de passer par un trust : économiser la licence d’agent immobilier et le paiement de taxes. JB et sa femme le mettent en pratique avec une propriété immobilière. L’acquéreur potentiel se révèle incapable de payer ; du coup, le vendeur attaque JB. Au final, JB a dû payer une forte indemnité au vendeur ; a dépensé beaucoup d’argent en frais et en honoraires d’avocats ; et fait face à une amende importante pour non respect des lois sur l’immobilier car le système de trust proposé par Gatten s’est révélé illégal malgré le fait qu’il assurait avoir fait toutes les vérifications. JB et sa femme se sont lourdement endettés pour payer tous ces frais, indemnités et condamnations.
Voilà un exemple très concret de la façon dont les mauvais conseils et les fariboles dispensées par Kiyosaki peuvent ruiner quelqu’un. Vous me direz : quel rapport entre Kiyosaki et ce genre de montage immobilier ? Ca n’est pas évident de voir le rapport, dans le livre lui-même. S’il y parle d’immobilier, il ne préconise pas de montage particulier. Mais, dans les séminaires, des montages immobiliers olé olé sont présentés comme étant la clé du succès. Un avocat spécialisé en immobilier dit, en voyant les images du séminaire "ces montages, ça ne marche pas", "je n’ai jamais vu un truc pareil", et "je suis en colère contre ces gens". Cf vidéos mises en lien plus haut.
Les passifs peuvent vraiment être supérieurs aux actifs
Kiyosaki a donné de sa personne pour prouver cela. Une société, The Learning Annex, a découvert Kiyosaki alors que le livre Père Riche Père Pauvre était encore un petit livre auto-édité et que Kiyosaki en faisait la promotion en réunissant 20 à 30 personnes dans des hôtels ordinaires. Cette société l’aurait aidé à donner à son livre et à ses séminaires une toute autre ampleur. En 2005, Rich Global LLC (la société de Kiyosaki et de sa co-autrice Lechter) signe un contrat avec The Learning Annex à ce sujet. Quelques mois plus tard, Kiyosaki et Lechter décident plutôt de partir avec The Withney Educationnal Group, autre société de diffusion de séminaires. The Learning Annex les attaque et obtient la condamnation de Rich Global LLC à lui verser près de 24 millions. Rich Global LLC se met en faillite et déclare 26 millions de passif et seulement 1,8 million d’actif (les 45 millions gagnés les 3 années précédentes ont déjà disparu). Voilà un bel exemple de passif supérieur à l’actif. Merci M. Kiyosaki d’illustrer si bien vos concepts. Bon, pour être exhaustif, il faudrait signaler que Mme Lechter, qui s’entendait si bien avec Kiyosaki, qui a été directrice de sa société pendant 10 ans, a fini par lui reprocher d’avoir manœuvré pour éviter de lui payer ce qu’il lui devait. Elle l’a donc attaqué en procès et ça s’est fini par une transaction où Kiyosaki lui a versé 10 millions. Ca en dit long sur la belle mentalité de M. Kiyosaki. Source : Robert Kiyosaki’s ongoing legal dispute says everything about the shadiness of personal finance gurus.
Kiyosaki, miroir aux alouettes
Au final, c’est une histoire vieille comme le monde : un gourou qui prétend vous enseigner comment devenir riche, alors que ce qui l’a rendu riche n’est pas ses investissements mais surtout les livres et les formations qu’il est en train de vous vendre ; et pour mieux vendre, recourir à toutes les techniques de marketing, de manipulation et d’enfermement sectaire. Que les lecteurs et participants aux séminaires s’engagent dans des entreprises risquées et des arnaques, pour finir trompés et ruinés, ce n’est pas son problème.
Au final, face à ces fables et à ces promesses d’enrichissement facile, il faut juste faire preuve de bon sens : si c’est trop beau pour être vrai… c’est vraiment trop beau pour être vrai.
Antidote
Un forumeur m’avait indiqué The Millionnaire Next Door comme antidote à la lecture de Père Riche, Père Pauvre. Avec le recul, je suis totalement d’accord. The Millionnaire décrit d’un point de vue sociologique et statistique comment les gens riches sont vraiment devenus riches. C’est la vraie réalité, pas des fables. Il est disponible en français, mais des commentaires indiquent des erreurs de traduction et d’édition. Il est donc préférable de le lire en VO si on peut. J’ai aussi produit un résumé en français : Vos livres préférés (finance, développement personnel…) ? p.28
Ma méthode pour "venir à bout" de ce livre
Pour ceux que ça intéresse, voici comment j’ai appréhendé ce livre :
J’ai pris ce livre comme une occasion d’exercer mon esprit critique :
1) je l’ai lu une première fois, en exerçant un peu mon esprit critique, mais en sachant apprécier aussi les belles histoires et les beaux rêves qu’on me proposait. Ca aurait été dommage de m’en priver.
2) je l’ai lu une deuxième fois en en faisant un résumé dans un fichier Word, pour essayer de dégager les vraies idées, au milieu de toutes les belles histoires et des considérations un peu foisonnantes. En gros, ce résumé tient sur 7 pages. Oh, un livre de 300 pages résumé sur 7 pages, sans que j’ai l’impression que rien n’y manque : y aurait-il si peu de vrai contenu ? (et encore, 7 pages, c’est parce que j’ai voulu retenir certains exemples et certaines formules emblématiques ; le vrai résumé de ce qu’il faut retenir tient en 3 vérités qui s’énoncent en 3 lignes : voir le résumé du résumé, juste au-dessus.
3) j’y ai repensé encore, et je me suis dit "mais quand même, non, vraiment ? A ce point ?". Il s’agit de remettre en cause, réfléchir, se documenter.
4) J’ai lu des critiques tierces, et notamment la critique de Père Riche, Père Pauvre de Kiyosaki par Luc Brialy (en français et facile à lire) ou, bien mieux, la critique de Père Riche, Père Pauvre de Kiyosaki par John T. Reed (bien plus difficile à lire car en anglais, très longue, touffue… mais bien plus riche d’enseignements). Et pour faire bonne mesure, la réponse de Kiyosaki à ses détracteurs… sachant que Reed a continué à alimenter ses pages de critique, cela fait que la réponse de Kiyosaki correspond à une version plus ancienne et plus courte de la critique de Reed. Je souligne au passage que ces lectures très instructives sont gratuites.
5) Au fur et à mesure, j’ai noté dans mon résumé, en italique, les principaux commentaires et critiques que je peux faire aux idées et assertions de M. Kiyosaki. Ce faisant, j’ai mesuré au passage combien de points j’avais ratés lors de mes premiers questionnements, et sur lesquels MM. Brialy et Reed m’ont ensuite aidé à réfléchir ; c’est une source d’humilité.
Une fois que j’ai eu fait tout cela… sur l’ensemble de ce processus, j’ai vraiment beaucoup, beaucoup appris. Merci M. Kiyosaki de m’avoir donné l’occasion d’exercer ainsi mon esprit critique. Ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit une aussi bonne leçon. Comme quoi vous avez raison sur au moins un point : il faut toujours apprendre, toujours être curieux, toujours développer ses compétences financières.
Dernière modification par Bernard2K (29/09/2024 19h22)