GoodbyLenine a écrit :
Et on est reparti pour un tour sur le devenir de l’€uro, et sa prétendue insoutenabilité !
Pas mal de monde oublie que c’est assez similaire à ce qui se passe au sein d’un même pays, où le niveau de la monnaie n’est jamais parfaitement adapté à tous, par exemple, aux besoins de la région parisienne et de la Lozère, ou de la Californie et du Dakota du Nord. Mais ça n’empêche pas une monnaie de survivre, tant qu’il y a une volonté politique suffisante de maintenir ces zones ensemble (les plus prospères aidant bien évidemment celles un peu moins prospères), et (surtout !) des échanges importants au sein de la zone. Tout ceci, même si l’intégration économique, le niveau de "ensemble", comme le niveau des transferts de richesses peut varier largement d’une situation à l’autre (et que par exemple les transferts de richesses au sein de la zone €uro restent limités, plus qu’entre les Etats des USA ou les régions de France par exemple). Il se passe exactement la même chose au niveau de la zone €uro…
Ah non, précisément, cela n’a rien à voir et vous le savez sans doute parfaitement. L’Europe n’est pas un pays, n’a pas de budget commun, pas de culture, pas de démocratie commune. Car partout ailleurs, tout cela, la nation au fond, tient la monnaie, et les transferts se font naturellement. On voit d’ailleurs bien que cela tangue très vite au sein de certains pays à nation faible comme la Belgique quand les Flamands expriment, par exemple, leur refus de continuer à payer pour les Wallons.
Vous pointez d’ailleurs bien un aspect majeur : "tant qu’il y a une volonté politique suffisante". Au sein d’une même nation cela va, le plus souvent de soi. Mais qu’est-ce qui tient l’euro ? Une nation ? Une culture commune ? Une volonté farouche de vivre ensemble ? Et non, rien de tout cela. Que reste-t-il alors ? Un intérêt économique de créer à un moment une telle monnaie, très artificielle au fond car sans soubassements historiques ou politiques, et qui se poursuit tant que cet intérêt bien compté ne s’amenuisera pas trop. Le problème de l’euro est que précisément ce n’est pas une monnaie comme une autre. C’est en cela que c’est une monnaie bancale et fragile.
Vous convaincrez un Alsacien de contribuer au développement de la Lozère. Vous le convaincrez moins facilement de contribuer à celui de la Roumanie avec qui il ne se sent, avec raison, à peu près rien en commun.
Alors voilà. L’euro ne repose pas et ne reposera jamais sur des bases nationales, culturelles et historiques. Pas de convergence. C’est en effet tout le contraire que l’on a observé d’ailleurs depuis le début de l’aventure européenne : un délitement de la fibre européenne des peuples. Il faut avoir suivi en direct les débats lors de la crise de l’euro en 2011 pour voir à quel point ces liens étaient fragiles, j’en ai été très surpris à l’époque.
Donc cette monnaie ne tiendra que tant que les états qui la maintiennent en vie y trouveront leur intérêt. Pour le moment c’est encore le cas. Mais un simple intérêt cela dure que ce que cela dure… Avec un tel esquif construit de bric et de broc et où l’équipage ne s’entend guère, il vaut mieux qu’une trop forte tempête ne survienne pas…
Une dernière remarques pour qu’on me comprenne bien. Je ne suis pas hostile à l’euro par principe et depuis l’origine comme un Todd ou un Sapir, c’est même tout le contraire, j’ai espéré son succès. Mais depuis le début je me suis dit que cette construction était dangereuse car fragile. Les divergences étaient trop grandes entre un Portugal et une Allemagne pour les regrouper sous une même monnaie. Il fallait sacrifier l’un des deux. L’Allemagne a accepté car au fond, l’euro avait une forte odeur de Deutsche Mark… Si cela n’avait pas été le cas, la monnaie aurait déjà disparu ou ne serait jamais née.
Loin de moi non plus de souhaiter la mort de l’euro. Pour la France, on sait ce que cela lui coutera. On va tous y perdre bcp. Mais les divergences extrêmes entre pays n’ont été contenues qu’au prix de taux à 0, de lourds déficits et de désindustrialisation ou chômage dans bien des pays faibles qui ne peuvent rien vendre ou presque si ils doivent vendre dans ce Deutsche Mark Euro. Ma crainte : combien de temps cela pourra-t-il tenir ? Des régimes politiques qui semblaient indestructibles comme la monarchie française ou l’URSS ont été balayés en quelques semaines, alors une monnaie artificielle comme l’euro… gare quand le vent se lève comme il recommence à le faire en ce moment.