En ce jour d’ouverture de parcoursup, je me demande si je suis devenu comme eux.
Ceux que j’ai détesté il y a quelques années, et où je répétais que c’était profondément injuste.
Tout commence avec un exposé pour mon fils, son premier en CE1. Chaque élève présente son sujet, un par semaine. Le premier a commencé et mon fils en nous racontant sa journée, nous raconte l’exposé. Avec vidéoprojection. Deuxième semaine, pareil, présentation avec support vidéo et audio.
Nous y voila. Mes pauses de midi où je consulte internet, trouve des questions intéressantes, des idées à mettre en pratique, à compiler tout cela. Et tous les week-ends, à avancer la version papier avec lui, et enfin travailler la présentation.
Ils sont en CE1, 7 ans. Comment donc me faire croire qu’à cet âge on peut lire plusieurs pages, compiler les informations, en faire un résumé du plus important, choisir des illustrations, et préparer un support de présentation ?
Il y a de très nombreuses années, je partais sur Paris, le bac en poche pour une classe prépa. 2 ans dans cette chambre à bosser, puis le concours. L’internat ferme avec l’année scolaire, les écrits sont jusqu’à mi juillet. Je gère seule le déménagement dans un appartement prêtée par une copine, les repas, le linge et je vérifie les trajets pour les différents lieux des oraux pour arriver bien en avance.
Une copine, fille de prof -en vacances donc en juillet - et une copine, fille de cadres de santé -la mère a pris 15 jours de congé pour les oraux de sa fille- partent de l’internat, avec leurs parents, qui chargent la voiture. Elles vont emménager dans un hôtel pour l’une, dans un appartement d’ami pour l’autre. Elles n’auront rien à gérer, que les oraux. Courses, repas, trajet. Elles viennent avec leurs mères aux oraux, qui les attend à l’entrée. J’ai eu un coup de sang de mon côté, pour un lieu d’examen que je n’ai pas trouvé à la sortie du métro, j’ai finalement trouvé 30 minutes avant mon oral et je suis arrivée en nage et haletante.
Les 2 ont intégré. J’ai été sur liste d’attente pour mon école. J’avais classé les autres écoles dans l’ordre alphabétique des villes, mes parents ont donc annoncé à tout le monde que j’avais intégré "Angers" et que c’était super.
Je suis repartie faire une 3ème année, pour tenter cette fameuse école, sous les yeux mi intrigués mi dubitatifs de mes parents. La seconde année, rebelotte. L’internat ferme, et j’ai pu louer l’appartement d’une camarade qui a fini ses oraux avant moi. Je m’étais mieux préparée à tout gérer, à déménager, à planifier mes oraux pour étaler le mieux possible. Et j’ai intégré.
J’ai gardé une profonde injustice pour ceux dont les parents étaient là pour gérer le "reste". Ceux qui ont pu se concentrer sur uniquement les examens. Ceux dont les parents savaient le stress et la fatigue d’un déménagement avec des oraux.
Je n’ai rien à reprocher aux miens, ils étaient pétrifiés que je parte à Paris sitôt le bac en poche, la première de la famille à tenter des études post bac avec un concours. Quand j’ai annoncé le planning de mes oraux, ils ont organisé leurs venues sur Paris pour arriver après le dernier examen, et pouvoir ramener mes affaires.
Suis-je devenue ce genre de parents contre lesquels je criais qu’ils provoquaient une injustice ?
Devrais je le laisser évoluer seul ? Comment pourrait il faire un support PowerPoint ?
Suis-je dans une école ou les parents gèrent "le reste"?
Le niveau de l’école est bon, voire très bon. Ils sont tous lecteurs autonomes depuis la fin du premier trimestre. Les évaluations nationales, CP et CE1, ont été des formalités pour l’ensemble de la classe. Les parents sont présents à toutes les réunions, attentifs et impliqués, et organisent régulièrement des manifestations pour l’école - le stand de crêpe du marché de Noel dernièrement - ? Les maîtresses sont motivées et les effectifs sont de 20 à 21 enfants par classe.
Je me pose la question, suis je devenue ceux qui participent à l’injustice ?