Avec Walmart à 13 fois les produits et au plus bas à 52 semaines, se pose la question d’un arbitrage avec mes Tesco.
Tesco apparaît comme mon plus mauvais investissement avec ARCP/VEREIT et CYS.
Mais ARCP/VEREIT est en bonne voie pour que le cours de bourse reflète la valeur de son patrimoine immobilier, heureusement préservé de la mauvaise gestion de l’ancienne direction.
Quant à CYS, massivement acheté juste avant un minikrach obligataire, finalement, avec les milliers d’Euros de dividendes perçus, la profitabilité de l’investissement n’est pas mirobolante, mais en tout cas, pas perdante.
Tesco est une autre paire de manches. Actionnaire depuis 2012, avec des renforcements massifs en 2013 et 2014, j’ai investi au total presque 60 k€ sur Tesco.
Ma thèse était celle-ci :
- au cours de bourse d’alors, on achète l’immobilier de Tesco et on a l’activité de distribution "gratuite",
- nous avons la "caution" du maître Warren Buffett, actionnaire depuis 2006 de Tesco (sa plus importante participation étrangère), qui a également renforcé sa position en 2012.
La suite, nous la connaissons :
Marge opérationnelle en chute libre
1) En dehors de l’erreur comptable sur quelques centaines de millions de 2014 qui n’a rien arrangé, Tesco est coincé en sandwich entre les discounters qui cassent les prix et son concurrent Sainsbury, légèrement meilleur en gamme.
La baisse de la marge opérationnelle (qui longtemps était de 6%) en 2013 n’était pas passagère, mais prélude à un effondrement :
Aucune volonté de monétiser l’immobilier
2) Il n’y a eu absolument aucune volonté de monétiser l’immobilier, c’est même le contraire, puisque Tesco rachète des murs loués à British Land :
Ce n’est pas sans rappeler Carrefour, qui a connu également des difficultés en France face aux discounters et qui a finalement racheté les murs précédemment cédés à Klepierre.
Warren Buffett a fui
3) Warren Buffett a vendu progressivement la totalité de sa position en 2013 et surtout 2014, avec presque un demi-milliard de $ de moins-values et de commenter en 2015 cet investissement par les termes "Huge Mistake" = "énorme erreur".
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Pour annihiler l’érosion de sa part de marché aux UK, Tesco vend moins cher et a abaissé sa marge (estimée à 2% sur l’exercice). Même à ce niveau-là, nous arrivons à peine à une stabilisation de la part de marché.
Pour diminuer sa dette maintenant trop élevée (spécialement si on y ajoute les obligations liées à la retraite de ses employés UK) eu égard de ses maigres profits, Tesco a coupé son dividende et vendu son activité Sud-Coréenne, pourtant rentable.
Lors de la création de cette file, nous avions fait quelques estimations de valorisation avec une marge opérationnelle abaissée à 4,5%.
En réalité, le plus probable est que la marge opérationnelle revienne au mieux autour de 3%.
(grossièrement, car il faut moyenner la marge des activités UK avec les activités internationales, qui sont minoritaires et d’ailleurs pas toujours en meilleure forme)
C’est ce que fait Carrefour, qui est "en avance" par rapport à Tesco dans son repositionnement, ou Sainsbury qui apparaît mieux positionné. Quant à Morrison il souffre exactement comme Tesco.
C’est également l’hypothèse de Morningstar, estimant la valorisation à 270 GBX, avec une incertitude élevée :
Morningstar a écrit :
Our fair value estimate for Tesco is GBX 270 per share, which implies a forward enterprise value/EBITDA of 11 times and a free cash flow yield of 7%. The biggest driver of our fair value estimate is our assumption that Tesco can generate low-single-digit like-for-like sales growth and sustain a trading margin just over 3% over the longer term.
Pire, le passif est si important, que cette valorisation n’apparaît même pas comme conservative, avec un ratio EV/Ebitda de 11 fois vs 7-8 fois pour Walmart ou Carrefour.
Moralité : je ne suis pas près d’effacer ma moins-value sur Tesco… Même si le cours de bourse peut remonter par anticipation dès que nous aurons la queue d’une amélioration des marges avec une légère hausse du CA, on en est loin… Quant à revoir le dividende, vu les niveaux des profits (même avec une marge à 3%), il sera de toute façon rikiki, comme celui de Carrefour, légèrement au-dessus de 2%.
Aux cours actuels, le couple rendement/risque me semble donc plus favorable à Walmart :
- Tesco a une upside de 42% mais avec une incertitude élevée et une valorisation même pas conservative.
- Walmart a un upside de 22% (si on valorise à $75), mais l’incertitude est bien plus faible et la valorisation raisonnable.
Après, est-ce que Walmart pourrait voir sa marge s’écrouler comme celle de Tesco ? Je ne crois pas, car les économies d’échelles et le pouvoir auprès des fournisseurs sont bien plus élevés au vu de sa taille. Mais chat échaudé craint l’eau froide ?
Sources des captures : xlsValorisation, Wall Street Journal, communiqué de presse de Tesco