2 #26 11/01/2012 15h28
J’adorerais produire ici mon analyse des produits structurés mais c’est un peu long et technique. Ma conclusion est cependant claire et radicale : en ce qui me concerne, je n’achèterai jamais de produits structurés et je vous conseille de ne jamais le faire également.
En fait, qu’est-ce qu’un produit structuré ? Pour l’acheteur, c’est un produit dont les cash-flows futurs sont définis par une formule. Pour le vendeur, c’est simplement un assemblage d’un ou plusieurs produits financiers au sein d’une enveloppe appelée structure.
Cette structure est construite (ou encore « packagée ») afin de rendre la mariée la plus belle : c’est un habillage marketing. L’objectif est de vendre.
Dans l’immense majorité des cas, un produit structuré n’apporte aucune valeur ajoutée. Dans les quelques autres cas, la valeur ajoutée est ridicule si nous la comparons à l’empilement de frais.
En effet, un produit structuré implique toute une série d’intermédiaires financiers : faiseurs de marché, structureurs, un ou plusieurs distributeurs, CGP ou assureur ou banquier, etc. Chacun se rémunère au passage. C’est autant en moins dans la poche du client.
Pour le client , il y a les frais de souscription, les frais de gestion, les éventuels frais de sortie en particulier en cas de sortie anticipée (pénalités, fourchette entre offre et demande, frais de transaction).
Il faut bien avoir en tête que l’espérance de gain mathématique de tous les produits structurés pris dans leur ensemble est inférieure au taux sans risque.
Pourtant, les risques sont nombreux et se cumulent. Tout le monde pense au risque financier lié à la formule qui définit le produit structuré. Il existe une multitude de risques supplémentaires : par exemple, un petit risque est l’instrumentalité c’est-à-dire l’écart entre votre scénario et la formule que vous jouez avec le produit structuré. La cause de ce risque peut être des clauses écrites en petits caractères en notes de bas de page dans le contrat d’émission ou simplement une mauvaise interprétation ou compréhension de la formule. Ce n’est pas un risque bien grave car vous en avez la maîtrise, dans une certaine mesure.
Autre exemple, l’illiquidité est un risque important souvent négligé ou mal évalué. Pourtant, il existe une forte prime de risque liée à l’illiquidité. Regardez par exemple la différence de rendement entre une obligation privée liquide et une autre illiquide, toutes choses égales par ailleurs. En 2008, vous pouviez trouver des écarts supérieurs à 20% en taux actuariel. Plus de 20% par an, si ce n’est pas une sacrée prime, ça ! Même en dehors de périodes d’exception comme 2008, l’illiquidité doit être prise en considération.
Autre risque, extrêmement important et je n’insisterai jamais suffisamment, le risque de signature ou risque de défaut d’un des intermédiaires financiers. Dans un produit structuré, vous pouvez avoir tout juste sur votre scénario, avoir choisi le produit avec la bonne formule, accepté d’être bloqué X années et au final tout perdre. Certains clients mal conseillés de réseaux bancaires français ont découvert par exemple que leurs économies ont disparu dans un produit structuré émis par Lehman Brothers.
Parfois, nous pouvons avoir la tentation d’investir dans un produit structuré pour jouer une classe d’actif inaccessible par ailleurs : la dette souveraine indienne, les actions sri-lankaises, le Renmibi, etc. Mais, en fait, l’alpha associé est tellement négatif que c’est toujours une mauvaise idée.
Dans l’exemple cité par GBL, un produit structuré basique sur UG avec une fonction de distribution du payoff similaire à une vente de put, le coût est rédhibitoire. Il faut bien avoir en tête que les produits structurés ne sont pas mis en concurrence : il n’y a pas un marché, il n’y a pas d’arbitrage a priori.
Idem avec les produits structurés qui offrent une tranche d’un portefeuille (par exemple, panier obligataire ou participation dans un hedge-fund) souvent avec un prix unitaire qui permet aux petits porteurs d’investir. Si votre portefeuille est trop petit pour acheter les sous-jacents directement, passez votre chemin : il n’y a pas de fatalité à être pauvre ET pigeon
Le jeu est biaisé dès le départ. Il y a un gros pigeon dans la partie. Je ne dis pas qu’il n’est pas possible de gagner de l’argent avec les produits structurés (tout comme avec les warrants, les clickoptions, aux machines à sous, au casino, au loto, etc.), je dis juste que vous gagnerez systématiquement moins avec les produits structurés qu’avec les sous-jacents.
Selon moi, les produits structurés ne doivent pas faire partie de la boîte à outils des investisseurs rationnels.
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