Il n’y a pas vraiment de "bonne" marche à suivre à proprement parlé.
En revanche, il est important de bien connaître sa situation personnelle, de ne pas avoir de cadavres dans le placard car une réclamation entraine forcément des vérifications de la part de l’administration, donc si vous avez plus à perdre qu’à gagner abstenez vous
La réclamation ne requiert pas un formalisme particulière hormis le fait de préciser qu’il s’agit d’une réclamation et que vous demandez le dégrèvement des cotisations et leurs remboursement avec le paiment d’intérêts moratoires (voir plus bas).
Il faut aussi être conscient de l’énergie (et le coût financier) que demandera le suivi du dossier en cas de rejet de la réclamation.
2 phases peuvent se faire en parallèle:
- la première contentieuse auprès du Tribunal Administratif
- la seconde gracieuse qui prend forme d’une demande de conciliation auprès du conciliateur départemental
Pour les cas que je suis amené à gérer, c’est un peu particulier car à Monaco nous dépendons d’un service particulier et on ne passe pas par les mêmes tribunaux puisque c’est géré en local et non au niveau national, mais le raisonnement reste le même.
1. Pour la phase contentieuse:
A noter en préambule que lorsqu’une réclamation est adressée à l’administration fiscale, celle ci instruit le dossier et est "censée" répondre dans les 6 mois.
Si la réponse est négative, le contribuable a 2 mois pour déposer une requête auprès du Tribunal Administratif (de Montreuil il me semble pour les Français non résident, à vérifier).
Si le contribuable réside dans un DOM ou un TOM, il possède un délai d’un mois supplémentaire pour déposer la requête auprès du T.A.
Si le contribuable réside à l’étranger, il possède un délai de 2 mois supplémentaires.
Il est malgré tout préférable de déposer la requête dans le délai de base, si c’est possible.
- Le Tribunal Administratif
Le Tribunal Administratif (ou T.A.) est le 1er niveau de juridiction administrative. Il sera compétent pour instruire et juger les recours de plein contentieux résultant d’une contestation auprès de l’administration fiscale.
C’est une juridiction devant laquelle il n’est pas obligatoire (bien que fortement recommandé) de passer par les services d’un avocat. Dans le cas des Français de l’étranger il est en revanche obligatoire de procéder à une élection de domicile en France (sauf si un avocat français est constitué ce qui emporte élection de domicile à son cabinet) permettant au Tribunal de faire suivre toutes les correspondances utiles et les actes à notifier. Je crois même qu’il faut que l’avocat soit dans le département de Seine St Denis mais je n’en suis pas certain.
Une fois la requête effectuée et enregistrée (possiblement sur simple papier libre) par le Tribunal, celle-ci est notifiée à la partie adverse (l’administration fiscale). L’instruction se fait ensuite par échange de mémoires jusqu’à ce que l’affaire soit en état d’être jugée, la procédure étant entièrement écrite. Le Tribunal peut transmettre le dossier au Conseil d’Etat, pour avis, comme ce fût le cas pour le dossier sur les Prélèvements Sociaux dans les années 2000. Une audience se tient avec la lecture des conclusions du rapporteur public (dont il est possible de connaître le sens synthétique 3 jours avant l’audience), les 2 parties pouvant prendre brièvement la parole à la suite de cet exposé.
Le Jugement est rendu quelques semaines plus tard et notifié par voies de recommandé avec accusé de réception. A noter que l’appel n’est pas suspensif, le jugement devant donc être exécuté.
- La Cour Administrative d’Appel
La Cour Administrative d’Appel (ou C.A.A.) est le second degré de juridiction administrative.
Elle sera ainsi compétente pour instruire et juger les éventuels appels soumis par la partie perdante suite à un jugement du T.A.
Les délais pour déposer cet appel sont de 4 mois pour l’administration fiscale (le jugement est notifié par le Greffe à la cellule locale de l’administration qui a 2 mois pour le transmettre au Ministre du Budget qui a également 2 mois pour faire appel, seule personne habilitée à le faire au nom de l’administration fiscale) et de 2 mois pour le contribuable. Comme pour le T.A., un Français résidant à l’étranger aura à nouveau 2 mois supplémentaire. Dans le cas où le contribuable a eu gain de cause au T.A., il est en droit de faire signifier par voies d’huissiers le jugement directement au ministre, ce qui aura pour conséquence de limiter le délai d’appel de l’administration à 2 mois suivant la date de signification. Cette signification faisant partie des « dépens », le contribuable sera en droit de réclamer son remboursement à la partie perdante, donc à l’administration fiscale.
La procédure à la C.A.A. est strictement identique à celle du T.A., mais la représentation par un avocat est obligatoire.
- Le Pourvoi en Cassation
Une fois l’arrêt rendu par la C.A.A., la partie perdante peut se pourvoir en cassation auprès du Conseil d’Etat. Il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’un 3ème degré de juridiction, le Conseil d’Etat n’ayant pas mission de juger sur les faits, mais simplement sur la conformité au droit des différents jugements et arrêts rendus en amont et sur la régularité en la forme de la procédure. De même, seuls les Avocats aux Conseils (dont les cabinets sont à Paris) peuvent plaider à ce niveau de juridiction.
Le pourvoi en cassation se décompose en 2 phases :
• La phase de recevabilité durant laquelle le Conseil d’Etat va analyser s’il y a au moins un moyen de cassation suffisant pour instruire le dossier ;
• Si le pourvoi est jugé recevable, la phase contradictoire durant laquelle se fera un échange de mémoires comme pour le T.A. et la C.A.A.
Le Conseil d’Etat peut alors soit confirmer l’arrêt de la C.A.A. soit le casser. Dans le second cas, il aura la possibilité de soit renvoyer le dossier à la C.A.A. soit de juger sur le fond en faisant droit à l’appel déposé à la C.A.A. ou en le rejetant.
- Au niveau européen
Si on doit en arriver là, ce ne sera pas avant quelques années mais on peut être amené à déposer un recours auprès de la CEDH en cas de rejet auprès du Conseil d’Etat. Il faut malgré tout avoir épuisé toutes les voies de recours au niveau national.
Il pourrait également y avoir une question préjudicielle de posée au cas particulier auprès de la CJUE (ce qui s’est passé dans le dossier du ressortissant hollandais en question).
2. Pour la phase de conciliation:
Elle se fait en même temps que la phase contentieuse. Le fait de recourir à cette conciliation ne stoppe pas le délai à respecter pour le dépôt de la requête auprès du T.A.
Elle se déroule sur 2 niveaux maximum. Une fois le dossier traité par l’administration et si leur réponse ne vous satisfait pas, il est possible de saisir le conciliateur fiscal départemental en lui faisant parvenir un courrier expliquant les raisons de cette saisine accompagné des différentes communications avec l’administration. Je n’ai en revanche pas les coordonnées du conciliateur départementale (s’il y en a un qui soit affecté pour les Français de l’étranger, nous en avons un au nvieau de Monaco).
Il est à noter que le rôle du conciliateur fiscal départemental dépasse le simple cadre fiscal ou comptable. Il peut également être saisi si vous constatez que les engagements pris en matière de qualité de service ne sont pas respectés.
Si sa réponse ne vous convient toujours pas, vous êtes en droit de solliciter une médiation auprès du Médiateur Minéfi en exposant la raison de votre saisine et en y joignant les pièces justificatives (échanges avec le Centre des Impôts et le conciliateur), soit en remplissant le formulaire en ligne (Demande de médiation | Le portail des ministères économiques et financiers) soit par courrier à :
Monsieur le Médiateur des Ministères
économiques et financiers
BP 60153- 14010 CAEN cedex 1
3. Les intérêts moratoires:
Lorsqu’un contribuable obtient gain de cause, que ce soit par le biais d’une décision d’un tribunal ou par un dégrèvement prononcé par l’administration des intérêts dit « moratoires » sont susceptibles d’être versés par l’administration fiscale (0.4% par mois). Il est donc important d’être vigilent sur le bon versement de ces intérêts qui sont bien souvent « oubliés » par l’administration.
Dans ce dernier cas, il suffit de demander le paiement par courrier ou par email au centre des impôts en vous basant sur les articles L.208 et R.208-1 du Livre des procédures Fiscales (LPF) :
L. 208 du Livre des Procédures Fiscales
« Quand l’Etat est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l’administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires dont le taux est celui de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. »
R.208-1 du Livre des Procédures Fiscales
« Les intérêts moratoires prévus par l’article L. 208 sont (…) payés d’office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts.»
4. Divers: Le sursis au Paiement:
Il est possible de demander à différer le paiement des impositions et des pénalités contestées. Il faut en faire la demande expresse, au sein de la réclamation (ou dans un courrier ultérieur en y joignant la copie et le récépissé de la réclamation). Au-delà de certaines sommes, il faudra sur demande de l’administration constituer des garanties.
Attention tout de même à cette procédure dans le cas où la réclamation et les décisions des juges administratifs venaient à être défavorables au contribuable, ce dernier devra s’acquitter des pénalités et intérêts de retard.
Hormis s’il s’agit d’une volonté philosophique de ne pas payer « pour le principe » émanant du contribuable ou un problème particulier de liquidité, il est plus sûr de payer puis de contester.
Dernière modification par Saydji (04/03/2015 07h52)