1 21 #1 17/02/2016 22h54
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Bonjour,
Comme de nombreux lecteurs de mon livre auraient aimé que j’écrive une partie sur le type de réplication des trackers et les risques associés, j’ai écrit un article que vous pouvez trouver dans sa version intégrale ici.
Franchement, ce n’est pas facile de tirer tout ça du vrai, du faux … des peurs réelles ou imaginaires… du marketing.
L’idée est bien sûr de partager cette réflexion pour l’enrichir. J’amenderai ce point de vue en fonction de vos retours.
J’espère en tout cas que cela fera avancer votre réflexion.
Bien à vous
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Un tracker a pour objectif de répliquer un indice le plus fidèlement possible. Un indice est tout simplement un « pool » d’actions de sociétés. Par exemple, l’indice « MSCI World » fait la synthèse de plus de 1500 entreprises dans le monde développé et donne un poids à chaque société en fonction de sa capitalisation boursière.
Pour répliquer les indices, les ETF peuvent utiliser en Europe 3 méthodes
La première méthode est la plus facilement compréhensible. Il s’agit de la réplication physique totale (aussi appelée « directe »). L’ETF possède l’ensemble des titres de l’indice dans des proportions identiques à l’indice.
La deuxième méthode est très proche de la première. Il s’agit de la réplication physique échantillonnée. Dans ce cas, l’ETF possède seulement une sélection de titres de l’indice, mais en s’assurant d’être suffisamment proche de cet indice. Ce type de réplication est mis en œuvre quand le nombre de titres à suivre est trop important ou quand certains titres sont trop illiquides pour être dans le tracker. Cela permet une optimisation du coût et de la liquidité du tracker. Cependant, le risque est de s’éloigner (à la hausse ou à la baisse) de la performance de l’indice.
Il existe une autre méthode très proche, la réplication physique optimisée. Il s’agit aussi de faire une sélection de titres pour réduire les coûts.
La troisième méthode est la réplication synthétique (aussi appelée réplication indirecte). L’ETF possède des actifs physiques non liés avec l’indice à suivre (mais très liquides) et les complète avec ce que l’on appelle un « swap » (échange) à un autre acteur financier, souvent sa banque mère. C’est donc cet autre acteur qui va acheter les titres et s’engager (un engagement de résultat et non de moyens) à fournir la performance de l’indice à l’ETF (en échange d’une rémunération bien sûr). Selon certaines études, c’est le meilleur moyen d’être proche de l’indice (à court et moyen terme), surtout quand les titres de l’indice ne sont pas très liquides.
Cela peut aussi être plus performant pour gérer les dividendes, voir la fiscalité associées car les grandes banques ont des structures juridiques plus adaptées que les émetteurs d’ETF.
Dans les faits, lorsque la performance de l’indice du benchmark est supérieure à la performance des actifs physiquement détenus, le détenteur du Swap doit à l’ETF la différence avec la performance de son panier d’action détenu en direct. Quand le détenteur du swap paie la différence, l’ETF achète plus d’actifs physiques.
Lorsque le panier de valeur physique a eu une meilleure performance que le benchmark, c’est à l’ETF qui doit de l’argent au détenteur du swap. L’ETF vend des actifs physiques et paye le détenteur du swap.
La réplication synthétique permet à un ETF suivant un indice non européen d’être éligible au PEA. En effet, l’ETF possède des titres européens (hautement liquides) qu’il échange grâce à un swap de performance contre un autre indice, qui peut être non européen. Ainsi, l’ETF a bien les 75% de titres minimum en actions européennes pour être éligible au PEA.
Si vous allez regarder l’actif du fonds, vous allez trouver des actions qui n’ont potentiellement rien à voir avec l’indice et un swap. Par exemple, le tracker Amundi suivant le SP500 a dans ses premières lignes Axa, Total et Saint-Gobain.
La réplication physique (dont échantillonnée et optimisée) représente plus des 2/3 des encours des trackers en Europe et 90% dans le monde. Le plus fort développement en Europe que dans le reste du monde est dû à la réglementation et à la fiscalité. Le contrat de swap est très avantageux pour une banque (en particulier la banque d’investissement), car elle lui permet d’avoir accès du capital pour un coût très faible. Cependant, aux Etats-Unis, ces contrats sont en général interdits entre une filiale bancaire et sa société mère. De plus, aux Etats-Unis, contrairement à l’Europe, la gestion de la fiscalité est plus optimale avec ales ETF à réplication. C’est le contraire en Europe.
On voit cependant que réplication synthétique perd du terrain en Europe. Des acteurs historiques du synthétique sont en train de transformer leurs ETF synthétiques en ETF physiques. Par exemple, Lyxor a annoncé comme objectif pour fin 2016, que 50% de son encours serait en réplication physique. Cela concernera les marchés développés hors PEA.
Il y a en effet une forte demande pour les ETF physiques, car ils sont plus facilement compréhensibles et paraissent moins risqués. Cela étant, je pense que leur dénomination induit en erreur. En effet, il ne s’agit pas de produits entièrement synthétiques ou seulement à base de dérivés, mais de produits très majoritairement physiques avec un peu de synthétique.
Les ETF physiques et synthétiques ont des risques qui semblent équivalents
Il n’est pas facile de séparer du faux, car les émetteurs d’ETF privilégiant les ETF à réplication physique (iShares, Vanguard, SPDR …) publient des documents pro réplication physique et les émetteurs d’ETF à réplication synthétique (Amundi, par exemple) vont dire que c’est la méthode la plus optimale.
A la lumière de nombreuses lectures, il me semble qu’il y a des avantages et des inconvénients dans les deux camps. Il n’y en a pas un qui soit réellement meilleur que l’autre. Par ailleurs, des acteurs a tels que l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), l’ESMA (European Securities and Markets Authority), l’EDHEC Risk Institute et Morningstar sont aussi de cet avis.
Voyons ce qu’il en est en détail. Je vais essayer de vous donner différents éléments qui vous permettront, je l’espère, de vous forger votre propre opinion.
Le reproche fait aux ETF synthétiques est de s’appuyer sur un swap fourni par un autre acteur financier, qui pourrait faire faillite. C’est ce que l’on appelle le risque de contrepartie. Cependant, il faut savoir que selon les règles européennes (UCITS), la valeur du Swap ne peut pas être supérieure à 10%. Donc la perte maximale ne peut être supérieure à 10%. De façon pratique, cela veut dire que la performance entre le benchmark du swap et le panier d’actifs de l’ETF ne doit jamais être supérieure à 10%. L’institution qui détient le Swap ne doit jamais plus de 10% de l’actif du fonds. Donc si elle venait à faire faillite, la perte maximale serait de 10%.
Par ailleurs, dans les faits ce pourcentage est souvent réduit largement en dessous de 10%. En fait, le gestionnaire de l’ETF ne laisse pas courir le swap, il le « reset » régulièrement, jusqu’à chaque jour même. Cela veut dire qu’il y a paiement tous les jours entre l’ETF et le détenteur du swap, donc plus de risque de contrepartie. En général, le manager de l’ETF fait en sorte la valeur de swap a une valeur négative (donc qu’il n’y ait pas de risque de contrepartie), c’est ce que l’on appelle la sur-collateralisation (ou sur-nantissement).
Les émetteurs d’ETF ont depuis quelques années fait un grand effort de transparence. Vous pouvez voir la valeur de ces swaps sur leurs sites web. Par exemple, au 4 février 2016, l’ETF Amundi SP500 dont nous parlions plus haut avait un swap d’une valeur de -0,5% (la contrepartie du swap étant la BNP en l’occurrence). Il n’y a donc pas de risque de contrepartie à cette date. Sur le site de Lyxor, on peut voir un historique du niveau de swap et donc le risque de contrepartie.
On peut voir que la valeur du Swap est en général autour de -1,5% (sur nantie et donc sans risques) et elle est montée depuis janvier 2015 une fois à 1,57%. Donc le risque de contrepartie avec la Société Générale était depuis janvier 2015 dans 95% des cas nul et est devenue légèrement positive.
Mais pensez-vous que la BNP ou la Société Générale feront faillite ? L’État Français ne leur viendrait-il pas en aide ? Et de toutes les façons quels seraient les effets d’une telle faillite ?
Mais il faut aussi noter qu’il y a aussi des risques de contrepartie sur les ETF à réplication physique. En effet, l’immense majorité des ETF à réplication physique font ce que l’on appelle du prêt de titre (alors que les ETF à réplication synthétique n’en font pas). C’est une source de revenus intéressante, qui peut compenser une part importante des frais de gestion.
Cette activité consiste à prêter des titres à un autre acteur financier. Cet acteur pourra alors, par exemple, vendre ces titres sans les avoir vraiment. Il fait de la vente à découvert, en espérant que le cours du titre baissera. Si l’acteur à qui l’ETF a prêté les titres fait faillite, ce sera une perte pour l’ETF. Il est bien sûr possible de minimiser ce risque en limitant les montants prêtés et en demandant une garantie (un collateral), supérieure à la valeur des actions prêtées. C’est ce que font les émetteurs d’ETF physiques.
Vous pouvez aussi avoir ces informations sur le site des émetteurs de tracker.
Parfois, les revenus peuvent être importants. Par exemple, le tracker iShares MSCI EMU Small Cap a eu 0,17% de revenus de prêt de titre en 2015.
Le sujet de la liquidité ne semble pas être un problème majeur
Certains s’inquiètent du risque de contrepartie, mais aussi des potentiels problèmes de liquidité. C’est-à-dire la capacité à acheter votre tracker, mais surtout à le vendre, quand vous avez envie ou besoin de votre argent.
De manière générale, la liquidité est liée à la liquidité des actions sous-jacentes. Par exemple, un tracker Eurostoxx 50 s’appuie sur des actions plus liquides qu’un tracker Emergent Small. Ainsi, si vous vendez le tracker Small émergent, il faudra que les titres sous-jacents soient vendus sur le marché. Cela mettra plus de temps et coûtera plus cher. Plus le marché est illiquide, donc chaque action à un bid-ask spread important plus le bid-ask spread de l’ETF sera grand (le bid-ask est l’écart entre le prix du vendeur et de l’acheteur, pour plus d’information sur le bid-ask spread et la liquidité des trackers, vous pouvez voir cet autre article sur ce site web). Cela étant, il est souvent plus facile et plus économique de « trader » des ETF que le sous-jacent. Par exemple, selon iShares le bid/ask de l’indice MSCI Emerging est de 0,24%, mais de 0,024% pour l’ETF. Le SP500 a un bid/ask de 0,027%, mais l’ETF en a un de 0,012%.
Certains argumentant que cette facilité à « trader » un indice ferait qu’une vente massive d’un ETF pourrait poser des problèmes sur les actions sous-jacentes. Mais c’est la même chose avec un fonds « classique » important, ce n’est pas spécifique aux trackers.
Par ailleurs, l’EDHEC Risk Institute (« What are the Risks of European ETFs? » 2012) souligne que le risque d’illiquidité est moindre pour les ETF à réplication synthétiques que ceux à réplication physique. En cas de problème de liquidité, l’ETF synthétique récupère le Swap de la banque qui s’est engagée à fournir l’indice. Pour le prêt de titre des ETF physique, c’est un peu moins optimal, mais cela ne devrait pas non plus poser de problème.
Des risques de conflit d’intérêt ?
iShares fervent promoteur des ETF à réplication physique souligne qu’il peut y avoir un conflit d’intérêt pour les ETF à réplication synthétique car le swap est souvent réalisé avec la banque mère de l’émetteur d’ETF. Le swap pourrait être fait dans l’avantage de la banque mère plutôt que de l’épargnant. D’ailleurs, iShares a la conviction que les ETF synthétiques ce sont développés car il était plus facile pour les émetteurs d’ETF de mettre des ETF rapidement sur le marché et d’autre part parce que c’est une source de financement peu chère pour la maison mère. Par ailleurs, le manque de mise en concurrence pourrait entrainer un coût du swap au-dessus des prix de marché.
Sans vouloir absolument réfuter cette idée, gardons à l’esprit par exemple que le détenteur des Swap d’Amundi est la BNP et non une de ses banques mères (Crédit Agricole et Société Générale). Pour ce qui est de Lyxor qui fait des swaps avec sa société mère, doit-on réellement dangereux de faire des swap avec « quasi soi-même ».
Qu’en est-il du risque de faillite de l’émetteur du tracker ?
Tout d’abord, rappelons encore une fois, que les émetteurs de trackers sont souvent des filiales de grandes banques (Deutsche Bank, BNP, Société Générale, Crédit Agricole, etc.) et qu’il est peu probable que ces grandes banques laissent couler leurs filiales. Sinon, ce serait parce que ces grandes banques feraient faillite, et il est probable que l’État interviendrait. On peut aussi imaginer la faillite de l’État. Mais cela devient, à mon sens, un autre sujet.
Cela étant, techniquement l’ETF est une entité juridique différente de l’émetteur du tracker. L’émetteur du tracker n’entraîne pas la faillite de l’ETF.
Enfin, les titres sont physiquement gardés chez un « conservateur » (fund custodian). Ces conservateurs sont des grandes institutions financières. Par exemple, les titres des ETF Lyxor sont conservés à la Société Générale et ceux d’Amundi chez Caceis (une filiale du groupe Agricole qui a plus de 2000 Mds € en conservation).
Comment se compare le risque des ETF avec les autres types d’investissement ?
Commençons par comparer avec un fonds classique. En fait, un ETF suit les mêmes règles prudentielles que les fonds classiques, mais en a de supplémentaires, notamment concernant la transparence, car ils sont négociables en bourse. D’ailleurs, les fonds classiques font aussi du prêt de titre, mais probablement avec moins de transparence. De plus, les fonds classiques investissent aussi beaucoup dans des ETF ! On peut facilement argumenter qu’un fonds classique est au final légèrement plus risqué qu’un tracker.
Et l’assurance vie ? Dans ce cas, vous ne possédez pas directement les titres, mais la société d’assurance a une créance envers vous. Votre risque de contrepartie est entier. Il existe bien un fonds de sauvegarde, mais de 70 K€ par personne et assureur. Par ailleurs, l’assurance peut, sous certaines conditions extrêmes (problèmes de liquidité en particulier), vous empêcher de récupérer votre argent pendant un certain temps. Bien sûr en cas de faillite d’un gros assureur le fonds de garantie ne sera pas suffisant et l’État devra intervenir.
Si vous détenez du cash et que la banque fait faillite, sans que l’État agisse, votre garantie théorique est de 100 000€.
Pour les comptes titres, les actions et trackers vous appartiennent, donc il n’y a pas de risque de faillite du courtier. Mais en cas de malversation la garantie est de 70 000€.
Tout ça n’a ni pour but de vous freiner dans vos investissements ou de faire croire qu’il y a aucun risque. Mais ma conviction est que si l’on est fin de mondiste, les ETF ne seront pas les seuls touchés. C’est alors un autre sujet.
Conclusion et portefeuille PEA
Au final, les ETF qu’ils soient physiques ou synthétiques ne me paraissent pas plus risqués ou avec plus de problèmes de liquidité qu’un autre investissement, notamment que les fonds classiques. Même probablement au contraire.
Quant au débat entre la réplication physique et synthétique, je pense qu’il y a des critères de choix des ETF plus importants. Cela étant, peut être que cet article ne vous a pas convaincu et que vous préférez investir en trackers physiques. Dans le cadre d’un PEA, vous ne pourrez pas investir sur des indices non européens. Vous pouvez alors choisir de faire un portefeuille de tracker avec des trackers physiques pour la partie européenne et des trackers synthétiques pour la partie non européenne.
Mais encore une fois je ne pense pas que cela change grand-chose. Et, à mon sens, certains investisseurs prêtent trop d’importance à un débat surtout marketing. Mais comme la diversification a du bon, pourquoi pas diversifier les émetteurs de trackers et les types de réplication
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