si je meurs à 55 ans, je peux léguer 400 000 euros à mes 2 enfants en nue propriété sans impôts?
Ce n’est pas si simple. Léguer signifie donner par voie testamentaire. Or, si vous rédigez votre testament à 50 ans par exemple, vous ne pouvez pas encore savoir si vous allez mourir à 55 ans ou 90 ans. Donc, vous ne savez pas quelle sera la clé de démembrement.
De plus, la clé de démembrement ne dépend pas de l’âge du défunt mais de l’âge de l’usufruitier (plus l’usufruitier est jeune, plus les nu-propriétaires vont devoir attendre longtemps pour entrer en pleine propriété).
Pour léguer de la NP, il faut avant tout léguer l’usufruit du même bien à quelqu’un d’autre. Typiquement, c’est au conjoint survivant qu’on lègue l’usufruit. Or, si vous n’avez des enfants que d’un seul lit, votre conjointe a d’ores et déjà le choix entre l’usufruit de la totalité ou la pleine propriété d’une partie. Vous n’avez donc peut-être pas besoin de "léguer" (par testament), peut-être que tout est déjà en place pour que vos enfants héritent (par héritage, donc sans disposition testamentaire spécifique) la nue-propriété. Avant tout, il vous faut donc regarder ce qu’il advient de vos biens si vous décédez sans testament. C’est seulement si la répartition de cet héritage ne vous convient pas, que vous devrez rédiger un testament pour qu’il en soit autrement.
Ensuite, il faut bien intégrer que la nue-propriété d’une somme d’argent, ça ne rapporte rien. Ce n’est qu’une promesse d’argent futur. Vous avez l’impression d’un super discount parce que la NP de 400000 € est de 200000 € et peut donc être transmise en franchise de droit à vos deux enfants si l’usufruitier (et non pas vous) a entre 51 et 60 ans au moment de votre décès. Mais c’est loin d’être un super discount, et surtout c’est loin d’être un super cadeau pour vos enfants.
Supposons donc que votre femme reçoive l’usufruit des 400 000 € et vos enfants la NP. Supposons que votre femme vit jusqu’à 90 ans (ce qui est très réaliste vu les espérances de vie actuelles). Vos enfants ne verront donc pas la couleur de cet argent avant des décennies supplémentaires. A votre avis, ils auraient préféré avoir la pleine propriété d’une certaine somme d’argent quand ils avaient 30 ans environ, sachant qu’à cet âge on a une maison à acheter et plein de projets à construire ? Ou bien seront-ils contents de recevoir une somme d’argent plus importante au décès de votre femme, quand ils auront 60 ans et qu’ils n’auront plus besoin de rien ? A votre avis, seront-ils contents que vous leur ayez légué une grosse somme, mais seulement en nue-propriété, ce legs se résumant à "attendre des décennies pour peut-être voir, enfin, la couleur de l’argent ?".
Second petit problème : l’usufruit de biens consomptibles (tels que l’argent) inclut le droit de le dépenser. En théorie, i’usufruitier a l’obligation de le reconstituer avant la fin de l’usufruit. Mais s’il ne le fait pas, dans le cas d’un usufruit viager, une fois qu’il est mort, il n’y a guère de moyen de lui faire rendre l’argent. Supposons que Mme veuve Tracoh se dise : "je suis encore jeune, il est temps qu’on rigole". Et qu’elle se mette à dépenser tout l’argent. A son décès, il ne reste rien. A votre avis, vos enfants seront-ils contents que vous leur ayez légué la nue-propriété d’une grosse somme… dont il ne reste plus rien ?
Par contre, donner de son vivant la nue-propriété d’un bien immobilier, et le faire suffisamment tôt (vers les 50-55 ans), oui, c’est une bonne idée, et c’est pour ça que c’est beaucoup pratiqué… si on a besoin de diminuer l’héritage à venir pour être sous les 100 k€ de chaque parent à chaque enfant, et si on veut vraiment garder ce bien immobilier au long terme.
Dernière modification par Bernard2K (10/11/2022 10h57)