"Le juge considère, lui, et contrairement au message que vous souhaitez faire passer, que l’emprunteur doit savoir quel est le véritable TEG au jour de la signature de l’acte chez le notaire."
Ce n’est pas contrairement à ce que je dis, c’est exactement ce que je dis : la justice a fait entrer manu militari dans le calcul du TEG des informations non disponibles ou non estimables précisément au moment de l’émission de l’offre, et de facto encore plus à la signature du contrat.
Or le TEG EST un élément du contrat. Le modifier a posteriori est une modification du contrat, et c’est sur cette base que la déchéance est décidée : parce que le contrat est frauduleux puisque le TEG écrit sur ce contrat initial n’est pas le TEG réel. Donc vice de consentement.
Le recalculer a posteriori, comme vous le proposez, c’est mettre noir sur blanc que le TEG initialement écrit est faux. Et selon les décisions de justice actuelles, cela induit la déchéance d’intérêts.
C’est bien le problème.
D’un point de vue risque juridique, il vaut mieux attendre que quelques uns tentent un recours plutôt que mettre sur la place publique que des centaines de millions de prêt pourraient présenter une telle faille. Sans compter le cout d’adaptation des systèmes de calcul à chaque décision de justice si on décidait de tout transposer.
"Sauf que, si la banque a déjà mal calculé son TEG dans son offre initiale…elle est impardonnable (du point de vue du droit, cela s’assimile à une faute punissable)"
SI et je dis bien si les données de l’offre donne un TEG différent, oui, la banque est dans son tord. Après, sur la suite, on pourrait passer par un recalcul du prêt et une indemnisation, plutôt que la déchéance totale, mais bon.
Le souci, c’est que sur les dossiers que j’ai vu passé, je n’ai croisé qu’un ou deux cas de prêts avec un TEG faux dans l’offre, selon les données de l’offre.
La plupart des TEG faux le sont parce que des éléments ont changé par la suite. Et c’est là que la justice exagère, à mon sens. D’ailleurs, si vous consultez un cabinet ed vérification, ce sont bien les données disponibles APRES la signature du contrat qu’il prendra en compte, et non uniquement les données préalables.
Que la justice reproche à la banque l’omission des frais de dossiers, qui sont prévus initialement, pas de problème. Qu’elle reproche une erreur de calcul par rapport à la durée initiale prévu dans l’offre, en tenant compte des dates de signature prévisibe, pas de problème non plus. La banque maitrise cela (ou doit le maitriser), donc c’est normal.
Que la justice reproche, comme le cas que je citais, la non prise en compte d’une assurance inconnue au moment de l’offre, ca me parait plus qu’exagéré. Que la justice reproche la non prise en compte de l’évolution anormale des taux de change pour des prêts devise signés avant une crise mondiale majeure, ca me parait juste hallucinant.
Mais c’est un peu la tendance actuelle : les banquiers sont présumés suspects.
Ca me pose problème, parce que la réaction des banques est, logique, de resserrer les règles là où elle le peut, de prendre des sécurités, de revoir ses tarifs en compensation, etc …
Pour mémoire, on acceptait parfaitement l’année lombarde jusqu’à il y a qq années. Puis la justice a exigé l’année réelle, en mois (12) ou en jours. Puis on a commencé à voir des décisions parce que le calcul en mois est tout aussi faux que le calcul lombard : les intérêts sur Février ne doivent pas être les mêmes que sur Mars, compte tenu de la différence de temps.
Je vous laisse vous amuser à calculer la mensualité réelle d’un emprunt sur 30 ans en considérant le calcul réel sur le taux journalier.
De mon côté de la frontière, l’offre est plus détaillée, plus précise, et les calculs se font par rapport à l’offre.
"Le Juge ne dit absolument pas que le TEG indiqué dans l’offre de prêt doit nécessairement être identique à celui signé chez le notaire le jour de l’acte authentique, mais que le client doit savoir quel est le véritable TEG ce jour-là."
Oui et non. En confirmant que le TEG, élément contractuel, est faux, il induit de fait que cet élément contractuel devrait être juste au niveau du contrat. A partir de là, 2 solutions : soit on le calcule juste au départ, ce qui est factuellement impossible tant que la jurisprudence considèrera qu’un TEG calculé en Février doit être juste malgré des informations indispensables disponibles en Mai ou Juin suivant, soit on modifie a poteriori, comme vous le proposez, en créant un avenant au contrat et donc la faculté, a posteriori, pour l’emprunteur de refuser le prêt compte tenu de la modification.
C’est un cercle vicieux.
On ne peut en sortir qu’en formalisant le calcul initial dans l’offre de départ, donc en formalisant quels sont les frais à intégrer pour leur montant réel connu au moment de l’offre et estimé pour les autres, sans considérer que si l’estimation est fausse, cela induise un vice de consentement.
"Je lui demande de confirmer qu’il en a connaissance et je le fais signer."
Sauf que ca ne marche pas. On a une palanquée de décisions sur le sujet. Avec les prêts capés, par exemple, on a vu des décisions de TEG erronés parce que la banque n’aurait pas correctement estimé les variations possibles de taux. Je précise : pas qu’elles n’ont pas du tout estimé de variation de taux, mais qu’elles n’ont pas estimé correctement ces variations possibles.
Comment détermine-t-on si une variation est juste ou non ? Je prends un exemple simple : mon prêt principal est à taux négatif en ce moment. Si je demande à n’importe qui si l’évolution possible initialement de mon prêt incluait la possibilité d’un directeur négatif, tous les banquiers que je connais me rétorqueraient, si je remonte le temps, que c’est impossible. qu’au mieux le taux directeur serait nul, donc le taux minimal pour mon emprunt serait de 0.22% (la marge de la banque).
Est-ce que cela signifie que ma banque, pour ne pas avoir prévu la crise des subprimes et l’effet sur les taux directeurs, est fautive ?
Pire avec les prêts devise : on a vu passer des décisions de non prise en compte ou de prise en compte trop légère, dans le calcul du TEG, du risque de change. On emprunte 500kCHF, on rembourse en CHF, mais le TEG doit se calculer en tenant compte de la variation possible du taux de change CHF / EUR ? C’est le coeur des recours dans les prêts Helvet Immo. Et si certaines décisions ont été en faveur de la banque, d’autres ont considéré qu’ayant mal considéré l’évolution possible du change (un renchérissement historique du france, en raison d’une crise tout à fait prévisible en 2007), la banque était fautive.
Personnellement, je suis très mal à l’aise avec ce qui me semble être l’application directe d’un théorème "salaud de banquiers" généralisé.
Or je ne suis pas contre la condamnation de tout organisme fautif … s’il est à l’origine des fautes constatées. A la limite, j’apprécierai meme que les banques, lorsqu’elles se plantent initialement, soient condamnées plus fortement, y compris une amende, histoire qu’elles rectifient le tir.
Mais ca ne semble pas être la direction prise depuis une dizaine d’années.
L’idée initiale du TEG, c’est de permettre une comparaison sur des bases similaires des prêts. C’est une idée plutôt intéressante. A condition que le calcul soit clair pour tout le monde, et non soumis à interprétation.
Donc pour que ca fonctionne réellement et correctement (ie : base de comparaison réelle), on devrait revenir, il me semble, à :
- montant emprunté
- période de calcul
- taux de période
- nombre de période
- frais annexes imposés par la banque (frais de dossiers, frais d’opérations, etc …)
- estimation raisonnable des frais externes imposés par l’emprunt (prise de garantie notariée, par exemple)
--> ca donne un échéancier déterminable à partir duquel on peut calculer le taux effectif, avec une période de référence elle même prédéfinie et figée pour tous.
Tout cela est estimable avant l’édition de l’offre, et donc parfaitement opposable à la banque. le cout de l’assurance déléguée prise ou modifiée entre l’offre et l’acte authentique, à mon sens, ca ne devrait pas entrer en ligne de compte (l’assurance interne de la banque est, par contre, dans la catégorie des frais imposés par la banque, donc entre en compte). La modification du calcul du fait d’un décalage de date ne devrait pas entrer en ligne de compte, puisque la banque ne décide pas de la date de déblocage des fonds. La modification du montant emprunté du fait d’une variation de change, pour les prêts devise, non plus (d’ailleurs pour ces prêts, on devrait calculer le tout uniquement sur la devise effective d’emprunt, mais les systèmes actuels calculent en euros sur la base du change initial, ce qui pose le souci de TEG lorsque le change varie, ce qu’il fait un peu tous les jours, plusieurs fois par secondes, vous en conviendrez).
Note : contrairement à ce que vous pourriez penser, je ne suis pas banquier. Mais côté emprunteur. Et je vois l’évolution, à mon sens négative, de la relation avec les banques du fait, pas nécessairement d’un excès de réglementation, mais plutôt d’un excès de variabilité de réglementation et de jurisprudence.