Bonjour Philippe30,
Tout d’abord, vous savez que vous pouvez me compter parmi les membres de votre fan club en matière d’investissement immobilier, comme je vous l’écrivais il y a quelques années !
J’ai été touché et attristé par la situation familiale que vous nous présentez et je voulais partager quelques idées avec vous à ce sujet, sans prétention.
La situation est délicate et je n’ai bien évidemment pas de solution miracle mais j’aimerais idéalement, comme tout le forum, vous voir vous rapprocher de votre fille. C’est mon côté fleur bleue !
Je ne connais pas votre fille et donc mes propos ne correspondront pas nécessairement à la réalité de votre situation. Par ailleurs, à titre personnel, je me sens bien plus proche philosophiquement de votre vision de "bâtisseur" que de la vision "bohème" de votre fille, avec des nuances, bien entendu.
Votre vision
Vous avez constitué un patrimoine immobilier grâce à vos efforts et votre sérieux.
Vous souhaiteriez idéalement que vos enfants poursuivent cette œuvre.
Vous souhaiteriez les aider et leur transmettre votre expérience et votre réseau pour les aider à démarrer la construction d’un moteur financier et également leur transmettre vos actifs après qu’ils auront apporté la preuve qu’ils sont capables de les gérer.
Je partage personnellement globalement cette vision mais j’y vois également des limites:
Un succès, qui plus est hors normes comme dans votre cas, peut être intimidant
Peut-être votre fille est-elle intimidée par votre succès hors normes ?
Pour donner un exemple personnel, j’ai un oncle investisseur immobilier à succès.
Je n’ai jamais discuté d’investissement immobilier avec lui bien qu’il ne fasse aucun doute que j’aurais pu bénéficier de son expérience et de son aide bienveillante. Il ne sait même pas que j’ai de l’immobilier résidentiel locatif.
Peut-être pour ne pas froisser mon ego (surdimensionné) ?
Peut-être pour garder ma liberté et mon autonomie ?
Peut-être pour ne pas avoir à me justifier en cas d’échec (et que cet échec soit connu de toute ma famille) ?
Peut-être que je ne veux rien lui devoir ?
Besoin / souhait de transmettre
Peut-être pourriez-vous diriger votre besoin/souhait de transmettre vos idées théoriques sur l’investissement immobilier à des tiers et non pas vers votre fille, ce que vous faites d’ailleurs déjà largement à la fois sur ce forum comme ailleurs, par exemple en prenant des "stagiaires rénovation".
La construction d’un moteur financier et son développement
Pour mon garçon, je souhaite également idéalement, comme vous, qu’il prouve qu’il est capable de s’en sortir lui-même de manière autonome par ses études puis son travail, avant d’effectuer une transmission patrimoniale, après qu’il aura fait ses preuves, idéalement par le démarrage de son côté d’un début de construction de moteur financier.
Néanmoins, d’un autre point de vue, dans la construction d’un moteur financier, la première phase (voir ici: Rentier en 20 ans : comment lancer sa fusée ?) demande objectivement plus d’énergie que les suivantes.
Ainsi, même si nous souhaiterions que nos enfants soient capables de dépenser eux-mêmes un niveau d’énergie de phase 1, peut-être qu’ils n’ont pas cette énergie, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’auraient pas un niveau d’énergie permettant de poursuivre la croissance en phase 2 ou en phase 3.
Par exemple, il est possible que votre fille n’ait pas l’énergie et la capacité de construire un moteur financier immobilier ou même de gérer un moteur immobilier déjà tout fait.
Mais peut-être aurait-elle la capacité et l’énergie de gérer un montant équivalent, par exemple en investissements financiers en actions ?
Philippe30 a écrit :
Elle dispose de la culture capitaliste ce qui lui manque c’est la patience de faire prospérer les graines afin de disposer à terme d’un jardin.
Vous semblez vouloir nécessairement la faire passer par la phase 1, ce qui serait idéal j’en conviens, mais peut-être pas indispensable, vu ses limites, aspirations, contraintes, etc…
Les efforts et la paresse
Personnellement, je ne suis pas nécessairement partisan de l’effort maximal.
Je pense que votre goût pour l’effort est supérieur au mien.
Néanmoins, je suis bien évidemment prêt à effectuer des efforts (y compris importants pour parvenir à un objectif) et je reconnais par ailleurs que cet effort est une condition de mon bonheur cyclique, alternant phases d’efforts et phases de satisfaction de mes réalisations.
C’est par exemple l’une des raisons pour lesquelles j’appréciais les mathématiques dans mes études, comme le côté besogneux et l’apprentissage par cœur constituent des stratégies d’apprentissage sous-optimales devant la compréhension du sens et l’élégance d’un chemin plus direct, coûtant moins d’efforts bruts.
Si j’écris cela c’est parce que je pense qu’il y a plusieurs types d’efforts et l’effort pour un investissement immobilier résidentiel locatif en direct n’est peut-être pas le même par exemple que celui d’un investissement en actions, peut-être plus élégant. Le second est-il pour autant moins méritoire que le premier ? Pour ce qui est de ces deux types d’investissement, je pense qu’ils sont complémentaires: les actions pour la performance "pure" et l’immobilier pour l’effet de levier par le crédit.
Nom de pays: le nom / Nom de pays: le pays
Vous nous parliez de Balzac. Je vous parlerai de Proust !
Une situation de type phase 3 comme celle d’un Marcel Proust, que je vois mal adapté à une phase 1 (!), est-elle nécessairement à disqualifier ? La recherche du temps perdu n’est-elle pas le produit d’un individu ayant vécu toute sa vie en phase 3 ?
Je ne dis pas qu’un individu n’ayant connu que la phase 3 sera nécessairement une réussite, bien entendu. Mais je veux simplement illustrer d’un exemple que la vie d’un individu inadapté à la phase 1 et ayant vécu toute sa vie en phase 3 peut également être brillamment réussie !
Peut-être votre fille pourrait-elle directement passer dans une phase supérieure où elle serait potentiellement plus adaptée grâce à vous ?
Les amis
Contrairement à ce que vous écrivez, je pense comme votre fille que les amis, c’est super !
Par exemple, je gère les finances d’un ami en utilisant mon expérience d’investisseur en actions. Idéalement, j’aurais préféré lui apprendre à pêcher plutôt que de lui donner du poisson mais sa situation ne lui permet objectivement pas de passer du temps à cette activité.
Pour le prémunir de tout risque de baisse en capital de son patrimoine placé en actions et pour optimiser son démarrage, je lui ai même proposé de lui garantir son montant initial en lui donnant le montant de sa perte en cas baisse, ce que j’ai d’ailleurs fait en pratique au départ. Du fait de la volatilité, le portefeuille était effectivement initialement en baisse. Depuis, nous avons parcouru du chemin et le risque de perte en capital semble désormais peu probable. Bien évidemment, je n’en attends rien en retour. Mon plaisir vient simplement du fait de le voir réussir dans ce domaine.
Cela pour dire qu’un plan avec un ami n’est pas nécessairement mauvais. Mais je comprends vos doutes et je ne dis pas que dans le cas de votre fille, le plan qu’elle a échafaudé avec ses amis soit nécessairement pertinent. Néanmoins, si elle n’a pas le niveau d’énergie pour la rénovation d’un bien immobilier, il ne me semble pas nécessairement inadéquat de déléguer cet aspect à un tiers (dans une logique réaliste et carrée, bien entendu). Après tout, dans l’investissement action, nous sommes simplement propriétaires et nous nous en remettons à des tiers sur tous les plans. Dans l’investissement immobilier, nous endossons également la casquette de CEO et éventuellement celle d’ouvrier de chantier. Mais un investissement pertinent ne requiert pas nécessairement d’être un ouvrier.
Bien entendu, je n’ai aucun doute sur le fait que le choix de certains de ses amis était douteux, comme vous le décriviez et que certains plans échafaudés l’étaient également.
Néanmoins, avoir des projets et des idées me semble une qualité. Bien entendu, il faut qu’ils soient ancrés dans le réel, ce qui ne semble pas ici nécessairement le cas.
Liberté et autonomie
Peut-être votre fille a-t-elle besoin de liberté et d’autonomie ? Peut-être a-t-elle besoin de trouver un autre terrain d’expression dans lequel vous n’avez pas d’expertise ou même mieux dans lequel vous auriez échoué ?
Par exemple, à titre personnel, mon père a un niveau avancé en mécanique et l’une des raisons pour lesquelles je ne me suis pas intéressé à ce domaine est celle-là, probablement pour construire et développer ma propre personnalité.
Peut-être l’investissement en actions pourrait constituer un champ vierge sur lequel vous n’avez pas d’expertise forte (et même, si j’ai bien compris, quelques petits échecs historiques: parfait !) et où elle pourrait développer ses talents indépendamment de vous. Même mieux, imaginez qu’elle réussisse dans ce domaine alors que vous aviez indiqué il y a quelques années y avoir été rencontré quelques écueils ? Cela ne serait-il pas pour elle bien plus valorisant que de faire moins bien que papa dans l’immobilier (où son père serait toujours sur son dos pour souligner toute erreur ponctuelle et où il est douteux qu’elle fera mieux que vous) ?
L’investissement en actions nécessite également moins d’énergie physique et de contraintes que l’investissement immobilier. Par ailleurs, l’immobilier vous ancre physiquement à un endroit, ce qui est probablement trop tôt pour votre fille. Donc l’investissement en actions lui permet de conserver sa liberté.
Concrètement, vous pourriez par exemple lui déléguer la gestion d’un compte-titres sur lequel se trouveraient initialement par exemple 400 K€ à votre nom, sans qu’elle ne puisse en retirer d’argent (par exemple, possible chez IB). Le deal est qu’elle gère cet argent et, chaque année, en cas de performance positive, vous lui laissez deux options en fin d’année:
Option 1: Vous lui reversez intégralement son surplus et la barre est replacée à 400 K€.
Option 2: Si elle décide de laisser le surplus, vous remontez en plus de son bénéfice la barre des 400 K€ du montant de son bénéfice annuel, ce qui constitue la nouvelle base. Elle peut toujours retirer dans le futur son bénéfice, à chaque échéance annuelle. Donc, en contrepartie de cet effort d’épargne, elle bénéficie d’un bonus correspondant à son effort d’épargne, qui certes vous appartient mais lui permet de générer un revenu plus important les années suivantes comme la base de ses investissements s’est élargie.
Si elle parvient à une performance par exemple de 15 % / an (ma performance moyenne sur les 13 dernières années), cela lui générerait à court terme un revenu rondelet de 60 K€ / an (hors fiscalité), qui ne serait pas tombé tout cuit dans son bec ! À long terme, elle devrait avoir intégré qu’il ne faut pas entamer le principal mais retirer uniquement une partie des revenus générés et il est probable qu’elle continue à suivre cette logique quand vous lui transmettrez ultérieurement du capital. Si elle perd tout ou partie de cet argent, cela n’a pas d’impact majeur pour vous (laissez-lui aussi plusieurs chances au départ sans juger - considérez ce patrimoine perdu).
Philippe30 a écrit :
Pour rester dans la métaphore , elle souhaiterais que l’on repique directement nos plantations qui produisent dans son jardin et en même temps qu’elle soit déchargé du jardinage.
De cette manière, vous l’aidez sans lui donner tout cru des liquidités, en la motivant à jardiner et à augmenter la surface du jardin, mais d’une autre manière que de gérer des locataires et des travaux, ce qui ne semble pas l’intéresser…
Philippe30 a écrit :
Bref des connaissances que je ne demande qu’à partager , j’ai fait quelques approches en ce sens et les retours que j’ai eu qu’elle ne ferait jamais comme nous , elle veux voyager , la liberté etc …."
L’investissement en actions lui permettrait potentiellement de conserver sa liberté et la possibilité de faire des voyages, l’investissement étant dématérialisé. Elle semble avoir du caractère, des idées et des projets, ce qui semble plutôt positif. Je comprends également son souhait de ne pas faire comme ses parents. Moi non plus, je ne voulais souvent pas faire comme mes parents (qui sont d’ailleurs des gens très bien) mais trouver ma propre voie, de manière certes un peu moins chaotique que votre fille.
En cas de succès, cela permettrait même globalement d’améliorer le moteur financier familial en ajoutant une jambe "actions" à la jambe "immobilier", ce qui pourrait faire votre fierté en améliorant peut-être à long terme l’image de votre fille à vos yeux !
Philippe30 a écrit :
Pour recoller les morceaux même si cela prendra du temps , certaines cassures sont irréparables et personnellement je n’ai absolument pas envie de faire des efforts.
Pour l’absence supposée d’efforts de votre côté, ce n’est en tous cas pas l’image que vous me donnez: vous essayez en réalité de trouver des solutions à un problème qui se pose, ce qui est tout à votre honneur !
Dans le cadre de cette idée de gestion déléguée d’un portefeuille d’actions vous appartenant et dont elle tirerait les bénéfices, si votre fille est partante, je peux proposer un "stage Vauban" que je promets d’être à la fois ludique sur la forme et sérieux sur le fond, pour lui expliquer les bases de l’investissement en actions. Parfois, les messages passent mieux quand ils ne viennent pas des parents mais de personnes extérieures. Généralement, les personnes de tous âges (de jeunes adultes à personnes d’un âge avancé) avec qui je partage mes idées en matière d’investissement en semblent satisfaits.
Il faudrait trouver le moyen approprié de lui présenter la chose parce que si cette proposition venait directement de vous, elle serait probablement mal perçue. Peut-être cette proposition passerait-elle mieux si elle était émise par votre épouse qui pourrait lui proposer le package "gestion du compte", en l’assortissant d’un "stage Vauban" en lui disant qu’elle connaît un investisseur en actions sérieux qui pourrait l’aider à démarrer. Je suis par exemple en congés du 27/10 au 08/11, le cas échéant (si j’ai bien compris, à une distance de 350 km de la localisation de votre fille, bien desservie par les transports).
Je ne suis bien entendu pas naïf et je ne pense pas que cela fonctionnera nécessairement bien. Comme Bernard2K, je pense que certains types de situation ne sont pas nécessairement récupérables. Mais imaginons qu’il y ait par exemple 20 % de chances que cela fonctionne, le jeu n’en vaudrait-il pas la chandelle ? Après tout, qu’avez-vous à y perdre (hormis quelques euros qui seraient de toute façon perdus à long terme, si elle n’apprend pas l’investissement, d’une manière ou d’une autre, dans le domaine immobilier ou dans un autre domaine comme les actions) ?
Bien entendu, il va de soi que je n’attends pour ma part aucune contre-partie. Je considère avoir déjà suffisamment reçu, par vos contributions nombreuses et qualitatives, sur ce forum.
Et qui sait, peut-être un jour vous enverrai-je mon garçon en stage immobilier !
Si vous êtes intéressé, nous pouvons discuter des modalités pratiques par MP.
Cordialement,
Vauban
Dernière modification par vauban (11/10/2020 13h36)