Mon retour d’expérience après mon premier exercice social et fiscal :
Logiciel comptable
Concernant la saisie comptable, j’ai donc utilisé le logiciel "EBP compta classic 2020", acheté en licence PC. Ces logiciels classiques sont en train de disparaître, parce que le Saas en abonnement rapporte plus aux éditeurs ! Pour "seulement" 200 € TTC, je suis donc bien content de l’avoir acheté à temps et je compte bien le garder aussi longtemps que possible.
A l’usage, il fonctionne bien. Pas hyper ergonomique, mais ça marche. On voit que c’est du matos de pro : pas de bug, pas de bizarrerie, tout est carré.
Se lancer
C’est vraiment difficile de se lancer tout seul. J’ai regardé un tuto video sur ce logiciel, jusqu’à l’apprendre presque par coeur… J’y suis allé tout doucement… J’ai utilisé l’aide du logiciel quelques fois… on finit par y arriver. Mais c’est vraiment "chaud".
Les questions que ça soulève
La saisie comptable pose plein de questions sous-jacentes. Est-ce une matière (601), une marchandise (607), des travaux intellectuels de type étude (604 ou 605), des honoraires (6626) ou encore des commissions ou courtage sur achats (6221) ? La réponse est parfois loin d’être évidente. Ca fait se poser plein de questions sur la façon dont on travaille. Alors, dans quel compte faut-il le mettre ? En passant par quel journal : OD ou AC ? J’ai parfois passé 2 ou 3 heures sur une écriture, jusqu’à ce que je sois sûr à 100 % que je faisais le bon choix.
Les compétences et le temps nécessaires
J’ai eu des cours de compta en Master 2, et j’étais donc censé savoir faire. Pour faire bonne mesure, j’ai étudié un bouquin sur la comptabilité pratique.
Malgré cela, j’ai passé un temps fou, délirant, à apprendre encore et progressivement, en suant sur mon ordinateur et sur les factures. C’est vraiment un métier à part, avec des modes de raisonnement à part.
Peut-être que je suis un peu rouillé avec mon âge avancé, et qu’une personne de 20 ans aurait appris beaucoup plus vite. Peut-être que je me posais trop de questions. En tout cas, mon retour d’expérience personnel, c’est que ça s’apprend, mais que c’est BEAUCOUP de travail.
Concernant le temps passé, je pense ne pas exagérer en disant qu’à la fin, j’allais environ 30 fois plus vite qu’au début. Lorsqu’on est familiarisé avec les automatismes du logiciel, qu’on a fait les quelques paramétrages qui font gagner du temps, et qu’on a acquis des habitudes et des automatismes, on va énormément plus vite qu’au début. Notez que, même à la fin, j’allais encore sans doute 5 à 10 fois plus lentement qu’un comptable professionnel !
Est-ce qu’on trouve les réponses à toutes ses questions sur internet ?
On trouve beaucoup de ressources sur internet. Malheureusement, j’ai l’impression qu’il s’agit souvent d’une compta "scolaire". L’information est correcte 99 % des fois, mais on trouve aussi des conneries.
- Exemple : les frais bancaires. Extrait d’un site très en vue concernant la compta prétendument rendue facile. D’après eux "627 (…) services bancaires assujettis à la TVA", tandis que "tous les frais bancaires qui ne sont pas assujettis à la TVA revêtent un caractère financier et doivent être comptabilisés en (…) 661 "charges d’intérêt"". Pardon, mais ça me semble totalement erroné. En pratique, tous les frais de fonctionnement du compte bancaire vont en 627, qu’ils soient ou non soumis à TVA : commissions, cotisation à la formule de compte, forfait pour la carte bancaire… En 661, c’est le coût de l’argent emprunté, y compris les intérêts débiteurs de quand votre compte bancaire passe en négatif. C’est cela la logique, et non pas qu’ils soient soumis ou non à TVA.
- il y a quelques questions auxquelles on ne trouve absolument pas la réponse sur l’internet. Pour éviter d’horripiler mon expert-comptable, et pour maximiser l’effet pédagogique pour moi, j’avais décider de ne lui poser la question que si je n’avais vraiment pas trouvé la réponse par un autre moyen. Au total, j’ai dû lui poser environ une dizaine de questions "de saisie comptable". Ca paraît peu, mais c’est énorme : ça fait 10 sujets sur lesquels, sans expert-comptable, et malgré des recherches très conséquentes de mon côté, je serais vraiment resté le bec dans l’eau.
Il n’y a pas qu’une seule voie
Je pensais qu’il n’y avait qu’une seule façon orthodoxe de faire de la saisie comptable. En fait, non. Par exemple, vous pouvez mettre les indemnités kilométriques en frais de "Voyages et déplacements" (6251). Mais vous pouvez aussi faire un sous-compte 62511 Indemnités kilométriques.
Très souvent, il y a plusieurs solutions.
Ainsi, il n’y a pas qu’une seule solution, une seule voie ; il y a diverses solutions possibles, plus ou moins propres, plus ou moins élégantes, plus ou moins chronophages.
Les coups de main
J’ai très souvent regretté de ne pas avoir quelqu’un pour me montrer. L’idéal, c’est vraiment d’avoir quelqu’un qui peut vous montrer : un ami comptable, ou bien quelqu’un du cabinet d’expertise comptable qui fait le déplacement pour vous mettre le pied à l’étrier en passant 1 à 2 heures avec vous pour faire les premières dizaines d’écriture… Je n’ai malheureusement pas pu bénéficier de cela.
A noter d’ailleurs que EBP est assez peu répandu. J’ai bien quelques comptables parmi mes connaissances, mais quand ils répondent "ah non, nous au boulot on est sur tel autre logiciel ; à la rigueur je connais un peu Ciel mais pas EBP", je n’avais pas le cœur de leur demander de se pencher sur les spécificités de "mon" logiciel.
Ce qu’on apprend en faisant sa saisie comptable
On apprend déjà à faire de la saisie comptable. Si à un moment j’ai vraiment besoin de croûter, je pourrai toujours essayer de me faire embaucher comme secrétaire comptable. 
Plus sérieusement, ça me semblait une compétence très utile pour compléter mon profil de cadre sup / directeur-adjoint (je ne sais pas exactement ce que je suis, mais enfin un truc comme ça). De même que pour diriger un atelier il est utile de savoir faire les tâches de l’ouvrier, pour faire de la gestion et du management il est utile de connaître le travail "de base" de la compta. En tout cas, c’est mon avis.
On apprend aussi à mieux comprendre son activité : comment sont considérés les charges et les recettes, comme se construit le résultat, quelle est la nature juridique et fiscale de ce que l’on fait et des objets qu’on manipule… Clairement, je n’ai plus du tout la même compréhension de mon activité qu’il y a un an. Je suis plus « sage ».
Bien sûr, on peut tout déléguer au cabinet comptable. Tant qu’à prendre un cabinet comptable, se garder la saisie comptable pour économiser quelques centaines d’euros alors qu’on va y passer des heures sans fin, ça n’est pas pertinent économiquement parlant. C’est sûr que si j’avais envoyé le paquet de factures à l’EC sans me soucier de compta, j’aurais économisé beaucoup de temps et je serais sans doute plus libre d’esprit. Je ferai mon activité, sans me soucier de la saisie comptable, tâche subalterne. J’appliquerais la même logique que de Gaulle : "l’intendance suivra".
Mais j’y ai gagné une bien meilleure compréhension de ce que je fais. J’y ai gagné aussi une tranquillité d’esprit : c’est moi qui ai saisi ma compta, je sais d’où ça vient, je suis d’accord avec tout, je comprends la logique et la cohérence de l’ensemble. Je peux répondre à des questions de tiers (par exemple un contrôle fiscal ou ma banque), car je sais d’où vient tout ce qui est écrit.
Quand les factures ont été moulinées par de petites mains qui ont saisi "au kilomètre", il est beaucoup plus difficile d’être certain d’être 100 % d’accord avec ce qui est écrit, de pouvoir comprendre d’où ça vient, de pouvoir assumer ce qui est écrit.
Le rôle de l’expert-comptable
Je ne regrette absolument pas de recourir à un expert-comptable, et je ne regrette pas du tout l’argent que ça me coûte.
1) il répond à mes questions.
2) il sécurise mon activité.
3) il remplit la liasse fiscale et tous les tableaux annexes, et il fait la télédéclaration.
4) Il sait ce qui est utile, en pratique. Les obligations comptables, fiscales etc sont si nombreuses qu’on finit par s’y perdre. Quand je luis cite une obligation, il me répond soit "ça, peut-être que c’est obligé en théorie, mais je ne l’ai jamais vu en cabinet d’expertise comptable, et jamais aucun contrôleur fiscal ne l’a demandé", soit "ça, c’est mieux si vous le faites comme vous dites, mais ça n’a pas de conséquence fiscale si vous ne le faites pas, c’est seulement "plus propre" si vous le faites", soit encore : "ça, c’est obligé, vous n’avez pas le choix". Bref, il m’aide à me repérer dans la jungle des obligations qui semblent quasiment sans fin.
Je ne sais pas si je pourrais faire tout moi-même en me passant totalement d’un expert-comptable. Je suis vraiment partisan de faire moi-même et de comprendre moi-même, mais à un moment, quand même, chacun son métier…
J’ai trouvé un expert-comptable assez jeune, très compétent, et avec lequel on peut discuter. C’est déjà arrivé 2 ou 3 fois, que je ne sois pas d’accord avec lui et, en lui expliquant pourquoi, il a convenu que j’avais raison. Je ne cherche pas quelqu’un qui soit omniscient et qui sache tout sur tout. Je cherche quelqu’un qui sache dans 99 % des cas, et qui, dans les 1% restants, ait l’humilité de dire "attendez, il faut que je vérifie" et parfois "ah oui, vous avez raison". Pour trouver cela, j’en ai d’abord rencontré deux qui n’ont pas fait l’affaire. Pour les deux, le problème était le même : sur mes quelques questions-tests naïves (auxquelles j’avais déjà la réponse), ils m’ont affirmé avec force un truc erroné. Or, qu’on me dise "je ne sais pas", ça me va très bien, mais qu’on m’affirme des trucs faux qui peuvent m’induire en erreur et me mettre en danger, ça ne me va pas. Ces deux experts-comptables étaient très expérimentés, sans doute trop, car ils étaient manifestement entrés dans la posture de l’expert qui sait tout et qui affirme, même quand il ne sait pas.
Voilà mes quelques réflexions à l’issue de cet exercice "bizarre". C’est un exercice instructif ; c’est aussi une plongée dans un monde étrange ; c’est aussi une vraie école d’humilité… Avec la compta, on sait qu’on n’a jamais fini d’apprendre !
Dernière modification par Bernard2K (19/04/2021 15h34)