J’ai côtoyé pas mal de sportifs de haut niveau "officiels", qui sont donc sur les listes ministérielles, sur des sports divers et variés (handball, foot, athlétisme, cyclisme, escrime, biathlon, ski, bobsleigh….). Au moins un d’entre eux sera à Tokyo cet été, d’autres sont ou ont été au niveau France ou Europe, beaucoup ont arrêté le haut niveau et continuent en amateurs pour le plaisir (certains ont arrêté complètement). Quelques-uns (très peu heureusement) traînent des blessures dont ils ne pourront pas se débarrasser. Nous avons dans la famille des jeunes qui ont été sur les listes ministérielles jeunes et ont profité des très bons systèmes de soutien pour combiner études supérieures et sport de haut niveau (aménagement du cursus pour accommoder les entraînements et les compétitions en saison…). Dès leur inscription sur les listes jeunes, ils ont eu un suivi médical (résistance physique, tests cardios…) et psychologique annuel qui permet aussi de vérifier qu’il n’y a pas d’abus (surentraînement ou pression excessive de la part du club ou de la famille par exemple). Dès les catégories jeunes, des tests anti-doping sont réalisés sur les compétitions, en principe seulement pour les meilleurs mais ça peut toucher tout le monde.
Quelques conseils pour un parent sur la base de mon expérience. En tant que parent, vous avez un rôle de soutien essentiel à jouer. Sans le soutien des familles, j’ai vu plusieurs jeunes très doués disparaître rapidement du circuit. Le soutien, cela veut dire faire le taxi pour emmener à l’entraînement, vérifier tous les médicaments chez vous pour éliminer tout ce qui est sur les listes de dopage (pas de sirop contre la toux pour un petit rhume!), préparer des repas étranges à des heures tout aussi étranges (la platée de pâtes à 6 heures du matin le jour d’une compétition!), et être prêt à sacrifier vos week-ends et certaines vacances pour suivre vos enfants sur les lieux de compétition (plus le niveau s’élève, plus la distance augmente).
Un rôle important aussi, soutenir le(s) club(s) de vos enfants en étant volontaire pour les activités diverses et variées (organiser le covoiturage pour les compétitions, faire des crêpes et les vendre les jours de compétition organisée par le club, etc….). Ce rôle est essentiel pour le fonctionnement des clubs mais vous permettra aussi de vous intégrer dans le club et d’en apprendre plus sur le sport -- et de bien choisir où mettre vos enfants. En discutant avec d’autres parents et des responsables du club local de vos enfants, vous vous rendrez vite compte que chaque club/coach/entraîneur a sa réputation et dans une région donnée, tout le monde dans le circuit sait qui a tendance à être trop ou pas assez compétitif, maintient une ambiance sérieuse ou fêtarde, soutient tous ses jeunes ou seulement les meilleurs, gère bien ou pas l’intensité d’entraînement à différents âges… En vous intégrant parmi les autres adultes du club, vous pourrez assez vite vous faire votre opinion et choisir le club qui convient le mieux à vos enfants. Il vous faut un club en qui vous et votre enfant ayez confiance et où la chimie passe bien au niveau personnel avec les entraîneurs.
Par contre, ce qui est très important c’est que vous ne vous impliquiez pas dans l’entraînement sportif de vos enfants, sauf pour appliquer les consignes des entraîneurs. Vous n’y connaissez rien et vous risquez de faire des dégâts. Si vous pensez en savoir plus et pouvoir faire mieux que les entraîneurs, formez-vous, passez les examens et devenez entraîneur vous-même. Je connais plusieurs très bons entraîneurs qui sont venus au job par/pour leurs enfants et ont continué pour en faire profiter d’autres jeunes. Je connais par contre plusieurs cas de parents qui ont tellement voulu coacher leurs enfants qu’ils ont soit dégoûté leurs enfants du sport soit ont été rejetés par les entraîneurs. Exemple classique: une jeune avec le niveau France dans son domaine mais dont le père gonflait les entraîneurs avec ses séances supplémentaires pas synchronisées avec le rythme officiel d’entraînement prévu pour être au top pour les grands championnats; les entraîneurs ont préféré donner la place en Equipe de France à une autre jeune plus facile à gérer.
Un dernier point. Vos enfants sont doués pour le sport et c’est très bien. Soutenez-les et aidez-les s’ils sont motivés. Mais ne leur donnez pas l’impression que vous ne les aimez que s’ils performent ou s’ils sont les meilleurs. Votre rôle est d’être là pour vos enfants, indépendamment du niveau qu’ils atteignent. Ils doivent faire le sport pour eux-mêmes pas pour vous (ni pour d’éventuels cadeaux liés à leur performance). Vous devez être prêts à les soutenir quand ils se blessent ou quand ils découvrent que d’autres sont meilleurs qu’eux. Souvent ceux qui sont très bons dans les catégories jeunes le sont à cause d’un développement physique précoce. Quelques années plus tard, ils n’ont plus cet avantage et les classements changent… Il faut alors être là pour gérer ça avec eux. Pareil si seulement un de vos enfants est très doué sur la durée et les autres stagnent; là encore, il faut être là pour gérer les tensions dans la fratrie et dans la famille.
Bonne chance! J’espère que dans quelques années vous viendrez nous communiquer que vos enfants se sont épanouis dans leur sport et ont réussi à atteindre leurs objectifs sportifs.