A la vue des différentes réponses, et des textes voici la synthèse que j’en ferai :
1. L’usufruitier a droit aux fruits, le nu-propriétaire aux produits.
2. De façon générique, c’est l’usufruitier qui a le pouvoir d’affectation des bénéfices, et pour les sociétés comme AIR LIQUIDE, la répartition des pouvoirs se fait comme suit : il a le droit de vote aux AGO et le nu-propriétaire aux AGE.
Les fruits sont différents du bénéfice distribuable (ils correspondraient plus au bénéfices distribués), en clair tous les bénéfices ne sont pas distribués -->
3. Les bénéfices non distribués ne font pas partie des fruits, ils sont mis en réserve, et ils appartiennent alors à l’entreprise, qui elle-même (pour la petite part concernée) appartient au couple nu-propriétaire/usufruitier en démembrement
l’article L232-11 du code du commerce oblige d’ailleurs de façon explicite l’assemblée générale à indiquer d’où sont tirés les dividendes :
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Art L232-11 du code du commerce a écrit :
En outre, l’assemblée générale peut décider la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont elle a la disposition. En ce cas, la décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués. Toutefois, les dividendes sont prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l’exercice.
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4. Air Liquide explique que ces actions gratuites (que certains pourraient considérer comme fruits, voire assimiler à des dividendes) sont issues des réserves, par suite elles ne sont pas issues des bénéfices distribuables de l’exercice, elles ne peuvent donc pas de façon évidente apparaître comme des fruits au même titre que des dividendes classiques.
5. La question à se poser est donc : Le fait que ces actions gratuites soient issues des réserves empêche-t-il vraiment la qualification de fruits ?
La réponse est assurément oui, puisque cette distribution est une distribution de capital sur les réserves de la société dont le Nu-propriétaire possède la nue-propriété; si on les donne à l’usufruitier en pleine propriété, alors mécaniquement on dépouille le nu-propriétaire.
La jurisprudence, s’il en est besoin, est constante la-dessus, par exemple (cours de cass : 14-16246 de 2015) le versement d’une somme d’argent issue des réserves se transforme en quasi-usufruit avec dette de restitution au décès de l’usufruitier, ce qui signifie que le législateur considère ce bien issu des réserves comme un bien appartenant en nue-propriété au nu-propriétaire et en usufruit à l’usufruitier, et comme c’est une somme d’argent, bien fongible, ça se transforme en quasi usufruit, radicalement différent du dividende classique qui lui est une somme d’argent qui appartient à 100% à l’usufruitier.
En conclusion :
. Pour moi le notaire a tort : les actions gratuites ne peuvent pas appartenir à l’usufruitier
. Je rejoins donc la position d’Air Liquide qui considère que les actions gratuites sont démembrées et leur usufruit revient à l’usufruitier, leur nue-propriété au nu-propriétaire.
. Au détail près que les rompus constituant une somme d’argent, ils doivent se transformer en quasi usufruit, c’est à dire que l’usufruitier peut utiliser la somme d’argent des rompus à sa guise, charge à sa succession d’en rembourser le montant (au nominal, c’est à dire sans tenir compte de l’inflation) au … nu propriétaire. Ils devraient donc être traités différemment et des dividendes classiques, et des actions gratuites…
Dernière modification par HeureuxUlysse (16/04/2022 22h12)