Geronimo a écrit :
J’aimerais réfléchir à une application concrète de cette situation, par exemple pour un couple avec deux jeunes enfants. Les deux objectifs sont la capitalisation et la transmission progressive du patrimoine, avec comme contrainte de garder les parents comme seuls maîtres à bord tant qu’ils le souhaitent.
Geronimo, il y a déjà énormément de choses dans votre message, peut-être pour être plus fin, il faudrait préciser le contexte.
Malgré tout, pour répondre à votre interrogation, je pourrais suggérer les commentaires suivants :
Etape 1 : structuration de la société
. Société civile ou SAS patrimoniale: dépend également de la volonté ou non de faire des activités considérées comme non civiles, par exemple si on veut se garder la possibilité de faire de la location d’immobilier meublé, il faut la SAS. Même si ’administration fiscale accorde une tolérance de 10% sur une activité marginale meublée, le risque de voir se créer une seconde société commerciale de fait n’est pas nul, avec toutes les conséquences qui vont avec.
Et pour limiter l’Abus de biens sociaux, il suffit d’élargir l’objet social au max.
Si l’un des conjoints est fonctionnaire, il faut la société civile.
La clause de compte courant débiteur, qui n’est possible que dans la société civile est effectivement un élément différentiant car un formidable outil pour avantager l’un des associés (un enfant) en lui prêtant de l’argent même gratuitement et durablement, dès lors que c’est prévu …dans l’objet de la société.
. Capital faible, essentiellement si on veut faire fonctionner l’effet de levier en endettant la société, et si on veut placer les enfants majoritaires dès le début, pour qu’ils profitent de l’enrichissement.
. Le capital fort peut par exemple faire du sens, pour avantager le conjoint en séparation de bien ou PACS, ou concubin qui aurait des revenus beaucoup plus faibles : le parent "riche" prête au parent "pauvre" une somme plus ou moins importante sous la forme d’un acte authentique avec taux 0%, et remboursement sur demande du prêteur (au plus tard au décès…), ce n’est pas une donation indirecte si l’acte est authentique avec date certaine, modalités de remboursement,… Et le parent "pauvre" apporte les fonds prêtés à la société, il est alors majoritaire ou égalitaire en capital, l’enrichissement se fera à deux, + enfants bien sûr.
. Le capital fort s’impose dans certains cas de lui même, lorsqu’on veut apporter un bien immobilier par exemple à la constitution de la société (puisque l’objectif est la transmission à terme).
. Pour la répartition, tout dépend si capital faible ou fort, et si imposition à l’IS ou à l’IR.
Si IR et capital faible, alors le mieux n’est il pas de ne garder qu’une part pour le père, une pour la mère, le reste aux enfants, on utilise les parts à vote plural pour les parents afin de déterminer les pouvoirs économiques et politiques. Vote plural qui s’éteint au décès par exemple, et/ou à la séparation des conjoints…
Si capital fort et imposition à l’IS, il est bon de se garder une part du capital pour le libérer ensuite par annulation des parts, cela permettra de sortir des liquidités de la société à l’IS à un coût moindre que le PFU des dividendes.
. Associer les enfants avant est souvent le mieux surtout si capital faible, les associer après, permet de purger la plus value si on est à l’IS.
. Qu’ils soient mineurs ne pose pas de problème, le juge des tutelles est inutile. De toute façon leur apport viendra de vous suite à donation à charge d’apport, donc pas de problème. La société civile peut même emprunter alors que l’un des associés est mineurs et ce sans autorisation du juge des tutelles…
Pour ceux qui veulent approfondir le sujet, lire l’excellente étude : "La société civile : un outil au service de la gestion du patrimoine des mineurs " :
http://www.althemis.fr/althemis_images/ … -apsp-.pdf
. Si capital fort, la donation des parts, plutôt que des liquidités pour apporter, peut faire du sens si on parle de gros montants, en effet, pour calculer les droits de donation, on peut appliquer une décote pour illiquidité aux parts de société, de l’ordre de 15%, dès lors qu’on a placé dans les statuts des clauses restrictives du type agrément, inéliabilité,.. Et en plus on peut démembrer les parts, surtout si les parents sont jeunes.
. Le régime fiscal, c’est vraiment une question de religion, si l’objectif est la capitalisation long terme autrement que par de l’immobilier, l’option à l’IS semble effectivement s’imposer. Elle permettra de surcroit de venir alimenter un compte courant qui capitalisera à taux réduit, et qu’on pourra utiliser comme une tirelire / "livret A". Dans la limite d’une succession, puisque le compte courant sera un actif de la succession, pas de la société…La question est vraiment de savoir à partir de quand, ils prévoient de sortir des liquidités de la société, et de voir leur TMI actuel et à venir.
Statuts de la société :
Les autres points d’attention à cette liste plus que déjà bien fournie, pourraient être :
. L’objet de la société, c’est un point essentiel pour deux raisons principales, 1. c’est un rempart (même si c’est moins évident depuis le mini abus de droit, mais quand même) face à l’administration fiscale lors de montages à venir pour justifier l’intérêt de la société, avant toute préoccupation fiscale 2. bien prévoir un objet large et exhaustif, l’erreur commune est par exemple de ne pas préciser explicitement que la société pourra vendre des biens immobiliers, possibilité de faire des emprunts, de faire toutes opérations sur un compte titres, y compris spéculatives à effet de levier, etc…
. Placer des clauses d’agrément et d’inéliabilité pour justifier et augmenter la décote
. Prévoir la répartition du boni de liquidation qui peut être inégalitaire, sans que ce soit une donation,
. Prévoir les conditions de la dissolution : c’est ici qu’il faut prévoir ce qu’on veut qu’il se passe en cas de divorce ou de séparation;
. On peut jouer avec les règles de majorité, par exemple des 2/3 dans certains cas, majorité simple dans d’autres, , dans le cas où l’on voudrait que l’un des parents n’ait pas de pouvoir sur certaines décisions, mais qu’il en ait sur d’autres.
. Bien définir les pouvoirs du gérant, en fonction de qui a la gérance et du pouvoir qu’on veut lui accorder.(surtout vrai pour la société civile)
. Bien prévoir les droits et rôles de l’usufruitier et du nu-propriétaire des parts; Il doit être possible de prévoir dans les statuts également ce qui advient en cas de cession des parts démembrées. Une sortie en report du démembrement sur le prix est possible, ce qui revient à créer un quasi usufruit sur le produit de la vente, et donc l’usufruitier reprendrait la totalité de la somme, à charge d’une créance à sa propre succession en faveur du nu-propriétaire. Peut être bénéfique dans le cadre d’une réduction de capital à venir si l’usufruitier a besoin de liquidités. (attention, il ne faudrait pas que l’usufruitier puisse décider seul de la vente des parts, sinon on prendrait un risque d’abus de droit à la donation de la nue-propriété des parts)
. Prévoir des comptes de réserve nu-propriétaire et usufruitier est également possible, on choisira ainsi où on place les réserves.
Les inconvénients à une telle stratégie que je vois :
. Cout de la structure (constitution, et frais annuels, banque, voire comptable le cas échéant)
. La société oblige à un certain formalisme, gestion, et on en prend pour longtemps… Certains, n’en veulent pas, surtout le conjoint survivant. Quelquefois, une simple stratégie via assurances vie, contrat de capitalisation, sont suffisants.
Par exemple, vous constituez 2 contrats de capitalisation par enfant, 1 de 15 ans, l’autre de 30 ans. vous donnez la NP progressivement en franchise de droit. Au bout de 15 ans, soit vous prorogez le contrat, il se poursuit, soit vous le rachetez et répartissez les fonds entre usufruitier et NP, soit vous remployez les fonds sur un bien démembré, soit vous ne rachetez pas, laissez votre contrat se terminer à échéance, et vous avez ainsi par l’effet de la loi, en tant qu’usufruitier le quasi usufruit sur le capital…
. Il peut être utile de constituer une SC par enfant, sinon ce n’est pas forcément un cadeau qu’on leur laisse à la succession (bien sûr, il faut que les montants le jsutifient).
Les avantages sont multiples :
. La mise en société ne génère pas un problème supplémentaire dans la gestion en couple pour moi, c’est comme la gestion des patrimoines communs et propres, sauf qu’avec une société, on peut décider en amont sans juge, et calmement les pouvoirs de chacun, les revenus de chacun (indépendamment des apports, ce que ne permet pas la séparation de biens par exemple), comment se fera le boni de liquidation (comment vous voulez partager la société et son patrimoine, les règles "récompense" en quelque sorte c’est à dire qui doit quoi à l’autre, ce que la loi ne permet pas autrement sauf à ajuster un contrat de mariage, ce qui est lourd), quand et qui décidera de la séparation, le pouvoir de chacun (même si l’un des deux a très peu de patrimoine, il peut être gérant à égalité de pouvoir, ce qui n’est pas possible hors société), etc…
. Tous les avantages que la société permet, transmission progressive en franchise de droits, avec décote et en démembrement, subvenir aux besoins d’un enfant adulte dans le besoin, via distribution de dividendes inégalitaire, avance en compte courant, faire bénéficier aux enfants d’un prêt réalisé par la SCI et garanti par les parents, rachat d’un bien immobilier ou de SCPI à soi même après 30 ans pour recréer des intérêts à mettre en face des revenus fonciers et transférer la propriété progressivement aux enfants, garantir à son conjoint un usufruit paisible après son propre décès, donner la possibilité au conjoint de revendre la résidence principale après le décès même s’il n’a que l’usufruit, etc…
Dernière modification par HeureuxUlysse (21/05/2020 23h27)