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Cityboy : Confessions explosives d’un trader repenti paru en 2009.

Attention je vais spoiler à fond ci-dessous en donnant un peu de contenu sur les chapitres donc si vous ne voulez pas savoir mais que vous voulez avoir une idée de quoi parle ce livre et bien en résumé c’est l’histoire d’un analyste de la City à Londres, secteur utilities, sous secteur traitement des eaux usées, ce n’est pas une autobiographie mais c’est fortement inspiré de son expérience à la City. Ca se passe de fin des années 90 à 2008 et c’est …. tellement glauque…….! Pire que Le Loup de Wall Street. Un condensé de ce pour quoi les traders et la finance sont détestés par la population. L’auteur est extrêmement vindicatif, sarcastique, mais aussi totalement lucide sur sa propre participation à ce système et à ses travers. Un régal à lire du fait du to%n de l’auteur, et des pratiques pas possibles que l’on y lit… Allez go.

Spoiler
Donc c’est l’histoire d’un analyste du secteur des utilities à Londres.
Un analyste pistonné sans diplôme, qui atterrit dans ce milieu par pressions familiales. Le livre est basé sur l’expérience de son auteur, mais il précise qu’il a modifié les noms, les entreprises, les employeurs etc, qu’il ne décrit pas fidèlement une personne A qu’il renomme B, mais que tout ce qu’il raconte est le reflet de son expérience de la City et que cela l’a décrit bien dans son ensemble. L’auteur emploie un to%n particulièrement sarcastique et souvent injurieux, cela peut rebuter, moi ça m’a fait sourire personnellement.

Prologue : le camé : récit d’une soirée sous cocaïne un dimanche soir jusqu’au l’aube du lundi, qui n’était finalement pas férié, analyse rapide de l’explosion d’une centrale électrique dans l’Utah (pour remplacer un collègue) et pertes de 1 M£ qui s’en suivirent suite à des recommandations à l’envers du marché. En gros l’analyste avait chiffré le coût de la mise à l’arrêt de la centrale pendant X jours, ramené au nombre d’actions mais le marché est bien plus excessif dans son jugement. Lourdes pertes pour ses clients.

Chapitre 1 Le gourou :
Les conseils détaillés de son premier chef et les 6 points clés de l’analyste (page 40) :
1) Serrer les mains
2) Publier ou couler
3) Faire sa propre pub
4) Couvrir ses arrières
5) Se pendre aux basques d’un brillant analyste
6) Rien de toute cette merde n’a d’importance
Des similitudes avec le livre français "Analyste" : le temps pour rédiger les notes, les horaires matinales (et hebdo 70 heures!), le temps alloué aux analystes en Morning Meeting…
Les beuveries à foison, le bullshit du job…

Chapitre 2 Le trader : Tony le trader trentenaire, débauches à souhait, machiste etc
Comment gagner des clients et maximiser les gains potentiels : devient l’ami d’abord, et le banquier ensuite, ils ne pourront rien t$e refuser.
Comment utiliser les "dossiers" sur ses clients à son propre profit.
Description du Bonus-Day, attitudes à adopter pour maximiser son bonus etc
Comment survivre et ne pas se faire virer pendant les krachs et récessions, la différence entre un délit d’initié et le front running, la communication sélective..
Les ardoises des traders/analystes effacées contre des profits pour la banque qui les emploient.
Les 7 règles d’or anti renvoi page 72 :
1) La ruse de la dépression nerveuse
2) Le coup des alcooliques anonymes
3) Le prétexte du deuil
4) La feinte de la délation
5) L’aveu de son homosexualité
6) L’invocation de la persécution
7) L’arnaque à la grossesse
Des conseils pour obtenir une meilleure rémunération fixe et des bonus garantis et faire croire que l’on est courtisé sur le marché.
Description d’un séminaire en France avec les équipes de Londres et Paris qui se détestent royalement. Ou comment cramer un demi million en deux jours aux frais des clients. Description d’une soirée absolument sordide dans les sous sol de Londres… (le pire passage du livre je trouve).

3- L’enflure : chapitre descriptif d’un d’analyste concurrent. Un type odieux (pire que l’auteur, enfin de son point de vue)
Les oscars de la City : qui est le meilleur analyste sell side par secteur selon le vote des analystes buy side / clients. Soudoyer les analystes buy side pour obtenir des votes, frais qui se retrouvent dans les frais de gestion finaux facturés aux buy side et à leurs clients fonds de pension. 
Des séminaires offerts aux analystes par des sociétés au même moment où les stocks options du management arrivaient à maturité…
L’auteur explique aussi comment l’esprit de compétition de la City l’a rendu encore plus arrogant / con… parfaite preuve de son manque de confiance en lui selon ses dires.
"Seule cette volonté désespérée de gagner, soigneusement entretenue et catalysée par un profond sentiment d’insécurité, peut expliquer pourquoi les travailleurs de la City se lèvent chaque jour à cinq heures et demie du matin et bossent plus de 70 heures par semaine alors que la vie est si courte. Les gens satisfaits et sûrs d’eux ne veulent pas d’une existence aussi absurde."
Différence de traitement des analystes par le management suivant l’opinion de l’analyste sur le titre.
Conflit d’intérêt entre l’analyste qui travaille pour une banque qui elle peut se faire confier du M&A si son analyste sell side est positif…
Rétropédalage sur les DCF pour que le résultat tombe sur ce qui est voulu (#reverseDCF).
L’analyste "enflure" qui baratine un sous directeur en lui expliquant le métier d’analyste dans un jargon volontairement technique même si son explication n’a au final ni queue ni tête.
Récit d’une compétition de golfs entre analystes et la soirée arrosée qui s’en est suivie. Avec la prise d’un pari entre l’auteur et "l’enflure".
Description sarcastique des usines de traitement des eaux usées de toute l’Europe.
Questions pièges de l’analyste "enflure" aux salariés pour contredire les explications du management sur les capacités de traitement…

4-Le génie : chapitre sur le débauchage de l’auteur par des cabinets de recrutement, vers une nouvelle banque allemande et un nouveau chef d’équipe, un génie de l’analyse, un nouveau mentor qui pourrait permettre à l’auteur de mieux figurer dans les classements Oscar de la City. Long processus de recrutement de 8 entretiens du fait de l’énormité du package de rémunération. L’auteur explique avoir préféré leur laisser faire le premier pas au sujet de la rémunération potentielle, pour éviter de se sous estimer ou de paraitre hors marché si la demande était perçue exorbitante. L’auteur évoque une nouvelle fois le syndrome de l’imposteur et du coup gonfle sa rémunération actuelle quand elle lui ai demandé, en espérant une surenchère et également de pouvoir tirer un maximum d’argent du secteur avant d’être épinglé pour son manque de compétences. Une fois la rémunération négociée l’auteur doit présenter sa démission à son employeur et s’attend à recevoir les 5 réactions suivantes :
Le chantage affectif
La carotte
La menace
Le dénigrement du nouvel employeur
L’acceptation
Au final 5 semaines de préavis à la maison (en vacances) organisation du pot de départ au cas ou il retrouve ses futurs anciens collègues plus tard dans sa carrière… 5 semaines passés en Inde à retrouver un pote hippie avec qui il trainait avant de devenir analyste. Il fût frappé par le film Fight Club et une des phrases de Tyler : "on fait des boulots qu’on déteste pour se payer des merdes qui nous servent à rien !"

5- Le client : développement des Hedges Funds et rémunérations faramineuses. Attrait des banques d’affaires pour aider à monter des HF en devenant leur primary broker. Du fait de leurs nombreuses transactions (pain béni pour les brokers) les actions devenaient de plus en plus volatiles, même les plus "sûres" montaient et descendait "comme la petite culotte d’une escaladeuse de braguette". Augmentation des prises de risques par les traders, dont les banques d’affaires fermeront les yeux sur les agissements / infractions tant qu’ils gagnent, s’ils se plantent ils risquent d’être virés mais personne ne leur réclamera les sommes perdues. Le risque de la VAD est asymétrique pour le trader qui ne met en jeu que son bonus, un petit rappel sur les règles du jeu qui ont poussé Jérôme Kerviel à agir de la sorte.
Description du comportement des traders et "justifications". Récit d’une matinée imbibée passée au champ de courses avec le trader d’un hedge funds. Première prise de cocaïne pour l’auteur. Citation de Robin Williams : "La cocaïne, c’est le moyen qu’a trouvé Dieu pour vous prévenir que vous gagnez trop d’argent". Mais ce n’était plus le cas à l’époque car la coke ne coûtait pas cher. Il dit que de nos jours cela a changé les traders sont plus sages et il y a plus de contrôles même si des trafics d’urines saines persistent.
Page 192 description de la roue capitaliste : "les économies capitalistes ne peuvent survivre que si elles croissent et, pour se faire, les peuples doivent être insatisfaits car seule une population qui cherche désespérément à améliorer son confort matériel sera toujours tentée d’acheter une voiture plus belle ou une veste plus élégante. Afin d’assurer notre succès, nous avons chargé les publicitaires de répandre la bonne parole. Ces pourris nous vendent la glace qui nous fait grossir, puis la pilule qui nous fait maigrir. L’astuce consiste à ce que vous vous sentiez le plus mal possible dans votre peau pour vous pousser à dépenser un max d’argent, dans l’espoir illusoire que cela vous rendra sexy et heureux. Il ne faut surtout pas que vous soyez satisfait, sinon vous gardez votre vieille caisse et tout le système s’écroule."
Un weekend à Ibiza avec le gérant d’un Hedge Fund et quelques copains aussi imbuvables que lui. Énorme prise de stupéfiants et délit d’initié du gérant de Hedge Fund qui avait des infos sur les OPA via un junior d’une banque d’investissement… et qui répandait aussi de fausses rumeurs d’OPA pour se débarrasser de titres qui avaient baissé…

6- le leader :
Chef du département des services aux collectivités d’une grande banque très connue, l’auteur se fait démarcher et emmène avec lui "le génie", sans qui il serait vite démasqué en tant qu’imposteur.
Banque américaine négo de 120k de base et 2 bonus de 280k garantis. Encore 3 mois de préavis payés à ne rien faire. Du coup l’auteur part en festival, et en pleine matinée alors qu’il était bien "perché" il croise son futur patron et sa fille…. Du coup la banque lui fait faire une visite médicale avec un test d’urine. L’auteur a le temps de demander un flacon à son frère qui s’apprête à devenir religieux… puis il passe les 2 mois restants en Amérique du Sud.
Il détaille notamment la visite folklorique d’une prison bolivienne où tout est à vendre et où les prisonniers produisent de la cocaïne..
Embauche chez son nouvel employeur le 10 septembre 2001 à la veille des attentats.
A cette époque beaucoup de scandales financiers éclatent tellement la dérégulation du secteur avait entrainé d’abus de tous bords, notamment aux USA.
Des gens bien informés comme l’auteur ont aussi mis le doigt dans la bulle dot com en espérant trouver plus bêtes qu’eux pour racheter les titres plus cher.
L’IPO de lastminutes.com qui nota la fin de la musique l’auteur avait multiplié son patrimoine par cinq en un an avant de tout reperdre (et davantage).
Son collègue le génie lui, n’avait jamais trempé la patte dans le pot de confiture.
Evocation du scandale Enron et l’influence politique qui a joué à créer cette escroquerie. Worldcom, Tyco… Technique du spinning…
A la suite de ces scandales de lourdes amendes ont été infligé aux banques et plus de régulation afin d’épaissir les murailles internes des banques d’investissement entre les services…
Mais même l’IPO d’EDF était survendue aux investisseurs, les analystes étaient là pour remporter la mise sur le marché pour leur banque.
L’auteur ne comprend pas l’investissement démesuré de certains city-boys dans ce boulot stérile avec parfois des salaires et bonus garantis.
Il détaille page 269 les 7 motivations des gens déficients* (en référence aux 7 habitudes des gens efficaces de Covey). (j’éditerai ce soir avec le bouquin dans les mains)
1) l’insécurité (besoin de reconnaissance)
2) la compétitivité (va de pair)
3) l’éducation (l’éthique de la besogne)
4) la négation de la vie (s’enivrer du travail pour ne pas voir le temps qui passe et nous approche de la mort)
5) la peur (de se faire virer, et de devoir changer de style de vie). "L’argent peut aussi vous protéger des aspects les plus effrayants de la vie sur cette planète. La vie est un sandwich à la merde. Et plus on a de pain, moins on mange de merde."
6) L’avidité : recul constant du capital "nécessaire" pour être indépendant financière, et augmentation constante du style de vie..
7) La famille : "je ne parle pas de travailler pour le bien des siens, je parle des milliers de Cityboys qui trouvent leur vie de famille si pénible qu’ils préfèrent encore rédiger des notes mortelles que personne ne lira ou raconter des âneries à des gestionnaires de fonds. Rien de tel qu’une épouse aigrie de ne jamais voir son mari et des enfants trop gâtés pour vous inciter à rester au boulot."

Puis il décrit le début de l’équipement de la finance en BlackBerry, bien sûr l’auteur, en fumiste invétéré, refusait de se faire polluer la vie par cet engin.
Selon lui, une innovation qui entraînera plus de divorces et d’enfances malheureuses qu’aucune autre innovation (ce pourrait être toujours d’actualité aujourd’hui ^^).
Déjà que les Cityboys travaillent plus de 70 heures par semaine, mais ça c’était sans compter sur le smartphone.

7- La pouf : liaison au bureau avec une collègue et description des pots de départ des "loosers" qui perdent leurs jobs en 2002/2003 + participation à des soirées orgies/échangistes.
Réponse sexiste des collègues selon si le "dépravé" est un homme ou une femme. Et toujours le concours entre "l’enflure" et l’auteur, sur le classement du meilleur analyste et de la meilleure équipe.
Ils se détestent mutuellement et font monter les enchères de leur pari.

8- Le jeune diplômé :  description des jeunes embauchés, discriminations à la City, machisme… bizutage homophobe.
L’auteur lui donne des conseils plus ou moins bien avisés pour réussir dans le métier… Cela flatte son égo démesuré également.
Le jeune amène du plus dans la gestion des clients, notamment une base de données avec des informations personnelles (prénoms des enfants, du chien, équipe de foot favorite…) afin de faire ami-ami et de récolter des votes + le Voice Push qui permet d’envoyer un message vocal automatiquement sur la messagerie d’un client qui n’aurait pas décroché (la majorité lors des nombreuses séances de "phoning"…).
Et analyse des votes des institutions des années antérieures pour concentrer les efforts sur les bonnes institutions au bon moment et de la bonne manière.
Description des clients et de leurs mœurs dans quelques pays européens et aux Japon
Il liste une série de phrases toutes faites / baratin que débite le jeune embauché sur les conseils de l’auteur. Signe qu’il est prometteur dans le métier.
Et on assiste enfin au dénouement du classement Extel des analystes, 6 ans après la rencontre de "l’enflure".
Grosse remise en question de l’auteur sur la vie menée durant ces années à la City et la manière dont cela l’a radicalement transformé.
Décision de quitter ses pantoufles dorées de la rat race.
Sur les conseils de son père pourtant de gauche il reste 3 ans de plus à la City pour mettre de côté et réfléchir à sa reconversion plutôt que de tout plaquer du jour au lendemain.
Par chance ces 3 années supplémentaires sont fastes pour les marchés entre 2004 à 2007.. puis arrive le krach de 2008 lié aux subprimes et les nombreuses faillites bancaires, signe que les leçons de la débâcle Enron avaient été vite oubliées. L’auteur est clairement en mode quiet quitting de 2004 à janvier 2008. Il s’assainit également aux niveaux de ses addictions. C’est durant cette période qu’il a décidé décrire ce livre.

Épilogue le hippie : retour aux sources. Epilogue dans lequel l’auteur suggère quelques améliorations à apporter à la City et à ses boys pour réduire les déséquilibres avec le commun des mortels. Réflexions sur le monde du travail, la rat race ce qui rend heureux ou pas, la consommation et les impacts écologiques. L’auteur ne se voile jamais la face sur sa contribution à tout cela.

Dernières minutes où l’heure de vérité 6 mois après l’écriture du livre. Rappel de comment on en est arrivé à la crise des subprimes et la titrisation, les emprunteurs subprimes se faisaient appeler les NINJAS : No Income, No Job, No Assets. Et comment des banques risquées ont fait faillite avec leur modèle de financement et de liquidité (ça rappelle quelques casseroles de début 2023..).
"Personne sur son lit de mort ne s’est jamais plaint de ne pas avoir assez travaillé."
"C’est peut-être un cliché mais cette constatation résume tout à mes yeux."

L’auteur est également connu pour sa chronique, City Boy dans le journal thelondonpaper.

Il a également tourné un clip sur le sujet : (si vous trouvez les paroles à l’écrit / transcript je suis preneur)

Dernière modification par bibike (11/09/2023 21h17)