2 #1 24/10/2013 22h12
- vauban
- Membre (2013)
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Bonjour,
Ce message ne prétend pas avoir valeur universelle mais reflète simplement mon opinion à ce jour sur la question et a vocation à susciter un débat argumenté.
Introduction
Pendant de nombreuses années, j’ai considéré l’endettement et l’effet de levier comme le mal absolu et ne pouvais pas concevoir qu’une personne rationnelle pouvait acheter un bien à crédit. Vous connaissez mon côté binaire et tranché. J’ai appris avec le temps à être plus mesuré sur ce point, bien que je revienne de loin sur le sujet.
L’endettement - Un mal ?
Comme chacun sait, s’endetter pour acheter un bien a un coût. Lequel d’entre nous conseillerait un crédit revolving à un TEG de 20 % pour acheter un téléviseur dernier cri à un ami (ou même à un ennemi ?) ? Comment accepter le risque de surendettement associé ? Si je perds demain mon emploi, n’aurais-je pas le couteau sous la gorge ? L’endettement n’est-il pas caractéristique d’une personne vivant au-dessus de ses moyens ?
C’est principalement contre ces effets négatifs que mon opposition de principe s’élevait.
L’endettement - Un bien ?
J’ai reconsidéré ma position à la lumière des 2 éléments suivants:
* Certains investissements permettent d’obtenir une rentabilité supérieure au taux du crédit.
* Pour ne pas risquer le scénario du surendettement, il faut se placer dans une situation dans laquelle notre patrimoine net (si possible liquide) est supérieur à la dette.
En respectant ces deux règles, l’endettement apparaît sous un jour positif.
Le levier - Qu’est-ce que c’est ?
L’effet de levier lié à l’endettement est simplement un amplificateur: il accentue les situations positives comme les situations négatives. Plus l’endettement est fort, par rapport au patrimoine net, plus l’amplification est forte: c’est le niveau de levier. L’amplification a en elle-même un coût.
Niveau de levier direct
En fonction du type d’investissement réalisé, les conditions de crédit ne seront pas les mêmes.
Pour un emprunt pour acheter des actions (crédit lombard), les conditions sont assez défavorables:
* Les actions nanties pour garantir l’emprunt ne sont valorisées qu’à une fraction du prix du marché.
* Il faut être en mesure de répondre aux éventuels appels de marge, qui plus est au mauvais moment.
* Les taux sont souvent (mais pas toujours) variables et plus élevés que pour un emprunt immobilier.
* La durée des emprunts est courte (3 ans). L’investisseur est soumis au bon vouloir de son banquier.
Si l’on ne veut pas être forcé de vendre au mauvais moment, je ne suggérerais pas d’emprunter plus d’un quart de son patrimoine net liquide pour acheter des actions.
Pour un emprunt immobilier, les conditions de crédit sont bien meilleures:
* La garantie valorise le bien au prix d’achat.
* Si le marché immobilier baisse, votre banquier ne va pas vous faire un appel de marge pour reconstituer la garantie.
* Il est possible d’obtenir un taux fixe correct.
* Les durées d’emprunt peuvent être longues.
Pour un emprunt immobilier, je ne suggérerais pas d’emprunter plus de 100 % de son patrimoine net liquide par ailleurs (sauf pour se constituer un patrimoine en partant de 0, comme expliqué ci-après).
Niveau de levier indirect sur les actions
Le passif des entreprises est constitué de dettes et de capitaux propres. En achetant une action, l’investisseur est exposé au levier de l’entreprise. Il s’agit donc d’un levier indirect. J’applique généralement aux entreprises les mêmes règles que je m’impose à moi-même, lors de ma sélection: l’endettement doit si possible être inférieur aux capitaux propres et les actifs liquides permettre de rembourser immédiatement la dette.
Je déconseillerais fortement les produits à fort levier en bourse (warrants, turbos, options, etc…), sauf à se placer dans une situation dans laquelle le fort levier est atténué par un actif liquide sans levier (ce qui permet de faire descendre le levier global).
L’effet de levier - Attention au deuxième effet Kiss Cool !
Vous avez trouvé des investissements immobiliers à 10 % et des crédits à 20 ans autour de 3 %. Partant d’un patrimoine net de 100 000 euros, vous empruntez 1 000 000 d’euros, la marge bénéficiaire au-delà de l’autofinancement permettant de convaincre votre banquier du bien fondé de l’opération. Jusque là tout va très bien: gérant correctement vos biens, vous parvenez à maintenir ce niveau de revenu et bénéficiez à plein du différentiel entre revenus et taux du crédit.
Mais soudain, en raison d’un accident de la vie, de l’explosion d’une centrale nucléaire située à proximité ou à cause de la perte de l’attractivité économique de la région, rien ne va plus. Vous vous retrouvez surendetté alors que vous êtes un bon gérant, incapable de faire face à la situation. Ces risques sont peu probables, j’en conviens, mais leur sévérité est majeure car un niveau de levier trop élevé vous expose à un risque de surendettement.
Il ne me semble pas nécessairement irrationnel de s’exposer à ce type de risques pour une période de temps très limitée (5 ou 10 ans ?) pour se constituer rapidement un patrimoine en partant de 0. Par contre, je recommanderais vivement de réduire la voilure (i.e. le niveau de levier) dès que possible, pour ne pas risquer de se brûler les ailes.
L’endettement et l’inflation
L’un des risques majeurs et sournois pour les personnes disposant d’un patrimoine est l’inflation. Placer son patrimoine dans l’immobilier ou en actions (lorsque les entreprises sont capables de répercuter auprès de leurs clients les hausses des coûts de leurs fournisseurs) est une bonne protection contre l’inflation. Un placement monétaire sera à l’inverse généralement dévoré par l’inflation.
L’endettement est un outil permettant non seulement de se protéger contre l’inflation mais même d’en bénéficier. En empruntant de la monnaie, qui subit l’inflation, et en achetant un bien l’en protégeant (immobilier / actions), l’investisseur en bénéficie.
En période de rente, cet outil peut être particulièrement puissant. Si le rentier parvient par exemple à faire un crédit in fine à taux fixe à un taux raisonnable sur une période longue pour un montant globalement équivalent à ses actifs pour acquérir des immeubles de rapport à forte rentabilité (10+ %), il s’agira d’une excellente protection de l’ensemble de son patrimoine contre l’inflation, afin d’éviter qu’il ne se réduise comme peau de chagrin.
Conclusion
De mon côté, vivant mal le risque de surendettement, je n’abuse pas du levier et reste dans une configuration sereine dans laquelle l’endettement est inférieur au patrimoine net liquide, en investissant le montant du crédit dans l’immobilier, même si, comme chacun sait maintenant et cela n’engage que moi (Actions vs Immobilier : pourquoi je préfère les actions…), je préfère l’investissement en actions, qui ne permet malheureusement pas un investissement à crédit dans des conditions aussi satisfaisantes que celles d’un crédit immobilier. Un levier autour de 1,25 sur mes actions pourrait également constituer un prolongement logique de ma stratégie (le risque de ne pas pouvoir faire face à un appel de marge lié à une évolution défavorable des prix des actions est alors très atténué).
Quelle est votre opinion argumentée sur l’endettement / le levier / le niveau de levier optimal ?
Cordialement,
Vauban
Dernière modification par vauban (18/11/2017 09h42)
Mots-clés : effet de levier, endettement, levier
"Price is what you pay. Value is what you get.", Warren Buffett
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