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1 #1 21/01/2024 20h42
- Eaf852
- Membre (2019)
- Réputation : 1
Bonjour,
Je me permets de poster un message, parce qu’il me semble que ce sujet n’a pas encore été abordé sur le forum des IH.
C’était un peu passé sous les radars à l’époque, mais la loi industrie verte, votée en octobre 2023, autorise le ministre de de l’économie à définir par arrêté un pourcentage minimal de l’épargne confiée sous mandat de gestion (gestion dite « pilotée » lorsqu’un gestionnaire choisit les supports d’investissements à votre place, par opposition à la « gestion libre », lorsque vous choisissez vous-même vos supports d’investissement) qui devra obligatoirement être investie en supports de private equity (titres non cotés, je détaille plus bas si vous ne savez pas de quoi il s’agit). Cette obligation concerne uniquement les assurances-vie et les PER en gestion pilotée, et ne concerne pour l’instant pas la gestion libre.
L’arrêté définissant les pourcentages minimaux n’est pas encore publié, mais la presse (voir articles ci-dessous) parle d’un minmum de 2% pour les mandats « prudents » en assurance-vie et jusqu’à 15% (!) pour les PER.
Les Echos - PER, assurance-vie : les épargnants contraints d’investir dans le non-coté ?
L’AGEFI - Le poids du non coté fait encore débat dans l’assurance vie
JDN - L’Etat veut décider à la place des Français comment investir une partie de leurs économies
Quelques mots sur le « private equity »
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, les supports de « private equity » prennent des participations au capital d’entreprises qui ne sont pas cotées en bourse (on parle aussi de supports de tires non cotés en Français). C’est assez similaire à l’achat d’actions en bourse ou la souscription à une émission d’actions, mais la différence est qu’il n’y pas de bourse où revendre les titres. Si on veut récupérer ses fonds, il faut donc trouver une contrepartie pour revendre la participation, et le prix se négocie de gré à gré.
Le private equity (ou les titres non cotées) sert en général à financer les PME pour leur démarrage (startups, capital-risque) ou pour leur croissance (capital-développement). L’objectif de Bercy avec cette loi et ce projet d’arrêté est de faciliter l’accès au capital des PME (mais aussi des ETI), notamment pour financer leur transition vers le numérique, mais aussi la transiition écologique.
C’est potentiellement un bon investissement, à la fois utile à la société et en général rentable, mais il y a tout de même quelques inconvénients notables, et je ne suis pas certain que forcer monsieur tout le monde à investir dans cette classe d’actif soit la meilleure chose à faire.
En premier lieu, c’est très illiquide. Il y a différents types de fonds de private equity, mais la durée de blocage des investissements est de 10 ans en général (entre 7 et 12 ans). C’est quand même une contrainte forte et même 2% de private equity dans un mandat « prudent » (donc souvent réputé être un placement d’assez court terme) fait que 2% de ce mandat ne pourra pas être racheté avant 10 ans. En assurance-vie certains assureurs offrent de la liquidité secondaire, mais il y souvent des frais de sortie conséquents (comme sur les SCPI en assurance-vie) de l’ordre de 5%.
En deuxième lieu, ces fonds sont vraiment très chargés en frais. Les fonds de private equity ouverts au grand public (FCPR / FCPI / FIP) facturent de l’ordre de 3.5% de frais, mais en incluant aussi les frais d’entrée, on peut monter jusqu’à 5%. Pour rappel, un fond ETF d’actions cotées coûte de l’ordre de 0.25%. Oui, le private equity est censé être plus performant que les actions cotées, mais avec des frais aussi élevés, pas certain que le particulier en voie la couleur.
En troisième lieu, il y a un très très forte dispersion des performances sur ce type de placement. Les FPCI (Fond Professionnels de Capital Investissement, à ne pas confondre avec les FCPI) trustent le haut du classement en termes de rendement, mais le ticket d’entrée est de 100 000€, et il n’y a pas d’agrément AMF, bref, c’est quand même plutôt pour les gens qui savent ce qu’ils font.
Pour les fonds grand public, type FCPR / FIP / FCPI, la performance n’est pas toujours reluisante, en particulier pour les fonds "fiscaux" (FIP / FCPI). Si vous ne connaissez pas, ces fonds offrent une réduction d’impôt de 18% / 25% (en fonction des années) à la souscription. Mais leur performance n’est pas toujours reluisante (comprendre c’est régulièrement en dessous de 0%, même après 10 ans de détention). De même, si on regarde les FCPR actuellement référencés en assurance-vie, après frais, ils ont des performances autour de 4%/an sur les dernières années, donc clairement pas mieux qu’un ETF action coté.
AMF - Investir via un fonds de capital-investissement (FCPR, FCPI, FIP)
Bref, à mon sens, on est en train d’envoyer l’épargne des épargnants les moins bien informés (ce sont eux qui choisissent les mandats de gestion) vers des fonds illiquides, très chargés en frais et dans une catégorie ou "y’a à boire et à manger". Je comprends la nécessité de financer les PME / ETI, mais l’allocation du capital sera bien plus efficace avec des épargnants informés et suivants leurs investissements qu’avec des clients captifs pour les société de gestion de private equity.
Précisions juridiques
Si vous vous demandez par quel miracle le ministre de l’économie peut vous forcer à investir votre épargne dans telle ou telle classe d’actif, tout est dans la loi industrie verte, article 35.
En ce moment, il n’y a pas de cadre juridique spécifique pour les mandats d’arbitrage en assurance-vie, c’est un contrat comme un autre et les sociétés d’assurance-vie sont libres de proposer tout types de mandats (théoriquement elles peuvent vous proposer un mandat qui investit exclusivement dans des actions de technologie ou exclusivement dans des obligations de telle zone géographique). Par contre, un cadre juridique spécifique existe pour le PER (Code Monétaire et Financier, L224-3). La loi crée un cadre juridique équivalent pour l’assurance-vie (Ajout de l’article L132-27-3 et suivants, Code des Assurances). Ensuite la loi introduit la possibilité pour le ministre de l’économie d’imposer par arrêté une fraction de non coté dans la gestion pilotée (Ajout du de l’article L132-5-4 dans le Code des Assurances, et modification du L224-3 du Code Monétaire et Financier).
Le détail des modifications des profils de gestion sous mandat est renvoyé à un arrêté, dont la publication est à venir (cf. articles de presse ci-dessus).
Impacts sur le secteur de l’assurance-vie et le PER
En créant un cadre rigide pour les mandats d’arbitrage, cette loi risque de gêner l’activité de certains acteurs qui proposent des mandats 100% ETF. En effet, en général il proposent 10 profils pour bien coller au niveau de risque souhaité par l’épargnant, mais il est probable que l’arrêté ministériel n’en définisse que 3 (prudent, équilibré, dynamique) comme sur le PER. Du coup, paradoxalement, cette loi pourra mener à une réduction de la prise de risque par certains investisseurs (si vous étiez à au profil 10/10, probablement, le profil dynamique correspondra plutôt à du 7/10). Et en plus cette loi va les forcer à investir une fraction en private equity, donc les mandats ne seront plus 100% ETF.
L’inconvénient majeur de cette loi, à mon sens, c’est qu’elle va amener des clients quasi captifs vers les sociétés de gestion de private equity. Là où il y a plusieurs centaines de fonds actions (et ETF action) référencés dans un contrat d’assurance-vie classique, le nombre de supports de private equity se compte sur les doigts d’une main. Il risque donc d’y avoir un afflux de capital vers une poignée d’acteurs. Ils risquent de se retrouver très en position de force pour monter leurs tarifs. Et paradoxalement, avoir des clients captifs risque aussi de décourager leur prise de risque. Les gestionnaires de mandats vont probablement favoriser les fonds de private equity qui prennent le moins de risque (pour ne pas risquer de dégrader la performance générale de leur mandat avec un fond qui fait du -80%). Un investisseur conscient et motivé pourrait choisir de plein un fond qui finance des startup innovantes qui risque de faire du -80% en contrepartie d’un +200% potentiel…
Les deux objectifs du gouvernement à l’émission de ce projet de loi étaient de (1) dynamiser l’épargne des Français et (2) faciliter le financement des startups et développer le capital-risque. J’ai bien peur qu’on ne dynamise plus les bonus des associés des sociétés de private equity que l’épargne des Français et qu’on développe plus le capital-investissement dans des trucs pas trop risqués (et pas très utiles) que le capital-risque.
Plus généralement, je vois d’un mauvais œil que le ministre de l’économie se targue de décider comment l’épargne des Français doit être investie plutôt que leur gérant d’actifs. Ça ne peut que réduire l’efficacité de l’allocation du capital.
Mots-clés : assurance-vie, gestion pilotée, mandat, non coté, per, perco (plan d'epargne pour la retraite collectif), private equity
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#2 21/01/2024 20h55
- Oblible
- Membre (2019)
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Le sujet a déjà été abordé ici : Private Equity : tout savoir sur le Private Equity ! p.5
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#3 21/01/2024 20h59
- Eaf852
- Membre (2019)
- Réputation : 1
Mea culpa, j’avais pourtant lancé une recherche dans le forum avec les mots clés non coté et private equity, mais je n’étais pas tombé sur cette réponse. Désolé pour le doublon.
Hors ligne
#4 21/01/2024 21h41
- poupoupidouh
- Membre (2019)
- Réputation : 22
A vrai dire, je pense que le sujet mérite un fil à part entière, il concerne potentiellement un public bien plus large (gestion sous mandat en AV) que les personnes s’intéressant au private equity
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