thomz a écrit :
@sijetaisriche
Superbe post. Merci pour ces précisions.
Merci pour le compliment!
thomz a écrit :
Je ne suis jamais long sur les banques, par principe, mais a titre purement spéculatif, ne peut-on considérer que c’est là une opportunité "immanquable"?
C’est effectivement tentant quand une banque ne cote plus que 30 ou 40% de ses fonds propres, comme cela a été le cas.
Un tel niveau peut s’expliquer en premier lieu par des pertes à venir qui ne seraient pas encore retracées dans les comptes. Sauf scénario catastrophe, du type défaillance de l’Italie et de l’Espagne, cela me semble peu probable d’atteindre un tel niveau de pertes. D’autant qu’une large part des instruments financiers de marché est évaluée en valeur de marché en IFRS.
Mais le principal danger ne vient pas de là à mon sens. Aujourd’hui tout le monde a les pétoches quand on parle de banque et cherche à se couvrir d’une manière ou d’une autre:
- les agences de notation, qui n’avaient pas vu arriver la faillite de Lehman, marchent sur les œufs dans leur attribution de notes de peur d’être de nouveau pointées du doigt pour leur aveuglement,
- d’une manière générale, tout l’environnement réglementaire et institutionnel (Comité de Bâle, régulateurs, banques centrales), qui tend à renforcer tous azimut les exigences, de fonds propres, de liquidité, de contrôle, etc , en fixant des objectifs assez difficiles à atteindre et particulièrement pénalisants pour les banques européennes (il y a une nette impression que ces nouvelles normes avant tout destinées à satisfaire les américains, ou plutôt que ce sont ces derniers qui tiennent la plume qui les écrit)
On a tendance a oublier que la crise des banques provient à l’origine en 2007 avant tout de l’éclatement d’une bulle immobilière aux USA, avec une contamination des banques européennes via les produits de titrisation immobilière (asset backed securities), souvent notés AAA par les fameuses agences de notation. Et c’est bien la réglementation qui favorisait la détention de ces titres. Idem pour les risques souverains en portefeuille: pour les exigences de solvabilité ces titres sont considérés quasiment comme sans risque et servent de collatéral pour emprunter à la BCE (et on veut renforcer cette tendance avec les nouvelles normes, incitant les banques à se gaver à l’avenir de titres souverains pour des raisons (vraiment?) de préservation de la liquidité - cherchez l’erreur).
Du coup, tout le monde veut désormais être plus royaliste que le roi: il faut séparer les activités de banque de détail des activités de marché, avoir un ratio de leverage en baisse, plus de capitaux propres pour les mêmes risques, plus d’actifs liquides et mobilisables, plus de ressources longues, etc etc etc. Mais le bilan d’une banque commerciale avec des engagements à long terme envers les clients ressemble davantage à un paquebot qu’une goélette, le cap ne se change pas si facilement.
Ce sera assez difficile à atteindre, et à force d’être très exigeant, le doute s’instille sur la capacité des banques à remplir tout ceci. On rentre dans le cercle vicieux d’anticipations qui ne sont pas forcément rationnelles et fondées, mais qui peuvent s’auto-réaliser à force d’être martelées.
Car une banque qui fait du crédit ne peut vivre sans qu’on lui fasse confiance, c’est fondamental. Ce n’est pas difficile à comprendre: d’un côté, les clients veulent emprunter sur une durée de 15 à 25 ans pour acquérir leur résidence ; de l’autre côté, les déposants fournissent des ressources à court terme et au mieux à moyen terme. La duration des dépôts est sans rapport avec celle des crédits. Le jour où les déposants voudront faire des placements sur 25 ans, la problématique ne sera peut-être plus la même, mais je doute de voir ceci avant que les poules n’aient des dents.
Il ne faut pas oublier que la transformation est au cœur de l’activité bancaire. Et pour que celle-ci puisse s’opérer, il faut nécessairement renouveler les ressources à court et moyen terme périodiquement pour faire des crédits à long terme. Vous ne le pouvez plus, vous êtes assez vite mort. C’est ce qui est arrivé à une célèbre banque franco-belge, qui avait pourtant l’un des tout meilleurs ratios de capitalisation de la place (comme quoi, c’est à relativiser): personne ne lui prêtait plus, et on se dirige ainsi vers la cessation de paiement.
En cas de crise de confiance, je ne crois pas que l’Etat laisserait tomber une banque cotée, elles sont trop grosses, on l’a vu pour Dexia. Mais il n’est pas exclu qu’il y ait des mesures de recapitalisation qui diluent alors très fortement les actionnaires historiques.
C’est ce risque qui pèse à mon avis sur les cours actuels, et il est difficile de le quantifier, car en partie lié à considérations de psychologie collective des marchés. Acheter des banques aujourd’hui, c’est être convaincu qu’elles n’auront pas besoin de capitaux frais en recapitalisation.