A noter que le point discuté ci-dessus (les retraites actuelles sont-elles faibles, dans l’absolu et par rapport aux salaires que ces retraités avaient avant leur retraite) n’est pas le point le plus intéressant ou le plus important.
Le point vraiment intéressant est de savoir si les salariés en ont pour leur argent, à savoir le TRI de leurs flux monétaires (flux entrants: leurs futurs retraites, flux sortants: leurs cotisations salariales et patronales pendant leur carrière) est-il suffisamment élevé?
Sans rentrer dans des calculs très complexes, on peut faire quelques constats:
1- la grande majorité des retraités actuels ont un TRI très élevé. En d’autres termes, les retraites qu’ils touchent jusqu’à leur décès ont été ou vont être énormément supérieures aux cotisations qu’ils ont payées pendant toute leur carrière. Ils sont les gagnants du système.
2- les salariés actuels vont au contraire avoir un TRI très faible, et même négatif pour les salariés de moins de 40 ans aujourd’hui.
En d’autres termes, les retraites que ces derniers toucheront jusqu’à leur décès vont être inférieures en euros constants aux cotisations qu’ils ont payées pendant toute leur carrière.
Une raison à cela est le recul de l’âge de la retraite.
Une autre raison bien plus importante, plus importante que le recul programmé de l’âge de la retraite, et dont curieusement personne n’en parle, c’est la baisse annuelle programmée depuis 1997 du rendement des cotisations: ainsi, 1€ de cotisation versée en 2010 donne droit à X centimes de retraite annuelle future (X dépend du régime de retraite: de base, Arrco, Agirc, etc., mais tourne autour de 6 centimes d’euro/an). Or, et c’est là le point clé, X est programmé pour baisser d’environ 2,5% par an en euros constants. Cette baisse programmé du rendement des cotisations fait que chaque classe d’âge aura cotisé davantage que la classe d’âge immédiatement antérieure (c’est-à-dire les salariés âgés d’un an de plus) et touchera une retraite annuelle de 2,5% plus faible en euros constants.
3 - Cela fait 15 ans minimum que les points 1 et 2 ci-dessus sont connus. Les spécialistes savent que les retraités actuels obtiennent un "deal" trop favorables et que la génération suivante obtiendra un deal trop mauvais. La moindre des choses aurait été de ne pas reverser tous les ans aux retraités actuels la totalité des cotisations versées par les salariés, mais de faire comme aux Etats-Unis: mettre de côté une partie des cotisations des retraités actuels, pour doper les retraites dans 25 ans, qui sinon deviendront alors beaucoup trop faibles. On pouvait se le permettre, en revalorisant moins les retraites des retraités actuels mais sans vraiment les léser, puisque de toute manière leur TRI est très élevé. On aurait simplement abaissé ce TRI à un niveau qui serait resté très correct.
Mais évidemment, personne n’a souhaité le faire.
En conclusion, les salariés actuels ont intérêt à ne jamais oublier qu’ils se font avoir doublement:
1- le recul de l’age de la retraite, qui fera qu’ils commenceront à toucher leur retraite plus tardivement. Cela dit, si réellement, les salariés d’aujourd’hui auront une espérance de vie bien plus longue, ce recul de l’âge de la retraite ne les lésera pas trop, puisqu’ils toucheront au total leur future retraite pendant le même nombre d’années, voire même un peu plus, que les générations précédentes.
2- la baisse programmée du montant de leur retraite. Et c’est là la vraie injustice. Les salariés actuels cotiseront (en euro constant) bien plus que la génération précédente, pour au total avoir une retraite plus faible.
Il est curieux de voir que beaucoup ont manifesté ces derniers mois contre le point 1, qui pourrait être acceptable si vraiment l’espérance de vie progresse fortement, mais ont oublié de manifester contre le point 2, qui est bien plus important (en impact monétaire) et bien plus inacceptable.