Quand vous empruntez pour un achat immobilier en général vous prenez un prêt amortissable avec des mensualités fixes (vous remboursez le capital et les intérêts tous les mois, beaucoup d’intérêts au début et beaucoup de capital à la fin). Quels que soient les événements (par exemple la baisse de 50% du marché et du prix de votre bien) vous continuez à rembourser la même mensualité tous les mois.
Si vous avez emprunté à taux fixe ou à taux variable capé votre taux ne variera pas de façon extrême sur la durée de l’emprunt.
Pour l’achat sur marge vous empruntez aussi (quelque fois à un taux inférieur) mais qui peut évoluer tous les mois selon les conditions de crédit du moment (depuis quelques années l’argent n’est pas cher mais cela peut changer dans 10 ans). Donc première différence, vous ne pouvez pas verrouiller votre taux sur 15 ou 20 ans.
Deuxième différence, si le prix de vos actions baisse de 50% par exemple, votre broker va vous demander de l’argent (appel de marge) pour couvrir la perte de valeur de votre investissement et pour conserver le même taux de marge (pour illustrer de façon très simplifiée, si vous aviez par exemple 10 de marge maxi pour 10 investi, si au lieu de 20 votre investissement tombe à 10, le broker qui prête 1 pour 1 va vous demander de remettre 10 en cash). Si vous n’apportez pas d’argent lors d’une baisse (lors des appels de marge), le broker vend votre titre (qui est en perte) pour payer la marge. Si la baisse était passagère vous n’avez pas pu faire de buy & hold et avez du vendre au pire moment.
Pour éviter cela il ne faut pas utiliser toute la marge (marge maxi) qu’offre le broker pour avoir une capacité de baisse. Mais dans ce cas vous limitez l’effet de levier. En fonction des brokers la marge est plus ou moins importante et plus ou moins chère.
Sur IB US si vous empruntez en euros c’est à un taux de 1,5% (c’est un très bon taux comparé à d’autres brokers et/ou d’autres monnaies. Il est courant de voir des taux de 5 ou 6%. TDameritrade par exemple prête à 9% en dollars pour les petits portefeuilles, 6,5% pour les gros) et le levier sur certaines actions peut aller jusque 6 (vous avez 1, IB prête 5). Sur un portefeuille diversifié le levier sera de 4 environ au maximum. Si vous utilisez raisonnablement la marge avec un levier de 2 ou moins par exemple, cela laisse de la place pour une baisse potentielle.
Exemple simplifié: j’achète 3 (1 de mon argent et 2 sur marge). J’ai 3 de valeur de portefeuille. Le titre baisse de 50%, il me reste 1,5 (dont 2 prêtés). Le broker va demander d’ajouter 0,34 (2/6) comme appel de marge pour ne pas avoir à vendre de force le titre. Je serai alors par contre au maxi de la marge autorisée (x6) sans plus aucune marge de manoeuvre. Si le titre baisse encore il faudra ajouter autant que la baisse et si je n’ajoute pas, le titre sera vendu pour rembourser la marge.
Sans optimiser la marge (avec des titres sur des marchés sur lesquels IB n’offre pas de marge) j’ai eu un portefeuille de 3x la valeur de mon investissement initial avec une marge utilisée à 80%. Quand les marchés ont baissé fortement en décembre, j’ai eu des appels de marge très rapides qui ont très vite ramené le portefeuille à 2,2 fois l’investissement initial. Les algorithmes de marge prennent en compte la volatilité / risque en temps réel et les appels peuvent donc être très rapides si vous évoluez dans la zone dangereuse de votre levier maximum autorisé.
Le broker peut aussi changer les règles du jour au lendemain. IB vient de couper la marge sur les obligations high yield alors que le critère précédent (forte marge pour toutes les obligations d’un titre côté sur le NYSE quelque soit sa notation ou presque) était beaucoup plus souple.
Certains investisseurs jouent sur les 2 tableaux: une faible marge avec le broker et un emprunt classique (à la consommation généralement) sur lequel ils n’auront pas de mauvaise surprise en cas de baisse des marchés.
Certaines banques permettent de prêter avec le nantissement à côté d’un portefeuille sous gestion un peu à l’image des avances sur les assurances vie. Elle va prêter jusque 60% de la somme nantie (bloquée) sur l’autre compte. C’est souvent alors des prêts in-fine (on rembourse les intérêts tous les mois, le capital en une seule fois au bout de 3/4/5 ans). Ce n’est possible que pour ceux qui ont déjà un portefeuille (on ne prête qu’aux riches).
Le danger de la marge est de toujours être au maximum ou presque. C’est tellement facile. Pas d’autorisation préalable à demander, l’argent est immédiatement disponible. On tire sur la marge pour acheter un titre attrayant, un titre qui vient de baisser, une recommandation… et on surfe sur le fil du rasoir. C’est la raison pour laquelle il faut être un investisseur averti avant d’utiliser la marge.
Je pense toutefois que l’utilisation de la marge de façon raisonnable peut booster la performance d’un portefeuille de la même façon que l’effet de levier de l’emprunt immobilier.