Je crois que ce que vous décrivez là n’est pas un capitalisme durable mais tient plutôt de la politique de la terre brulée. Si ça peut produire un ROCE sympathique pendant quelques temps, ça se finit toujours mal.
Une entreprise ne peut pas avoir pour seul et unique but de faire du profit au mépris de toute autre considération. Il est dans l’intérêt de tous, actionnaires, clients et société, qu’elle prenne en compte l’impact de son activité.
Expliquons-nous : si vous êtes actionnaire d’un fabriquant de cigarettes comme Altria, il est de votre intérêt que l’entreprise maximise ses profits. Accepterez-vous cependant qu’Altria fasse de la publicité pour des cigarettes en chocolat dès la maternelle avec distribution d’échantillons, distribue ensuite des échantillons de cigarettes mentholées ou aux goûts de bonbons dès l’école primaire puis installe un distributeur de cigarettes juste à côté de la cantine au collège quand les enfants ont été conditionnés à toujours avoir une cigarette à la main ? Dans une société un peu civilisée, ce comportement corporate là est illégal et c’est de l’intérêt de tous : entreprise (qui risque sur le long terme de se faire des ennemis qui par des procès en série la ruineraient définitivement, ou la détruiraient par une action législative concertée), actionnaires (qui profitent bien mieux de la politique actuelle, à base de rachats d’actions dans un marché qui se réduit) et la société, qui paie toujours une lourde partie des externalités négatives liées au produit d’Altria, mais qui se doit de trouver un juste milieu entre ce coût et la liberté individuelle des individus adultes de choisir de fumer.
L’exemple des médias est par ailleurs intéressant : c’est une profession qui porte une lourde responsabilité, celle d’informer les citoyens, notamment selon la charte de Munich de 1971 (Charte de Munich ? Wikipédia). Cette charte établit dix devoirs et cinq droits, que je vous invite à consulter à ce lien. Je pense que la majorité des tabloids anglais ou de la presse partisane, par exemple, ne respectent pas du tout ces dix devoirs.
On est dans un processus profondément pervers : une presse à sensation tire la qualité de l’information facilement disponible vers le bas (quand elle ne fait pas de la désinformation pure et simple), elle participe donc à ce que de plus en plus de citoyens aient une compréhension viciée de l’actualité et du monde qui les entoure. Si la majorité des gens est mal informée, la qualité de vie dans un pays finira par s’en ressentir lourdement pour tous, notamment de par les implications politiques qui en découlent : de nombreux partis font désormais campagne sur des mensonges, des faits déformés, et jouent sur l’émotion plutôt que sur la raison des gens pour gagner un vote. Qui peut penser que ce processus là sera bénéfique, à part pour les extrêmes, qui ne font jamais bon ménage avec les faits et ne sont jamais les amis d’un capitalisme pérenne ?
En tant qu’actionnaire de NextRadioTV, pour reprendre votre exemple, je serais atterré : les bons investisseurs n’ont pas besoin d’eux (c’est du bruit, c’est tout!) et les gens qui veulent apprendre à investir en bourse feraient bien mieux de lire les lettres annuelles de Warren Buffett : il y a plus de substance dans une seule de celles-ci que dans un siècle d’émissions de BFM. Et pour s’informer, mieux vaut passer par l’écrit (presse, internet) : c’est un média qui fait appel à un temps plus long et laisse davantage de place à la raison.
Après, j’en conviens, il est tout à fait possible que BFM puisse produire de bons ROCE pendant un temps avec leur ligné éditoriale qui consiste à produire du bruit. Je veux croire néanmoins qu’ils suivront le chemin des chaines généralistes, assez largement sur le déclin et remplacées par du contenu à la demande. Il y aura toujours des consommateurs de fast-food (ou de fast-information) mais je préfère investir dans des secteurs aux dynamiques plus positives, ce notamment en termes d’externalités.