Le Revenu - Publié le 21/02/2017 à 14:42 a écrit :
L’immobilier vient d’enchaîner cinq ans de hausse en Bourse. À la clé, des valorisations devenues exigeantes. Entre l’espoir d’une reprise des loyers et le relèvement des taux d’intérêt, le potentiel paraît plus limité.
Des cours moins volatils en Bourse que la moyenne du marché, des résultats à l’abri des soubresauts de la conjoncture économique immédiate, des actifs tangibles, dont chaque investisseur peut mesurer la qualité, sans oublier un devoir statutaire de distribuer aux actionnaires chaque année 95% des résultats et 60% des plus-values dans les deux ans qui suivent une vente : les sociétés d’investissement immobilier cotées (Siic) ne manquent pas d’atouts pour un investisseur soucieux de disposer dans son portefeuille d’un solide socle de valeurs de rendement.
Pourtant, après plusieurs années de hausse ininterrompue, le secteur a connu en 2016 un coup d’arrêt avec un recul moyen de 10% des cours pour les foncières européennes. Et cet effritement se poursuit en 2017 (-4,7%). L’heure est aux interrogations, voire aux doutes.
Parenthèse enchantée
Le secteur a, il est vrai, vécu une sorte de parenthèse enchantée, alimentée par la faiblesse historique des taux d’intérêt. L’argent peu cher et abondant a tout d’abord permis de réduire le coût de la dette (1,6% seulement en 2016 pour le géant Unibail-Rodamco, 2,1% pour son challenger Klépierre). Selon certains, cette détente du prix du «carburant financier» explique à lui seul environ la moitié de l’amélioration moyenne des résultats nets récurrents des foncières ces deux dernières années.
Ensuite, cet argent bon marché a dopé la valeur des patrimoines. En encourageant les investisseurs institutionnels à acquérir des biens immobiliers, il a fait monter les niveaux de valorisation. Certains acceptent d’acheter au cœur de Paris des immeubles de bureaux qui rapportent moins de 4% brut. C’est encore une bonne affaire puisque la dette d’État délivre quatre fois moins… Par le jeu des comparables, cette situation alimente la hausse des actifs nets réévalués des foncières.
Enfin, ces sociétés cotées apparaissent sous un jour flatteur en Bourse. Comment ne pas être séduit par les rendements annuels de 4 à 6% de leurs dividendes quand la dette sans risque rapporte moins de 1%…
Un danger pris au sérieux
Mais cette machine menace de se gripper avec l’amorce de la remontée des taux longs, qui pourrait renchérir le coût de la dette. Même si les grandes foncières ont pris soin de se couvrir par des produits financiers dérivés, le marché prend la menace au sérieux. C’est ce qui explique le repli du secteur de 9% depuis septembre dernier.
Un autre effet négatif provient la réduction de l’écart (spread) entre le taux sans risque des emprunts d’État et les taux de rendement dégagés par les patrimoines des foncières… De quoi amoindrir la valeur des patrimoines et par conséquent des actifs nets réévalués.
Un exemple est déjà fourni par Unibail-Rodamco : bien conscients de l’inquiétude des investisseurs face à cette inversion de tendance, les dirigeants ont chiffré à 6,9 milliards d’euros la baisse de valeur du patrimoine. Soit 23% de l’ensemble des centres commerciaux, si le rendement immédiat de ce portefeuille se dégradait dans des proportions équivalentes à celles constatées en 2007-2009. Gare aux secousses !
Priorité aux projets
Dès lors, pour continuer à s’exposer à ce secteur appelé à rentrer dans une période moins faste, il est impératif de se montrer sélectif. Pour cela, privilégiez les acteurs dont l’importance du portefeuille de projets sera créatrice de valeur et de futures plus-values.
Unibail-Rodamco : le leader gomme ses excès de valorisation
Et si la première foncière européenne, championne de l’immobilier commercial coté, avait gommé ses excès de valorisation ? Gratifiée de 30 à 40% de prime sur l’actif net réévalué (ANR) dans un passé récent, son action n’exprime plus désormais qu’une surcote de 16% sur l’ANR de 183,70 euros calculé au 31 décembre 2016. Mieux, elle ne s’échange plus que 18 fois le résultat net récurrent escompté en 2017.
Presque raisonnable pour un titre dont la qualité du patrimoine, composé d’actifs rares, l’apparente presque à une valeur de luxe. La correction boursière récente va-t-elle jusqu’à autoriser un retour sur la valeur, longtemps écartée de nos recommandations en raison d’une survalorisation disqualifiante. Unibail-Rodamco offre aux investisseurs une promesse stratégique claire.
Le groupe se concentre sur les centres commerciaux les plus puissants en Europe, riches d’affluence et de nouvelles enseignes, donc de loyers à la hausse. La foncière construit aussi des immeubles de bureaux (23% des 8 milliards d’euros de projets d’investissement). Une fois loués, ils seront revendus, dégageant de belles plus-values.
Croissance embarquée
À 10,20 euros au titre de 2016, le dividende – payé en deux tranches, fin mars et début juillet – augmentera encore dans les prochaines années grâce à la croissance attendue du résultat net récurrent. La direction promet une hausse annuelle moyenne de 6 à 8% à moyen terme. L’engagement est ambitieux, mais crédible : la foncière a sécurisé le coût de son endettement (1,6% en moyenne en 2016) pour les trois prochaines années.
Klépierre : trop peu de relais de croissance
Voilà désormais quatorze mois que la deuxième foncière d’immobilier commercial en Europe est pensionnaire du CAC 40. Ce coup de projecteur sur la société contrôlée (depuis le désengagement de BNP Paribas) à 20,3% par le leader mondial du secteur, l’américain Simon Property Group, tarde à porter ses fruits. Car depuis le 7 décembre 2015, date de l’annonce de son entrée dans l’indice phare (effective le 21 décembre 2015), Klépierre n’a pas fait d’étincelles, avec une action en baisse de 17% quand le CAC 40 restait stable (+0,5%).
Secouer la belle endormie
Plusieurs facteurs pèsent. L’intégration du néerlandais Corio, dont l’acquisition a été finalisée au printemps 2015, est plus lente que prévu. Ensuite, la dynamique bénéficiaire est restée plutôt poussive, même si la progression de 6,8% du résultat net récurrent en 2016, à 2,31 euros par action, est supérieure aux anticipations.
À la clé, un dividende porté à 1,82 euro. Pour 2017, les dirigeants tablent sur un résultat de 2,35 à 2,40 euros par titre. Soit une croissance en net ralentissement. Car, troisième frein, Klépierre reste confronté à un portefeuille de projets qui manque de relief. Évalué par la société à 3,3 milliards d’euros, il doit être densifié.
En 2017, seules deux livraisons sont attendues en France et aux Pays-Bas. Longtemps qualifiée de belle endormie, la foncière peine à prouver qu’elle dispose de relais de croissance assez prometteurs pour justifier sa valorisation. La tâche incombe désormais à Jean-Marc Jestin. Réputé proche de l’actionnaire principal, il a succédé en novembre à Laurent Morel, avec la mission de «secouer» la foncière. De la rapidité de ce réveil dépendra la capacité de rebond boursier du titre.
Gecina : une belle parisienne
Étrange millésime pour Gecina. La première foncière de bureaux parisiens a retrouvé en 2016 des couleurs avec une des meilleures performances du compartiment français. Mais elle a également subi un coup d’arrêt dans sa transformation.
En cause ? L’échec de son offensive sur Foncière de Paris, dont le patrimoine détenu dans la capitale aurait amplifié son profil de foncière tertiaire parisienne.
Période de faux plat
Depuis la fin des déboires de gouvernance avec les ex-actionnaires espagnols, Gecina cherche à se transformer en pure foncière de bureaux.
Si elle conserve pour près de 2,7 milliards d’euros de logements – destinés à être vendus au fil de l’eau –, le pôle santé a été cédé en 2015. Une vente à bon prix qui crée toutefois un vide dans la dynamique des loyers. La baisse des taux permet au résultat net récurrent de résister. Mais il est trop tôt pour que l’effet Brexit, qui verrait des entreprises quitter Londres pour Paris, se mesure sur la croissance.
Gecina doit donc gérer une phase de transition, avant que ses projets – 3,6 milliards d’euros – ne se traduisent par des hausses de l’actif net réévalué, des résultats et du dividende. C’est à Méka Brunel, nouvelle directrice générale, en remplacement de Philippe Depoux, qu’il revient désormais de piloter la foncière durant cette période de faux plat.
Icade : un passé qui n’en finit pas
L’avantage du temps qui passe, c’est qu’il rend les promesses de long terme chaque jour un peu plus proches. Avec 1,2 million de mètres carrés de réserves foncières en Île-de-France, la filiale à 39% de la Caisse des dépôts a tout pour profiter du chantier du siècle du Grand Paris. Un gisement de croissance et de résultats. Du moins à partir de 2021-2022…
Éclaircie sur le dividende
D’ici là, les actionnaires pourront patienter avec l’exécution du plan 2019. Cette feuille de route de transition est fondée sur une stratégie intégrée. Il s’agit de combiner la détention d’actifs tertiaires – le cœur du patrimoine d’Icade –, avec celle d’actifs de santé et la promotion immobilière. La relance de la machine ne va pas sans quelques accrocs, toujours liés à la fusion avec Silic. En 2016, Icade a fini par céder tous les parcs d’activités dont elle souhaitait se séparer.
Avec des moins-values, compensées par la cession d’un des derniers immeubles détenus dans le centre de Paris. Ce poids du passé ne devrait pourtant pas obérer la promesse d’une trajectoire haussière du dividende.
En novembre, Icade a relevé son objectif de flux de trésorerie net courant, qui sert désormais de référence au coupon. Selon le consensus des analystes, il pourrait atteindre 3,89 euros. Soit un rendement de 5,8%.
Foncière des Régions : un contrat de confiance à mieux valoriser
Ne dites pas à Foncière des Régions qu’elle est une foncière atypique ! À l’heure où la plupart des Siic cherchent surtout à proposer aux investisseurs le profil de patrimoine le plus pur possible, la société dirigée par Christophe Kullmann assume et revendique sa différence.
Elle se dépeint aujourd’hui davantage comme un opérateur immobilier, et non plus comme une simple foncière axée sur la détention d’actifs immobiliers externalisés. Une mission longtemps au cœur de sa stratégie.
Décote persistante
Elle assume sa diversité, tant sur un plan géographique avec un patrimoine réparti dans trois villes principales – Paris, Berlin et Milan – que sur sa composition qui couvre l’immobilier de bureaux, le résidentiel et l’hôtellerie. Pourtant, cette identité reste mal valorisée en Bourse.
En dépit d’un rendement du dividende confortable, l’action souffre d’une décote persistante de 7% sur l’actif net réévalué. Ce n’est pas totalement illogique, en raison du poids élevé des autres investisseurs dans le patrimoine. Mais cette singularité est aussi une promesse de réactivité et de mobilité stratégique pour honorer le contrat de rémunération destiné aux investisseurs. Dès lors, l’action mériterait mieux.
Altarea Cogedim : du rendement
Foncière polyvalente ? Foncière entrepreneuriale ? Foncière de rendement ? Altarea Cogedim, dont le fondateur Alain Taravella détient 47% des parts, est sans doute tout cela à la fois. Et peut-être même davantage puisqu’elle concourt, juste derrière Unibail-Rodamco, au titre de meilleure valorisation du secteur avec une prime élevée de 38% sur l’actif net réévalué de 126,20 euros calculé au 30 juin.
Monopoly parisien
Si le cœur de la stratégie reste l’immobilier commercial, avec un patrimoine de 4,5 milliards d’euros, Altarea Cogedim mène d’autres métiers de front, avec la promotion de bureaux et de logements. Son atout maître? Combiner des opérations de développement complexes mixant logements, tertiaire et commerces, qu’il s’agisse de bâtir des quartiers entiers ou de rénover des gares. Altarea Cogedim est ainsi la gagnante du Monopoly des gares parisiennes avec celles du Nord, de l’Est, d’Austerlitz et de Montparnasse !
En 2017, le gonflement des réservations dans le résidentiel laisse augurer une belle année. De quoi contribuer au profil de rendement.
La foncière nous paraît en mesure de garantir son coupon pour au moins trois années. À la clé, un rendement d’autant plus confortable que, composé de remboursements d’apport, sans impôts ni prélèvements sociaux,
il atteint un montant net de 6,3%.