Crown a écrit :
Bonsoir,
Je ne vous cache pas que cette file me rend mal à l’aise car je la trouve éminemment paradoxale.
La paresse qu’elle soit intellectuelle ou physique est effectivement hautement critiquable mais que pensez vous que certains membres de cette jeunesse dite fainéante pourraient penser de ce forum ?
Ne discute-t-on pas de façon récurrente de l’envie d’arrêter de travailler ?
N’évoque-t-on pas régulièrement que compte tenu de la fiscalité ce n’est pas la peine de produire plus et qu’il vaut mieux réduire la voilure ?
Ne pensez vous que pas certaines de nos discussions pourraient leur paraître quelque peu égocentrées et peu emprises d’empathie ?
Dans certaines discussions il était évoqué la difficulté d’être rentier avec des enfants, la difficulté de l’être quand son épouse est plutôt dépensière etc.. ne pensez vous pas que ce type de discussions pourrait choquer la jeunesse dite fainéante mais qui a parfois des valeurs plus axées sur l’échange et le communautaire (qu’ils jugeront en tout cas plus responsables)
Je ne cherche pas à défendre une génération qui n’est pas la mienne mais je suis persuadé que si cette génération a des défauts apparents elle a des qualités qu’à titre personnel je n’avais pas à leur âge.
Bonne soirée
Crown
Je rejoins complètement ce constat.
Perso j’ai un fils de 16 ans…sur plein d’aspects je pourrais m’inquiéter, mais le fait est qu’il est un bon fils pour moi….pourtant depuis petit il n’aime pas la scolarité, mais est presque désespérément soumis aux injonctions parfois violente de ce qui pour moi est une forme de système normatif.
Donc même si ça m’emm…..qu’il passe autant de temps sur le net, etc….je dois me rendre à l’évidence, qu’il y apprend des trucs que je n’aurais jamais soupçonné, et je dois aussi réaliser que certains profs lui ont ôté l’envie d’apprendre certaines matières.
Après, l’élément que je vois très voire trop rarement questionné dans cette file, c’est le sens.
Pourquoi le travail?
J’ai le sentiment de voir beaucoup d’intervenants considérer que ce qui a marché pour eux devrait l’"être pour d’autres. Or, je crois que non. Il y a là réellement une considération du monde en normes, avec je crois d’immenses projections liées à l’histoire de chacun….perso je passe mon temps à traquer mes projections sur mon fils, et à les contrôler…..cela me semble plus efficace que de tenter de l’emmener sur la vie juste que son père (moi, donc!) aurait décidé pour lui.
Par contre, je suis, nous sommes présents. Je crois que c’est l’acte éducatif le plus fort que nous ayons eu, qui n’attend rien des profs, rien du système, ni rien de notre enfant d’ailleurs!
Et pour avoir eu quelques stagiaires, donc vu fonctionner des jeunes, et aussi pratiqué bien des personnes âgées dans mon boulot, je crois que nous avons un gros problème de transmission intergénérationnelle en France. Les vieux ont peur que les jeunes leur piquent "leur"place, et les jeunes ont l’impression qu’ils emmerdent les vieux alors qu’ils voudraient une petite place, et au milieu il y a les gens comme moi qui ne sont plus jeunes ni encore vieux, qui paient pour les deux et qui ont oublié ce qu’était être jeune, et ne sont pas encore capables de se représenter ce qu’est être vieux, parce qu’ils sont pris dans la lutte pour la vie.
Heureusement, en fait, que j’ai découvert la méditation zen à 24 ans, et que mon boulot d’infirmier m’a rodé à voir les gens en vrai dans la vraie vie….j’y ai appris plus que dans tous les bouquins.
Le zen c’est intéressant, car on apprend à ne rien foutre, mais de façon délibérée et intentionnelle. C’est énormément plus difficile qu’on ne croit ; l’humain n’est pas fait pour ne rien faire.
Par contre, je crois que l’opposition des certaines générations à certaines injonctions pose clairement la question de leur sens…le sens éthique de la tache qu’on demande de faire, le sens de l’éducation sur le lieu de travail (propose-t-on de développer une compétence ou une soumission à un pouvoir?), le sens de la finalité de la tâche (préserve-t-elle le développement de meilleures conditions de vie, ou juste une productivité à court terme peu importe l’impact relationnel, environnemental et autres?
Et aussi à travers cela, trouver un champ d’activité qui corresponde à leur désir profond.
et j’ai des doutes sur le fait que l’éducation d’aujourd’hui nous propose de toucher notre désir profond, plus que de nous en proposer des plus illusoires mais lucratifs pour ceux qui vendent les objets destinés à y pourvoir.
Pour avoir bossé avec des ados "durs", en psy, en fait, ils avaient besoin de présence, d’exemple vivants, brefs, de gens qui incarnent les valeurs qu’on voulait qu’ils apprennent.
Par contre l’apprendre dans des bouquins assis huit heures sur un banc, clairement ça ne fonctionne pas. Et je pense que notre beau pays est quand même sacrément tourné vers l’intellect au détriment de la pratique. Alors qu’il faut un équilibre entre les deux.