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3    #51 18/04/2018 12h31

Membre (2017)
Réputation :   2535  

BriochePainPerdu a écrit :

C’est quand même une façon très manichéenne de voir les choses

Surin a écrit :

C’est non seulement manichéen mais c’est surtout d’une candeur !
Le dirigeants se moquent éperdument des femmes et enfants massacrés, c’est juste un prétexte pour justifier une action qui bien sûr a un tout autre objectif que de rétablir l’arc-en-ciel dans le monde de Oui-Oui.
Il faut être d’une naïveté incroyable pour encore croire en ces fables que nous assènent les médias

Trois observations :

1) Parfois, oui, il faut être manichéen. Plutôt que de faire des rappels historiques qui nous amèneraient rapidement au point Godwin, une parabole :

Quelque part dans le monde, un dictateur tue un enfant. Le naïf, le manichéen, s’émeut, se révolte : il demande justice pour l’enfant tué, il exige que cela cesse. L’esprit fin, lui, s’interroge sur les responsabilités respectives du dictateur et de l’enfant…

2) Oui, les Etats sont des monstres froids qui agissent pour leurs intérêts, mais oui, les démocraties sont plus "morales" que les autres régimes. Pour le comprendre :

- Mme (ou M. !) Michu regarde tranquillement le journal de JP Pernaut quand, juste avant le fromage, on lui montre des images d’enfants morts, gazés (alors que ce qu’elle aime, elle, ce sont les reportages sur le dernier luthier artisanal de France, dans le Jura). Cela la choque, l’émeut, la révolte. Elle est comme ça, Mme Michu : elle ne comprend rien à la géopolitique, par contre, elle, elle sait que tuer un enfant, c’est mal (elle est manichéenne, elle aussi, elle n’a pas l’esprit fin qui peut conduire à justifier le meurtre d’un enfant).

- Il se trouve que Mme Michu, elle vote, et elle est largement majoritaire dans le pays. Le Président démocratiquement élu, quand bien même il n’en aurait rien à faire des enfants morts, ne peut faire abstraction de l’émotion de Mme Michu. Et là, il a un choix avec 3 options : (1) ne rien faire l’exposerait à la critique d’indifférence, surtout si Mme Michu voit des images d’enfants morts à chaque JT (c’est vrai qu’en Syrie, cela ne dure que depuis 7 ans) ; (2) faire un beau discours exprimant sa révolte (aka la stratégie Obama) peut fonctionner si on est éloquent, mais pour un temps seulement ; (3) agir pour mettre fin aux tueries, de façon plus ou moins brutale ou symbolique.

- Pour la Syrie, Macron et Trump ont choisi la 3e option. Certainement pas pour le plaisir, pas pour des intérêts cachés (du genre attaquer les Illuminati qui se cachent en Syrie ou montrer leur virilité à Brigitte et Melania), mais parce qu’en démocratie, une action morale ou immorale d’un dirigeant a un impact politique immédiat. (Il est vrai, toutefois, qu’avec la montée en puissance des adeptes de la théorie du complot dans l’électorat occidental au détriment de la gentille et naïve Mme Michu, cet impact devient peu à peu moins net.)

3) Le relativisme, ça se soigne :

- Non, on ne peut pas mettre Le Monde et RT/Spoutnik sur le même plan. Dans une démocratie et une économie de marché, le succès commercial d’un média d’informations doit dépendre, sur le long terme, de sa crédibilité. Je peux lire des tribunes d’opinion de temps en temps, mais j’ai surtout besoin d’informations réelles, vérifiées de façon crédible, et si possible accompagnées d’une analyse qui me permet de mieux comprendre les événements. C’est ça qui me conduit à payer pour un média. En revanche, dans un régime autoritaire (par exemple la Russie), des médias comme RT ou Spoutnik n’ont qu’un rôle de propagande : leur existence ne dépend pas de la qualité de leur travail de "journalistes", ou de leur crédibilité, mais de leur productivité en termes de "fake news". Il est intellectuellement malhonnête de disqualifier systématiquement toute information rapportée par nos médias (de façon unanime), et de préférer la propagande éhontée de Poutine.

- Non, on ne peut pas mettre Macron et Poutine/Assad sur le même plan. Je trouve étonnant que ceux qui se plaignent du niveau excessif des impôts en France et du caractère parfois trop personnel ("Jupiter") du pouvoir actuel en France fassent l’éloge de Poutine (laissons Assad de côté)… C’est sûr, Poutine aurait des solutions assez radicales et efficaces à la grève de la SNCF et à la ZAD. Perso, je suis très attaché à la liberté : la mienne, celle de mes concitoyens, mais aussi celle de tous les humains (oui, c’est idéaliste).

[Je précise que je dis cela tout en étant très critique à la fois des médias dominants en France et de Macron, dont je suis un opposant résolu.]

Le relativisme systématique et absolu dont témoignent certains messages conduit à ne plus croire en rien, à se désintéresser de tout, à accepter la barbarie du monde comme une fatalité, et au bout du compte, à se réfugier tout seul sur son Aventin ou sur son île - ce qui est finalement assez cohérent, Surin ;-) (je vous taquine, moi-même je n’exclus pas de me réfugier un jour dans mon "île" aveyronnaise, abritée du tumulte du monde)

Igorgonzola a écrit :

on est allé chasser sur leurs terres et on s’étonne ensuite qu’ils montrent les dents.

Qui définit à qui appartient telle ou telle "terre" ? C’est vous, c’est Poutine, on tire à pile ou face ? Parce que le peuple ukrainien, auquel justement ces "terres" appartiennent, il s’est exprimé à de nombreuses reprises, par les urnes et par des révoltes populaires, pour un rapprochement avec l’Europe (pas très étonnant : un choix entre une dictature impériale pauvre et un espace démocratique prospère). On leur dit quoi ? "Désolé, on ne peut rien pour vous, votre pays est sur les terres de Poutine" ?

Il y a deux façons de voir les choses, le droit et la force :
- La logique du droit, c’est que le peuple ukrainien seul - et non Poutine - devrait décider de son destin.
- La logique de la force (celle que vous semblez prôner - et c’est vrai que c’est souvent celle qui prévaut), c’est que l’économie russe pèse un pouillième des économies occidentales, que les Russes ont besoin économiquement des Occidentaux et non l’inverse, et que le rapport de forces militaire (budgets militaires, rapports de forces quantitatifs et surtout qualitatifs) est de façon écrasante favorable aux Occidentaux.

Dans les 2 cas, cela conduit à considérer que l’Ukraine compte désormais parmi les "terres" occidentales - ce qui doit être assez insupportable pour Poutine, je le comprends bien.

Mon ressenti personnel est marqué par mes liens personnels avec certains pays d’Europe centrale et orientale (j’ai de nombreux amis dans ces pays, ma copine est lituanienne) : dans ces pays, on aime la liberté, et on s’est senti "abandonnés" (et même trahis) par les Occidentaux lorsqu’ils sont passés sous domination soviétique après la Seconde Guerre Mondiale. Si on se sent un peu Européen, il est de notre devoir d’être à leurs côtés pour les protéger d’une nouvelle tentative de domination impériale sous le "Tsar" Poutine (la protection la plus efficace étant une double appartenance à l’UE et à l’OTAN).

Pour revenir à la Syrie, si on adopte votre approche de la logique des "terres", vous observerez que la Syrie est bordée, (1) au Nord, par la Turquie (membre de l’OTAN), (2) à l’Est, par l’Irak (pays ami des Occidentaux, qui l’ont aidé dans sa lutte contre le terrorisme), (3) au Sud, par la Jordanie (allié des Occidentaux), (4) à l’Ouest, par Israël (allié des Occidentaux), le Liban (également proche des Occidentaux et de l’Arabie Saoudite, un allié), et la Méditerranée (une mer dont à peu près tous les Etats riverains sont membres de l’OTAN ou alliés). Donc je propose qu’on applique votre logique des "terres", et qu’on dise que la Russie n’a rien à faire en Syrie, et qu’ils rapatrient leurs avions et leurs troupes, sans oublier leur valet sanguinaire Assad. Cela simplifierait vraiment les choses pour tout le monde. Il ne reste plus qu’à convaincre Poutine.

Plus sérieusement, si on applique à nouveau les 2 logiques, le droit et la force, rien ne justifie le maintien au pouvoir d’Assad (et en tout cas tout justifie les récentes représailles occidentales).

Igorgonzola a écrit :

Appelez moi complotiste, mais je ne vois pas bien pourquoi Assad utiliserait des armes chimiques au moment où il gagne la guerre. C’est comme si Macron ordonnait une bavure pour virer le dernier zadiste, pour prendre un parallèle plus proche de chez nous. Aucun gain, juste de la "mauvaise publicité".

C’est une question légitime. Je n’ai évidemment pas la réponse, mais il y a des explications possibles :
1) une "erreur", une "bavure" au niveau opérationnel (un général qui n’a pas bien compris qu’on n’a plus le droit d’utiliser les armes chimiques - par contre l’artillerie lourde, les tapis de bombes, les exécutions et les viols, ça c’est toujours OK) ;
2) un ordre délibéré d’Assad pour "tester" les dirigeants occidentaux (voir où sont les nouvelles lignes jaunes, oranges et rouges - avec le renouvellement des dirigeants occidentaux, il faut des mises à jour de temps en temps) ;
3) une provocation délibérée d’Assad pour dire aux Occidentaux : "vous voyez, j’ai gagné la guerre, maintenant je fais ce que je veux, je peux même gazer des civils, et je vous em…"

Perso je penche pour la 3e interprétation, mais c’est secondaire, dans les 3 cas des représailles étaient indispensables.

Surtout, je pense que vous vous méprenez complètement sur le rapport du régime Assad à l’usage de la violence. Ce n’est pas une démocratie ! La violence est consubstantielle à ce régime, depuis 1970. Assis sur une base démographique très restreinte (les Alaouites, 11% de la population), il ne se maintient au pouvoir que par la violence. Sans cette violence, le régime ne serait plus craint et il tomberait immédiatement sous la pression du peuple. De ce point de vue, le gazage de civils n’est pas pour le régime une "mauvaise publicité", mais exactement le contraire : une démonstration éclatante de sa puissance, par le massacre de tous ceux qui s’opposent à lui (femmes et enfants compris).

PS : Désolé pour le hors-sujet partiel dans ce message, mais au vu de la prolifération sur les forums (sur celui-ci moins que sur d’autres, heureusement) du cynisme, du relativisme, de la théorie du complot, et de l’admiration idiote (désolé, mais c’est vraiment le cas) pour des tyrans (particulièrement dans mon camp politique, ce que je déplore profondément), je pensais utile d’apporter un contrepoint par ces messages.

Dernière modification par Scipion8 (18/04/2018 13h19)

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1    #52 18/04/2018 12h53

Membre (2017)
Réputation :   71  

Scipion8 a écrit :

2) Les intérêts des Occidentaux : Les théories du complot, c’est super, mais il faut au moins démontrer les motivations des "complotistes". Si vous pouvez m’expliquer quel intérêt Macron pourrait avoir à effectuer des frappes en Syrie, ce serait cool. Moi, je ne vois pas. Ces frappes n’ont pas de portée économique ou même militaire : il s’agit simplement de représailles visant à faire cesser des agissements horribles. Mon interprétation, c’est qu’Assad a (encore) franchi la ligne rouge, et que Trump et Macron, face au massacre insoutenable de femmes et d’enfants au gaz, n’ont eu d’autre choix que d’intervenir. S’ils avaient pu ne pas intervenir, rester tranquilles à jouer au golf ou au réformateur (respectivement), ils l’auraient fait, et ils auraient été bien contents.

Effectivement quel est le mobile?

Tout d’abord j’ai le sentiment (C’est un sentiment) que contrairement à ce que j’ai pu lire sur ce fil, on ne suit pas les américains sur ce coup….ce sont les américains qui nous suivent. Avec l’exploitation du gaz de schiste aux USA, au vu de la relation privilégiée USA-Arabie Saoudite et de leur capacité à offrir une protection militaire à tout pays désireux de rentrer dans un marché Pétrole contre Protection, leurs sources d’énergie sont plutôt sécurisées.
Ce n’est pas le cas de l’Europe qui reste extrêmement dépendante des Russes notamment pour son gaz.

Sur le mobile Francais je propose donc le suivant, plutôt classique : Sécuriser l’approvisionnement de l’Europe en Pétrole et Gaz ce qui implique de ne pas laisser cette zone au mains des Russes. La position de Macron est d’ailleurs celle d’Hollande, qui voulait frapper dés 2013. La frappe est menée conjointement avec les Anglais. On a donc réuni les deux grandes puissances militaires de l’Europe sur un projet de frappe commun (Comme en Lybie).

Sur le mobile Israélien il est plutôt clair, lutter contre l’influence de l’Iran dans la région. (Les deux pays sont en situation de Guerre Froide)
Sur le mobile des USA, j’ai le sentiment qu’ils y vont à reculons pour faire plaisir à leur alliés (Europe-Israël-Arabie Saoudite), ils n’ont pas les mêmes visées que nous, leur approvisionnement à eux étant sécurisé. Trump ne veut pas s’engager dans un bourbier.

L’intervention se résume donc à tenter de briser l’avancée de l’arc Chiite qui se forme de l’Iran jusqu’en Syrie en passant par l’Irak. La particularité Européenne c’est de laisser la porte ouverte aux iraniens s’ils souhaitent quitter le giron Russe et passer sous un giron, plus Pro-Européen. Voila peut être une des raisons expliquant que Macron défende l’accord nucléaire Iranien.

Les occidentaux vont donc chercher à faire chuter Assad (Chiite), les Russes et les Iraniens vont tenter de le maintenir. Peut être que les deux blocs trouveront un compromis et nous verrons alors un nouveau dirigeant qui appliquera une politique équilibrée entre les deux puissances. (Moscou ne semble pas complètement fermée à un remplacement d’Assad qui est devenu encombrant, mais n’est pas prête non plus à laisser le pays aux mains d’un gouvernement complètement acquis aux occidentaux.)

Scipion8 a écrit :

Défendre des tyrans, c’est se mettre du mauvais côté de l’histoire, car en fin de compte aucune barbarie ne peut vaincre l’irrépressible désir de liberté des peuples, en Europe, en Russie, comme en Syrie.

J’admire (sincèrement) votre idéalisme Scipion8, malheureusement les occidentaux ne veulent pas apporter la démocratie, la justice, la liberté partout. Ils veulent l’apporter dans ces endroits bien précis et à des moments bien précis, en gros quand ça sert leurs intérêts. (Le volte face diplomatique Sarkozy-Khadafi est impressionnant de rapidité sur ce point).

Sur la thèse d’une attaque chimique qui n’aurait pas eu lieu (Ou pas exactement comme c’est raconté) comme certains peuvent le croire…je ne sais pas…. mais je préfère douter « Le premier ennemi de la connaissance n’est pas l’ignorance, c’est l’illusion de la connaissance » Stephen Hawking

J’ai toujours en tête (Entre autres) la manière dont a débuté la guerre du Vietnam, où la aussi le pays semblait avoir besoin de démocratie…. Incidents du golfe du Tonkin


Dear Optimist, Pessimist and Realist. While you were arguing about the glass of water. I drank it. -The opportunist

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#53 18/04/2018 14h25

Membre (2017)
Réputation :   2535  

Bonjour GreenLock,

1) Quand je posais la question sur le mobile, je m’interrogeais spécifiquement sur les frappes réalisées en fin de semaine dernière, qui ont une portée essentiellement symbolique (comme mentionné par Doubletrouble) et non économique et militaire. Il s’agissait de "taper du poing sur la table" sans tuer personne et sans doute sans vraiment affecter la structure militaro-répressive du régime (enfin, ça on ne peut que le supposer). Spécifiquement pour ces représailles, je ne vois pas vraiment de mobile plus large que marquer les lignes rouges pour Assad (et peut-être aussi pour Poutine).

2) Je rejoins votre impression : la France semble plus "moteur" sur ce dossier que les USA (comme Hollande l’était déjà par rapport à Obama, effectivement). Cela dit, Macron a clairement défini les limites de cette action : il ne s’agit aucunement de déclencher une guerre ou de changer le régime ("l’ennemi c’est Daesh" etc.). Même s’il est clair que la ligne diplomatique de la France est (de façon fort justifiée, évidemment) hostile au régime, il n’y a actuellement pas d’appétit pour une action militaire pour changer le régime (peut-être même moins avec Macron qu’avec Hollande / Fabius, la situation sur le terrain ayant changé entre-temps).

3) J’ai trouvé la déclaration de 7 minutes de Trump justifiant les frappes plutôt intéressante et construite (davantage que l’essentiel de ses tweets évidemment…). Il y exprime bien l’idée que cette action était rendue inévitable par le franchissement des lignes rouges par Assad, mais que les USA n’ont aucune intention d’intervenir davantage au Moyen-Orient ("a very troubled place"). A mon sens, il est bien plus sur une logique isolationniste que Bush (évidemment), H. Clinton, voire Obama - mais un isolationnisme pragmatique, avec des "lignes rouges".

4) Effectivement, on peut essayer d’interpréter cette affaire sous l’angle de logiques différentes pour contrer l’expansionnisme iranien dans la région :
- l’isolationnisme pragmatique de Trump
- l’interventionnisme humanitaire, mais prudent et limité, des Européens (enfin, sur ce dossier l’Europe se résume à Macron + May)
- les frappes "préventives" israéliennes
- les tentatives d’endiguement saoudiennes par intervention directe (Yémen), soutien à des groupes rebelles (Syrie) ou pression politique (Liban)

Parfois les intérêts de ces différents acteurs convergent, et une action coordonnée est possible. Mais la plupart du temps c’est le b… la pagaille.

5) Sur l’idéalisme, je vous ressors la belle citation de De Gaulle (déjà utilisée pour un débat avec Doubletrouble) :

"Tout peut, un jour, arriver, même qu’un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté apparaisse, en fin de compte, comme un bon placement politique."

Bien sûr, le motif humanitaire est souvent un prétexte pour des intérêts stratégiques ou économiques, et bien sûr, les Etats (même démocratiques) sont des monstres froids. Mais si l’action de mon pays, quelles qu’en soient les raisons, peut améliorer le sort de populations civiles, je la soutiens sans réserve. C’est ainsi que j’évalue la politique étrangère de mon pays (les intérêts stratégiques et économiques sont également essentiels, évidemment).

De ce point de vue, je n’avais pas de reproche majeur à faire à Hollande (que je trouvais mauvais sur à peu près tout le reste), et pas de critique à adresser à Macron non plus sur ce plan, jusqu’à présent (alors qu’il m’horripile sur beaucoup d’autres aspects).

Il y a d’ailleurs une grande continuité dans la politique étrangère française, contrairement à ce que certains ont dit récemment en distinguant le supposé "suivisme" de Macron de la position de Chirac sur l’intervention US en Irak (en oubliant que ce dernier était très hostile au régime Assad, surtout après l’assassinat commandité par Damas de son ami libanais Rafic Hariri en 2005).

Dernière modification par Scipion8 (18/04/2018 14h52)

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1    #54 18/04/2018 15h41

Membre (2018)
Réputation :   5  

1) Parfois, oui, il faut être manichéen. Plutôt que de faire des rappels historiques qui nous amèneraient rapidement au point Godwin, une parabole :

Quelque part dans le monde, un dictateur tue un enfant. Le naïf, le manichéen, s’émeut, se révolte : il demande justice pour l’enfant tué, il exige que cela cesse. L’esprit fin, lui, s’interroge sur les responsabilités respectives du dictateur et de l’enfant…

Depuis que Kadhafi est mort je n’ai pas l’impression que les enfants soient plus en sécurité qu’avant, les noirs réduits à l’esclavage ne le sont pas non plus d’ailleurs, le manichéen bombarde puis réfléchit, l’esprit fin pense aux conséquences, au vu du résultat en Irak et en Libye il serait temps d’apprendre de nos erreurs (a moins que ça n’en soit pas réellement)

2) Oui, les Etats sont des monstres froids qui agissent pour leurs intérêts, mais oui, les démocraties sont plus "morales" que les autres régimes. Pour le comprendre :

- Mme (ou M. !) Michu regarde tranquillement le journal de JP Pernaut quand, juste avant le fromage, on lui montre des images d’enfants morts, gazés (alors que ce qu’elle aime, elle, ce sont les reportages sur le dernier luthier artisanal de France, dans le Jura). Cela la choque, l’émeut, la révolte. Elle est comme ça, Mme Michu : elle ne comprend rien à la géopolitique, par contre, elle, elle sait que tuer un enfant, c’est mal (elle est manichéenne, elle aussi, elle n’a pas l’esprit fin qui peut conduire à justifier le meurtre d’un enfant).

- Il se trouve que Mme Michu, elle vote, et elle est largement majoritaire dans le pays. Le Président démocratiquement élu, quand bien même il n’en aurait rien à faire des enfants morts, ne peut faire abstraction de l’émotion de Mme Michu. Et là, il a un choix avec 3 options : (1) ne rien faire l’exposerait à la critique d’indifférence, surtout si Mme Michu voit des images d’enfants morts à chaque JT (c’est vrai qu’en Syrie, cela ne dure que depuis 7 ans) ; (2) faire un beau discours exprimant sa révolte (aka la stratégie Obama) peut fonctionner si on est éloquent, mais pour un temps seulement ; (3) agir pour mettre fin aux tueries, de façon plus ou moins brutale ou symbolique.

- Pour la Syrie, Macron et Trump ont choisi la 3e option. Certainement pas pour le plaisir, pas pour des intérêts cachés (du genre attaquer les Illuminati qui se cachent en Syrie ou montrer leur virilité à Brigitte et Melania), mais parce qu’en démocratie, une action morale ou immorale d’un dirigeant a un impact politique immédiat. (Il est vrai, toutefois, qu’avec la montée en puissance des adeptes de la théorie du complot dans l’électorat occidental au détriment de la gentille et naïve Mme Michu, cet impact devient peu à peu moins net.)

Pour la théorie du complot quand les USA créaient des fausses preuves pour attaquer l’Irak au détriment du droit international, et quand la France est très grandement soupçonné (pas par des complotistes mais par la justice et des journalistes du monde) d’avoir attaqué Khadafi pour le faire taire sur le financement de la campagne électoral de Sarkozy, on est quand même en droit de se poser des questions sans être traité de complotiste, surtout que les journaux qui vous informe sont détenus par les même personnes qui vendent des armes aux différents protagonistes et qui se partageront ensuite les marchés dans ses territoires sans gouvernement.

- Non, on ne peut pas mettre Le Monde et RT/Spoutnik sur le même plan. Dans une démocratie et une économie de marché, le succès commercial d’un média d’informations doit dépendre, sur le long terme, de sa crédibilité. Je peux lire des tribunes d’opinion de temps en temps, mais j’ai surtout besoin d’informations réelles, vérifiées de façon crédible, et si possible accompagnées d’une analyse qui me permet de mieux comprendre les événements. C’est ça qui me conduit à payer pour un média. En revanche, dans un régime autoritaire (par exemple la Russie), des médias comme RT ou Spoutnik n’ont qu’un rôle de propagande : leur existence ne dépend pas de la qualité de leur travail de "journalistes", ou de leur crédibilité, mais de leur productivité en termes de "fake news". Il est intellectuellement malhonnête de disqualifier systématiquement toute information rapportée par nos médias (de façon unanime), et de préférer la propagande éhontée de Poutine.

Quand on regarde la campagne présidentielle Française et le soutient total de TOUS les médias envers Macron, spoutnik et RT n’ont pas de leçon à recevoir, mention spéciale pour libération et son titre, "faite ce que vous voulez, mais votez macron", voila ceux qui donnent des leçons de journalisme a RT.

Vous devriez lire "les petits soldats du journalisme" et "la pensée en otage"

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#55 18/04/2018 15h45

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Le conflit syrien et ses dessous géopolitique sont largement documentés. Ces analyses ne sont que rarement accessibles via les média de masse, même si cela arrive parfois.
Il s’agit d’une opération de "regime change" sous la houlette américaine, sur le modèle de ce qui a été fait en Irak ou en Libye. Cet agenda date de l’administration Bush et suit le plan de remodelage du moyen-orient voulu par les néo-conservateurs états-uniens.
Il y a une abondante documentation sur Wikileaks :
http://www.truth-out.org/progressivepic … -bloodbath
Maintenant, qu’allons-nous faire dans cette galère ? Depuis Nicolas Sarkozy nous sommes devenus les supplétifs des USA, sur le modèle anglais. Est-ce dans notre intérêt national ? Non, il s’agit d’alliances personnelles, idéologiques. Notre personnel politique est largement influencé par l’idéologie atlantiste, via notamment des officines de lobbying comme la French American Foundation et  ses Young leaders… Macron, Hollande, Juppé et beaucoup ont fait parti de ses membres et ont suivi ses  programmes.
Et non, je vous vois venir, il ne s’agit pas de "complotisme", tout cela est public :
https://www.monde-diplomatique.fr/2016/ … OINT/56762

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#56 18/04/2018 15h51

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Scipion8 a écrit :

Le relativisme systématique et absolu dont témoignent certains messages conduit à ne plus croire en rien, à se désintéresser de tout, à accepter la barbarie du monde comme une fatalité, et au bout du compte, à se réfugier tout seul sur son Aventin ou sur son île - ce qui est finalement assez cohérent, Surin ;-) (je vous taquine, moi-même je n’exclus pas de me réfugier un jour dans mon "île" aveyronnaise, abritée du tumulte du monde)

A vous lire et le reste de votre message, je me moquerais de ce qui arrive dans un coin du monde et serais pour que cette barbarie perdure ou qu’elle reste en l’état. Merci de ne pas tronquer ma pensée.
J’ai simplement exprimé le fait que l’action engagée par certains occidentaux de manière unilatérale et sans accord à l’ONU n’était pas due au simple fait que des enfants auraient été tués et/ou aurait vocation à ce que cela cesse. Je ne juge pas de la véracité ou pas du gazage, effectivement je m’en moque pas mal même si c’est très triste mais je refuse que l’on emploie ce prétexte pour justifier des actions militaires car de tout temps, comme rappelé par certains forumeurs ici, les faux prétextes gnangnan ne servaient qu’à convaincre madame Michu par la voix de Mr Pernaut qu’il fallait agir et utiliser nos armées et sociétés privées vendant (cher) le matériel militaire.
Personnellement je n’y crois pas. J’en ai le droit sans être traité comme vous le faites.

Je préfère que nos média s’intéressent à ce qui arrive à nos enfants.
Pourquoi photographier et publier la photo d’un enfant migrant échoué sur une de nos plages alors qu’il y en a plein, toutes les semaines dans les piscines et tous les jours sur les routes, français ou vivant en France, chez nous, nos familles, voisins, à qui cela arrive et que les médias pourraient photographier pour attirer le focus, or ils ne le font pas.
Je vous rétorque alors la même chose, c’est parce qu’ils s’en fichent et que cette barbarie que nous subissons chez nous est considérée à tort comme une fatalité…

Pour moi non et c’est ce sujet qui est prioritaire, ensuite on verra ce qu’il se passe ailleurs mais attention aux remèdes occidentaux qui n’ont pas assez fait leurs preuves jusqu’à présent.


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#57 18/04/2018 16h44

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Scipion8 a écrit :

Qui définit à qui appartient telle ou telle "terre" ?

Moi je veux bien raisonner comme cela. Mais alors qu’est-ce qu’on fait des minorités Russes dans les pays baltes, en Crimée, etc ? A quel niveau considère-t-on que les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes ? (parallèle avec la France, à titre d’exemple : doit-on donner l’indépendance à la Corse ou bien sont-ils en minorité en France ?)

A vous lire, votre copine ne fait pas partie de la minorité Russe de Lituanie, pourtant ça existe…

Je ne nie pas ce que vous dites, simplement vous présentez les choses de façon aussi biaisée que moi si ce n’est plus.

Scipion8 a écrit :

Pour revenir à la Syrie…

Nos alliés ou ceux des Etats-Unis ?

A voir la politique extérieure des US depuis 60 ans, je ne crois pas à l’adage l’ami de mon ami est mon ami en relations internationales (ni l’ennemi de mon ennemi est mon ami). Les US fonctionnent comme cela, ça leur est toujours retombé sur le coin du nez

Scipion8 a écrit :

C’est une question légitime. Je n’ai évidemment pas la réponse, mais il y a des explications possibles :

Franchement, je ne peux pas vous suivre là dessus. C’est complètement suicidaire comme approche. Il ne peut être bête à ce point. Si c’était le cas, il aurait été éliminé de la direction du pays depuis bien longtemps.

Autant je vois bien les intérêts des US, avec leurs alliés anti-chiites et anti-russes, autant je persiste : où sont les intérêts européens là dedans ?
Si c’est pouvoir rajouter une économie bancale de plus dans une union déjà chancelante (ie l’Ukraine) franchement je crois qu’on se trompe de cible. Si c’est se fâcher avec un partenaire économique qui nous est utile (ressources naturelles notamment), je ne vois pas non plus.

Quand on voit les US torpiller nos tentatives de business dans certains pays (ex : Iran) ou les amendes dès que l’on fait quoi que ce soit qui ne leur plaît pas, je ne vois pas où est notre intérêt de long terme à rester sur cette ligne. A court terme, ça fragilise les frontières de l’UE. On a vraiment tout gagné.
Et dire ça ne veut pas dire que j’admire Assad, Khadafi, Hussein ou Poutine

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#58 18/04/2018 16h50

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Igorgonzola a écrit :

les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes ?

C’est un principe auquel n’importe qui peut faire dire n’importe quoi.
Evitons de l’utiliser, sinon je viendrai expliquer à l’état que ma famille est un peuple et qu’elle décide de disposer d’elle même.


La vie d'un pessimiste est pavée de bonnes nouvelles…

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1    #59 18/04/2018 16h55

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Je plussoie les analyses de GreenLock et Scipion8.

Je nuancerais toutefois le paragraphe sur Mme Michu avec le fait que la provenance des vidéos d’enfants morts n’est pas choisie au hasard. On attend toujours de voir des cadavres Yéménites pendant le déssert, pour ne mentionner que l’un des absents les plus notables. L’indignation est voulue sélective ; ce n’est pas un complot, chaque publication ayant sa ligne éditoriale… Les nouvelles du Yémen sont disponibles pour celui que ça intéresse, mais simplement ne sont pas mises au premier plan. C’est là où le bât blesse : Mme Michu ne recherche pas spécialement l’information, elle lui arrive en bruit de fond quand elle écoute la radio sur le trajet pour emmener Dylan au foot ou bien lorsque la TV est allumée pendant le repas. Seule une minorité de citoyens votants vont chercher à s’informer, et une bonne partie de ceux-ci vont s’arrêter à d’autres sources biaisées simplement de manière différente. Et c’est bien normal, les gens ont une vie et elle ne consiste généralement pas à croiser frénétiquement les infos dans l’espoir de comprendre les tenants et aboutissants de lointains conflits. C’est là où intervient notre ami Karl Rove.

Et c’est aussi pour cela que Bannon dit très justement que désormais le parti d’opposition, ce sont les médias (et les moguls qui les controlent). Et le moyen trouvé par Trump et dans une certaine mesure Macron pour le neutraliser, c’est de remplir le cycle d’actualité de bullshit. Il n’est pas aisé/souhaitable d’influencer trop directement ce sur quoi va porter le bruit de fond des médias, mais on peut le tourner à son avantage en le forçant à disserter sur des non-évènements "bruyants" : il s’agit de mettre des évènements graves et sérieux sur le même plan que d’autres frivoles, voire carrément les éclipser ; ou bien de déplacer la "fenêtre d’Overton" sur des sujets qui intéressent le parti.

Qu’on les aime ou pas, le GOP et les figures qui l’entourent comme Frank Luntz sont passés maître dans l’art subtil d’exploiter jusqu’à la dernière goutte le maigre temps d’attention accordé par le "low information voter".

Si l’on veut une politique de meilleure qualité, il faut que l’ensemble de la populace s’y intéresse passionément et y accorde du temps. Si vous vous amusez à lire des discours politiques ou la presse du XIXème ou début XXème siècle, l’appauvrissement terrible de la communication moderne est cruellement visible. Donc bon, les ficelles vont être de plus en plus grosses et le niveau de plus en plus faible tant que Mme Michu ne deviendra pas une policy wonk… autant dire que c’est mal parti.

Pour conclure ce message trop long que personne ne lira jusqu’au bout, je dirais bien "vive le café du commerce", dans le sens où même si l’on y trolle ou qu’on y échange des théories du complot, au moins on discute politique et on échange des points de vue variés. Mais avec la mode actuelle de tout relativiser ("je ne juge pas") et de ne pas offenser etc, même ça risque de tendre à se raréfier.


✯ Mangia bene, caca forte, e non aver paura della morte.

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#60 18/04/2018 17h45

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@Doubletrouble Rien de nouveau sous le soleil, Guy Debord a théorisé "La société du spectacle" dès 1967, s’appuyant lui même sur des travaux plus anciens encore comme ceux de Feuerbach au milieu du XIXème siècle.


Par vent fort, même les pintades arrivent à voler

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#61 18/04/2018 17h49

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@DDtee : malheureusement oui… Ou Neil Postman aussi, que j’affectionne.


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#62 18/04/2018 21h30

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@Scipion8

Je vous rejoins sur tout les points de votre analyse. Au final nos visions sont proches, la vôtre n’est si naïve, la mienne n’est pas si cynique.

Ce que je ne supporte pas c’est juste qu’on me sorte une information pré-machée, pré-digérée où on vient m’expliquer où est le bien et où est le mal. Aprés peut être que c’est nécéssaire pour Madame Michu comme vous le dites…pour ma part j’estime être une Madame Michu++ et à votre citation de De Gaulle je vous répondrais celle-ci, qui n’a pas d’auteur. "On va pas se raconter la bonne aventure entre gitans"

smile

PS: @doubletrouble
Contrairement à vos craintes j’ai lu votre post jusqu’au bout et je m’y retrouve. Particulièrement sur la partie café du commerce qui représente finalement un des derniers lieux où l’on peut échanger avec des personnes de tous bords, trés souvent en bonne intelligence.
Si seulement Madame Michu laissait plus souvent Monsieur Michu sortir au bar du coin…wink


Dear Optimist, Pessimist and Realist. While you were arguing about the glass of water. I drank it. -The opportunist

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1    #63 18/04/2018 23h52

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carignan99 a écrit :

On mélange pas mal de choses parce que beaucoup d’évènements et intérêts s’entremêlent en effet. Peut-être me le reprochera t-on mais n’étant pas particulièrement au fait de la chose militaire ou géopolitique, je préfère m’en tenir à des faits :

1. La Russie n’a pas agressé militairement mon pays,
2. La Syrie n’a pas agressé militairement mon pays,
3. M. Bachar al-Assad n’est pas un ange mais il combat par ailleurs des excités qui au nom d’une religion assassinent mes concitoyens,
4. La dernière fois qu’on avait des ’preuves’ sur la possession et l’usage d’agents chimiques, ça a donné l’Irak et le chaos qui s’en est ensuivi,
5. S’attaquer bille en tête à des dictateurs peut avoir des conséquences funestes et contreproductives - cf. par ex. le soutien (involontaire certes mais soutien quand même) de la France au génocide rwandais dans les années 90 ; ou encore les conséquences hallucinantes de la seconde invasion de l’Irak etc.
6. La France continue à jouer les gendarmes du Monde, au nom d’un Droit de l’hommisme franchement arrogant. De quel droit va t-on bombarder un pays qui ne nous a pas agressé? Et surtout quel intérêt stratégique ou tactique avons-nous à le faire?

1. Ca pourrait bien dépendre de ce que vous appelez "militairement" (par ex : une attaque informatique, pour vous, ça peut être considéré comme militaire ?). En envoyant quelques missiles sur des installations en Syrie, faisant 0 victime,la France n’a pas plus "agressé militairement" la Russie.
2. (et 1.) Et donc pour vous ceci signifie que, tant qu’un pays n’a pas "agressé militairement mon pays", mieux vaut ne jamais réagir, ceci quoi que fasse les dirigeants de ce pays ?
3. Je ne crois pas qu’il combatte quiconque d’autre que ceux qu’il considèrent comme ses opposants. Parfois ce sera des gens nuisibles pour nous aussi, parfois pas, mais c’est juste 2 caractéristiques peu ou non corrélées.
4. D’une part le "track record" d’Assad (depuis l’arrivée de son père au pouvoir) semble bien plus crédibiliser ce qu’on lui attribue, d’autre part l’action que ces "preuves" justifient n’est pas du tout de la même nature (que la 2è guerre d’Irak).
5. Votre raisonnement me semble bancal. Avec un tel raisonnement, aucun chirurgien ne se lancerait dans une opération qui ne serait pas quasiment sans risque. Il y a des situations (nombreuses en politique étrangère et ailleurs) où il n’existe pas de stratégie facile à déterminer, et conduisant au résultat voulu sans aucun risque.
6. Il n’existe pas une "Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC)" signée à Genève en 1993, et ratifiée par quasiment tous les pays (et même par la Syrie en 2013 !) ? Quels pays peuvent être en mesure de réagir dans une situation comme celle-ci en Syrie (sinon les 3 seuls pays membres permanents du du Conseil de Sécurité de l’ONU qui n’ont pas une optique bien différente dans ce dossier) ? Pour l’intérêt stratégique et tactique aussi, il y a divers arguments à avancer (que ce soit crédibiliser notre parole, notre diplomatie, notre force militaire, etc. autant d’aspects qui nous servent dans de multiples circonstances), même si ça reste à notre niveau (pas au même que les USA par ex).


J'écris comme "membre" du forum, sauf mention contraire. (parrain Fortuneo: 12356125)

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#64 19/04/2018 03h37

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@Juillet
Effectivement le conflit syrien est bien documenté: la quasi totalité des centaines de milliers de morts, blessés, de millions de réfugiés, sont le fait de l’armée syrienne au service de Bachar el-Assad, notamment de son aviation appuyée par la Russie (et au sol l’aide de l’Iran). Je crois qu’il faut rappeler et répéter ce point essentiel parce que l’on peut avoir l’impression que tout se vaut en Syrie: rebelles, terroristes, kurdes, russes, turques, etc et qu’ils ont tous la même part de responsabilité et surtout les mêmes moyens ce qui n’est absolument pas le cas.
Tous ces dégâts et ces victimes sont donc causés essentiellement par l’armée syrienne via des armes conventionnelles. Les attaques chimiques, pourtant horribles, constituent une part infime de ce désastre humanitaire.
Et je ne parle même pas des milliers d’enlèvements arbitraires et de la pratique de la torture qui s’ensuit.
Quelques années auparavant, l’armée américaine avait détruit l’Irak, aujourd’hui c’est l’Arabie saoudite qui crée une catastrophe humanitaire au Yémen.
Je crois qu’il ne faut pas choisir son camp, chiites vs sunnites, USA vs Russie, toutes ces armées, sous prétexte de combattre "le terrorisme et les ennemis de la nation" (on connait la chanson, c’est la même depuis des siècles) nourrissent le terrorisme et font bien pire que lui, bien plus de victimes, bien plus de souffrances, bien plus de destruction. Ce sont tout simplement ceux qui disposent de la puissance militaire qui créent le plus de troubles, le mot est faible, au delà de l’idéologie. Les idées ne tuent pas, les armes si, pour le plus grands bonheur des Lockheed Martin , Boeing et consorts qui font leur business de la guerre, pardon, de la "sécurité" et de la "défense".

Armement : ce qu’ont vendu les Boeing, Lockheed et consorts à l’Arabie Saoudite

Arms industry - Wikipedia

Top 100 | Defense News, News about defense programs, business, and technology

What’s Happening In Syria?


L'argent ne fait pas le bonheur des pauvres

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#65 19/04/2018 10h17

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GoodbyLenine a écrit :

1. Ca pourrait bien dépendre de ce que vous appelez "militairement" (par ex : une attaque informatique, pour vous, ça peut être considéré comme militaire ?). En envoyant quelques missiles sur des installations en Syrie, faisant 0 victime,la France n’a pas plus "agressé militairement" la Russie.

Sur l’existence ou non d’attaques informatiques, je n’ai pas accès à ce genre d’information, n’ayant pas l’habilitation ni l’expertise nécessaires. Je vous laisse le soin d’élaborer sur ce point.
Sur 0 victime : dans mes souvenirs de l’armée, un bombardement / attaque par missile fait fatalement des victimes. Je n’étais pas sur le terrain et j’imagine que vous non plus donc on ne sait pas autre chose que ce que racontent les communiqués officiels. Et franchement vous me faites sourire avec votre ’en envoyant quelques missiles’. J’ai entendu parler ou lu ici et là de l’envoi d’une centaine de missiles. Chacun ayant plusieurs centaines de kg de charge utile, la puissance destructrice est phénoménale.
Sur la Russie, je crois néanmoins comprendre que c’est un allié assez actif de la Syrie, avec une implication non négligeable sur le terrain. Certains émettent même l’idée que les bombardements constituaient un message pour M. Poutine. Soyons factuels : la Russie est alliée avec la Syrie. On bombarde la Syrie, on ’agresse’ donc d’une façon ou d’une autre ses alliés, dont la Russie fait partie.

GoodbyLenine a écrit :

2. (et 1.) Et donc pour vous ceci signifie que, tant qu’un pays n’a pas "agressé militairement mon pays", mieux vaut ne jamais réagir, ceci quoi que fasse les dirigeants de ce pays ?

Je ne pense pas avoir dit ou écrit cela. En l’espèce, ces points n°1 et n°2 que vous mentionnez sont indissociables des autres (il y en avait 5) : c’est un tout. Toujours dans le cas d’espèce, je constate que la Syrie et la France ont au moins un ennemi commun. ET que la Syrie ne nous a pas agressé. ET que nous ne sommes pas les gendarmes du monde. Ce qui m’amène à la conclusion qu’il vaut mieux continuer à cibler les excités qui assassinent au nom de la religion (ce que nos forces spéciales font en Syrie et c’est tant mieux) plutôt que de conduire un bombardement massif sur des installations syriennes. Ce raisonnement peut vous paraître absurde (c’est votre droit) mais mais de grâce, évitez les procès d’intention à peine déguisés - ça ne vous va pas du tout.

GoodbyLenine a écrit :

3. Je ne crois pas qu’il combatte quiconque d’autre que ceux qu’il considèrent comme ses opposants. Parfois ce sera des gens nuisibles pour nous aussi, parfois pas, mais c’est juste 2 caractéristiques peu ou non corrélées.

Peu me chaut les raisons qui font que M. Assad combatte des ennemis communs avec la France. Il le fait, ça me suffit.

GoodbyLenine a écrit :

5. Votre raisonnement me semble bancal. Avec un tel raisonnement, aucun chirurgien ne se lancerait dans une opération qui ne serait pas quasiment sans risque. Il y a des situations (nombreuses en politique étrangère et ailleurs) où il n’existe pas de stratégie facile à déterminer, et conduisant au résultat voulu sans aucun risque.

Mon cher GBL, le parallèle avec un chirurgien est inadéquat. D’abord parce que celui-ci n’opère pas sans le consentement éclairé de son patient (ou de ses proches ;  sauf en cas d’urgence vitale peut être). A ma connaissance, nous n’avons pas demandé à M. Assad s’il souhaitait être bombardé après lui avoir exposé les bénéfices/risques de cette opération et gentiment attendu son consentement.
Ensuite, les conséquences d’une opération chirurgicale restent ’limitées’ à un individu et à ses proches. Bombarder un dictateur a des conséquences collectives.
Enfin, on a plus de recul sur le ratio bénéfices/risques d’une opération chirurgicale que sur celui d’opérations militaires à l’encontre d’un Etat constitué.

Et concernant les risques, l’histoire contemporaine regorge d’exemples où les bonnes intentions ont conduit à des désastres. Il semble par exemple bien établit que la seconde guerre d’Irak a engendré (ou à tout le moins précipité) un chaos avec des répercussions au niveau planétaire. Je donnais également l’exemple du Rwanda, avec à la clé la France qui (excusez du peu) s’est d’une façon ou d’une autre retrouvée à ’aider’ (sans doute involontairement) un génocide. Liste non exhaustive. Tout cela devrait appeler à de la retenue et un bombardement massif n’est pas de la retenue.

Quand à l’aspect moral de bombarder parce que les armes chimiques sont interdites, vous me permettrez de m’interroger. Pourquoi réagit t-on à l’utilisation d’armes chimiques mais pas à l’usage massif d’armes conventionnelles? Jusqu’à preuve du contraire, celles-ci ont fait nettement plus de victimes civiles que le chimique. Les victimes se fichent de savoir si c’était du chimique, du baril de TNT, une balle ou un missile lancé depuis un bâtiment de combat. A la limite, je trouve même assez dégueulasse (je pèse mes mots) de réagir à l’utilisation d’armes chimiques mais pas au reste.

De façon plus générale, mon raisonnement est que 1) nous ne sommes pas les gendarmes du monde et 2) bombarder un pays étranger (qui à ma connaissance ne nous a pas agressé et est objectivement un allié dans la lutte contre les islamistes) ne fait pas nécessairement partie de nos priorités.

Dernière modification par carignan99 (19/04/2018 10h43)

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#66 19/04/2018 11h04

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carignan99 a écrit :

Sur 0 victime : dans mes souvenirs de l’armée, un bombardement / attaque par missile fait fatalement des victimes.

Pas si les cibles potentielles ont été évacués par les syriens avant l’attaque, qui était annoncée par tweet.

carignan99 a écrit :

Pourquoi réagit t-on à l’utilisation d’armes chimiques mais pas à l’usage massif d’armes conventionnelles? Jusqu’à preuve du contraire, celles-ci ont fait nettement plus de victimes civiles que le chimique.

C’est pas faux. Les bombardements conventionnels sur Tokyo en 1945 ont fait beaucoup plus de victimes que Nagasaki ou Hiroshima. Mais cela ne semble émouvoir personne.

Mais d’un autre côté, il existe une convention d’interdiction des armes chimiques donc il semble justifié de réagir quand cette convention n’est pas respectée. Il n’y a pas de convention du même type pour les autres armes (sauf les mines anti-personnelles) à ma connaissance.

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#67 19/04/2018 11h19

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Sur les éventuelles victimes du bombardement et pour être clair : je ne dis pas qu’il y en a eu ou pas.
Mais soyons sérieux : quand on balance plusieurs tonnes de charge utile sur un site, on peut s’attendre à des effets collatéraux. Un missile, ça peut tomber à coté. Une évacuation d’un site, ça peut laisser des gens derrière. Quand on bombarde un site qui (apparemment) contient des agents chimiques, on peut s’attendre à des fuites de produits toxiques. Etc.

Ce n’est pas parce qu’on le fait depuis un poste de combat au milieu de la Méditerranée et qu’on l’a annoncé avant sur Tweeter que c’est indolore. C’est un acte de guerre et la guerre, ça tue.

Notez bien que mon propos n’est pas de me prononcer ’contre la guerre’. Je suis simplement en porte à faux avec cette histoire de ’c’était annoncé et il y a eu 0 victimes’. Il ne faut pas minimiser la portée destructrice de cette action, c’est tout.

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1    #68 19/04/2018 12h01

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@ Captain Trips

Je crois qu’il ne faut pas choisir son camp, chiites vs sunnites, USA vs Russie, toutes ces armées, sous prétexte de combattre "le terrorisme et les ennemis de la nation" (on connait la chanson, c’est la même depuis des siècles) nourrissent le terrorisme et font bien pire que lui, bien plus de victimes, bien plus de souffrances, bien plus de destruction. Ce sont tout simplement ceux qui disposent de la puissance militaire qui créent le plus de troubles, le mot est faible, au delà de l’idéologie. Les idées ne tuent pas, les armes si, pour le plus grands bonheur des Lockheed Martin , Boeing et consorts qui font leur business de la guerre, pardon, de la "sécurité" et de la "défense".

J’ai toujours du mal avec ce genre de discours relativiste de condamnation morale indifférenciée qui ne cherche pas à établir l’histoire ni la genèse des conflits.
Tout le monde sera effectivement d’accord pour dire que la guerre est une abomination et un fléau (exceptés les marchands d’armes nous sommes d’accord sur ce point).
Cependant, si vous vous penchez sérieusement sur toutes la documentation de wikileaks, notamment, mais il y a bien d’autres sources, vous comprendrez que les milices djihadistes en Syrie ont été armées et financées par l’Arabie Saoudite et le Qatar, formées par les USA et leurs alliés dans le but de renverser le régime d’Assad.
Un rapport officiel de la DIA de 2012 commandé par Michael Flynn, montrait déjà que les groupes financés et soutenus par les US et leurs alliés appartenaient à la mouvance salafiste et que leur but était d’établir une principauté salafiste en Syrie. Cela a été fait en toute connaissance de cause :
https://www.rts.ch/info/monde/6803923-l … mique.html
Ce chaos meurtrier a été provoqué par la coalition occidentale. Même la France a armé des groupes "rebelles" salafistes et a dépêché des conseillers militaires. Ces milices sont des groupes salafistes qui partagent la même idéologie que Daesh, certains les ont rejoint ou ont rejoint le front al-nosra. S’il y a bien eu des groupes rebelles "modérés" au tout début du conflit, ils ont très vite ont été supplantés par les salafistes.
Qu’Assad soit un dictateur c’est une chose, que l’on finance et soutienne des groupes djihadistes pour le renverser, qu’on crée le chaos en Syrie, c’en est une autre.
Du reste, Assad bénéficie toujours d’un large soutien de la population, qui a vite choisi son camp entre les djihadistes et l’armée régulière. Le bilan humain est sans conteste très élevé mais il faut faire très attention aux sources avancées. Aucune donnée fiable n’est pour l’instant disponible, les sources telles que l’OSDH étant parties prenantes du conflit.
En août 2016, un bilan de l’OSDH faisait état de près de 300 000 victimes, 84 000 civils, 50 combattants "rebelles" et de l’alliance arabo-kurde, 50 000 djihadistes, et pus de 100 000 hommes des forces gouvernementales de Bachar al-Assad. Vous voyez donc que même en prenant une source proche des djihadistes comme l’OSDH, c’est l’armée syrienne qui payait le  plus lourd tribu dans cette guerre. On peut penser qu’avec les bombardements menés par la Russie, les pertes djihadistes sont aujourd’hui plus importantes, ainsi que les pertes civiles. Il faut en effet savoir que les djihadistes utilisent intentionnellement les  populations civiles comme bouclier humain dans les zones urbaines qu’ils contrôlent.
Au niveau des armes chimiques, le stock de Damas a été démantelé sous la supervision de l’OIAC, on ne peut toutefois pas exclure que l’armée les ait utilisé auparavant. Cependant, là aussi, la documentation à disposition montre que les groupes djihadistes ont fait un usage systématique des armes chimiques tout au long du conflit,comme le montre cet article du NYT :
https://mobile.nytimes.com/2016/11/21/w … .html?_r=0
Ma position sur ce conflit, comme sur beaucoup d’autres, est que ce n’est pas à une coalition de pays occidentaux de décider à la place des populations quel dictateur doit être renversé ou non, c’est de l’ingérence pure et simple. Nous n’avons pas ces scrupules avec les dictateurs africains de la françafrique. Lorsque, pour aboutir à ce résultat, nous nous plaçons du côté d’al-qaïda et de groupes djihadistes pour provoquer la guerre et le chaos c’est tout simplement criminel.

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#69 19/04/2018 12h03

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Si cela peut vous rassurer carignan99, Assad pourra continuer à balancer des barils de poudre bourrés de clous, sur sa population, ce qui a fait bien plus de morts que ses attaques chimiques et malgré que c’est une arme prohibée, il ne risque aucun bombardement.

L’inquiétude pour nous est que le chimique se banalise et soit utilisé dans d’autres conflits ou attentats.

Lors d’un bombardement de dépôt d’armes chimiques, les gaz sont immédiatement détruits par la chaleur et il n’y a donc pas de risque de propagation.

Des entreprises chimiques Flamandes ont malgré l’embargo, continué à exporter en Syrie de l’isopropanol composant chimique entrant dans la fabrication du gaz sarin.

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#70 19/04/2018 12h12

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@pvbe
Pourquoi dites vous ’si cela peut vous rassurer’? Je vous avoue être un peu perdu là.

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#71 19/04/2018 12h54

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pvbe a écrit :

Des entreprises chimiques Flamandes ont malgré l’embargo, continué à exporter en Syrie de l’isopropanol composant chimique entrant dans la fabrication du gaz sarin.

l’isopropanol (alcool isopropylique) est un simple solvant dégraissant et désinfectant utilisé partout, du nettoyage des lentilles laser à l’impregnation des garnitures de stérilisation en passant par l’imprimerie offset (en tant qu’agent de mouillage). C’est pas du tout spécifique au gaz sarin.

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2    #72 19/04/2018 14h11

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Bonjour !

La Syrie, c’est TRÈS compliqué. Alors, discuter sur les intentions réelles ou affichées, de divers dirigeants, c’est comme vouloir faire un trou dans l’eau.

Dans le conflit syrien, on a :
- Un régime pro-chiite qui est en guerre contre des factions sunnites, mais ces factions ne sont pas unies, et se battent à l’occasion entre elles.
- Du point de vue religieux, la Syrie a deux gros alliés : l’Irak et l’Iran. Mais, du coup, les ennemis de l’Iran, Arabie Saoudite en tête, soutiennent les rebelles contre le régime Assad.
- Israël, aussi ennemi de l’Iran est habituellement ennemie de l’Arabie Saoudite ; mais les ennemis de mes ennemis étant ce qu’ils sont, il y a des discussions entre l’Arabie Saoudite et Israël pour contrer le régime d’Assad. Et Israël a utilisé des armes pour le compte de l’Arabie Saoudite, mais sans le dire.
- Les Kurdes tentent de profiter de la confusion pour se tailler un territoire en bordure de leur région autonome d’Irak.
- DAESH a essayé, par une démarche similaire de se créer un territoire, mais avec une optique religieuse très marquée, et une internationalisation du recrutement et des ressources financières.
- La Turquie, quasi-ennemie des Kurdes, alliée des USA (membre de l’OTAN) et alliée de Moscou, souhaite, sans le dire, une décrépitude de son voisin syrien ; ce qui laisserait la Turquie comme la plus grande puissance régionale. Mais les Kurdes et la Turquie, bien qu’ayant les mêmes ennemis en Syrie, ne peuvent pas se voir, et se tapent dessus …dans l’espace syrien.
- Les USA, alliés de l’Arabie Saoudite, ont commencé par soutenir les rebelles syriens, contre le régime d’Assad ; puis avec l’arrivée de DAESH, ils ont changé leur fusil d’épaule, et ont combattu DAESH à partir de l’Irak, soutenant ainsi, sans le dire, le régime.
- La Russie, alliée depuis longtemps de l’Iran (il existe un pacte d’assistance militaire mutuelle : pour toute agression militaire d’un des deux pays, l’autre le soutiendra militairement) aide le régime Assad, en espérant asseoir son influence sur une grande zone pétrolière.
- Mais l’Iran, bien qu’alliée de la Russie, pousse ses cartes en Syrie, et espère aussi obtenir beaucoup en Syrie, et il y a une sorte de concurrence entre ces deux alliés sur les zones à dominer.
- Les USA voient d’un très mauvais œil cette double contagion russe et iranienne. Leur influence est de plus en plus réduite à l’Irak, et encore, en forte diminution. Ils voudraient bien lutter contre la Russie, mais ne peuvent pas le dire ni le faire.

Bref, je ne vais pas vous saouler avec de nombreuses autres considérations. Sachant que les dirigeants, et leurs stratèges, ont beaucoup d’autres informations, qu’ils ont leurs propres démarches et leurs propres calculs, et leurs propres soucis (dont celui de bien manipuler les opinions publiques pour être réélus), il me semble illusoire de chercher à solutionner ce panier de crabes.

Macron, Trump, Poutine, Assad, MBS, Erdogan, Rohani, et bien d’autres dirigeants ont des considérations que nous ne connaîtrons jamais. Et il ne faut pas se faire d’illusion : les informations dont nous disposons sont filtrées, travaillées, présentées dans un but que nous ignorons, même si, parfois, elles contiennent une part de vérité.

Conclusion : arrêtez de vous battre sur des sujets dont on sait seulement qu’on ne sait pas grand chose.


M07

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#73 19/04/2018 14h14

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La Syrie s’était engagée en octobre 2013 à détruire son stock d’isopropanol et l’exportation vers le pays avait été interdite sur recommandation de l’OIAC, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques.

Olivier Lepick"Indiquez ici l’auteur de la citation" a écrit :

"L’isopropanol est un précurseur secondaire du sarin, il y a d’autres applications évidemment, notamment industrielles, elles sont assez nombreuses, mais effectivement, il peut entrer dans le mode de synthèse du neurotoxique organophosphoré qu’est le sarin", explique Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique à Paris.

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#74 19/04/2018 21h35

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@M07 : Sur le fait que la Syrie est un embrouillamini terrible et qu’il est difficile de démêler les intentions et plans des différentes parties, 100% d’accord avec vous.

Quelques nuances quand même :

- La Turquie n’a jamais été, n’est pas, et ne sera probablement jamais un allié de la Russie, même si comme joueur de Diplomacy je considère l’alliance Russie-Turquie comme l’une des plus fortes ;-) Ils ont toujours été et restent des adversaires stratégiques, la Turquie contrôlant 2 verrous naturels à l’éternelle ambition russe de l’expansion vers les "mers chaudes" (dont la stratégie russe actuelle en Syrie actuelle est un avatar, d’ailleurs) : le Bosphore et les montagnes du Caucase. Cette rivalité stratégique dure depuis le 16e siècle, avec pas moins de 12 guerres : dans cette lutte, la France a été parfois du côté des Turcs (guerre de Crimée, 1853-1856… déjà la Crimée !), parfois du côté des Russes (1ère Guerre Mondiale).

Actuellement, la relation entre Erdogan et Poutine alterne entre phases glaciales (par exemple la Turquie a abattu un chasseur russe s’approchant un peu trop de son espace aérien au nord de la Russie) et phases épisodiques de rapprochement apparent, quand Erdogan veut marquer sa distance avec les USA (le véritable et principal allié de la Turquie).

Je comparerais ça avec la situation suivante : en classe de CP, le petit Kevin aime tendrement Mélanie, qui l’aime aussi mais fait la fière et ne l’avoue pas ; du coup Kevin se rapproche de Julie (qu’il n’aime pas et que Mélanie déteste) sous les yeux de Mélanie pour la rendre jalouse. Si on remplace Kevin = Erdogan, Melanie = Trump, et Julie = Poutine, on comprend à peu près la relation triangulaire USA / Turquie / Russie, à mon avis ;-)

- La relation Irak / Syrie est aussi loin d’une alliance, ça a toujours été tendu, notamment évidemment sous S. Hussein qui était l’ennemi mortel de l’Iran (un allié clef de Damas), mais même avec le changement de régime en Irak, ça reste compliqué. Il n’y pas (eu) véritablement de coopération entre les 2 pays dans la lutte contre Daesh.

Le nouvel Irak essaie (intelligemment, à mon sens) de se positionner entre l’Iran, les USA, l’Europe, et la Russie, en essayant de ménager de bonnes relations avec tous. C’est compliqué avec la Turquie, en revanche (incursions militaires turques au nord de l’Irak contre les Kurdes).

- La Turquie ne veut pas de partition de la Syrie, qui renforcerait les prétentions indépendantistes des Kurdes. Je pense qu’Erdogan voudrait idéalement un régime sunnite vassal à Damas.

Au-delà de ces détails, un point crucial : si la France peut ne pas s’intéresser à la guerre en Syrie, malheureusement la guerre en Syrie affecte la France, et l’Europe toute entière. Outre les aspects humanitaires, la crise migratoire qu’elle a largement déclenché a eu des conséquences politiques incalculables, contribuant sans doute à la montée de l’extrême-droite en France (empêchant toute chance d’alternance en 2017), forçant Merkel à une nouvelle grande coalition (montée de l’AfD), contribuant sans doute aussi au Brexit, et de façon générale fragilisant l’équilibre de nos sociétés. Et nous avons appris à vivre sous la menace constante des attentats… Le chaos syrien, et l’absence de résolution définitive de ce conflit, continue d’être une menace pour la France et pour l’Europe. Sous cet angle-là, l’interventionnisme (à mon sens insuffisant, mais c’est mieux que rien) de Macron est parfaitement justifié.

@Juillet : selon les sources mêmes que vous citez (l’OSDH), l’essentiel des victimes civiles depuis 2011 a été causé par le régime, par des armes conventionnelles (comme d’autres l’on déjà rappelé ici). Par exemple, au décompte de mars 2017, l’OSDH estimait que le régime avait tué 83500 des 96000 victimes civiles (ça a bien monté depuis, Assad garde la forme !). Un régime qui massacre sa population est inapte à gouverner et doit être remplacé, ce n’est pas plus compliqué que ça. [Vous êtes intelligent, et malgré ces chiffres écrasants, ce que vous appelez "criminel", ce sont les représailles (très limitées) occidentales. A un moment, il faut peut-être vous poser des questions. La passion politique est mauvaise conseillère.]

En appeler au droit international pour défendre ce régime est presque comique, quand on se souvient des très légères infractions au droit international commises par Assad et ses alliés :
- La Syrie a allègrement violé la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, dont elle est signataire. Cela justifie une réponse internationale.
- De nombreuses attaques terroristes visant la France, le Royaume-Uni (entre autres), ont été préparées à partir du territoire syrien : une pure violation du droit international, qui en droit international, justifie entièrement une réponse militaire des Etats agressés. [Car oui, la responsabilité d’un Etat c’est aussi d’empêcher le développement sur son sol de groupes terroristes attaquant d’autres pays.]
- La Russie a démontré son grand respect de la souveraineté des Etats et des frontières internationales en annexant purement et simplement la Crimée en 2014. Poutine n’est pas vraiment le défenseur le plus crédible du droit international ;-)
- Si les représailles de la France et de ses alliés contre la Syrie avaient été contraires au droit international, elles auraient sans nul doute été condamnées comme telles par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Or, la résolution russe en ce sens a été clairement rejetée par 8 voix contre sur 15 (3 voix pour, 4 abstentions). [Bon, c’est vrai que ça aide que la France et ses 2 alliés soient membres permanents avec droit de veto, mais Poutine connaît bien ça, lui aussi ;-) ]

@Igorgonzola :

- Pour l’essentiel, les alliés des USA sont aussi nos alliés, et vice versa. Difficile de trouver des exceptions. Evidemment, le degré de proximité avec les différents pays varie. Mais je pense que les entreprises américaines et françaises d’armement (pour essayer de trouver un critère objectif de coopération militaire), par exemple, opèrent à peu près sur les mêmes marchés, avec l’aval des autorités publiques : dans la région dont on parle, pays du Golfe, Turquie, Irak, Egypte, Tunisie, Maroc, Liban, Jordanie, Israël.

- Avec les USA, nous sommes alliés et concurrents, l’un n’empêche pas l’autre. Et comme vous, et comme d’autres l’ont déjà dit sur cette file, je regrette la "naïveté" (et l’incompétence ?) des dirigeants français (et européens, plus généralement) dans cette compétition économique avec les USA : sanctions extraterritoriales de la justice US contre des entreprises françaises, parfois pour obtenir des ventes d’entreprises sous pression (l’affaire GE/Alstom, avec la complicité probable de certaines de nos élites), soft power US (effectivement, les programmes du type Young Leaders sont de l’entrisme caractérisé dans nos élites), espionnage, surveillance électronique…

Dans cette compétition sans merci, il faudrait que la France / l’Europe soit capable de répondre du tac au tac, par exemple par une imposition juste des GAFAs et des sanctions extraterritoriales pour violations de la concurrence. Mais il manque une vision, une volonté, une force, et surtout une unité : la réponse évidente à la domination économique US (avec des moyens plus ou moins corrects), c’est une Europe forte (et je dis cela en étant loin d’être un eurobéat). C’est ironique de voir que les mêmes qui se plaignent de la domination US rejettent mordicus la construction européenne…

- Mais c’est une erreur complète à mon sens de mélanger cette compétition économique avec les US avec les dossiers de sécurité (intérieure et internationale), comme la Syrie, pour lesquels les USA sont un partenaire indispensable, avec qui nous partageons la plupart du temps les mêmes intérêts et les mêmes valeurs.

- Sur Poutine, à mon sens vous vous méprenez complètement : la question de "se fâcher" avec lui ne se pose pas, il est dans une pure stratégie impériale de confrontation :
- Vous croyez que les Baltes ont fait quelque chose pour le menacer ? (on se demande bien quoi, avec leurs moyens gigantesques bien connus) Pourtant ils sont régulièrement l’objet de tentatives de déstabilisation, du genre distribution de passeports russes aux minorités russophones que vous évoquez.
- Les pacifiques Suédois ont-ils fait quoi que ce soit pour mériter des provocations sous-marines (entre autres) au large de Stockholm ?

Non, c’est juste que Poutine, pour exister, a besoin sans cesse de montrer ses muscles et de provoquer, comme un bully de cours d’école (décidément…), comme Big Brother, dans "1984", a besoin de sans cesse désigner l’ennemi pour consolider son pouvoir.

[Je précise que je différencie Poutine du peuple russe, qui, j’en suis convaincu, ne veut que la liberté et la paix, et finira par se lasser du bellicisme imbécile de son leader actuel. Et effectivement ma copine lituanienne n’est pas russophone, mais, au risque de subir ses foudres (elle commence à comprendre le français), je précise pour éviter tout soupçon de russophobie que mes attachements personnels ne se sont pas arrêtés au nouveau rideau de fer (avant que je la connaisse, hein…) et que j’ai depuis la plus grande admiration et affection pour la culture et l’esprit russes ;-)]

- Sur les motivations d’Assad pour utiliser l’arme chimique contre sa population, je garde mes hypothèses. 2 points à noter :
- Du point de vue d’Assad, les représailles occidentales n’ont rien eu de dramatique : en gazant quelques civils, il a juste "acheté" de l’information actualisée sur les lignes rouges de Trump et Macron. Cela n’a rien de "suicidaire" (mais de totalement cynique et abominable, oui).
- Assad peut avoir intérêt à alimenter les tensions entre Poutine et les Occidentaux… Vous avez mentionné la crise des missiles à Cuba en 1962 : pendant cette crise, Castro n’a eu de cesse d’alimenter la tension, alors que Khrouchtchev essayait de sortir de la crise.

@Risitas : Comme vous, j’ai très peu apprécié le déroulement de la campagne présidentielle de 2017, et notamment le rôle que les principaux médias y ont joué (la mise au pilori du principal du candidat de l’opposition, avec un festival de violations du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence). Cela m’a conduit à l’abstention au 2e tour - quelque chose qui me fait encore mal au ventre (comme je l’ai d’ailleurs exprimé sur une file de "politique intérieure" de ce forum). Mais pour autant, j’essaie de ne pas être aveuglé par ma passion politique, et de ne pas tomber dans le relativisme et la théorie du complot. Sur l’affaire syrienne, les faits se recoupent, depuis de nombreuses années, et je n’ai pas de raison de douter du traitement médiatique de ce conflit par nos médias (même s’il est bien connu que la première victime de toute guerre, c’est la vérité), ni du caractère approprié de la réponse de Macron à cette situation.

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#75 19/04/2018 21h57

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Reste que l’on peut se poser la question de l’impact que peuvent avoir sur l’opinion (et notamment sur les pro-Assad) "les représailles (très limitées) occidentales". On s’arrange pour intervenir mais en faisant le moins mal possible par crainte des représailles, c’est du même acabit que la ligne rouge d’Obama. Il y a des fois où il vaudrait mieux ne rien faire que d’étaler ses faiblesses.

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