7 #1 29/07/2018 21h23
- Scipion8
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Mes réflexions sur l’impact d’une crise systémique sur les ETF. Je commence par expliquer ce que signifie une crise systémique pour les banques avant d’en arriver aux ETF, physiques et synthétiques.
1) Une crise systémique se traduit par un manque généralisé de collatéral pour les banques
Une crise systémique survient lorsqu’émergent des craintes généralisées sur la qualité des actifs des banques, mettant en doute leur solvabilité. Une crise de ce genre peut survenir de façon plus ou moins soudaine : parfois, une récession conduit à une forte augmentation des taux de défaut sur les prêts bancaires aux entreprises et/ou aux ménages ; quelquefois, le véritable risque des actifs bancaires se révèle d’un coup, par exemple lorsque le souverain perd tout d’un coup son accès aux marchés de capitaux (risque de défaut sur les obligations souveraines, massivement détenues par les banques du pays), ou lorsqu’un produit financier détenu massivement par les banques apparaît comme risqué (par exemple crise du subprime, entraînant la chute des ABS / CDO).
Confrontées à des craintes sur la solvabilité de leur consoeurs (les bilans bancaires étant par essence très opaques et complexes), les banques cessent de se prêter entre elles, entraînant un gel soudain du marché interbancaire (c’est ce qui s’est passé en Europe le 8 août 2007).
Par ailleurs, les banques font face à la défiance de leurs créditeurs et déposants, se traduisant par des fuites de dépôts hors du système bancaire et par l’impossibilité de lever des fonds sur les marchés de capitaux (titres de créances négociables, obligations etc.). Tout cela conduit à une forte incertitude sur la position de trésorerie de chaque banque - même parfaitement saine par ailleurs.
Pour ne pas s’effondrer soudainement en raison d’un manque de liquidité, les banques prennent des mesures drastiques :
- elles limitent leur activité de prêt ;
- sur le marché monétaire, si elles continuent à prêter, elles vont demander des actifs d’excellente qualité en garantie (collatéral), avec des décotes (haircuts) nettement rehaussées ;
- elles gardent précieusement leurs actifs éligibles aux opérations de la banque centrale (qui n’accepte que des actifs de bonne qualité comme collatéral) = la seule contrepartie qui continuera à leur prêter quoi qu’il arrive, (i) si elles sont solvables et (ii) si elles ont du collatéral éligible ;
- elles procèdent à des ventes d’actifs, même à perte (fire sales), en privilégiant évidemment la vente d’actifs non éligibles aux opérations de la banque centrale.
Que fait la banque centrale ? La banque centrale ne peut pas sauver une banque insolvable (c’est le rôle d’un Etat) ; en revanche la banque centrale peut prêter à des banques solvables en crise de liquidité :
- la banque centrale modifie les termes de ses opérations de politique monétaire pour faciliter l’accès des banques à sa liquidité : par exemple elle peut passer ses opérations en fixed rate / full allotment (ce qu’a fait la BCE en septembre 2008 après la chute de Lehman) : les banques solvables reçoivent autant de liquidité qu’elles veulent - dans la limite de leur collatéral éligible (c’est donc absolument crucial pour la survie d’une banque d’avoir autant d’actifs éligibles que possible).
- pour les banques solvables et systémiques qui n’ont pas assez de collatéral éligible, la banque centrale peut fournir des prêts en dernier ressort (Lender-of-Last Ressort), sous la forme d’Apport de Liquidité d’Urgence (Emergency Liquidity Assistance, ELA), contre des actifs normalement non éligibles en garantie, mais avec de très fortes décotes. La banque centrale prend plus ou moins le contrôle des actifs de la banque : elle choisit de façon discrétionnaire les actifs qu’elle prend en garantie pour l’ELA, en ciblant évidemment les meilleurs actifs. Cela signifie que ces actifs deviennent inaccessibles aux autres créditeurs et déposants de la banque en cas de défaut… (C’est une de mes spécialités professionnelles : sauver des banques d’une crise de liquidité tout en protégeant la banque centrale, dans tous les scénarios.)
Il faut bien comprendre qu’une banque centrale, que ce soit pour la politique monétaire ou pour l’ELA, ne prête jamais sans collatéral (ce serait contraire à son statut, et ça finit toujours mal). La disponibilité de collatéral de bonne (ou assez bonne) qualité est donc le critère #1 qui va décider si une banque va survivre ou non à la crise systémique.
Les régulateurs et les départements de gestion des risques des banques vérifient en permanence la capacité d’une banque à avoir suffisamment d’actifs disponibles pour survivre à une crise de liquidité. C’est le sens de nouvelles régulations comme le LCR (Liquidity Coverage Ratio), et de l’attention des régulateurs et banquiers sur les risques d’assèchement du collatéral (collateral scarcity).
Pendant une crise systémique, la "valeur de liquidité" de la plupart des actifs chute brutalement, en raison (i) de la baisse généralisée des prix des actifs, (ii) de la hausse généralisée des décotes (haircuts) appliquées par les banques, voire celles de la banque centrale, et (iii) de l’exclusion soudaine par les prêteurs de certains actifs, voire des pans entiers des marchés financiers (pendant la dernière crise : ABS, certaines obligations souveraines de la zone euro etc.).
L’assèchement soudain du collatéral disponible a un impact majeur sur les banques, donc potentiellement sur les ETF, auxquels elles sont liées de façon multiple.
Il faut bien comprendre que ces effets n’arrivent pas seulement lorsqu’une banque fait défaut, mais bien avant, lorsqu’il y a un risque qu’une banque fasse défaut - les banques prenant les mesures décrites plus haut dès que les risques apparaissent.
Mon message est déjà bien long, je continuerai plus tard.
2) Effets potentiels d’une crise systémique sur les ETF physiques
3) Effets potentiels d’une crise systémique sur les ETF synthétiques
Mots-clés : crise systémique, etf (exchange traded funds), tracker
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