Rastignac a écrit :
Les courbes de Friggit constituent un travail à la fois sérieux et limité, une sorte de synthèse économique "pure" et partielle; elles excluent toutes autres approches, notamment géographique et sociologique. C’est un indice parmi d’autres, qui sert surtout à rationaliser un refus de l’investissement immobilier par des gens déjà réticents au départ… En effet, il suffit de lire les récits de DDTee, Philippe30 et d’autres spécialistes pour comprendre qu’ils se servent d’une approche globale avant d’investir.
Friggitt démontre surtout que le prix du m2 est devenu "insupportable" dans les grandes villes, et en particulier Paris quant on le compare aux revenus, et surtout à la situation des années 1960-70. C’est oublier que la capitale et les métropoles attirent des gens jeunes, de moins de trente-cinq ans, prêt à faire beaucoup de sacrifices pour réussir leur débuts professionnels. La centralité du logement permet de gagner du temps, et cela se paie cher… En revanche, après 35-40 ans, les gens s’installent plus loin (banlieue ou province), pour avoir de l’espace pour les enfants. En fait, l’argent perdu en loyers élevés est regagné en temps disponibles pour aller travailler où s’épanouir dans un lieu favorable, plus sympathique que certains coins de Seine-Saint-Denis…
De plus, l’approche économique de Friggit oublie une évolution marquante de ces 20 dernières années : la quasi-totalité de la croissance éco se réalise dans les grandes villes, surtout celles de plus d’1 million d’habitants. C’est particulièrement net depuis le débuts des années 2000, période où les courbes sortent du "tunnel de Friggit", voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Courbe_de_Friggit.
Il existe donc un intérêt à se loger près des lieux à fortes croissances, qui accordent les plus gros salaires pour les gens très qualifiés, ce que les géographes appellent le "tertiaire supérieur". Enfin, il faut comparer ce qui est comparable : Paris de 2019 est très différent de Paris en 1960, en revanche, une comparaison entre Paris et Londres en 2019 me semble bien plus pertinente avant de faire un choix d’investissement.
Rastignac
Merci pour ces reflexions pertinentes quant a Friggit qui fait reference depuis de longues annees au sein de forums orientes immobilier.
Toutefois, je me permets d’ajouter trois angles complementaires a celui mis en lumiere par Friggit: l’evolution du systeme hypothecaire francais et europeen, l’arrivee de l’euro et le reglement bilanciel de la banque centrale francaise vis a vis des acteurs bancaires francais. Le contenu est volontairement simplifie voire caricature afin de faciliter la comprehension
1/ Lorsqu’on achete un logement, la banque preteuse obtient en contrepartie une hypotheque sur le bien immobilier qui sert de garantie au pret en cas de defaut. Historiquement, CHAQUE banque detenait des milliers d’hypotheques, devait les garder precieusement (papier) et devait gerer la vente des biens en cas d’impaye. Cela etait tres cher, nids a erreurs et ne permettait pas aux banques de rapidement faire face au trou dans leur bilan. En sus, le fisc, les creanciers particuliers pouvaient passer AVANT les banques si l’individu etait en faillite personnelle et donc se retrouver avec une portion seulement du produit de la vente immobiliere.
Ce n’est qu’au debut des annees 2000, grace a la deconfiture immobilier de la fin des 90s que le systeme a ete refondu avec digitalisation, centralisation (’Credit Logement") et perpetuation du privilege de preteur de denier sous une forme tres simplifiee et facile a mettre en oeuvre.
Donc en cas de defaut de paiement les banques sont 1/ servies en premier sur le bien immo, 2/ mutualisent les frais de gestion des hypotheques et 3/ n’ont parfois meme pas a gerer la vente du bien, l’organisme s’en charge, avance les fonds et l’histoire est entendue du point de vue de la banque preteuse.
=> Cela permet donc de baisser le ’cout’ du credit sur le bilan d’une banque, la ’matiere premiere’ "cout bancaire" coute moins cher
2/ L’arrivee de l’Euro a permis a la dette francaise d’etre incroyablement moins chere et plus stable sur les marches financiers des la fin des 90s. L’effet est ENORME a 10, 15 ou 20 ans.
=> La ’matiere premiere’ "cout de l’argent" coute moins chere et est plus stable donc encore plus facile a fixer sur de longues periodes.
3/ L’evolution des regles de controle bilanciel imposees aux banques francaise a permis de relaxer graduellement la quantite de capital mis de cote par les banque pour faire face aux defauts de paiement des emprunts immobiliers, et ce, grace a l’excellente tenue des emprunteurs francais qui sont de tres bons emprunteurs en moyenne.
=> Cela permet donc de progressivement emettre davantage de prets hypothecaires a des emprunteurs pour la meme quantite de fonds propres. La banque peut donc charger la mule sans plomber son bilan outre mesure.
Pourquoi est-ce important ?
Tout simplement parce que grace a 1/, 2/, 3/ et probablement d’autres raisons egalement, le cout des credits en France aupres des particuliers est l’un des plus bas du monde. Et c’est relativement nouveau, ce n’etait PAS DU TOUT le cas dans les 70s, 80s et meme 90s.
Brutalement, des prets a 20, 25 ans furent possibles.
Brutalement, des prets a 110% furent possibles.
Brutalement, les banques pouvaient preter a ’Taux OAT 10 ans +0.7%" a peine, contre facilement +2/3% par le passe tant le systeme hypothecaire, les risques de defaut et la volatilite de la dette francaise pesaient dans l’equation’
La courbe de Friggit omet cette evolution fondamentale et structurelle qu’est l’acces au credit incroyablement aise et peu cher aujourd’hui. Cette evolution est mondiale mais tres prononcee en France. Posez la question a des amis allemands, italiens, autrichiens, americains. Vous serez tres etonnes des apports exiges, des taux et des durees maximales de leurs emprunts.
Selon moi la brutale envolee du debut des annees 2000 a re-ancre un nouveau niveau d’acces a l’immobilier dans les conditions de credit actuelles. Si demain l’euro disparaissait et/ou la dette francais malmenee par exces de dette… ou que le systeme hypothecaire volait en eclat suite a la faillite de la SG… etc… alors effectivement un grand retour au ’tunnel de Friggit’ serait peut etre a prevoir.
D’ici la, je prends le pari que l’immobilier a encore de tres beaux jours devant lui en France a long terme, malgre les signes d’echauffement a Lyon/Paris/Bordeaux.
Comme d’habitude, j’ADORE avoir tort et apprendre des participations - n’hesitez pas a apporter des contre arguments !