#26 18/12/2019 12h58
- Scipion8
- Membre (2017)
- Réputation : 2535
D’un point de vue économique, Noël est une calamité, en raison d’un effet de perte agrégée d’utilité - liée au fait que ceux qui reçoivent les cadeaux les valorisent souvent à un niveau moindre que leur coût pour ceux qui les leur ont offerts. Ce que les économistes appellent deadweight loss ("perte sèche").
C’est le don (pas uniquement pour Noël) qui est source de perte agrégée d’utilité, en raison d’une allocation évidemment imparfaite : on n’offre pas ce que la personne à qui l’on veut faire plaisir souhaite vraiment.
Dans cet article classique de 1992, The Deadweight Loss of Christmas, Joel Waldfogel (Université de Yale) a tenté d’estimer cet effet, en demandant à un échantillon de personnes ayant reçu des cadeaux pour quelle somme elles seraient prêtes à les échanger :
Joel Waldfogel (Yale University, 1992) a écrit :
When economists comment on holiday gift-giving, it is usually to condone the healthy effect of spending on the macroeconomy. However, an important feature of gift-giving is that consumption choices are made by someone other than the final consumer. A potentially important microeconomic aspect of gift-giving is that gifts may be mismatched with the recipients’ preferences. In the standard microeconomic framework of consumer choice, the best a gift-giver can do with, say, $10 is to duplicate the choice that the recipient would have made. While it is possible for a giver to choose a gift which the recipient ultimately values above its price - for example, if the recipient is not perfectly informed - it is more likely that the gift will leave the recipient worse off than if she had made her own consumption choice with an equal amount of cash. In short, gift-giving is a potential source of deadweight loss.
This paper gives estimates of the deadweight loss of holiday gift-giving based on surveys given to Yale undergraduates. I find that holiday gift-giving destroys between 10 percent and a third of the value of the gifts. (…) Holiday expenditures average $40 billion per year, implying that a conservative estimate of the deadweight loss of Christmas is a tenth as large as estimates of the deadweight loss of income taxation. I also explore how deadweight loss and the tendency to give cash gifts vary with the relationship and age difference between giver and recipient. I find that gifts from friends and "significant others" are most efficient, while noncash gifts from the extended family are least efficient and destroy a third of their value.
L’effet de perte sèche de Noël est donc massif, de l’ordre d’un dixième de l’effet de perte sèche lié à l’impôt et à une mauvaise allocation des transferts sociaux (aux USA) ! Quand vous faites un cadeau, vous détruisez en moyenne de 10% à 30% de la valeur, par rapport à un don d’argent. Et cet effet est (sans surprise) plus important pour des cadeaux offerts à des amis ou des membres de la famille élargie, par rapport à un très proche.
La conclusion est sans appel : pour le bien de l’économie, faites des dons d’argent à Noël, sauf éventuellement à ceux que vous connaissez le mieux, ou alors demandez à l’avance ce qu’il faut offrir, sacrifiant ainsi l’effet de surprise sur l’autel de l’intérêt général.
PS : Cela dit, comme d’habitude, on trouve des économistes avec des conclusions opposées : ceux-là trouvent au contraire que ceux qui reçoivent des cadeaux les valorisent en moyenne 2% au-dessus de leur coût.
PS2 : Par ailleurs, le "marché secondaire" des cadeaux (revente en ligne le lendemain de Noël) s’est considérablement développé depuis 1992, ce qui conduit en principe à une forte baisse de la décote d’illiquidité sur ces cadeaux, donc une perte agrégée d’utilité sans doute bien inférieure à celle estimée par Waldfogel.
PS3 : En tout cas il me semble crucial que chacun étudie en profondeur cette question avant de se lancer dans ses achats de Noël ;-)
Hors ligne