Hier je regardais la vidéo de quelqu’un qui disait fièrement avoir tout vendu vendredi.
Et ce week-end sur le net, c’était la fin du monde assurée lundi, on allait se ramasser grave…et ben non.
Pour moi le coronavirus est une justification a posteriori. D’ailleurs je pense qu’énormément d’arguments, en bourse, sont en fait des justifications a posteriori. Quand j’ai débuté, au milieu du marché baissier de 2008, j’ai essayé de timer le marché, de comprendre sur quoi ça reposait, etc…j’ai surtout compris que je n’y comprenais rien, et encore aujourd’hui je comprends que je ne comprends rien.
Je suis surtout content de n’avoir qu’une très petite somme investie, et qui n’est pas conséquente au regard de mon patrimoine financier global: comme ça je regarde mon portif perdre 15 pour cents en deux semaines, ou trois mois, pour les regagner en quelques semaines ou trois jours.
En fait je m’observe et j’observe mon attachement au gain, à la peur de perdre, et de voir qu’en fait, ce qui fait le plus perdre, c’est l’agitation que ça génère.
Puis en tant que professionnel de santé, lire les nombreux discours sur le coronavirus, les convictions de certains, alors qu’en fait on a pas tant de recul, ou que les vraies infos pertinentes sont noyées derrière les interprétations de x, les peurs de y et le bruit médiatique, ben en fait, oui, pour moi tout ça est du bruit.
Et même tous ces commentaires ici, malgré le fait que je sais qu’ils sont fondés sur une recherche sincère d’élucidation de ce qu’il se passe et de comment s’y positionner, en fait, quelque part, ils participent de ce bruit.
Parce qu’à la fin je ne me sens pas plus orienté sur ce que je devrais faire ou pas faire, et j’’en reviens au fait que la bourse est l’expression ultime du libéralisme au sens premier: on est seul face à ses choix dans un monde qui le permet, et on personne ne nous aidera, ou ceux qui nous aident, s’ils ne connaissent pas nos ressorts personnels, risquent de ne pas nous aider vraiment.
Donc on est seul, face à ses choix, et aussi au fait que malgré toutes les théories sur la valorisation et toutes les approches possibles qu’on ait, ce genre de crise nous confronte à la cohérence de notre approche et notre capacité à la maintenir ou à lâcher sur les principes qu’on s’est fixés.
Et à trouver le juste équilibre entre maintenir sa ligne fixée, et se remettre en question. C’est à dire trouver la stabilité dans le mouvement, sans se figer ni trop bouger. Art subtil.
Contrairement à certaines lois physiques du monde où la liberté est contrainte par le réel, en bourse j’ai le sentiment qu’on a une palette énorme de choix, et que même s’il y a des lois "physiques" du monde économique, le temps de les énoncer et d’avoir un regard rétrospectif, et bien il est déjà trop tard, car on doit fonctionner avec des référentiels passés qui sont toujours déjà dépassés, juste par le fait que nos capacités de perception et d’analyses, aussi talentueux soit-on, seront toujours surprises par un élément qu’on n’avait pas pensé…En fait je veux dire qu’on produit plein de raisonnements, qui sont des analyses, mais que leur but, s’il est d’essayer de comprendre le monde et ses comportements potentiels, risque aussi d’être une tentative de conforter son propre paradigme de pensée.
Bref, cela revient à la question du risque: autant de précautions qu’on puisse prendre, la bourse ne se fera jamais sans risque, le plus grand risque étant l’irrationnalité de ses intervenants.
Donc, à lire ces lignes, et sachant la philosophie de ce forum concernant l’investissement, je me pose toujours la question, à lire certains, de la frontière entre investissement et trading, et si la tentation n’est pas bien grande de perdre sa vision à long terme pour faire des coups à plus court terme.
Perso le peu que j’essaie je me ramasse.
Et ce week-end je me disais que j’allais liquider mon portif car tout le monde dit que ça craint….sauf que si je l’avais fait bah j’aurais zappé une sacrée remontée.
Donc j’en reviens que le mieux est quand même d’investir sur un horizon de deux décennies, en sélectionnant ses entreprises sur des bases de valorisation solides (décote sur fonds propres, endettement contenu ou justifié par des dépenses de développement bien calculées, activité plutôt classique fonctionnant bien, ou si innovante, faite par un management honnète avec une vision, etc etc…), et de le faire en épargnant sur une durée longue, et au cas où l’on investisse une grosse somme sans possibilité d’épargne régulière, le faire en lissant son entréé sur le marché sur une période longue (environ deux ans ou plus) afin d’éviter le stress d’un one shot avant une baisse conséquente.
Quant au coronavirus, ça fait parler énormément (je me rappelle mes tournées à domicile en 2009 lors de la grippe A, j’aurais fait fortune si j’avais facturé mes prestations de réassurance psychologiques mais ça ne faisait pas partie des cotations!) mais je crois qu’en fait si le marché était haussier, il aurait continué de monter, et là la valorisation ainsi que la fragilité de certains fondamentaux (la dette c’est bien mais la dette c’est de la dette!) non réglés depuis 2008, ben ça aussi c’est du risque. Et le coronavirus met seulement face aux fragilités systémiques d’un système qui a voulu croître vite, très vite, gagner vite, beaucoup, mais sans prendre le temps, comme d’habitude ai-je envie de dire, de se poser, s’enraciner dans quelque chose de solide. Car ça veut dire prendre du temps, et pour certains prendre du temps c’est perdre de l’argent alors que dès fois ça permet surtout de réfléchir sur comment ne pas en perdre plus tard et en gagner régulièrement, moins rapidement, certes, mais régulièrement, sur du long terme.