al2020 a écrit :
… Proglio a dit …
Comparativement, si la France était restée dans le système des tarifs réglementés qui existaient du temps de l’entreprise publique, le prix n’aurait pas évolué ou quasiment pas puisque les coûts n’ont pas évolué en globalité".
Ce mécanisme de formation des prix par les règles de l’UE est le suivant :"à chaque instant le prix de marché est égal au coût de production de la centrale la plus chère de tout le réseau interconnecté européen, et ce même si la part de production de cette centrale représente une part infime de la production totale, car ce mécanisme de formation des prix de gros est indépendant des quantités produites. Ce prix, qui dépend non pas du prix moyen de l’électricité produite mais du prix de la dernière centrale marginale appelée à fonctionner, est applicable à toutes les centrales en production à ce moment-là, quelle que soit leur part relative dans la production du parc installé. Il y a donc un alignement du marché sur le prix marginal de production de la dernière centrale appelée par le gestionnaire de réseau. Comme al dernière centrale appelée est souvent à gaz, le prix est fixé sur celui du gaz. Ainsi, si le prix du gaz flambe sur les marchés du gaz, par effet de ricochet : dès qu’une centrale à gaz sera appelée en production, son coût de production s’appliquera mécaniquement à l’ensemble de l’électricité produite sur le réseau interconnecté européen, même si cette électricité est globalement produite à partir de barrage hydraulique ou de centrales nucléaires dont les coûts sont bien plus faibles et quasiment stables".
Votre citation induit les lecteurs (et vous aussi) en erreurs, en faisant l’amalgame des prix de gros (ceux pour lesquels "prix de marché est égal au coût de production de la centrale la plus chère de tout le réseau interconnecté européen") et les prix de détails (ceux que paie le consommateur final, celui qui avait le "tarifs réglementés").
Même en maintenant un monopole sur le marché du détail, la réalité économique du marché aurait lié les prix de revient (de gros) du monopole au coût de production de la centrale la plus chère : c’est à ce prix qu’aurait été vendu ou acheté de la puissance par le monopole à d’autres acteurs (d’autres monopoles, ou d’autres acteurs produisant de l’électricité en Europe; et il est clairement économiquement plus avantageux d’échanger ses surplus que de s’isoler en investissant pour ne dépendre de personne). C’est ce prix qui aurait (économiquement) justifié de conserver (ou pas) des centrales qui ne servent que quelques jours par an. C’est ce prix, et son évolution anticipée, qui justifie les nouveaux investissements.
Même avec la concurrence sur le marché de détail, EDF pourrait faire le choix (s’il sont uniquement motivée par l’intérêt général, dans l’esprit des hussards d’il y a plusieurs décennies) de maintenir un tarif de détail situé à un niveau similaire à celui où aurait été le "tarif réglementaire" (c’est juste un arbitrage en relation avec les bénéfices qu’EDF aurait fait; si le prix du marché de gros a si peu d’impact sur le coût de production de l’énergie vendu au détail par EDF, comme la majeure partie de l’énergie vendue vient des centrales nucléaire et des barrages avec leur prix de revient supposés bas, l’impact aurait du être faible…).
En réalité, ce que dit Proglio dans ce texte (avec le logiciel du contexte dans lequel il a fait toute sa carrière), ce n’est rien d’autre que : il fallait laisser à EDF le monopole de vendre de l’électricité aux clients finaux, captifs
… sous prétexte que des fonctionnaires travaillant à EDF pour l’intérêt général seraient assurément le meilleur choix
… même s’il n’y guère de raison de penser que c’est ainsi qu’on aura éternellement la meilleure efficacité,
… même si la seule chose qu’il est clairement avantageux de maintenir sous monopole est le réseau de distribution (car le dupliquer serait couteux pour tous), et éventuellement le contrôle de certains très gros moyens de production d’électricité (centrales nucléaire, barrages, etc. : parce qu’ils nécessitent d’énormes investissements qu’aucun acteur ne fera sans être l’Etat ou son bras armé, qu’elles présentent des gros enjeux de sécurité, et que les équipes d’exploitation existent et que les remplacer par d’autres -ou les transférer à un autre exploitant- serait sans doute peu efficace et couteux pour tout le monde).
Il habille ce choix (politique), qu’il soutient, de divers arguments, qui tous ne tiennent pas forcément la route.
Par ailleurs il est instructif de lire ici les raisons qui ont conduit à établir ce monopole en France, au sortir de la 2è guerre mondiale, et dans un contexte précis qui n’est plus celui d’aujourd’hui.
Tout monopole en place a beau jeu d’expliquer que ses futurs concurrents ne vont pas investir autant que lui l’a fait (et pour cause : il était seul et c’était l’argent de l’Etat), et vont se concentrer sur les niches les plus rentables en délaissant les autres (donc en ne traitant pas tous les clients de manière homogène … alors que les régulateurs veillent à maintenir des incitations à servir aussi les segments de marché les moins rentables), ce qui conduirait à terme à des prix plus élevés ou un service plus dégradé que si le monopole était maintenu.
Ce discours d’EDF, et de ses anciens dirigeants, je l’ai entendu chez France Telecom quand son monopole a été dérégulé (en plus, il y a eu de nombreuses mutations technologiques dans les télécom, sans doute plus que dans le secteur de l’énergie), et depuis lors l’ex monopole a montré ses forces comme ses faiblesses (encore aujourd’hui, rien qu’avec toutes ses emprises physiques, ses fourreaux etc. et une partie de son personnel, Orange détient des atouts -hérités du monopole- qui lui confèrent une place envieuse sur le marché français !), et certaines innovations de ses concurrent (y compris au niveau des outils de productions : j’ai connu des cas de coûts 10x moindre pour des outils meilleurs…) l’ont aussi ringardisé sur certains aspects.