Serrure, le 23/12/2024 a écrit :
J’étais grand fan de ses vidéos, et je ne me souviens pas avoir vu ni entendu, que dans ses techniques montrées de survie quelque chose de faux.
Mais si on a vu des choses fausses, je suis intéressé d’en savoir davantage !
Si vous êtes vraiment intéressé pour savoir quelles choses fausses ont été vues, vous devriez faire une recherche internet par exemple sur les termes "bear grylls wrong dangerous behaviour". Beaucoup de critiques sont disponibles sur internet, et depuis longtemps (premières controverses vers 2007). Vous dites que vous êtes intéressé mais vous ne faites pas cette recherche, c’est étonnant.
Voici un exemple de ressource que l’on trouve en 2 minutes de recherche :
What does Bear Grylls do wrong when it comes to survival techniques? - Quora
Résumé : un guide de haute montagne critique l’épisode "Snow Mountain Episode" que les plus curieux pourront regarder avant de lire la critique. De ce que je comprends, c’est un épisode Netflix qui propose des "options dynamiques", c’est à dire que l’on peut choisir de faire telle ou telle action, ce qui amène à des parties différentes de récit.
Voici une liste non exhaustive d’erreurs repérées par ce guide de haute montagne :
- la corde portée en rouleau serré autour de la poitrine. Ca donne peut-être un look de montagnard mais aucun alpiniste expérimenté ne fait plus cela : c’est roulé trop serré donc la corde sera difficile à défaire, ça limite vos mouvements, ça limite la vision vers vos pieds, etc.
- concernant l’abri dans la neige, Bear dit d’abord que ce n’est pas possible de faire un igloo car la neige est inadaptée, et il le prouve en essayant de tailler des blocs de neige de façon inappropriée. Le guide dit : "bien sûr que si, il y avait moyen de faire un abri dans la neige, soit en faisant un gros tas de neige puis en creusant dedans, soit en choisissant un spot où la neige s’est accumulée (congère), il y a déjà beaucoup de neige et elle est déjà dure, il suffit alors de creuser dedans."
- Bear choisit donc de s’établir dans une grotte ; pas le meilleur choix. Cette grotte qu’il "découvre" a fort opportunément un mur de pierres monté pour protéger du vent et des restes d’un feu de bois ; étrange !
- quand il démontre enfin l’abri dans la neige, il le démontre mal : il ne fait pas de piège à froid (on creuse un trou dans un coin de l’abri pour que l’air froid y descende) ; il n’utilise pas sa corde ni le reste de l’équipement pour se constituer un matelas isolant du sol.
- il repère une carcasse et dit que c’est une source de nourriture ; faux, c’est dangereux de la consommer car source de maladies et sur une situation de courte durée la nourriture n’est pas prioritaire. La bonne solution est : avoir de la nourriture dans le sac (type ration de secours ou autre nourriture à très haut contenu calorique ramené au poids) ; ou bien faire sans nourriture puisque pas une priorité sur une situation de courte durée ; et enfin, si vraiment on est dans une situation où consommer la charogne est une solution pour ne pas mourir, il faudrait alors faire cuire la viande longuement, de préférence par ébullition, pour tuer bactéries et parasites. BG dit ensuite : "à défaut de manger la viande, voici des larves sur cette charogne et on peut les consommer". Pipotage très probable : la charogne est très fraîche et il est impossible qu’il y ait déjà d’aussi grosses larves. Bear Grylls a apporté ses larves comestibles et les a mises sur la charogne.
- il s’engage sur de la glace au-dessus de l’eau sans vérifier son épaisseur.
- il s’est engagé sur la glace dans le but d’y faire un trou et de pêcher avec un hameçon improvisé. Ce n’est pas un choix avisé car la probabilité d’attraper du poisson avec un tel équipement est très faible et ne compense pas la dépense calorique de la longue attente ni le risque de passer au travers de la glace.
- de son trou dans l’eau, il sort une truite qui ne se débat pas : pipotage, il a amené une truite déjà morte.
- retour à la grotte où il y a un bon feu de bois très sec pour cuire sa truite. D’où sort le bois sec ? Comment a-t-il allumé le feu ? Ce n’est pas montré.
- il monte à un arbre pour repérer les alentours : attitude dangereuse, le bénéfice que l’on va gagner en ayant la vue des alentours justifie très rarement que l’on prenne le risque de blessure ou de chute. Par ailleurs, encore du pipotage avec un besoin inventé : au début de l’épisode il est arrivé en parachute, il a eu tout le temps de voir la configuration des lieux, il n’a donc pas besoin de monter dans l’arbre.
- il prétend qu’on repère le nord car les arbres qu’il désigne à l’image y ont moins de végétation. Faux, ça peut être dû à autre chose et notamment parce que c’est le côté amont. Il y a d’autres moyens plus fiable de repérer le nord.
- arrive l’hélicoptère et Bear dit : "le pilote ne peut pas accéder, il faut que je descende cette falaise". Et il fait du rappel après avoir ancré sa corde sur un corps mort constitué de sa gourde. Pipotage multiple : un hélicoptère de secours n’a pas besoin d’atterrir, ils ont une ligne, un secouriste descend et vous attache et vous remontez tous les deux. Ensuite, même s’il veut descendre en bas de cette falaise, n’y a pas besoin de faire du rappel, on voit clairement qu’on pourrait atteindre le même endroit en faisant le tour à pied. Ensuite, même si on veut faire du rappel, il y a d’autres solutions d’ancrage : un rocher, dont Bear prétend qu’il a entamé la corde, et il montre la corde entamée (le guide dit : "pipeau, la corde montrée à l’écran a été entaillée volontairement, un frottement normal contre un tel rocher n’entaillerait pas une corde d’escalade, elles sont très résistantes au frottement"), et enfin il y a un arbre de bon diamètre juste derrière lui qui ferait un très bon ancrage. Mais il préfère l’ancrage sur corps mort, qu’il démontre mal (le guide dit que c’est mal fait et du coup un ancrage très dangereux). Une fois de plus, dans ce passage de la descente en rappel, Bear Grylls fait preuve de pipotage carabiné et de mise en danger volontaire, alors qu’il existait de meilleures solutions.
Je ne connaissais pas cet épisode mais c’est du Bear Grylls typique : toujours choisir la solution la plus dangereuse et impressionnante ; les techniques montrées le sont souvent de façon approximative ; beaucoup de choses sont pipeautées (les larves, les truites et le bois sec ont été amenés).
Autre exemple très instructif que l’on peut trouver sur Quora :
Trevanion Grenfell, guide de survie dans la nature, dit : (mon résumé très court en français ; on trouvera son message dans la page donnée en lien plus haut, aux 2/3 de la page environ) :
Bear Grylls ne connaît rien à la survie, c’est un acteur. C’est une anomalie dans le monde de la survie. Les choses qui pourraient être faites simplement, il les fait de façon bizarre et qui font de la peine à regarder.
Un jour, il fait du feu par friction avec un arc et un lacet. Il l’avait mentionné plusieurs fois, il le fait enfin, alors on regarde très attentivement. On peut dire beaucoup sur les compétences d’une personne en la regardant faire du feu. Il le fait mal, il s’agite beaucoup. Après plusieurs minutes douloureuses, il a enfin un peu de fumée, mais on voit qu’il ne va pas y arriver. Là, la caméra a une secousse, et quelqu’un lance une braise vers sa planche d’allumage. Une braise qui vient d’un autre feu, hors champ. C’est évident car si son allumage avait fonctionné, il aurait eu une pyramide de poussière marron qui fume puis enflamme de l’allume-feu ; là on voit clairement que c’est une braise rapportée.
Ce qu’il démontre dans ce passage, ce sont des compétences mal maîtrisées, compensées par du pipeautage. Savoir faire du feu par friction avec un arc et un lacet, c’est ce qu’on attend d’un expert en survie ; non pas qu’on lui jette une braise pour truquer la séquence !
Quand on fait une telle recherche sur internet, on voit que de nombreuses personnes compétentes en survie lui reprochent comme principaux comportements dangereux :
- sauter d’une falaise dans de l’eau sans en connaître la profondeur
- descendre une chute d’eau en désescalade (extrêmement dangereux car mouillé, glissant, etc)
- manger de la charogne
- essorer des charognes tuées sur la route pour en extraire le jus
- essorer de la merde d’éléphant pour en extraire de l’eau.
- boire son urine (la plupart des experts disent que ça n’augmente pas les chances de survie, sauf peut-être, spécifiquement, quand on sait qu’on va manquer d’eau durablement, sans aucun autre moyen d’en avoir par la suite, et qu’on récolte et boit sa première urine, celle de quand on n’est pas encore déshydraté car elle peu concentrée ; sauf que, dans la vraie vie, quand on y pense on est déjà déshydraté, donc l’urine est un concentré de toxines donc il devient désavantageux de la boire)
- etc.
A propos de ces erreurs et exagérations grossières : il est facile d’en prendre une seule pour contre-argumenter en disant "celle-ci est exagérée mais le reste est bon" ; mais c’est faux, car une grande partie du reste, même moins exagéré, est dangereux. De toutes façons, en survie, une seule erreur vous tue, donc isoler une seule erreur et dire "c’est pas grave parce que le reste est bon", ça disqualifie celui qui utilise cette argumentation.
Mais, au-delà de ces erreurs et approximations grossières, le sentiment le plus partagé chez ces personnes compétentes en survie se résume de la façon suivante :
- il a certaines compétences et il est très athlétique, mais ce n’est pas un expert en survie.
-il se met volontairement en danger au lieu de montrer l’attitude générale de prudence et de sécurité ; au lieu de montrer la préparation, l’orientation, l’évitement du risque. C’est sûr que la préparation, l’orientation et l’évitement du risque ne font pas des émissions attrappe-audience.
- il se met en scène comme un héros qui se bat contre la nature (au lieu de travailler avec).
- même une fois en danger, il se met encore plus en danger, en permanence, pour faire le show, au lieu d’utiliser les solutions plus sécurisées qui sont celles préconisées par les experts de survie.
- les techniques montrées sont souvent approximatives (mal maîtrisées, il manque des détails importants, etc).
- il y a souvent du pipeautage : dangers montés de toutes pièces, besoins bidons (exemple : faire du rappel alors qu’on peut faire le tour à pied), fournitures apportées sur le tournage (bois sec, larves comestibles, etc), aide apportée par son équipe (par exemple un radeau pré-construit) alors qu’il prétend tout faire tout seul ; il prétend avoir passé la nuit dans l’abri alors qu’il l’a passée à l’hôtel (ça lui a été beaucoup reproché alors que ça ne me semble pas le pire, etc.
- il court après l’argent : il a lancé sur le marché, en même temps que ses émissions des objets de survie de qualité bof, mais estampillés "Bear Grylls". Ce qu’on lui pardonnerait volontiers si ses émissions étaient de qualité.
- dans l’ensemble, en regardant Bear Grylls, vous apprendrez des choses dangereuses et approximatives. Au lieu de regarder cela, regardez des vidéos d’instructeurs compétents, comme Les Stroud (c’est celui qui est cité le plus souvent ; quelques autres sont aussi cités : Cody Lundin, Ray Mears…).
Franchement, si, comme vous l’écrivez, vous ne vous souvenez "pas avoir vu ni entendu, que dans ses techniques montrées de survie quelque chose de faux", vous avez un gros problème avec vos compétences en survie. Vous avez accepté de considérer des comportements dangereux et des techniques approximatives comme étant légitimes. Si vous voulez corriger cela, il faudra vous re-former avec des personnes compétentes et prudentes (via leurs stages, vidéos ou livres), afin de désapprendre toutes ces attitudes dangereuses et approximatives.
mafo : bien d’accord, il faut distinguer survie et survivalisme.
D’ailleurs, quand il s’agit de vivre dans la nature, il faut distinguer la survie et le bushcraft. Le terme bushcraft a été de plus en plus utilisé pour décrire les compétences de la vie dans les bois, et je pense que c’est notamment en réaction à la survie-spectacle à la Bear Grylls, un peu comme le terme "prepper" a été utilisé par les gens qui voulaient se démarquer des côtés extrêmes du survivalisme.
Je ne discuterais pas plus avant sur le sujet, car ces discussions peuvent être très longues, sur le mode "my kung-fu is better than your kung-fu". Je ne suis pas non plus un expert ; j’espère avoir apporté quelques éléments utiles mais je ne peux guère apporter davantage donc il est temps que je m’arrête.
Dernière modification par Bernard2K (25/12/2024 01h53)