2 5 #1 26/12/2024 14h04
J’ai pu constater que si la plupart des petits patrons sont très pointus dans le domaine de compétence de leur TPE ou PME, ils s’avéraient souvent de très mauvais gestionnaires de personnel quand l’entité grandit, le plus souvent par désintérêt de la matière, mais surtout partant du principe que le bon sens l’emporte et sur toute autre considération et que le pouvoir de direction est un peu de droit divin. J’ai pu aussi constater l’ensauvagement croissant d’une partie de la population dont je partage quelques exemples ci dessous, et ce qui restait des comportements marginaux autrefois devient presque banal, y compris dans avec des postes pourtant qualifiés, d’autant plus incompréhensible à mon sens, et surtout plongeant le dirigeant dans un désarroi comportemental face à cela.
En Droit social, le doute sur l’analyse d’une situation arrivant devant un bureau de Jugement doit toujours profiter au salarié : les deux parties ne partent donc pas à armes égales, donc comme employeur, le mieux est de figer des contextes anormaux par des écrits, ceux ci étant opposables ensuite si la situation dégénère.
Quand je reprends une boîte, une de mes premières vérifications est l’existence d’un règlement intérieur et sa lecture : ce document n’est pas obligatoire pour les petites entreprises, pourtant c’est lui qui fixe la progressivité des sanctions possibles. Pour autre exemple, sa bonne rédaction permet d’interdire le port de signes religieux au sein de la boîte.
Quand une situation ne me convient pas, et qu’une simple remarque ne règle pas le souci, je recommande de toujours poser des écrits, mais jamais à chaud : l’employeur dispose d’un délai de deux mois après avoir eu connaissance des faits fautifs pour sanctionner (et non pas après leur date de survenance, la nuance est de taille, et vous permet en la jouant finement de revenir au delà des 2 mois).
Les paroles s’envolent, les écrits restent : un avertissement oral n’a aucune valeur en tant que tel.
Quand vous rédigez un courrier disciplinaire AR ou remis en mains propres contre signature, restez factuel et avec un t.on le plus neutre possible. Si vous pouvez mentionner des précédents dans ce courrier, bien garder en tête que vous ne pouvez sanctionner deux fois les mêmes faits et que ceux prescrits sont juste rappelés à titre informatif et non l’objet de la sanction.
Dans l’échelle des sanctions, le premier echelon est l’avertissement : il ne nécessite aucun entretien préalable.
Comme toute sanction, le salarié peut contester : par écrit, en vous demandant avec explications circonstanciées de revenir sur la sanction prise.
Je conseille dans ce cas de répondre par écrit à ce courrier en lui indiquant si vous maintenez ou revenez sur la sanction sans forcément d’autres explications.
Le salarié a la possibilité de saisir le CPH pour demander l’annulation de la sanction prise par le bureau de Jugement : dans les faits, c’est très rare car pas grand monde n’engage des procédures pour un truc finalement bénin …
Autre grade supérieur dans l’échelle des sanctions, la mise à pied disciplinaire :
Il faut que sa durée soit prévue dans le règlement intérieur et conforme à la CCN si elle le prévoit.
Elle nécessite un entretien préalable, donc convocation avec délai à respecter puis notification de la sanction par courrier au moins un jour ouvré après cet entretien.
À noter que dans son courrier de convocation à l’entretien préalable vous devez noter la sanction maximale envisagée à laquelle s’expose le salarié : ne vous privez pas de systématiquement noter « pouvant aller jusqu’au licenciement » vous ne briderez ainsi pas votre sanction à la simple MAP si l’entretien vous fait appréhender des faits plus graves qu’initialement relevés. À l’inverse, vous pouvez réajuster votre jugement en réduisant la sanction sans souci à un simple avertissement par exemple.
Veillez à bien noter dans le courrier de notification si la MAP a un caractère disciplinaire et si elle entraîne une retenue salaire afférente à la période de MAP.
À noter que l’absence du salarié lors de l’entretien préalable à sanction n’entrave pas la suite de la procédure.
Vous devez notifier la sanction dans les 30 jours suivant l’entretien : par défaut, si vous n’écrivez rien, la procédure tombe, ce qui peut être aussi une méthode de gestion pour faire passer un message.
La mise à pied conservatoire …outil à utiliser avec parcimonie ! Souvent utilisée après une altercation par exemple, pour sortir un élément perturbateur du lieu de travail. À réserver aux faits suffisamment graves pour la justifier à chaud… vous notifiez celle-ci donc, puis fixez un entretien préalable au moins cinq jours ouvrés après la première présentation de l’Ar en mentionnant la encore la sanction maximale encourue que vous avez donc intérêt à fixer donc au licenciement (ne surtout pas préciser davantage ce terme).
Si après entretien, vous souhaitez réduire la sanction et ne pas licencier, vous pouvez par exemple la convertir en avertissement (il faudra alors payer la période de la MAP comme si elle avait été travaillée) ou en MAP disciplinaire (attention de ne pas dépasser le maximum prévu comme expliqué plus haut et bien payer le reste de la période).
Le licenciement pour faute : (simple ou grave à préciser)
Grave : elle enchaîne souvent une MAP conservatoire, à réserver à des faits vous semblant suffisamment étayés pour tenir un débat contradictoire en CPH. A noter que vous aurez alors la charge de la preuve dans les débats en faute grave. Je déconseille fortement sauf cas vraiment grave de sanctionner directement ainsi un salarié avec de l’ancienneté (2 ans ou plus) si son dossier était antérieurement vierge. Cette forme prive le salarié de son préavis contractuel, de l’indemnité de licenciement mais pas de ses CP valides.
Lourde : à réserver aux cas extrêmes, accompagnés à mon sens en amont par un avocat des la rédaction du courrier de licenciement, gardez en tête que vous devrez prouver la volonté de nuire à l’entreprise du salarié fautif s’il conteste en justice. Une galère ensuite souvent à défendre pour l’employeur.
Simple : vous paierez certes indemnité de licenciement contrairement aux graves et lourdes, mais cela permet de sécuriser à minima en cas de litige. Avec un salarié présent depuis 2 ans ou plus, je recommanderai d’avoir préalablement sanctionné des manquements précédents d’avertissement, ce qui tendra à prouver le caractère mesure de l’employeur dans l’usage des sanctions. À noter que si vous avez déjà sanctionné d’un avertissement un salarié pour une absence injustifiée, vous serez fondé à licencier en faute simple en cas de réitération du même reproche.
Lors des entretiens préalables à sanction, le salarié peut être accompagné soit d’un représentant du personnel si l’entreprise en dispose, soit d’un autre salarié de la boîte, soit d’un conseiller du salarié si votre entreprise est trop petite pour avoir des élus (il y a un formalisme à respecter dans le courrier de convocation ou vous devez indiquer les lieux ou les listes de conseillers sont dispo). Le salarié qui se fait accompagner à l’obligation de vous prévenir de cela en amont afin que vous puissiez alors exercer votre droit d’être également accompagné lors de cet entretien.
Quand le salarié ne respecte pas ce point et vous place devant le fait accompli, vous pouvez refuser l’entretien et reconvoquer en notifiant l’incident.
J’ai aussi eu le cas d’une salariée faisant mine de ne pas connaître l’existence d’élus qui se présente accompagnée d’un conseiller du salarié sans prévenir bien sûr : exigez qu’il sorte immédiatement des locaux, il n’a rien à faire chez vous…j’y ai tellement peu mis les formes que nous avons ensuite ferraille chez l’inspecteur du travail …qui n’a pu que me donner raison…
L’entretien préalable a sanction : vous dirigez et imposez votre process, sans que personne n’ait à y redire. J’ai viré des gens en 1mn chrono, d’autres en 1heure 30 selon mon humeur du jour.
J’ai eu le cas d’un salarié refusant de quitter les lieux après l’entretien car vexé par sa forme : faites intervenir les forces de l’ordre et main courante, point très positif en cas de litige à suivre ….
Dans la même veine, j’ai aussi eu une intrusion du compagnon d’une salariée licenciée mécontent du montant de son STC : un grand moment qui agrémente encore parfois nos anecdotes de dîner des années plus tard .
J’ai aussi eu un cas de salarié ne retirant pas ses AR, ne se présentant pas à l’entretien alors même que l’AR était double d’un courrier simple, se présentant à son poste de travail après son licenciement effectif et prétendant être toujours en poste car non licencié : symptomatique d’une nouvelle catégorie qui se croit au dessus de tout et ne comprend que la méthode très dure…
J’ai eu un cas d’une parenté d’un salarié venue faire un esclandre au bureau avec un malaise simulé, amenant la venue des pompiers et de la police : déposez plainte sans l’ombre d’une hésitation si vous avez un cas proche, car en face il feront de même à coup sûr …
Pas besoin en théorie d’avoir X avertissements en amont pour licencier a juste titre dans ce cas : une pensée au vieux sketch de Coluche: mon père s’en fout du blâme, car au bout de 30, t.u peux être dégradé, et lui il est pas gradé….
D’expérience, j’ai vu des petits employeurs prendre des enclumes conséquentes en CPH alors qu’à leur place, on aurait sanctionné également les faits…mais certainement avec plus de précautions comme la bonne graduation des sanctions : aucun plaisir particulier à écrire des sanctions, on est juste dans la logique de pour conserver la paix il faut savoir se préparer à la guerre.
Les avocats de salariés ont une imagination débordante pour déformer les faits et faire passer l’employeur lambda pour un thénardier dans les intérêts de leur client …ce qui crée chez le petit patron un sentiment de profonde injustice qu’il aurait pu s’éviter en étant sur la durée plus rigoureux dans la gestion de son personnel : ne leur facilitez pas la tâche …
Mots-clés : avertissement, licenciement, mise à pied conservatoire, mise à pied disciplinaire
Profiter de ne rien foutre….
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