Bonjour,
Comme je m’intéresse récemment pas mal au secteur gazier, je peux apporter quelques précisions supplémentaires issues de brèves recherches.
Pour ce qui est de la faillite de Cheasapeake, je pense que la réflexion ne tient pas debout par rapport aux faits. Oui, il y a des déceptions vis à vis de la société, tout n’est pas parfait, le contexte du gaz est morose, etc… Mais cette entreprise a un bilan magnifique avec des propriétés d’excellente qualité en moyenne. Celles-ci sont à mon sens nettement sous évaluées dans le bilan : malgré tout ce que l’on dit récemment sur Aubrey McClendon, il a su faire de très belles acquisitions à des prix ridicules historiquement. Je serais franchement surpris de voir la faillite de cette entreprise : je militerais plutôt pour une appréciation significative du cours à long terme par monnayage des propriétés (je parle ici d’un horizon 10 ans). Il me semble important de comprendre que la priorité de Cheasapeake n’est pas de faire du cash flow régulier ou de montrer de jolis comptes à court terme, mais d’investir dans des propriétés et de les revaloriser au cours du temps. Leur valeur est crée sur le long terme uniquement, majoritairement par cycles d’achats/ventes d’actifs. Ils ont été excellents là-dedans historiquement. Le contexte gazier est aujourd’hui difficile et Cheasapeake ne fait pas de grosses transactions ces derniers temps à la même fréquence qu’auparavant, ce que je trouve intelligent.
Je suis rapidement passé sur Linn Energy et je pense que la société a une comptabilité très limite (je n’ose pas dire que c’est une fraude, car il s’agit simplement de comptabilité agressive, mais c’est à se demander si les investisseurs savent lire des états financiers parfois…).
Vous parlez à juste titres des puts de la compagnie. C’est en effet là que git le lièvre :
1) Lorsque LINE choisit d’acheter X millions de puts, LINE enregistre X millions à ce qu’ils appellent "Adjusted EBITDA" lorsque les puts vont expirer. C’est objectivement n’importe quoi : la transaction ne crée aucune valeur économique pour l’actionnaire.
2) LINE traite ses puts en tant qu’actif sous forme de capital, jusque là, pourquoi pas, même si je trouve cela pas totalement justifié. Là où c’est problématique, c’est qu’on ne voit aucune dépense nécessaire pour le maintien des puts dans le temps : il faut pourtant régulièrement en racheter pour continuer à couvrir. LINE dit d’ailleurs dans son 8K qu’elle a dépensé 583 millions pour acheter des puts en 2012, et que 320 millions sont associés aux acquisitions de 2012. Cela veut dire que le maintien des puts de 2011 a coûté 263 millions. Si on ampute l’EBITDA et le FCF de ce montant, alors la couverture des dividendes n’est plus assurée par les opérations
Par ailleurs, notons que la compagnie ment dans son 8K : “In evaluating this issue, LINN has identified other publicly traded partnerships that purchase derivatives, and all of these companies account for derivatives the same way LINN does. In fact, LINN has yet to identify any publicly traded partnerships that account for it differently.” C’est faux : il y a au moins EVEP, VNR, LGCY, LRE, MCEP, MEMP qui ne le font pas et qui sont bien des comparables. Soit c’est de l’incompétence, soit c’est autre chose…
3) L’entreprise ment lorsqu’elle dit ne pas avoir émis de dettes et d’actions pour payer ses dividendes. Dans les savants calculs qu’ils donnent dans leurs rapports, ils ommettent de préciser qu’il y a 1,3 milliards de cash que la compagnie a reçu à travers ses puts. En quoi est-ce problémtique ? La compagnie, pour encaisser cette somme, a dû trouver un financement de 1 milliard : ce financement a été fait par émission d’actions et de dette. Or cet argent est supposé être inclus dans les résultats opérationnels de la société qui servent à payer le dividende… Faudrait savoir à la fin !
Bref, je suis quelque peu surpris que la quête désespérée de rendement sur dividende aveugle aussi fortement les investisseurs institutionnels. Vous avez tout à fait raison, à mon sens, de passer sur ce dossier.