@ Stef
. Pourquoi le commodat est il si méconnu ?
Le commodat, aujourd’hui appelé prêt à usage gratuit, est une très ancienne notion juridique, qui nous vient du droit romain, et qui ne s’applique que dans des cas assez particuliers. En fait il s’agit plus d’une tolérance (encadrée, et protégée par la loi, pour combler un vide juridique) que d’un droit réel.
Dans l’esprit du législateur (pour autant que l’administration fiscale soit capable de remonter à cette époque pour imaginer l’esprit du législateur, car rappelons le, c’est à elle d’apporter la preuve de la non conformance pour invoquer l’abus de droit) , voici quelques exemples d’applications : prêt d’un local à une association, prêt d’un logement à un enfant majeur, prêt d’un pré à un agriculteur, prêt d’un bien non fongible à un ami proche (concubin ou non), mais toujours avec une volonté de non contrepartie financière autre que les frais d’usage à prendre en charge.
Par suite, je pense que cela correspondant à des cas si particuliers, que les professionnels ont peu l’occasion de le rencontrer et par suite d’en faire la promotion.
Le prêt à usage gratuit est ainsi très différent de l’usufruit (qui est un droit réel et valorisé), et très différent du bail (qui est un contrat régi par des règles propres).
. Existe-t-il un risque de sanction fiscale ?
Oui s’il est requalifié en donation indirecte, donc si l’intention libérale est prouvée.
Or il y a intention libérale s’il y a volonté de s’appauvrir afin de gratifier un tiers sans contrepartie.
C’est pourquoi, il est essentiel de prévoir dans le contrat une contrepartie (mais attention non financière, sinon requalification en bail) en charge d’entretien par exemple.
On peut réaliser un contrat à titre gratuit, même de façon implicite, donc non écrit, mais le mieux est de le faire avec le support du notaire sous une forme authentique pour se faire aider à respecter les formes qui vont rejeter l’intention libérale, donc le risque de qualification en donation indirecte;
L’arrêt de cour de cassation du 11 oct 2017 sans avoir une portée générale, donne néanmoins au professionnel les contours à respecter pour éliminer le risque.
@Bernard2K:
Le prêt appauvrit-il le prêteur dans l’estimation de la propriété et dans le même temps ne l’appauvrit pas lors de la rédaction du contrat ? Voilà qui semble défier la logique la plus élémentaire;
Voilà une incohérence qui ne vous a pas échappée. Merci de l’avoir aussi nettement mise en lumière. Et j’avoue que d’un point de vue cartésien, soit on s’appauvrit, soit on s’appauvrit pas;
Mon analyse, portée par des arguments juridiques serait la suivante :
1. Il n’y a pas appauvrissement au moment de la rédaction du contrat de prêt, puisqu’il n’y a pas de transfert de droit patrimonial (comme pour un usufruit par exemple). Cette assertion peut être considérée comme robuste, puisqu’elle a été utilisée par la cour de cassation en 2017 pour écarter la notion de donation indirecte (ce qui représentait un réel tournant jurisprudentiel). Il convient néanmoins de s’assurer auprès du notaire, qu’on se place dans une configuration similaire, qui aménerait en cas de contestation la cour à aboutir à la même conclusion.
Dans l’hypothèse où le propriétaire louerait son bien avant de rédiger le contrat, il y aurait alors appauvrissement, ici ce n’est pas le cas. La notion d’appauvrissement s’évalue à la signature de l’acte.
Ici, c’est le législateur qui nous dit qu’il n’y a pas appauvrissement. Et l’administration fiscale ne peut pas aller contre le législateur.
2. Quelle serait la valorisation du bien ainsi grevé d’un droit d’usage à titre gratuit sur une durée fixe, donc non révocable par le prêteur ou ses héritiers ?
L’analyse juridique me semble-t-il ici se fait différemment et selon les pratiques habituelles :
A mon sens, la valorisation du bien s’établit par comparaison avec des biens comparables. Difficile ici, d’apporter de tels éléments, puisqu’il y a des contraintes. L’administration fiscale d’ailleurs reconnait que des contraintes affectent la valeur d’un bien, comme par exemple, un bien possédé en indivision ou sous forme de SCI est reconnu devoir mériter une décote de 10 à 20% voire plus; Il ne me semble pas difficile pour le notaire, au moment de la succession de confirmer une valorisation du bien considérablement diminuée de par la charge qui est associée au bien. Par ailleurs, une simple mise en vente, aux enchères ou autre, du bien ne pourrait que confirmer l’estimation du notaire, qui rappelons-le est un officier ministériel.
Pour limiter encore les risques, il est possible de léguer le bien en indivision aux enfants de STEF, ainsi celui qui bénéficiera de l’usage sera-t-il clairement différent de celui qui est propriétaire;
Je reconnais que la solution ne coule pas de source, et mérite une bonne rigueur dans son application, mais rappelons-nous que le problème posé initialement commandait d’aller chercher dans les recoins de notre code civil.
Aussi, tout ce que j’ai présenté ci-dessus et avant, doivent être discutés avec un notaire (à condition qu’il soit familier avec cet usage), et probablement que quelques précautions ou amendements seront nécessaires;
Mais une chose est sûre, ce serait pour moi, j’investiguerais le prêt à usage gratuit, comme une voie qui me parait autant intéressante à explorer qu’adaptable à cette configuration, cette voie devrait permettre d’aboutir à une meilleure solution que de payer 60%. Et peut-être même y-a-t-il moyen de réaliser l’essentiel de nos objectifs sans même utiliser de technique sociétaire (SCI).
Je vous invite à lire l’article suivant qui explicite un peu plus le schéma dans une configuration avec des concubins par exemple (soumis aux 60% assassins…) : Commodat ou Prêt gratuit