Pour l’histoire de la dénomination des lignes, il y a aussi des aspects réglementaires.
Un émetteur préfère lever 500M€ auprès d’institutionnels qui prendront des tickets moyens de 20-30 M€ plutôt que la même somme auprès de particuliers.
Dès qu’un particulier souscrit, il y a le risque qu’il aille voir une association de consommateurs si le cours baisse, et qu’il ait gain de cause parce qu’on a pas assez mis de disclaimers en disant que c’est un produit risqué. Sans parler des coûts fixes de distribution de l’emprunt et les coûts d’agent payeur à chaque coupon (l’agent payeur est le prestataire technique qui sait qui a combien de titres, il reçoit le virement de l’émetteur pour chaque coupon et le redistribue à chacun des porteurs - ce service a un prix), je préfère payer des coupons à 100 personnes qu’à 372 360 péquins.
D’où les nominaux élevés, destinés à qualifier les investisseurs (avec une coupure de 50 000 EUR, on est considéré d’office comme investisseur qualifié et on accepte de ne pas porter plainte si on fait une moins value de 2% au bout de 6 mois parce qu’on a envie d’acheter une bagnole.).
Il y a plein d’autres raisons qui font qu’avoir des particuliers comme investisseurs est pénible. Par exemple, je décide d’organiser un rachat d’une de mes lignes de dette. Quand c’est des instits, c’est facile : j’appelle les grosses gestions (Amundi, JP Morgan, AXA …) pour savoir s’ils ont mes titres, et si ils m’ont l’air dispo à apporter, j’ai déjà une partie de succès. S’ils m’ont l’air OK, je lance l’offre. Je cote le truc en spread (Euribor + 50 et non 104 % par oblig), ca dure quelque jours et c’est propre. Tout le monde sait comment passer d’un spread à un prix et sait qu’il faut ajouter le couru. Avec des particuliers ? Impossible. Faudrait fixer un cours fixe, faire du marketing autour, etc.
Ou encore, spécifique au marché français, l’arrêt Géniteau. Ca dit quoi ?
Qu’un émetteur doit fournir sa documentation en français. Mine de rien, les frais d’avocat ca coûte cher, et ce n’est pas qu’une bête traduction qui est demandée, y’a toujours le risque qu’un gars aille voir son asso de consommateurs qui dira que le banquier n’a pas informé la retraitée à 700 €/mois. Alors pour se simplifier la vie et éviter des risques futurs, on en fait une émission luxembourgeoise avec un seul prospectus en anglais à 50 000 EUR de nominal pour n’avoir que des investisseurs qualifiés.
Encore une emmerde ? La notion de placement privé. Quand on veut émettre rapidement, on peut, dans le cadre de son programme EMTN, faire des petites émissions pour un petit nombre d’investisseurs intéressés. Souvent à leur demande d’ailleurs : ils appellent, ils demandent une cotation pour X M€ pour X années, et je leur donne un prix. On peut ainsi lever 20-200M€ en une dizaine de jours, c’est bien pratique.
Si on a des investisseurs non qualifiés qui participent, on est obligé de faire une émission publique, ca prend un bon mois et y’a plein de paperasse à faire. En plus, le taux sera plus élevé pour une émission publique (plus d’investisseurs = il faut se caler sur le moins disant et plus de frais fixes).
D’ailleurs, la réglementation évolue, le seuil de 50k EUR pourrait passer à 100k car les particuliers commencent à acheter des souches à 50k.
http://www.europadroit.eu/autres/734_pl … _prive.pdf
Si c’est des particuliers, faut publier un avis dans Investir, mettre en place une hotline pour leur expliquer comment ca marche, etc.
Au final, les émetteurs, hors raison bien spécifique, s’en foutent des particuliers. La plupart payeraient même pour éviter d’en avoir. Un seul investisseur non qualifié et c’est une montagne de coûts et de tracasseries qui arrive.
Les émissions destinées aux particuliers existent mais sont bien plus coûteuses pour l’émetteur, des fois c’est la société qui prend de coût en charge (ex : EDF, opération de communication, c’est quasiment du budget de comm), des fois ca se ressent sur la marge proposée (beaucoup d’émissions du CA pour sa clientèle).
Si vous voulez être considéré sérieusement par les émetteurs, vous pouvez vous faire inscrire sur le registre des investisseurs qualifiés auprès de l’AMF. Sinon, jouer au dénicheur de décotes avec les moyens du bord reste une option tout à fait respectable !
http://www.amf-france.org/affiche_page. … lifies.htm
Dernière modification par Nikki (17/07/2011 11h34)