10 #1 01/01/2014 14h58
- thomz
- Membre (2011)
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Elucubrations post-réveillon…
Quelques observations en ce début d’année 2014:
1) Il y a douze mois, l’ensemble des journalistes, gestionnaires, "experts" et autres machines à causer prophétisaient à la plèbe une imminente apocalypse financière. En ce début d’année, et par un coquet retournement de veste, la même association de malfaiteurs célèbre la félicité d’une séquence boursière exceptionelle, et n’a plus d’yeux et de mots que pour la "locomotive américaine", le "come-back japonais", les "marchés émergents sous-évalués", la "grande rotation", "jouer" des "valeurs" plus "offensives", et autres fadaises sans queues ni têtes.
2) Comme l’année dernière nombre de petits porteurs s’inscrivaient sur le forum essentiellement pour ventiler leur mécontentement et justifier leur appréhension des affaires boursières, on note comme les récentes arrivées de nouveaux membres sont marquées du sceau de l’optimisme et des grandes ambitions. Attablé hier à mes côtés, mon grand-père (ancien dermatologue) a entrepris de savamment m’expliquer - avec quelle autorité! - pourquoi le moment est venu "d’augmenter l’exposition actions" des assurances-vies. Clairement, les tabous sont tombés, et après s’être longtemps terrée dans l’effroi, la meute est aujourd’hui lachée, cupide comme jamais.
3) Si il est impossible de prédire le marché ou encore de le diagnostiquer efficacement (à l’exception toutefois de quelques scénarios extrêmes), on relève en revanche comme le nombre d’entreprises côtées qui s’échangent sous leur valeur liquidative s’est réduit comme peau de chagrin. Les investisseurs sophistiqués parviennent certes à dénicher des opportunités parmi quelques situations spéciales, mais pour le grand public les soldes sont belles et bien terminées. A ce titre, on peut spéculer avec assurance que, ces prochains mois, les standards de prudence seront abaissés et les prises de risques multipliées, avec à terme toutes les conséquences que ce type de comportements agressifs entraine invariablement.
4) L’imbécilité et la partialité des médias sont chaque jour plus consternantes. Quarante morts en Russie dans des attentats sauvages: c’est un fait divers empaqueté, traité et expédié en quelques secondes de JT ou quelques lignes de quatrième colonne. Deux tués durant le marathon de Boston: des jours durant toutes les unes, les envoyés spéciaux, les déclarations de présidents, etc. Aussi, qui parle encore de la Syrie? De la Lybie? De l’intégration politique européenne, de ses ratés et de ses avancées? On n’en trouve plus que pour le sensationnel, la boustifaille du réveillon, les faits divers, Dieudonné et les autres mondanités du moment. Pris en otage par une infernale machine à décérebrer, la société civile ne réalise pas comme elle est la première victime de cette absurde tyrannie de l’immédiat - des chiffres du chômages mensualisés à l’affaire Léonarda. En 2014 il est devenu interdit de penser, en conséquence de quoi on n’agit plus: on réagit seulement.
5) Aux Etats-Unis et en Europe, les marchés de l’emploi sont durablement perturbés sans qu’aucune politique de relance ne parvienne à stopper la débandade. C’est que la réalité est cruelle, et le problème d’ordre plus structurel. Comme sur tous les autres marchés, l’activité sur celui de l’emploi est directement dépendante des fluctuations de l’offre et de la demande. Or on assiste à un invasif débordement de l’offre (combien de jeunes diplomés chaque année en 2013 par rapport à 1993? 1973? 1953?) couplé à un effondrement de la demande, conséquence directe d’une époustouflante hausse de la productivité. Aussi, et de plus en plus, un jeune diplomé francais (ou nord-américain) est parfaitement remplaçable par un jeune diplomé chinois ou indien, à moindre coût pour l’employeur - et souvent à compétences inégales, tant les nouveaux arrivants sont talentueux et ambitieux. Dans cet écostystème de surabondance, le prix de la marchandise humaine chute; seule la spécialisation de niche sauvera quelques rares élus; pour les autres, ce sera la précarité et l’assistance à vie. Les Bac+5 d’aujourd’hui sont les ouvriers à la chaine d’hier: de petites mains formatées, interchangeables, sans valeur ajoutée individuelle et mises à la merci d’un capital apatride, mercenaire, d’une efficacité jamais égalée dans l’histoire.
6) La Chine, hier le continent de tous les possibles, est à présent au bord de l’asphyxie financière, environnementale, politique et sociale. Jamais auparavant un tel gachis des ressources publiques n’avait été ainsi follement entrepris: pour satisfaire aux objectifs irréalistes d’une ambition démésurée, on construit des villes où personne n’habite, des aéroports où aucun avion ne se pose, des autoroutes sans circulation, des barrages sans usages, et de gigantesques centres commerciaux sans chalands ni boutiques. Le pouvoir chinois, toujours plus embourbé dans les marécages de l’idéologie et de l’avidité, tente toutes les habituelles parades: programmes fantoches de "lutte contre la corruption" (en fait un subtil moyen de mettre au secret les bavards et les non-alignés), pathétiques tentatives d’intimidation envers le Japon et les Etats-Unis (quand la marine chinoise serait en situation incapable de tenir tête plus d’une semaine), timides promesses de libéralisation (assouplissement des conditions de vie dans les camps de détention) aussitôt contrariées par une censure d’Etat implacable, etc. De fait, les convulsions du malade ne trompent pas: c’est la phase terminale, et l’agonie approche à grands pas. L’évènement marquant du premier tiers du 21eme siècle sera la chute du communisme en Asie, et le bouleversement entrainera dans l’abime l’ensemble des économies des fameux "tigres" (Corée, Singapour, Indonésie, Malaisie, Vietnam, etc.) Qu’on se réjouisse toutefois! Le potentiel parmi les populations concernées est tel, la combativité si vivace, les valeurs si fortes, le progrès si inexorable, que le bouleversement annoncera d’extraordinaires lendemains, pour eux citoyens comme pour nous autres investisseurs.
7) La décomposition est encore plus avancée en Afrique et au Moyen-Orient. Modelés à la hâte par des colons sur le départ, les pays artificiels chutent en même temps que faiblit la main des despotes qui les gouvernent depuis un demi-siècle. Hier encore les économies les plus dynamiques du continent noir, le Nigéria et l’Afrique du Sud font face à des problèmes ethniques et démographiques d’une insondable complexité. Au sujet de la fameuse "nation arc-en-ciel", l’occident célèbre Mandela tel un demi-dieu, mais qui - à part quelques réactionnaires aussitôt brocardés - ose parler des conséquences économiques de l’exil de cinq millions de blancs en vingt ans? On parle de la miraculeuse croissance du Nigéria, mais qui sait que plus de la moitié du pays est parfaitement ingouvernable? En Afrique francophone, le chateau de cartes est soufflé même par la brise la plus infime (une colonne de quelques centaines de combattants par exemple) : aujourd’hui le Mali, la Centrafrique, la RDC Ex-Zaïre… Demain le Gabon, le Congo Brazzaville, et la Guinée. Quel futur pour l’Algérie, grande puissance régionale, coincée entre la dictature militaire et la barbarie salafiste? Les pays arabes autrofois sous les jougs turcs et britanniques sont promis au même sort: déjà la Syrie n’est plus, l’Irak divisé en trois, le Liban en sursis, l’Egypte livrée au chaos, et que la famille royale éternue et c’est l’Arabie Saoudite qui suivra.
8) Les monnaies des pays émergents (Inde, Brésil, Thailande, etc.) sont prodigieusement mises à mal par la politique monétaire de la banque centrale américaine. Va-t-on assister à une répétition de la crise asiatique de 1998, selon le mécanisme de vagues parfaitement expliqué par Charles Kindleberger dans le second chapitre du grandiose Manias, Panics and Crashes ?
9) Un temps le personnage le plus moqué de la sphère financière mondiale, Ben Bernanke semble au final avoir réussi un coup de maitre. Son numéro d’équilibriste budgétaire et monétaire, inédit dans l’histoire par son audace et son ampleur, a malgré toutes les critiques porté ses fruits, et voici le système financier nord-américain bel et bien sauvé.
10) On se fait fort de juger des affaires du monde avec cynisme et autorité: mais quand l’adversité frappe, comme la maladie par exemple, on réalise comme tout équilibre est fragile, toute réussite précaire, toute santé délicate, et comme la vie est une bénédiction dont il faut jouir les yeux et le coeur rivés sur le seul essentiel - et pas ailleurs.
Douce torpeur… Maintenant que s’est tû le grondement du canon, est-ce bien le son du clairon qu’on entend ainsi à l’horizon?
Bonne année à tous.
Dernière modification par thomz (01/01/2014 15h29)
Mots-clés : 2014, perspectives, économiques
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