7 #1 06/02/2016 15h03
- parisien
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Warren Buffett et d’autres ont propagé l’opinion suivante, qui est considérée comme exacte par la plupart des investisseurs et des journalistes, mais qui est largement un mythe:
- les activités d’assurance dommage et dans une moindre mesure les activités d’assurance-vie (c’est moins vrai pour l’assurance-vie, car dans la majorité des pays développés, la réglementation y oblige à verser 80% au moins des revenus du float aux assurés et non à l’assureur) génèrent un "float" permanent, qui provient du long décalage dans le temps entre la date d’encaissement de la prime d’assurance et la date de paiement d’un sinistre
- ce float est stable dans le temps et même croissant si l’activité d’assurance est en croissance
(jusque là, tout est indiscutablement vrai)
- ce float peut donc être investi sur le long terme dans des placements très rémunérateurs de type actions (nouvelles filiales, etc.)
- et donc au final, on dope fortement la rentabilité d’une compagnie d’assurance avec le produit de placement du float, alors que ce n’est que l’argent des tiers, des assurés.
Vrai? Non, objection, votre honneur!
Les réglementations des pays européens, et de plus en plus celles des autres pays y compris les Etats-Unis, imposent de plus en plus des règles très contraignantes (type Solvabilité 1 et maintenant 2) pour ne pas faire prendre de risques avec l’argent qui reviendra aux assurés. De sorte que ce "float" soit disant très précieux finit en très grande majorité (90 à 95%) par devoir être placé en obligations sûres, investment grade, rapportant moins de 2%/an.
Ainsi, si vous regardez les bilans des assureurs Axa ou Allianz, ou du réassureur Scor, vous verrez que le rendement 2014 ou 2013 (derniers chiffres annuels disponibles) de leur float a été de l’ordre de 2%. Et d’ailleurs, on n’a jamais entendu récemment les PDG de ces groupes raconter combien leur float est crucial (entendons-nous bien: c’est nullement négligeable pour le compte d’exploitation, mais c’est très loin de jouer le rôle énorme et quasi mythique que lui attribue Warren Buffett).
Alors Warren Buffet mente-t-il, pour le plaisir de raconter une belle histoire, qui a pu être vraie dans les années 1970 (quand la réglementation n’imposait pas grand chose) mais n’est plus guère vraie aujourd’hui ? En grande partie, oui:
- le float des activités d’assurance de Berkshire Hathaway (BH) est chez eux aussi en très grande majorité placé en obligations ne rapportant pas beaucoup, mais c’est quand même moins que les 90 à 95% qu’on rencontre en Europe, car la réglementation US, qui se durcit d’ailleurs progressivement, n’est pas pour le moment aussi contraignante que Solva 2.
- BH a la chance d’avoir ses assurances présentes aux USA, où les obligations sûres en USD rapportant davantage que celles de la Zone Euro. Mais même les rendements US sont assez bas en ce moment.
- Buffett ne fait pas la distinction entre les "réserves libres" (les résultats passés des filiales assurance, non distribués en dividende, et mis en réserve) qui peuvent être investies assez librement, y compris en actions, et le vrai float (le cash créé par l’écart temporel entre encaissement prime et paiement sinistre), qui ne peut plus guère être investi qu’en obligations ne rapportant pas grand chose, du fait de la réglementation.
Bref, les investissements actions effectués par les filiales assurances de BK utilisent non pas le float, qui n’existe que chez les assureurs et apparentés, mais les réserves libres, que toute société, dans n’importe quel secteur, peut créer en arrêtant de distribuer des dividendes et en investissant ce cash en actions.
En conclusion, le float n’a nullement l’importance que Buffettt lui attribue et ce sera encore plus le cas dans le futur, du fait des réglementations d’assurance qui se durcissent !
Bien entendu, dans plusieurs pays "émergents" où la réglementation est encore très laxiste, comme l’Inde et de nombreux pays africains ou arabes, certains assureurs investissent - à leur risque et péril - jusqu’à 40 ou 50% de leur float en actions, et finissent ainsi par contrôler de nombreuses sociétés dans de multiples secteurs de l’économie.
Les propos de Buffett sur l’effet multiplicateur du float sont alors exactes dans ce cas, tout au moins si les investissements actions se révèlent judicieux!
Mais en Europe, et de plus en plus en Amérique du Nord ou Amérique Latine, l’importance du float appartient à un passé vieux d’au moins 15 ans.
Mots-clés : float d'assurance, mythe de la finance, warren buffett
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