JL: Tout d’abord, nous avons à faire face ici à un problème de VOCABULAIRE et à l’un des nombreux cas de faux amis entre l’Anglais et le Français: Ce dont vous parlez majoritairement dans votre message, c’est de l’AMORTISSEMENT (="depreciation" en Anglais), alors que la dépréciation en Français correspond à l’"impairment" en Anglais.
Donc, en Français, les actifs sont inscrits au bilan à leur valeur d’achat (le plus souvent leur coût d’achat = valeur + frais accessoires), puis ensuite amortis (pour les biens ayant une certaine durée de vie, dont on dit qu’ils sont immobilisés, ce sont donc des immobilisations, or une immobilisation s’amortit)
Ce que veut dire amortir une immobilisation, c’est j’achète (je suis la société) un bien 100, il va durer et je vais pouvoir l’utiliser 20 ans, je passe une charge de 5 tous les ans pendant 20 ans, et non une charge de 100 l’année de l’achat. Comptablement, mon bien apparaît dans mon bilan à une valeur de 100 l’année de l’achat, puis 95 l’année suivante, puis 90 et ainsi de suite, jusqu’à valoir 0 au bout de 20 ans, COMPTABLEMENT parlant, alors que je pourrais peut-être le vendre pour quelque chose (a fortiori pour de l’immobilier par exemple). Encore une fois, dans un bilan d’une société US, cet amortissement apparaîtra sous son appellation Anglaise de "depreciation" avec couramment une ligne dans l’actif des foncières US qui mentionne (mais pas forcément, c’est en option) "Accumulated depreciation" pour la somme de ces amortissements qui ont déjà été effectués sur les actifs immobiliers. Mais ce concept d’amortissement n’est pas limité à l’immobilier, une machine outil, un véhicule, un meuble de bureau, etc … tout cela s’amortit. L’agrafeuse, non, la totalité de la charge est passée directement dans l’exercice lors de l’achat.
La dépréciation est différente, c’est la perte de valeur d’un bien, mais pas dû au concept de l’amortissement décrit précédemment. Le marché immobilier se casse la figure et mon bien ne vaut plus la valeur qui est inscrite au bilan, c’est une dépréciation. Un incendie endommage mon immeuble, il ne vaut donc plus autant, c’est une dépréciation, etc … (une dépréciation qui DOIT être passée)
Ensuite, par rapport à la fiscalité, il faut savoir que la comptabilité a ses règles, et la fiscalité a les siennes, et les 2 peuvent être différentes. Le résultat fiscal peut donc être différent du résultat comptable, ce qui arrive d’ailleurs souvent (au moins un peu). Typiquement, une société fait sa comptabilité d’après les règles comptables, qui a toujours pour but comme mentionné plus haut dans la discussion, de donner une image fidèle de la situation de la société. Et ensuite, le résultat comptable est ajusté des règles fiscales pour arriver au résultat fiscal. Le problème est en général les choses déduites en compta qui ne sont pas déductibles fiscalement, on les rajoute donc à nouveau, ce qui augmente le résultat fiscal par rapport au résultat comptable (on parle d’éléments qu’on "réintègre").
En tant qu’investisseur, c’est le résultat comptable qui doit surtout vous intéresser, à moins que vous ne soyez attentif au problématiques fiscales de la société.
Pour l’histoire des bénéfices pseudo "dépréciés", je crains que vous ne manquiez de culture comptable (ça arrive à un tas de gens très bien). La comptabilité, pour ma part, j’ai trouvé ça absolument horrible à comprendre au départ, mais une fois qu’on a bien compris le système, ça devient assez simple. Un peu comme tout, dont le vélo par exemple.
Les chiffres qui apparaissent au bilan sont les chiffres, et ils reflètent bel et bien ce qui se passe.
JL a écrit :
Dans le cas où les bénéfices ont servi a acheter des actifs qui sont ensuite dépréciés
Dans le cas où quoi que ce soit (dont des bénéfices accumulés antérieurement) est utilisé pour acheter un actif, ce chiffre n’apparaît plus, ou dans les cas où il apparaît toujours, il a été déduit sur une autre ligne. Si on reprend l’exemple précédent: Un actif est acheté à 100 et amorti sur 20 ans (5 par an). Lors de l’achat, l’actif va être rajouté pour une valeur de 100 à l’actif. La société a donc 100 d’actif en plus.
Mais soit elle a payé cash, et 100 de cash sont déduit de l’actif: +100 / -100 à l’actif, rien ne change, sauf que 100 sont passés de la ligne cash à une autre ligne pour le nouvel actif.
Soit elle paye par un emprunt: +100 à l’actif pour le nouvel actif et +100 au passif pour la nouvelle dette: Le bilan est équilibré.
Chaque année, 5 vont être passés en charge, qui seront donc "déduits des bénéfices" de l’exercice en question, ainsi que la valeur comptable de l’actif va diminuer de 5 par an. Si la société se retrouve en perte à cause e cette nouvelle charge de 5, cette perte viendra réduire les capitaux propres (la ligne bénéfices accumulés). Si elle continue tout de même à avoir des bénéfices malgré cette charge, les capitaux propres continueront de grimper, ce qui reflète la réalité.
Là, je crains que ça ne devienne plus difficile à comprendre sur le paragraphe précédent, mais tout ce qu’il faut retenir, c’est que les bénéfices accumulés dont vous parlez, la société les as (éventuellement sous une autre forme: Actif au lieu de cash), et que si la valeur des actifs diminue, dont par l’amortissement, cette ligne diminuera éventuellement aussi si la société n’a pas assez de bénéfices pour couvrir cette diminution de la valeur des actifs. Quoi qu’il en soit, vous pouvez vous baser sur les chiffres des capitaux propres, il n’y a pas à prendre un compte la moindre baisse des actifs ou autre, c’est déjà pris en compte.
JL a écrit :
les capitaux apportés dans le passé ne reflètent pas la valeur actuelle.
Les capitaux propres dus aux actionnaires figurent à la ligne adéquate dans le bilan. Ils ont pu augmenter ou diminuer (d’ailleurs ils bougent en général à chaque bilan), mais tout ça est pris en compte, vous n’avez plus qu’à regarder le chiffre dans le bilan. Ce chiffre REFLETE la valeur actuelle de l’entreprise (pour ses actionnaires).
Si un actif vaut moins, il doit être déprécié. Imaginons qu’un immeuble prenne feu et soit totalement détruit, et pour diverses raison, l’assurance refuse de payer (ça n’est qu’un exemple). Et ben, ce bien sera totalement déprécié dans le bilan, sa valeur sera ramenée à 0, ce qui créera une charge de cette valeur sur l’exercice, qui générera potentiellement une perte et qui viendra en déduction des capitaux propres. C’est ce qu’il se passe lorsque vous entendez parler de sociétés US qui ont de grosses pertes dû à des "impairment".
JL a écrit :
Avez-vous étudié des cas de liquidation ? Ce serait instructif. Vous verrez que la liquidation ne se fait pas à la valeur comptable, et ce n’est pas parce que le comptable a mal fait son boulot
[EDIT: J’ai supprimé une phrase qui pouvait passer pour condescendante avant qu’elle ne m’attire potentiellement des ennuis ]
J’ai ouvert le bilan 2015 de Vet Affaires, et il fait apparaître des capitaux propres de 4,2 millions au 31/12/2015, effectivement en chute libre par rapport à l’année précédente. Il suffit d’éplucher les rapports et le bilan pour savoir pourquoi, ce que je n’ai pas envie de faire, mais je vous invite à le faire et vous pourrez nous en parler si ce dossier vous intéresse.
(Je vais me permettre de prendre les devants: Svp, cherchez d’abord et comprenez ce qu’il s’est passé avant de me dire: "Ha, vous voyez que les capitaux propres peuvent baisser très vite, parce qu’ils ne valaient pas, etc, etc …)
Ok, le pourquoi est simple, c’est le pourquoi du pourquoi qu’il faut chercher. Le pourquoi, c’est que Vet Affaires a aligné de belles pertes en 2014 et 2015, et de la même façon que les bénéfices viennent augmenter les CP (s’ils ne sont pas distribués), les pertes viennent les diminuer:
4,2 millions de CP pour 1,58 millions d’actions = 2,65 Euros de CP par action à fin 2015, potentiellement encore moins à l’heure où j’écris, ça c’était il y a 6 mois. Et ensuite, il faut regarder ce que sont les actifs de Vet Affaires, même si ça vaut réellement une certaine somme, à combien y aura-t-il un acheteur en fonction des actifs en question ? Une décote supplémentaire peut être nécessaire.
Dernier point: les liquidations, quelles qu’elles soient, sont notoirement connues pour monétiser TRES MAL les actifs. Il y a en général des enchères, c’est fait à la va vite, les acheteurs prennent leurs précautions en terme de prix offert parce qu’ils n’ont que peu d’informations sur les actifs et aucun recours ensuite (vendu "en l’état"). Et il faut déduire les frais pour les enchères + les frais pour le liquidateur.
Que les actionnaires de Vet Affaires ne touchent rien au vu des chiffres ci-dessus ne semble pas très étonnant.
Une entreprise est "vivante", les CP varient en quasi permanence, même s’ils ne sont réellement calculés que lors des rapports financiers, ça peut monter et baisser vite …
Dernière modification par Mevo (01/07/2016 17h51)