Je vais vous dire ce que je comprends :
Dans le cas d’un emprunt substitutif, sont déductibles en charges :
- les intérêts du nouvel emprunt,
- les frais liés à la mise en place du nouvel emprunt,
- les IRA de l’ancien emprunt
- et "le cas échéant, les intérêts compensatoires versés en cas de renégociation d’un prêt avec le même établissement"
C’est la jurisprudence introduite par la décision du Conseil d’Etat sus-citée, mais aussi, précédemment, par CE, arrêt du 5 octobre 2007, n°281658.
Cette jurisprudence de 2007 a bien été intégrée par l’administration fiscale : voir point 220 du Bofip.
Il n’y a donc pas de doute possible sur ce point : l’administration fiscale est "généreuse" sur l’acceptation en charges déductibles des frais de l’emprunt substitutif, c’est confirmé noir sur blanc par le Bofip. Il n’y a pas que les intérêts qui peuvent être pris, mais aussi les frais liés à la substitution.
Il faut bien sûr respecter la condition de la continuation de l’objet de l’endettement, c’est à dire qu’il faut qu’il soit bien clair que le nouveau prêt a pour objet de financer le bien immobilier (au travers du rachat de l’ancien prêt), et pas de financer au passage des choses qui n’ont rien à voir (une voiture, un autre bien immobilier…).
MAIS
L’administration fiscale précise, au même point 220 du bofip, qu’il faut alors faire un paquet "IRA + frais et intérêts du nouveau prêt", sur la durée du nouveau prêt, et les comparer au paquet des intérêts restant à payer sur l’ancien prêt.
Si le coût global du nouveau prêt est supérieur au coût de l’ancien prêt, alors le nouveau prêt n’est pas éligible en charges déductibles.
Je précise que dans mon exemple ci-dessus, je m’étais planté. La question n’est pas de savoir si le nouveau prêt coûte 3200 € d’intérêts/an et l’ancien 3000/an. Ca ne s’apprécie pas par année, mais sur la durée globale du prêt.
Et ça peut arriver même si le montant annuel est plus faible avec le nouveau prêt !
Exemple :
ancien prêt : 3000 €/an d’intérêts restant dûs, sur 10 ans : 30 000 €.
Nouveau prêt : 2500 €/an d’intérêts, sur 15 ans -> 15x2500 € = 37500 € d’intérêts : c’est râpé, ce nouveau prêt coûte globalement plus cher, donc ses intérêts sont non déductibles.
Cette interprétation de l’administration fiscale me semble justifiée par deux choses :
1) l’abus de droit, puisque la manoeuvre ne sert pas à économiser de l’argent sur le prêt, mais spécifiquement à payer moins d’impôts.
2) au moins sur l’IRA, la déduction est admise au titre de l’article 13 du CGI, c’est à dire que l’opération doit viser à conserver le revenu (c’est ce qu’explique le CE dans son arrêt de 2007). Or, avec un nouveau prêt qui coûte globalement plus cher que le précédent, le bailleur s’ajoute volontairement des charges, donc il baisse son revenu. Donc ce n’est pas éligible.
(par contre, les autres déductions, intérêt et frais, sont admises au titre de l’article 31 du CGI, où il n’y a pas cette notion de conservation du revenu, si j’ai tout bien suivi).
CONSEQUENCES
Peut-on choisir de baisser volontairement les intérêts déclarés, pour rester inférieur ou égal à ceux de l’ancien prêt ?
- sur les intérêts eux-mêmes, non. Car on lit au point 240 "les intérêts déductibles sont ceux qui ont été effectivement payés par le contribuable bailleur au cours de l’année d’imposition". On ne peut pas choisir de déclarer moins que la somme réelle, parce que ça nous arrange.
- par contre, je pense qu’on peut éviter de déclarer IRA et frais du nouveau prêt, si ça permet de passer.
Supposons que la somme des intérêts de l’ancien prêt restant dus corresponde à 30 000 € au total.
Supposons que la somme des intérêts du nouveau prêt est de 29000 €, mais que IRA et frais du nouveau prêt font passer cette somme à 32 000 € au total.
Je pense qu’on peut oublier de déclarer IRA et frais du nouveau prêt. On ne déduit que les intérêts du nouveau prêt ; comme ça on est bien à un niveau moindre que l’ancien prêt.
Mais… je n’en mettrais pas ma main au feu. Je pense que ça a 99% de chances de passer. Sachant que le justificatif, c’est le plan d’amortissement du nouveau prêt, comparé à celui de l’ancien : les IRA et les frais du nouveau prêt n’apparaissent pas sur ces documents (enfin j’espère). Sur ces justificatifs, on voit 29000 € d’intérêts au total sur le nouveau prêt, ce qui est inférieur à 30000 € restant dus sur l’ancien prêt : c’est bon.
Au pire, si jamais on était redressé et que l’inspecteur intègre IRA et frais, on pourra toujours dire qu’on n’avait absolument aucune idée que les IRA et les frais étaient déductibles ! Beaucoup de gens ignorant sans doute que c’est déductible, on pourra, à tout le moins, plaider la bonne foi.
AU FINAL
Si on veut être tout à fait sûr qu’on est dans les clous, on veillera à ce que le paquet "intérêts + IRA + frais du nouveau prêt", sur la durée du nouveau prêt, soit inférieur au paquet des intérêts restant à payer sur l’ancien prêt.
Donc, au final, comme le disait GBL, quand on prend volontairement un prêt plus long, si celui-ci coûte globalement plus cher en intérêt et en frais que le précédent, on risque de perdre la déductibilité des intérêts et frais du nouveau prêt. Et si on passe naïvement en charges déductibles ces intérêts et frais du nouveau prêt, on risque un bon gros contrôle fiscal suivi d’un redressement.
C’est en tout cas ce qui ressort clairement du BOFIP, qui est la bible que l’administration fiscale applique aveuglément.
Dernière modification par Bernard2K (26/05/2016 18h09)