Bonsoir Mafo,
Après des missions à court-terme dans une douzaine de pays africains (Algérie, Tunisie, Mauritanie, Guinée, Liberia, Cameroun, Gabon, Tchad, Tanzanie, Ouganda, Madagascar et… Seychelles), depuis juin je suis installé comme conseiller résident dans un pays francophone d’Afrique centrale (PIB / habitant comparable au Sénégal). Alors que j’étais dans une bulle hyper protégée (grands hôtels, chauffeurs etc.) pendant mes missions à court-terme, pour cette mission à long-terme je dois bien davantage m’intégrer à la vie locale (même si je suis très privilégié, évidemment).
Je donne des indications sur (1) le budget, (2) l’intégration à la vie locale, et (3) les banques - même si sur de nombreux points vous n’apprendrez rien (mais peut-être que ça peut être intéressant pour d’autres intéressés par l’expatriation en Afrique).
1) Budget mensuel
Loyer : 500.000 FCFA (750€) : plutôt que de vivre dans le quartier des expatriés, j’ai fait le choix de vivre en plein centre de la capitale, tout à côté de mon travail. Appartement spacieux (70m2 - je vis seul). Je suis apparemment le seul Européen dans mon quartier, mais c’est un quartier relativement sécurisé. Il faut faire attention dans le choix du quartier où on habite, car le niveau de sécurité est très variable : les forces de sécurité sont présentes dans les quartiers stratégiques, où résident les étrangers et les bourgeois locaux, beaucoup moins ailleurs. J’ai essayé de négocier mon loyer, en payant 6 mois à l’avance etc. J’aurais pu sans doute faire beaucoup mieux (mais bon, comme Européen il faut accepter de payer davantage) : un local peut très bien se loger à 300.000 FCFA (450€). Avant la signature du bail, il faut clarifier qui paye l’enregistrement (obligatoire) du bail et les taxes. Pour les procédures administratives comme l’enregistrement du bail, il vaut mieux donner 10.000 FCFA (15€) à l’agent immobilier pour qu’il s’en occupe, sauf si on aime perdre un temps infini dans les administrations ou si on est très à l’aise avec le versement de bakchiches aux fonctionnaires.
Gardien : 0 (compris dans le loyer pour moi), mais autour de 100.000 FCFA (150€) sinon. Là où je suis, il est très recommandé d’avoir des gardiens (jour et nuit), car les cambriolages sont fréquents. A discuter avec le bailleur. Si on passe par une société de gardiennage, compter minimum 100.000 FCFA pour un gardien. Eventuellement moins si vous embauchez directement un gardien. Le plus simple étant de choisir un appartement dans un immeuble avec gardiens (ce qui est mon cas).
Ménagère : 50.000-100.000 FCFA (75€-150€). J’ai embauché comme ménagère (courses, cuisine, linge) une des femmes de ménage de mon immeuble. Outre son salaire payé par mon bailleur (probablement <50.000 FCFA), je l’ai laissé fixer le niveau de sa "prime" : 50.000 FCFA / mois. Conditions de travail très dures : outre le salaire bas, elle n’a jamais eu de vacances et n’a évidemment ni assurance maladie, ni retraite. Donc je lui sers d’assurance-maladie (10.000 FCFA - 15€ = coût d’une consultation + médicaments si elle est malade).
Nourriture : 100.000 FCFA (150€) à l’africaine (via la ménagère), >300.000 FCFA (450€) à l’européenne. Les prix dans le Casino local sont 150-200% les prix français, pour les mêmes produits. Evidemment, pour réduire la note on peut choisir les marques locales. Perso je laisse faire ma ménagère : je lui donne 25.000 FCFA par semaine et elle cuisine à sa façon (même si je l’oriente sur mes goûts).
Transports : 20.000 FCFA (30€) pour taxis occasionnels, ou jusqu’à 300.000 FCFA (450€) pour une voiture avec chauffeur. En prenant un logement en plein centre-ville, près de mon travail, je peux me contenter de taxis occasionnels. Fixer la note d’autorité en montant dans le taxi : je paie le double (ou plus) des locaux, en gros 1000 FCFA (1,5€) pour une petite course, 2000 FCFA (3€) pour une longue course, en "dépôt" (seul dans le taxi, et non à 15 comme le font la plupart des locaux). Pas de taxi-moto ici (dans les capitales africaines où ils sont populaires comme Conakry et Kampala, beaucoup d’accidents et d’estropiés : faire attention). Je m’étais renseigné pour embaucher un chauffeur : en gros 100.000 FCFA si vous fournissez le véhicule, jusqu’à 300.000 FCFA si vous prenez le chauffeur avec son véhicule (mais sans doute moyen de baisser ce tarif).
Pressing : 10.000 FCFA (15€) (pour mes uniformes de travail).
TV : 12.000 FCFA (20€) pour Canal+
Portable / internet : 13.000 FCFA (20€)
Frais bancaires : 10€ (frais de retraits de mon compte français, je n’ai pas de compte africain)
Soit en gros 700.000 FCFA (1.070€) par mois de dépenses courantes locales en vivant confortablement (bourgeoisement selon les critères locaux), en plein centre ville.
A cela il faut ajouter :
- Les voyages en avion en Europe : onéreux (compter environ 1000€ par voyage, et réserver bien à l’avance). Une fois par trimestre.
- Mes divers abonnements français et internationaux (j’ai mis la dose pour ne pas mourir d’ennui : 150€ / mois, en comptant mon abonnement téléphonique français, que j’ai gardé).
En gros je tourne à 20k€ / an de dépenses courantes, dont 13-14k€ / an de dépenses courantes locales.
2) Intégration à la vie locale
- Déléguer et tenir son "statut", sans ostentation : il est attendu et normal, pour un Européen, d’employer des locaux. Ce sont des emplois appréciés (évidemment un peu "surfacturés" par rapport aux prix locaux, mais à des prix dérisoires comparé à l’Europe). Un Européen qui ne le ferait pas est perçu comme pingre. Il faut apprendre à déléguer et faire confiance aux locaux, ce qui permet de nouer et entretenir des relations mutuellement bénéfiques.
- S’intégrer dans des réseaux : tous mes collègues sont africains et aiment partager des moments ensemble après le boulot (par exemple pour le foot, merveilleux moyen de partage). Je fais des footings avec eux, ils me ramènent chez moi quand on finit tard au boulot. Outre l’aspect convivial, c’est crucial d’avoir des amis locaux pour ne pas se faire systématiquement pigeonner, comprendre les "trucs" locaux et parfois aussi pour la sécurité (on n’est pas toujours conscient des risques). Pour ceux que ça intéresse, la religion me semble aussi un bon moyen de networking et de convivialité (ils sont très religieux ici).
- Etre ouvert à des relations sociales plus directes : c’est fréquent de se faire contacter sur Whatsapp à propos de tout et de rien (un chauffeur de taxi qui m’envoie une image religieuse, un agent immobilier qui me demande de mes nouvelles, un collègue qui m’envoie des blagues etc.). Bien sûr certains de ces contacts peuvent être motivés par l’espoir d’un emploi, mais généralement c’est de la simple cordialité, à accepter sans réserve.
- Manger africain. Je mange tout ce qu’on me donne ("prunes" locales, ndolé, folon, patates douces, succulents ananas…), j’oublie la nourriture européenne. C’est un signe d’intégration symbolique mais apprécié je pense.
En fait je ne fréquente quasiment pas d’Européens (peu nombreux ici), même si je suis allé récemment pour la première fois au centre culturel français.
3) Banques
Je n’ai pas de compte bancaire en Afrique, mais je connais professionnellement la plupart des groupes bancaires panafricains.
Je pense qu’il faut être prudent et sélectif dans le choix de sa banque africaine. Sur celles présentes au Sénégal que je connais, je distinguerais :
- BICIS (BNP Paribas) et SocGen sont évidemment les moins risquées
- Ecobank (Togo), CBAO (Attijariwafa / Maroc) et Bank of Africa (BMCE / Maroc) représentent le haut du panier parmi les banques africaines. Les banques marocaines Attijariwafa et BMCE s’étendent progressivement dans toute l’Afrique, notamment en reprenant les filiales de groupes bancaires français. La qualité de la gestion de ces groupes se rapproche des banques européennes.
- UBA (Nigeria), BGFI (Gabon), BSIC (Banque Sahélo-Saharienne pour l’Industrie et le Commerce, Libye) et Orabank (Togo) sont nettement plus risquées.
- Quand aux banques purement nationales, en général elles sont encore plus risquées (mais je ne connais pas les banques purement sénégalaises).
Attention aussi aux frais facturés pour les virements depuis la France et aux frais de conversion, qui peuvent être importants.