L’action Bank of Cyprus à Londres n’est pas au top non plus… Perso, je ne crois pas que ce soit dû aux sanctions contre la Russie, car le CEO John Hourican a pris soin de distancier la banque de cette clientèle (vente de certains actifs russes etc.). Je ne suis pas sûr du déclencheur éventuel, mais le contexte ces derniers temps à Chypre n’est pas très porteur pour les banques chypriotes :
1) Rumeurs (sans doute injustifiées) d’un nouveau bail-in, en lien avec la situation de la Cooperative Central Bank (CCB) : la fuite de dépôts a forcé l’Etat chypriote à déposer 2,5 milliards € dans cette banque début avril. L’Etat chypriote, actionnaire à 99% de cette banque (aux pratiques de prêt et gestion des risques pour le moins créatives, voir ici par exemple), lui cherche actuellement un repreneur, ou au moins un acheteur pour certains actifs. Evidemment, ce serait une très mauvaise idée que l’Etat "invite" Bank of Cyprus à se lancer dans une telle opération : la qualité des actifs de CCB est remarquable, avec plus de 50% de NPLs même 5 ans après le début du programme FMI/UE… Moody’s a récemment downgradé CCB, à cause d’un manque de capital (malgré un ratio de solvabilité optiquement suffisant). Il semble heureusement qu’il y aurait d’autres repreneurs, mais à Chypre rien n’est jamais certain.
2) Difficultés d’une grande entreprise de BTP chypriote, J&P Overseas : apparemment elle ne paie plus ses employés en Arabie Saoudite. Les banques chypriotes (dont probablement Bank of Cyprus) sont exposées à cette entreprise (apparemment à hauteur de 1 milliard €).
3) Tensions entre partisans de la vieille pratique chypriote "Les créances en souffrance, c’est pas grave, on est entre amis, on ne change rien" et le CEO Hourican, qui demande des changements législatifs pour faciliter le processus de forclusion. Voir ici et là, par exemple. Perso je pense que c’était une erreur pour Chypre de sortir du programme FMI/UE de façon anticipée en 2016 : sans ces aiguillons extérieurs, il semble que les vieilles pratiques reprennent le dessus (malgré les efforts louables d’Hourican).
4) Le contexte géopolitique est tendu : les bases britanniques à Chypre ont été utilisées pour frapper le régime Assad, et les Chypriotes craignent des représailles russes. Cela dit, je ne crois pas que ce soit un facteur pertinent sur Bank of Cyprus, je parie plus sur l’incertitude liée à CCB.
Au final, peut-être qu’un investissement sur Bank of Cyprus est jouable, pour un investisseur avec un appétit certain pour le risque : le CEO est très bon (mais peut-être désormais isolé ?) et Bank of Cyprus n’a plus besoin de liquidité d’urgence (ELA) depuis 2017. Le gros problème demeure les NPLs, avec malheureusement des risques d’interférences politiques.