4 #1 26/09/2012 18h52
- thomz
- Membre (2011)
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Après Rheinmetall, continuons notre dissection des petites capitalisations allemandes à revenus résilients et bilans en béton armé.
Après les canons, les missiles et les moteurs, accordons-nous un peu de détente et versons dans le trivial.
Le patient du jour s’appelle Bijou Brigitte AG - et comme son nom le laisse entendre, c’est une franchise de bijoux fantasie.
J’ai tout de suite été séduit par le nom ridicule.
Rapide tour d’horizon
Bijou Brigitte est une chaine de 1175 magasins (un tiers en Allemagne, les deux tiers à l’étranger, principalement en Europe) et propose plus de 9000 références. C’est le royaume de la camelote fantasie made in china et le paradis des adolescentes de banlieue.
L’expansion internationale du groupe continue - 60 magasins ouverts en 2011.
Toutefois, 52 magasins ont fermé cette même année (risque élevé d’échec commercial? volonté du groupe de maximiser la profitabilité? Nous verrons plus tard).
Dans la liste des pays où BB est présente: Allemagne, HK, France, Belgique, Suisse, Espagne, Italie, Portugal, Hollande, Finlande, Norvège, Suède, Hongrie, Republique tchèque, USA, Estonie, Bulgarie, Turquie, Brésil.
Les implantations en Belgique, au Bresil, en Norvege et en Suisse sont récentes (2011).
Le groupe ambitionne aussi de s’installer durablement aux USA (pour l’instant seulement 6 magasins) toutefois cette expansion outre-atlantique est sujette à caution - hors automobile, les marques allemandes ont rarement rencontré le succès chez les Américains.
Bijou Brigitte emploi 3319 personnel à plein temps. Friedrich W. Werner, le fondateur et président du groupe (et accessoirement le type sur la photo ci-dessous) possède 50.4% des parts - les intérêts des actionnaires sont donc bien indexés sur ceux du président.
La firme a aussi racheté 2,6% de ses actions.
Les présentations étant faites, passons au sujet qui nous intéresse: le fric, le flouze, la thune, le pognon, le cash, bref, combien ca rapporte ce Bijou machin?
Le business
Bijou Brigitte AG enrengistre un revenu annuel normalisé sur les sept derniers exercices fiscaux de 360 millions d’euros.
La profitabilité est incroyable, avec une marge brute normalisée sur la même période de 85% (Guess: 43%, Metro: 21% et Tiffany: 57%) et une marge opérationelle normalisée de 29% (Guess: 14%, Metro: 3% et Tiffany: 17%)
Toutefois, les marges opérationelles de Bijou Brigitte’s sont en déclin continu depuis 2007, la faute à des coûts de main-d’oeuvre (chinoise) et de matières premières en hausse.
Il est incertain que l’érosion des marges (37% en 2005, 19.6% en 2011) soit imputables à ces seuls élements .
Par ailleurs l’inévitable baisse de l’euro - bien qu’encourageante pour l’Europe, qui retrouvera sa compétitivité à l’exportation) - risque d’altérer encore plus les marges de la société, qui perdra son avantage monétaire à l’importation.
Le management n’aura alors d’autres choix que de relever leurs prix, au risque de faire fuir leur clientèle traditionellement peu disposée à supporter les hausses de prix, et également au risque de perdre leur principal avantage compétitif.
Ces difficultés structurelles ont négativement impactés les retours, remarquables en 2005 (RoE: 46%, RoA: 36%, RoIC: 45%) mais juste satisfaisants en 2011 (RoE: 19%, RoA: 16%, RoIC: 19%).
Notons que la performance demeure très honorable…. Toute la question est de savoir si elle tenable!
Bijou Brigitte présente un magnifique bilan, avec une position net cash de 174 million d’euros (38% de la capitalisation) et zéro dettes.
Ceci signifie que l’actionnaire qui investit 1,000,000 d’€ dans Bijou Brigitte aujourd’hui récupère directement 380,000€ - une marge de sécurité fort appréciable!
La société à 297 millions d’euros à l’actif et 41 millions au passif. Ce bilan en acier est dynamisé par un free cash flow normalisé sur les cinq dernières années équivalent à 64 millions d’euros par an, soit un retour en cash de 15% par an.
Bijou Brigitte puise dans cet abondant FCF pour payer un (trop?) généreux dividende de 6,7% à ses actionnaires.
L’investisseur prudent est en droit de questionner la pérennité des revenus et du dividende si l’érosion des marges s’avérait irréversible. C’est là le point critique du dossier.
A la lecture du rapport annuel, on remarque que le management insiste fortement pour attribuer ces diffultés à la grande crise qui à débuté en 2007 - ce qu’on retrouve effectivement dans les chiffres.
Mais l’alibi est un peu trop facile….
Le prix
Au jour d’aujourd’hui, Bijou Brigitte AG et son business sont à vendre pour 460 millions d’euros, malgré un revenu net normalisé sur sept ans de 70 millions d’euros/an.
En exluant toute croissance future et en assumant que la société parvient à stabiliser ses marges et ses ventes, l’investisseur peut donc miser sur un attractif ROI de 10%/an.
Toutefois, le marché n’a pas manqué de sanctionner Bijou Brigitte pour la dégradation de ses résultats; la capitalisation de la société a fondu de moitié depuis le début des troubles européens en Grèce au début 2010
Bijou Brigitte est valorisée à un P/E de 9 (industrie:18), un P/S de 1.2 (industrie:2) et un P/CF de 6.4 (industrie:16).
Nous rappellons que cette faible valorisation est imputable à (1) la crise en Europe et la demande qui s’affaiblit et à (2) l’érosion des marges opérationnelles au fur et à mesure que les couts de production (main d’oeuvre et matériaux) augmentent - depuis quatre années consécutives maintenant.
Si (1) ne suscite guère d’inquiétudes - même l’investisseur prudent peut parier que les jeunes filles ne cesseront pas d’acheter de la bijouterie fantasie dans le futur - il appartient au management de Bijou Brigitte de prendre les mesures nécessaires pour pallier le problème (2) - et pour l’instant, hormis quelques annonces de réduction du personnel, rien n’est fait.
Garde t-a camelote chinoise garcon, et fais plutôt voir le pognon
B.Graham a écrit :
I am no longer an advocate of elaborate techniques of security analysis in order to find superior value opportunities.
L’investisseur qui achète une action Bijou Brigitte au prix de 57€ aujourd’hui obtient 32€ en book value (dont 21€ en net cash) et 7€ en free cash flow.
Toute croissance excluse, l’investisseur achète donc les actifs de la société et quatre années d’exercice (32€ + [7€ x 4 ans] = 60€)
Après ces quatre ans, tout le cash qui découlera du business de Bijou Brigitte sera le bonus net de l’investisseur!
Un deal que l’investisseur prudent ne manquera de trouver fort séduisant.
Etablissons néanmoins quatre hypothèses en nous basant sur les éléments suivants: un prix/action de 57€, une position net cash/action de 21€, un FCF/action de 5€ (nous assumons que les marges vont continuer à s’éroder et le revenu net à décliner) et une book value hors cash/action de 3€ - c.a.d, à peine un tiers de la book value hors cash: (32€ - 21€)/3= 3€.
-
(1) court-terme, déclin du FCF, zéro croissance / très conservateur
(Cash par action) 21€ + (FCF par action) 5€ x 5 ans + (33.3% de la book value hors cash) 3€ = 49€
L’investisseur paie une prime de 8€ pour acquérir un titre de propriété du business de Bijou Brigitte.
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(2) moyen-terme, déclin du FCF, zéro croissance / très conservateur
(Cash par action) 21€ + (FCF par action) 4€ x 8 ans + (33.3% de la book value hors cash) 3€ = 56€
L’investisseur paie une prime de 1€ pour acquérir un titre de propriété du business de Bijou Brigitte.
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(3) court-terme, déclin du FCF, 5% croissance de la book value / optimiste
(Cash par action) 21€ + (FCF par action) 5€ x 5 ans + (33.6% de la book value hors cash) 3€ a 5%/an x 5 ans = 49.5€.
L’investisseur paie une prime de 7.5€ pour acquérir un titre de propriété du business de Bijou Brigitte.
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(4) moyen-term, FCF stable, 5% croissance de la book value / optimiste
(Cash par action) 21€ + (FCF par action) 7€ x 8 ans + (33.6% de la book value hors cash) 3€ a 5%/an x 8 ans = 80.80€
L’investisseur obtient une marge de sécurité de 23.80€ à l’achat d’un titre de propriété du business de Bijou Brigitte.
Checklist
(1) Un business que nous comprenons bien - CHECK
(2) Des revenus prévisibles - NON
(3) Un avantage compétitif tangible et durable - NON
(4) Un prix attractif et une marge de sécurité suffisante - INCERTAIN
(5) Un management capable et intègre - INCERTAIN
notes
(5) se base sur les performances passées.
Verdict?
Passer, mais ré-évaluer si l’action côté sous les 40€.
Dernière modification par thomz (08/10/2012 15h45)
Mots-clés : action, allemagne, investir, valorisation
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