Howard Marks a écrit :
Que faire ?
Ces jours-ci, les gens me demandent si c’est le moment d’acheter. Ma réponse est plus nuancée : c’est probablement un bon moment d’acheter. Il ne peut y avoir de moment d’achat unique que nous puissions identifier. La seule chose dont nous pouvons être sûrs aujourd’hui, c’est que les cours des actions, par exemple, sont beaucoup plus bas en valeur absolue qu’il y a deux semaines.
Les cours des actions vont-ils diminuer dans les jours, les semaines et les mois à venir ? C’est la mauvaise question à poser… parce qu’il est impossible d’y répondre. (…). Nous savons que le marché a baissé de 13% en 7 jours de bourse. Il n’y a absolument aucune raison de conclure qu’il perdra encore 13% dans les semaines à venir - ou qu’il augmentera d’autant - car la réponse sera principalement déterminée par l’évolution de la psychologie des investisseurs. (…)
Au lieu de cela, l’investissement intelligent doit être basé - comme toujours - sur la relation entre le prix et la valeur. En d’autres termes, il ne s’agit pas de savoir si l’effondrement ira plus loin, mais plutôt si l’effondrement actuel a permis d’établir un prix correct pour les actions, si elles sont surévalués par rapport aux fondamentaux ou sont devenues bon marché. Je ne doute pas que l’évaluation du prix par rapport à la valeur reste le moyen le plus fiable d’investir à long terme. (…)
Je tiens à préciser que la détermination de la valeur intrinsèque n’est jamais une chose simple et évidente. Maintenant - étant donné la possibilité que le virus fasse que le monde du futur soit très différent de celui que nous connaissions - est-il impossible de se fier à la valeur intrinsèque ? En bref, je ne le pense pas.
Ce que je pense, c’est que le coronavirus n’est pas une répétition de la pandémie de grippe espagnole de 1918, "qui a infecté environ 500 millions de personnes dans le monde entier - environ un tiers de la population de la planète - et a fait entre 20 et 50 millions de victimes, dont 675 000 Américains" (history.com). Il s’agit plutôt d’une maladie saisonnière de plus, comme la grippe, que nous connaissons depuis des années, pour laquelle nous avons développé des vaccins et que nous avons appris à gérer. La grippe tue environ 30 000 à 60 000 Américains chaque année, et c’est terrible, mais c’est très différent d’un fléau ingérable.
Ainsi, lorsque nous en aurons appris davantage sur le coronavirus et mis au point un vaccin, il me semble qu’il est peu probable qu’il change fondamentalement et durablement la vie telle que nous la connaissons, qu’il rende le monde du futur méconnaissable et qu’il décime les entreprises ou rende leur valorisation impossible (oui, c’est une supposition : nous devons en faire quelques-unes).
La bourse américaine est en baisse d’environ 13% par rapport à son niveau le plus élevé. C’est une forte baisse. Ce serait beaucoup d’accepter que le monde des affaires américain - et les flux de trésorerie qu’il produira à l’avenir - valent aujourd’hui 13% de moins qu’ils ne valaient le 19 février. Cette phrase peut donner l’impression que je pense que le marché est sous-évalué. Mais ce n’est pas la bonne interprétation. S’il était surévalué le 19, au lieu d’être sous-évalué aujourd’hui, après la baisse, il pourrait tout simplement être moins surévalué. Ou il pourrait être évalué à sa juste valeur, voire sous-évalué, mais pas nécessairement.
Je pense que les actions été surévaluées il y a deux semaines… quelque peu. Cela signifie qu’aujourd’hui, même si les perspectives à court terme des entreprises ont quelque peu diminué, elles sont plus proches de leur juste valeur, mais sans forcément être largement sous évaluées. En termes purement numériques, avant la déroute, le PER du S&P 500 était de 19, soit environ 20 % de plus que la moyenne de l’après-guerre (et il y a des arguments des deux côtés concernant l’applicabilité actuelle de cette moyenne). Ainsi, après une baisse de 13%, on peut dire que ce ratio est assez proche de la moyenne (à moins que les chiffres d’affaires de l’année ne soient très différents de ce qu’ils étaient censés être).
Acheter, vendre ou conserver ? Je pense que c’est raisonnable d’acheter, parce que les actions sont moins chères. Mais il n’y a pas d’argument logique pour dépenser toutes vos liquidités, étant donné que nous n’avons aucune idée de l’ampleur des événements futurs négatifs. Ce que je ferais, c’est déterminer combien vous voudrez avoir investi au moment où le plus bas sera atteint - quel qu’il soit - et en dépenser une partie aujourd’hui. Les actions peuvent arrêter de baisser et remonter, et vous serez heureux d’en avoir acheté. Il se peut aussi qu’elles continuent à baisser, auquel cas il vous restera des liquidités (et, espérons-le, le courage) pour en acheter d’autres. C’est la vie pour les gens qui acceptent de ne pas savoir ce que l’avenir leur réserve.
Mais personne ne peut vous dire que c’est le moment d’acheter. Personne ne le sait.